(Onze heures seize
minutes)
M. Péladeau :
Bonjour. Mesdames et messieurs, chers compatriotes, mes premiers mots vont aujourd'hui
à Mme Lisette Lapointe et à la famille de M. le premier ministre Jacques
Parizeau. Je vous offre, au nom de l'équipe du Parti québécois, mes sincères
condoléances.
M. Parizeau est
un homme d'exception. Il a été un grand serviteur de l'État. Il a fait le choix
de consacrer sa vie à ses concitoyens et à ses compatriotes. Il leur a offert
un des plus beaux legs : la modernité. Jacques Parizeau, M. Jacques
Parizeau, c'est l'homme de la modernité du Québec.
La liste des
réalisations de ce grand homme d'État est impressionnante. Pensons à cette
participation à ce geste significatif d'affirmation nationale que fut la
nationalisation des compagnies d'électricité. En tant que conseiller économique
et financier du premier ministre Jean Lesage, c'est Jacques Parizeau qui a
obtenu un prêt important auprès des institutions financières américaines, alors
que les syndicats financiers de la rue Saint-James et de Toronto s'opposaient à
cette nationalisation.
Grâce à sa
détermination, il offrit aux Québécois l'émancipation financière et la liberté
de faire ses propres choix. Premier Québécois à obtenir un doctorat de la
London School of Economics, le professeur des HEC Jacques Parizeau a contribué
à l'émergence d'une nouvelle génération de financiers et d'économistes québécois
francophones. Il initia ou participa à la création des plus importants leviers économiques
de notre nation : la Régie des rentes, la Caisse de dépôt et de placement
du Québec ainsi que la Société générale de financement.
Comme ministre des Finances du premier
ministre René Lévesque, il institua le Régime épargne-actions qui faisait la
promotion des entreprises québécoises ainsi que de la littéracie financière. Son
apport est aussi considérable pour la création du Fonds de solidarité de la
FTQ. Ces deux institutions s'ajoutent à ces outils de développement qui sont
partie intégrante de notre société. Ils ont permis à l'État de soutenir les
entreprises d'ici depuis plus de 50 ans. Je salue d'ailleurs l'initiative
du premier ministre Couillard de baptiser l'édifice abritant la Caisse de dépôt
et de placement du Québec à Montréal l'édifice Jacques-Parizeau.
J'ai eu l'occasion de passer quelques
moments avec M. Parizeau il y a quelques années. J'avais sollicité une
rencontre, que j'ai obtenue avec lui, à son domicile de l'Île-des-Soeurs. J'ai
eu avec lui une discussion autour du service public, de l'intérêt public et de
l'intérêt du Québec. C'est à partir de ce moment-là que ma réflexion s'est
entamée sur mon propre engagement en politique pour l'indépendance du Québec.
Il est, pour moi, une grande source d'inspiration à l'égard de l'action
politique qu'il a enteprise, mais aussi et surtout pour l'audace et l'ambition
qu'il a toujours eues pour le Québec, les Québécoises et les Québécois.
La profondeur de ses convictions n'a
jamais fait aucun doute. Tout au long de sa vie, liée entièrement au
développement du Québec moderne, M. Parizeau a profondément cru à la
capacité des Québécois et des Québécoises à devenir réellement maîtres de leur
destinée et de leur avenir. Grand intellectuel et économiste réputé, Jacques
Parizeau a mené sa vie publique avec droiture, intégrité et courage. Grâce à
lui et à de très rares autres, la nation québécoise a franchi les portes de la
modernité jusqu'aux abords du pays du Québec. Il a été la bougie d'allumage
pour les Québécois pour nous faire comprendre que tout était possible pour nos
ambitions, ici comme ailleurs, sur toutes les tribunes.
Chaque Québécoise et Québécois porte, en
quelque sorte, une partie de l'héritage de Jacques Parizeau. Le meilleur
hommage qu'on puisse lui rendre, c'est de continuer. Son oeuvre est inachevée,
mais le chemin est tout tracé. Nous suivrons ses pas. Comme il l'a dit, la
Révolution tranquille a été l'oeuvre de quatre ministres, d'une vingtaine de
fonctionnaires et d'une vingtaine de chansonniers et de poètes.
Merci, M. Parizeau, d'avoir été l'un de
ces grands fonctionnaires, l'un de ces poètes et l'un de ces grands citoyens.
Vous êtes pour toujours un géant du Québec. Merci, M. Parizeau.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup, M. Péladeau. On va y aller avec deux questions en français, deux
questions en anglais. Merci de vous identifier.
M. Laforest (Alain)
:
Alain Laforest, TVA. Bonjour, M. Péladeau. Vous en avez brièvement parlé, quel
impact, quelle influence il a eus sur votre très court parcours politique et
sur l'avenir que ce parcours aura?
M. Péladeau : Écoutez,
clairement, donc, tous les gestes qui ont été posés par M. Parizeau, tous les
gestes qui ont donné confiance, à travers l'État, à de nombreux citoyens qui
ont pris leur place au sein de cette institution qui nous permettait justement
de s'engager dans l'affirmation a été également suivi par la venue et
l'émergence d'entrepreneurs tels que mon père. Alors, autant à ce dernier qu'à
M. Parizeau, à l'orée de cette volonté de se prendre en main, à l'orée de faire
en sorte que nous puissions donc contrôler les leviers et les outils de notre
développement économique m'a interpellé intellectuellement, à un certain moment
de ma vie, pour me demander intérieurement si j'allais consacrer toute ma vie,
ma carrière, donc, au développement de l'entreprise que mon père m'avait
léguée.
J'ai pris cette décision après avoir consulté
M. Parizeau, notamment. Et je tiens à le réitérer, sur le service public, lorsque
vous avez eu le privilège et le bénéfice de pouvoir compter sur des
institutions, comme celles dont est à l'origine M. Parizeau, je pense que la destinée
naturelle également d'un citoyen, c'est de vouloir redonner tout autant, et
c'est le sens de mon engagement politique, et c'est le sens de ma volonté de
faire du Québec un pays.
Mme Dufresne (Julie)
:
Bonjour, M. Péladeau. Julie Dufresne, Radio-Canada. Quelle responsabilité
sentez-vous que votre parti a, à l'égard de M. Parizeau, dans l'hommage, par
exemple, que vous allez lui rendre?
M. Péladeau : Indéniablement,
M. Parizeau est une figure de proue, et je dirais même davantage, encore une
fois, une source d'inspiration permanente, et le rôle qu'il a joué à
l'intérieur du Parti québécois, le rôle qu'il a joué au sein de la collectivité
du Québec, le rôle qu'il a joué dans l'objectif, qui est l'article 1 du Parti
québécois, de vouloir faire du Québec un pays est incontournable. Donc, le rôle
du Parti québécois aujourd'hui, en ce triste moment de sa disparition, est lui
aussi incontournable. Et je me joins à tous les militants et les militantes du
Parti québécois et au-delà également… comme l'ont mentionné ceux qui m'ont
précédé à cette tribune, dont notamment le premier ministre Couillard et le
chef de la Coalition avenir Québec, François Legault. Donc, je me joins à eux,
au-delà des allégeances politiques, pour saluer l'oeuvre de M. Parizeau.
Mme Dufresne (Julie)
:
On sait par contre que M. Parizeau n'avait plus sa carte du Parti québécois. Est-ce
que vous retirez des leçons de ce qu'il a fait et même des messages qu'il a
envoyés jusqu'à la fin de sa vie?
M. Péladeau : Ce dont je ne
doute jamais et aucunement, ce sera que M. Parizeau était engagé pour faire du Québec
un pays.
Le Modérateur
: Merci.
En anglais.
M. Robillard (Alexandre)
:
…
Le Modérateur
: C'était
deux, deux.
M. Robillard (Alexandre)
:
Ah! C'est deux, deux.
M. Péladeau : On va laisser M.
Robillard…
Le Modérateur
: Oui.
Allez-y, M. Robillard. Allez-y.
M. Robillard (Alexandre)
:
C'est gentil. Pour faire suite à ce que Julie évoquait, en septembre dernier,
M. Parizeau avait eu des mots très durs, il avait dit que les
souverainistes étaient devant un champ de ruines. Il avait critiqué le Parti
québécois aussi pour le flou entourant l'échéancier référendaire.
Est-ce que ces prises de position là ont
été une source d'inspiration pour vous dans vos propres prises de position par
la suite?
M. Péladeau : J'ai mentionné
que j'avais rencontré M. Parizeau il y a de ça quelques années. J'ai eu
également aussi, par la suite, le privilège de le rencontrer de nouveau et je
pense qu'à cet égard, dès le jour de mon engagement en politique, c'est-à-dire
l'annonce de ma candidature, j'ai aussi pris le temps de lui annoncer et de
bien faire état de ce que constituait ma conviction et la volonté de mon
engagement.
Je pense qu'il s'est réjoui de cette
situation. Je pense qu'encore une fois durant la course, c'est vrai en ce qui
me concerne, mais je pense que c'est également vrai à ceux qui ont participé à
cette course, que l'engagement des militants, de l'aile parlementaire et des
sympathisants du Parti québécois, je dois avouer que je le sens sincèrement et
de façon authentique, puisque la course nous a permis aussi de rencontrer de
nombreux militants et militantes, mais pas uniquement des militants, des
sympathisants et aussi une grande partie de la population. Je le sens aussi actuellement,
donc, durant ces partielles qui sont en train de se dérouler, que le Parti
québécois est résolument engagé pour faire du Québec un pays.
Le Modérateur
: Merci.
M. Harrold.
M. Harrold (Max) : Yes. Hello, sir. How would you describe the way he influenced you
to get into politics?
M. Péladeau : Well, we all know that Mr. Parizeau… obviously, he was, you
know, very rational, and, you know, his pedigree, I would say, is… he was a
professor, he was a graduate of the London School, he was involved in many
things, you know. That would be considered highly rational. He participated at
the emergence of this modern Québec.
But I would also say that
he was passionate. He was a man of passion, he was really believing, you know,
in what he was considering the best way for Québec to enrich itself and it was the independence of Québec.
So, he was, as I just
mentioned, you know, a nice mix and a very effective one of passion and
rationality.
Le Modérateur
: Mme Plante.
Mme Plante (Caroline)
: Mr. Péladeau, you talked about a meeting in Île-des-Soeurs. What
did he say that convinced you to run for office?
M. Péladeau : Well, it was, you know, the beginning of a conversation with him.
We talked about public service and… because, as you know, you know, he was…
there's a notion, and I don't know, you know, if this notion is as strong in English as it is in France — in French and in France, I would say — it's
what we call «service public» or public service. It was something that, you
know, you devote to what you consider being an ideal, what you consider, you
know, doing in the best interest of the ones who live around you. The things
that you consider, you know, a strength, the things that you consider, you
know, what you would like to realize and what we should consider. And I was
saying : It's even more true today than it was a few decades ago. It's
that we have the political maturity, you know, to have our own country. So I
think that what he did, what he teach us and what he inspired us is something
that Quebeckers would never forget.
Mme Plante (Caroline)
:
So what's left of his sovereignist project?
M. Péladeau :
I think his… sorry about that, I would say it's alive and kicking and I would
say that I'm completely in this direction. I think that there's no doubt about
the sense of my political engagement and I would follow the footsteps of Mr.
Parizeau.
Le Modérateur
:
Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Bonne journée.
(Fin à 11 h 32)