(Onze heures quarante-cinq minutes)
Mme Massé : Alors, bien,
bonjour, tout le monde. Bien, vous comprendrez bien qu'on est super heureuses
de voir cette politique-là atterrir. On pense qu'une fois de plus le Parlement
du Québec a pris les devants, et je pense, pour y avoir travaillé depuis le
tout début… Comme vous le savez peut-être, Françoise, lors des événements de
l'automne dernier, est allée voir le président en disant : Mais, coudon,
ce qui se passe à Ottawa, si ça se passait ici, qu'est-ce qu'on a comme
protection? Et la réponse a été immédiate du président, il a dit : Il faut
qu'on prenne ça au sérieux.
Et on se retrouve donc, à peine six mois
plus tard, avec une politique qui a été un travail collectif important, et moi,
c'est ça que je retiens de cette expérience. Le cercle des femmes, qui est une
instance qu'on se demande toujours un peu à quoi elle sert, bien, elle sert à
se nommer des choses, des vraies choses qui nous arrivent, nous, les femmes. Et
très rapidement on a pris conscience qu'il fallait le faire main dans la main
avec les hommes. Donc, le groupe mixte a travaillé en collaboration avec du
soutien du personnel de l'Assemblée nationale, a travaillé à, je dirais,
accoucher de cette politique de laquelle nous sommes très fières.
Mme Biron (Martine)
:
Alors, on ne l'a pas lue parce que ça vient juste de sortir, mais la grande question
sur ces politiques-là, c'est de savoir si elle a des dents, parce qu'on est quand
même dans un milieu, ici, assez particulier, où c'est très intimidant, des
fois, de porter plainte. Alors, expliquez-nous jusqu'à quel point cette politique-là
a des dents.
Mme Massé : Oui. Bien, absolument.
Alors donc, disons, des dents… on va appeler ça des conséquences, on va appeler
ça de… Tu ne peux pas faire, poser des gestes de harcèlement sans impunité. Il
y a tout un mécanisme — vous aurez la chance de le découvrir — il
y a tout un mécanisme où, dans le fond, tu es répondant face à quelqu'un qui
joue un rôle en autorité.
Alors, c'est évident… Puis c'est la beauté
de cette politique-là, c'est que, que tu sois un travailleur, travailleuse d'un
comté ou ici même, à l'Assemblée nationale, dans un bureau de whip, un bureau
de leader ou le bureau du chef, c'est qu'il y a une mécanique qui est mise en
place, et tu… les personnes qu'on nomme là-dedans en autorité… parce que des
fois, pour un député, ça ne peut pas être ton boss, tu n'as pas de boss. Mais
par contre on s'est dit, en discutant ensemble, que le whip avait un rôle à
jouer par rapport à ça. Quand on est des députés indépendants, on n'a pas de
boss, alors on s'est dit : Bien, peut-être que, là, c'est le secrétaire
général qui doit jouer un rôle à ça. Alors, voyez-vous, on a essayé vraiment
et, grâce à la collaboration de l'ensemble des personnes autour de la table, de
tous les partis, on a vraiment essayé de faire en sorte de protéger l'ensemble
des personnes.
Les conséquences? Bien, dans les faits, il
retourne… il relève, pardon — voilà le mot que je
cherchais — il relève de chacune des personnes en autorité de voir à
appliquer la conséquence la plus juste. C'est évident que, comme élu, c'est… on
ne peut pas désélire quelqu'un, hein? Ça ne fait pas partie de nos
prérogatives. Mais là on pense que les gens sont capables d'imaginer ce qui
pourrait arriver, dans la mesure où il y aurait un abus réel.
Mme Dufresne (Julie)
:
Mais est-ce qu'il y a des situations qui ont été dénoncées, des ministres,
disons, avec des attitudes plus dures que d'autres ou, à la limite, misogynes?
Est-ce que ça, c'est terminé? Est-ce que cette époque-là est révolue, à votre
avis?
Mme Massé : Oh non! Elle n'est
pas révolue. Cette politique dit… relative à la prévention et à la gestion des situations
de harcèlement sexuel. Alors, ce qu'on dit, c'est : Oui, maintenant que
nous avons une politique qui a des dents, on est capable de dire : Ça ne
se fait plus, on ne veut plus que ça se fasse. Mais, ceci étant dit, ce qu'on
veut surtout prévenir… ce qu'on veut surtout faire, pardon, c'est prévenir,
faire en sorte de faire de l'éducation. Vous savez, la violence banalisée, là,
on ne s'en rend même plus compte tellement c'est banal.
Alors donc, maintenant, on a un outil pour
dire : Oups! là, ce qui est en train de se passer, ça m'apparaît peut-être
être du harcèlement, je vais aller lire, je vais aller voir. Il y a des
définitions claires, il y a une répondante, une personne qui va répondre, qui
va être là pour soutenir les travailleuses, et les députés, et les députées qui
pourraient dire : Coudon, ça, c'est-u de l'intimidation? On a à se former
ensemble pour prévenir les gestes de harcèlement.
Mme Dufresne (Julie)
: Mais
pourquoi êtes-vous si prompte à dire que ce n'est pas révolu?
Mme Massé : Bien, parce
qu'entre nous on se l'est dit, parce qu'entre nous ça se parle, parce que vous
le savez autant que moi. Et il faut faire… C'est la beauté d'une politique
de harcèlement, il faut faire la différence entre… si je regarde, par exemple,
et ça, il faut être clair là-dessus, là, la politique ne s'applique pas sur les
travaux en Chambre. Là, c'est une autre règle, c'est le code de déontologie, c'est
un autre règlement qui nous gouverne, qui parfois pourrait être revampé. C'est
d'ailleurs ce que le président a dit dans son intervention, qu'il avait reçu
une lettre demandant peut-être à ce qu'on dépoussière un petit peu ça. Ça fait
que je pense qu'il y a quelque chose dans l'air, là, qui dit : On peut-u
faire autrement? Parce qu'en bout de ligne la population a besoin d'être
représentée par des gens qui s'assument.
Mme David (Gouin) :
J'ajouterais juste une chose. Si, dans le fond, votre question, c'est :
Est-ce qu'il y a des noms qui ont été nommés, là, durant les travaux? La
réponse, c'est non. On n'était pas là pour ça. Mais est-ce que des anecdotes
ont été racontées? La réponse, c'est oui. Autrement dit, oui, il existe, à
l'Assemblée nationale, parfois — on ne dit pas que c'est 24 heures
par jour, sept jours par semaine, là — mais oui, il existe parfois
des gestes, des attitudes inappropriés. Disons-le comme ça. Et ce qu'on veut
changer, c'est une culture.
Je sens, moi, que ça commence déjà, tout
doucement, à faire son chemin. Le simple fait qu'une députée, par exemple, en
Chambre, dise… ou à l'extérieur de la Chambre, en fait, pardon, dise :
Est-ce que tel ministre n'a pas une attitude sexiste? Que la réponse soit oui
ou non, la question est posée, on ose la poser. Ça, c'est quand même intéressant.
Autrement dit, les bouches s'ouvrent tranquillement, les choses se disent. Et je
pense que ce que ça veut dire, c'est que plusieurs y penseront à deux fois maintenant
avant de prononcer, par exemple, des paroles inappropriées.
M. Croteau (Martin)
:
Pouvez-vous décrire ce que vous considérez être des… c'est quoi, ces attitudes
inappropriées? Pouvez-vous, sans nommer de nom, nécessairement, mais
donnez-nous une idée de la situation qui règne et qui fait en sorte que ça
justifie qu'on se dote d'une politique comme celle-ci.
Mme Massé : Bien, pas une situation.
Quand on parle de culture, c'est à ça que vous référez, de cette…
M. Croteau (Martin)
: …c'est
Mme David qui m'a un peu titillé avec des attitudes inappropriées, des
anecdotes, tu sais. Qu'est-ce que vous avez entendu qui vous a convaincues que
cette politique était nécessaire?
Mme Massé : Écoutez, vous avez
entendu la même chose que moi à Ottawa. On n'a pas besoin d'attendre qu'il y
ait des cas graves qui arrivent pour dire : Il faut se doter d'une politique,
hein? Ça existe. Le Québec, en 2002, de mémoire, a adopté… a inclus, dans sa
Loi sur les normes du travail, des règles concernant le harcèlement au travail,
qui incluent d'ailleurs le harcèlement psychologique et le harcèlement sexuel.
Alors, dans ce sens-là, ici, tout ce qu'on
fait, c'est dire : Avant d'arriver au niveau légal, parce que ça peut être
embêtant… Il y a des élus, bon, etc., il peut y avoir des plaintes frivoles, c'est
embêtant. Bien, nous, ce qu'on veut, c'est aller de l'avant et d'aller vers une
politique qui nous permet, avec des mécanismes clairs, de gérer à l'interne des
choses comme ça.
Mais quels sont les gestes inappropriés?
Pensez à votre quotidien, pensez à ce constant rapport de pouvoir, par exemple,
entre deux collègues de travail. Je ne parle même pas d'un patron et d'une
employée, deux collègues de travail, parce qu'une est une femme et l'autre est
un homme; parce qu'un est en poste de coordination, de direction et l'autre est
en poste de recherchiste. Et ces attitudes, ce sont des paroles — c'est
dit clairement — sont des paroles, des gestes, des commentaires, du
dénigrement, de l'invalidation de travail. Écoutez, il y a une page pleine,
alors je pense que vous avez hâte de lire la politique.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais vous avez parlé de culture. Bon. Est-ce qu'il y a des éléments
particuliers à l'Assemblée nationale, au contexte politique, qui favorisent
cette culture-là?
Mme Massé : Bien, moi, je
dirais… Françoise pourra y aller par après, moi, je dirais plutôt clairement
que l'ensemble des règles de l'Assemblée nationale sont configurées sous forme
de combat, hein? C'est comme, on se combat, c'est des débats, c'est guerrier un
peu. Alors, cette attitude très… parfois qualifiée de virile, parfois qualifiée
de macho, c'est à celui qui parle ou celle qui parle le plus fort que là on se
met à applaudir plus fort pour dire bravo. Ça, là, ça insinue, au quotidien,
des rapports entre les gens. Et nous, ce qu'on souhaite, et le cercle l'a
démontré, c'est que, quand on a des rapports de collaboration, on arrive à des
choses assez extraordinaires.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais est-ce qu'il y a des situations plus propices à ce type de rapport que
vous voulez éviter?
Mme David (Gouin) : Bien,
d'une part, ce que Manon dit est très juste, hein, la politique, c'est un
milieu, par définition, partisan. Ce qui est extraordinaire dans l'adoption de
cette politique, c'est qu'on l'a justement dépassée, ça, cette culture très
partisane. Et qui dit partisanerie dit, à certains moments, gants de boxe, là.
Et moi, ce que je remarque, c'est que de plus en plus de femmes et d'hommes à l'Assemblée
nationale sont — des collègues députés — sont un peu
fatigués de ça, auraient envie d'un autre climat. Ça, c'est un aspect.
L'autre aspect, convenons-en, vous en
faites partie, nous en faisons partie, c'est un univers, l'Assemblée nationale,
hein? C'est, en soi, une sorte de bulle, c'est un milieu de travail où on se
côtoie, plein, plein de gens, là, tous les jours, donc forcément c'est propice
au développement de toutes sortes de rapports de travail, de rapports
interpersonnels, de rapports dans les caucus, de rapports avec les employés, et
ça serait franchement étonnant qu'avec tout ça il n'y ait pas, de temps en
temps, puis on ne dit pas que c'est quotidien, là, mais qu'il n'y ait pas, de
temps en temps, des propos ou des attitudes inappropriés.
Mais je vous rappellerai aussi qu'on vit
dans une société où on n'a pas réglé l'ensemble de ces questions-là. Moi, je
vous rappellerais que l'automne dernier on a vécu, tout le monde, on a observé
une vague de dénonciations de femmes qui n'avaient jamais osé le faire, disant :
Oui, j'ai été harcelée ou j'ai été agressée sexuellement. Donc, il faudrait
peut-être arrêter de se mettre la tête dans le sable, là, il faudrait être
capable de se dire : Le machisme ordinaire et quotidien, il existe encore.
Je vous rappellerai aussi, vous l'avez vu passer certainement aussi bien que
moi, que des collègues journalistes, même si ce sont des collègues ailleurs
qu'à l'Assemblée nationale, ont dénoncé le sexisme franchement ordinaire dont
elles étaient victimes dans l'exercice même de leur travail.
Donc, je pense que c'est une très bonne
nouvelle que l'adoption de cette politique. Elle nous ramène au XXIe siècle
puis elle nous dit : Bien, voilà, les propos inappropriés, disgracieux,
sexistes, homophobes, bien, ça ne sera pas toléré à l'Assemblée nationale. Moi,
je souhaite que partout, dans tous les milieux de travail, on adopte ce genre
de politique. D'ailleurs, plusieurs entreprises, déjà, l'ont fait.
Mme Plante (Caroline)
:
May I have a few questions in English?
Mme David (Gouin) :
Sure.
Mme Plante (Caroline)
:
Can you try to describe the culture here, at the National Assembly? You
mentioned that it was a culture of fighting and battle. Can you elaborate on
that a little bit?
Mme Massé : Yes. The culture is… you know, it's all around politics. We have to
win, you know, and when you are ready to win sometimes you are ready to use
strategy that's not very fair for people. And what this politic going to give
to women and men who are working here at National Assembly, it's a way to
identify my «victime», I'm so sorry…
Mme David (Gouin) : Victim.
Mme Massé : Victim? Oh yes! My victim of some «harcèlement sexuel»…
Mme David (Gouin) : Sexual harassment.
Mme Massé : Sexual… I'm sorry. My victim of sexual harassment… I am victim of
harassment. Did someone can do something? And in this politics, if you are a MNA,
if you are a worker, if you work in our riding, everywhere in the Assembly, you
are protected by this politic.
Mme Plante (Caroline)
: I like what you said about sometimes not even realizing that it's
violence, there is so much violence in society. Can you talk a bit about that?
Mme David (Gouin) : It's a sort of banalization — I don't know if it is an English word, but — here, as Manon said, it's…
Mme Plante (Caroline)
: Je pense que c'est «trivialisation».
Mme Massé : Trivialisation?
Mme Plante (Caroline)
: Trivialisation, make something trivial.
Mme Massé : Oh yes! Trivial.
Mme David (Gouin) : Trivialisation. Bon, bien là, je ne sais plus où j'en suis. Heureusement
que, hein, je peux arranger ça.
I think we live in a
society where we made many, many progress, hein? Women made many progress, we
have to say that. But there exists, not only in the National Assembly, but in
the society, a culture of fighting, you know. For example, on the Web, Web
site, «médias sociaux», it's a… day by day we see how people talk to together.
I don't know, in fact, if they really talk. It's so difficult, it's so
aggressive, so…
Mme Plante (Caroline)
: Do you think that we get desensitized?
Mme David (Gouin) : Yes. I think, in a way, by seeing that everyday, some people are
less sensible to… Is it violence or not? And what we say today is :
Sometime, yes. It's what people feel anyway, and they have the right to express
it. So, in that politic, people who feel victim of
violence, victim of harassment, they will be able to say that, and a person
will have the responsibility to answer.
Mme Plante (Caroline)
:
I heard the Speaker say that it was very innovative. As far as you know, are we
the first National Assembly in the country to adopt such a policy?
Mme Massé :
Not really, but our difference is that the MNA and the worker have the same
level. This is the difference. I can't remember but there's another parliament
who have a politic against harassment, but it's not the same way if you are a
politician then you are a worker for a politician. But, for us, it was very
important to put everyone on the same level.
Des voix
: Merci.
(Fin à 12 h 1)