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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Wednesday, June 10, 2015, 14 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quatorze heures trois minutes)

M. Khadir : Bonjour. Nous sommes ici devant vous pour parler de nos graves préoccupations par rapport à l'inversion de la ligne d'Enbridge pour le transport pétrolier vers l'Est du Canada à travers le territoire québécois et, surtout, en dessous de ces milliers de rivières, avec des risques importants pour la santé des populations.

Nous accueillons à l'Assemblée nationale aujourd'hui Mme Lorraine Caron, qui est Ph. D., qui a travaillé pendant de nombreuses années pour le gouvernement, en fait, pour ce qui est devenu plus tard l'INESSS, pour l'évaluation des technologies dans le domaine de la santé. Elle est spécialisée dans l'étude et l'analyse de l'information scientifique pour aider à des décisions publiques. Et, comme c'est une citoyenne de la région de Vaudreuil-Soulanges, qui sont véritablement les... qui constitue la vigilance qu'exerce, sur notre territoire, les gens pour savoir qu'est-ce qui arrive à notre territoire puis à son usage puis les risques que ça représente pour notre population. Il suffit juste de se rappeler à quel point le pétrole pourrait être dangereux. Rappelons-nous de Mégantic.

Donc, Mme Caron est ici pour donner son évaluation du rapport qui a été déposé par le ministre aujourd'hui même en Chambre sur l'unité de vigilance qui avait été mise sur pied par la commission de l'agriculture lorsque la commission, contrairement à ce que Québec solidaire recommandait, les autres partis ont accepté l'inversion de la ligne d'Enbridge, ont imposé un certain nombre de conditions dans lesquelles il y avait cette unité de vigilance, mais qui déçoit énormément.

Mme Caron (Lorraine) : Merci, M. Khadir. Bonjour. Mon nom est Lorraine Caron, comme... et je viens de Vaudreuil-Soulanges, je viens de Saint-Lazare. Et, dans la région de Vaudreuil-Soulanges, 60 % de la population s'alimente en eau potable avec les eaux souterraines. Donc, c'est un élément très important pour nous, parce que les risques d'un oléoduc qui traverse, finalement, notre région et qui peut comporter des fuites importantes, qui sont difficiles, indétectables, finalement, parce que le pipeline est sous la terre, ce sont des éléments très importants de risque pour nous.

C'est sans compter que l'oléoduc traverse la rivière des Outaouais, et la rivière des Outaouais, selon les données d'Enbridge, il y aurait possiblement, s'il y avait une rupture majeure au niveau de la rivière, 957 000 litres de pétrole en 13 minutes qui pourraient s'y déverser. Donc, ça, ça pourrait compromettre l'alimentation en eau potable d'une grande partie de la population du Grand Montréal, au-dessus de 2,5 millions de personnes.

Donc, aujourd'hui, le ministre Arcand a déposé en Chambre le rapport de l'unité de vigilance permanente sur les hydrocarbures, unité qui avait pour mandat d'examiner les 18 recommandations… en fait les 17 autres recommandations de la CAPERN au sujet de... pour finalement arriver à une forme d'acceptabilité sociale de ce projet-là. Mais, d'après ce que nous avons pu constater, les recommandations de la CAPERN ont... l'unité n'a pas renforcé ces recommandations d'une façon satisfaisante.

Je fais partie d'un groupe qui s'appelle Les Citoyens au Courant. Nous sommes un groupe de citoyens qui avons comme objectif d'informer nos concitoyens ainsi que les élus municipaux, les élus au niveau du Québec également au sujet des risques. Et ce qui semble ressortir du rapport de l'unité de vigilance, c'est qu'on considère que les risques ne sont pas augmentés du fait de l'inversion du flux. Et j'aimerais signaler que nous avons, dès le mois de mars dernier, nous avons transmis un ensemble d'informations au sujet des risques du projet à l'unité de vigilance permanente sur les hydrocarbures et nous aimerions répondre, à cet effet-là, qu'il n'y a pas de risques augmentés. Je crois que les risques sont très importants.

Nous avons parlé de risques de fuite lente, surtout que les systèmes de détection à distance de la compagnie Enbridge, qu'il emploie sur son pipeline, ne permettent pas de détecter des fuites de moins de 588 litres à la minute. Donc, ça, c'est très important, parce que ça peut laisser échapper jusqu'à 1,5 % du volume de pétrole transporté sans qu'on puisse savoir les autres méthodes pour détecter les fuites, si c'est de la surveillance aérienne, si c'est de l'inventaire avant et après. Mais c'est quand même un risque important pour notre eau souterraine, pour nos terres agricoles.

On a parlé du risque de déversement majeur dans la rivière Outaouais, mais il y a également d'autres éléments. Les autres éléments, c'est qu'il n'y a pas juste l'inversion du flux de l'écoulement du pétrole qui est un changement, d'autres changements sont importants. Le volume, on parle de 300 000 barils par jour. On dit souvent qu'on va passer de 240 000 à 300 000. C'est faux. 240 000, c'est une capacité autorisée en 1997, mais ça ne reflète pas la capacité réelle qui s'est passée dans les dernières années. On devrait plutôt penser à 64 000 barils par jour. C'étaient les données d'Enbridge au cours des années 2009, 2010, lors des dernières années d'opération.

Donc, il va y avoir une augmentation très importante parce que présentement la canalisation est vide. Elle est vide depuis environ 17 mois. Elle est inactive depuis que l'autre partie du tronçon a débuté le transport du pétrole. Et donc, on va partir de zéro jusqu'à 300 000 barils par jour.

Un autre élément important, c'est de changement, qui, à mon avis, est important pour les risques. C'est qu'on a plusieurs types de pétrole qui vont être transportés dans cette canalisation-là, pas seulement du pétrole léger, mais du pétrole issu des sables bitumineux, du pétrole de schiste issu du Dakota du Nord. Et ça, ça fait en sorte qu'il va y avoir des changements, des variations dans les cycles de pression dans cet oléoduc-là, et ces variations-là, il faut en prendre compte parce que, même si la pression maximale de service autorisée en 1997 ne sera pas dépassée, au cours des 10 dernières années, la pression maximale qui a été atteinte est très loin des pressions maximales autorisées. Donc, il y a un élément nouveau à cet effet-là.

Un autre élément nouveau, c'est que, finalement, au niveau des éléments nouveaux… Non, c'est faux, il n'y a plus rien. Mais ce que j'aimerais amener, c'est la question des tests hydrostatiques, parce que Les Citoyens au Courant, ce qu'on a fait depuis 2013, nous avons, premièrement, préparé un mémoire que nous avons envoyé à l'Office national de l'énergie au sujet de ce projet. Nous avions également déposé un mémoire pour la commission de l'agriculture, des pêcheries, donc pour le rapport de la CAPERN, et finalement nous avons fait une campagne de mobilisation des élus municipaux en faveur des tests hydrostatiques. On a eu plus d'une vingtaine de municipalités, les six MRC le long du tracé de l'oléoduc ont toutes exigé un test hydrostatique, la Communauté métropolitaine de Montréal a exigé les tests hydrostatiques. Maintenant, on arrive avec une unité de vigilance qui dit qu'ils ne se prononcent pas sur les tests hydrostatiques, qui dit qu'il faut être prudents et qui présente le débat comme étant une opposition entre les experts et d'autres groupes de citoyens.

J'aimerais, moi, j'espérerais que Mme Marie-Claude Nichols et que Mme Lucie Charlebois, qui sont mes députées dans ma région, que Mme Nichols qui fait partie de cette unité de vigilance parle à M. Arcand et lui explique que ce n'est pas un débat à opposer entre des experts et les citoyens. M. Richard Kuprewicz, un expert américain en sécurité de pipeline, avait exigé ces tests-là. Donc, les tests hydrostatiques sont effectivement très importants, et nous souhaitons que l'Office national de l'énergie prenne enfin une décision là-dessus, ça fait six mois qu'elle a toutes les données pour les prendre, et que Québec, finalement, nous supporte et supporte ses municipalités comme la CMM le fait. Je vous remercie.

M. Gagné (Louis) : Peut-être juste avant d'aller plus loin avec d'autres questions pouvez-vous juste me résumer, un test hydrostatique, en quoi ça consiste exactement?

Mme Caron (Lorraine) : Oui. C'est un test de pression à l'eau. Donc, ce qu'on fait, c'est qu'on prend un tronçon du pipeline, on ferme ce tronçon-là, on injecte de l'eau, on augmente la pression jusqu'à, à peu près, 25 % au-dessus de la pression maximale. Et s'il y a des petits trous de corrosion, des fissures qui n'ont pas été détectés par les systèmes d'inspection interne, ça va fuir. Donc, la pression va descendre. Donc, on va être en mesure de savoir qu'il y a fuite. Alors, il va falloir aller trouver les fuites et les réparer. Et puis ce qu'il faut rappeler, c'est que les systèmes d'inspection interne qu'Enbridge a utilisés pour vérifier l'intégrité de la canalisation ne permettent pas de détecter les petits trous de corrosion. Donc, c'est d'autant plus important de faire ce test-là pour valider tous les autres tests qui ont été faits, donc de compléter, finalement, l'évaluation de l'intégrité du pipeline.

M. Khadir : Oui. Ce que ça démontre, c'est qu'Enbridge fait des tests parce qu'ils se soucient des grosses fuites qui pourraient lui causer un tort parce que ça diminue la livraison de son pétrole. Mais les petites fuites, qui sont autant nocives pour la contamination de l'eau et qui se produisent quand même à une échelle qui fait que 1 % de 300 000 barils de pétrole, ça fait beaucoup de pétrole qui… et on sait, avec les hydrocarbures, la contamination de l'eau pour la santé des populations, c'est très dangereux, il y a des substances cancérigènes dans ces produits-là, bien, ça ne les intéresse pas, Enbridge.

Or, dans la commission parlementaire, c'était une concession qui permettait un peu de sauver la face au Parti québécois, au Parti libéral et à la CAQ, qui supportaient l'inversion, de dire : Il faudrait quand même qu'il y ait des tests hydrostatiques parce qu'ils s'apercevaient bien que c'était un minimum à respecter. Et là l'unité de vigilance nous dit que, dans le fond, non. Et c'est ça qui est terrible, c'est que je viens d'obtenir la confirmation de Mme Caron, c'est que l'unité de vigilance, dans son rapport, arrive en dessous même des maigres demandes de la CAPERN, qui était une commission un peu… qu'on a qualifiée de bidon parce que c'était une commission pour faire plaisir à Enbridge puis accepter son projet finalement.

M. Gagné (Louis) : Et, bon, vous avez parlé… donc l'inversion puis le… l'inversion du flux pose un problème au niveau la quantité, du volume qui va être acheminé, donc on passe de 64 000 à 300 quelques milles, et également le type… les variations de pression. Mais est-ce qu'il n'y a pas un élément aussi, là, attaché au caractère corrosif peut-être du pétrole des sables bitumineux qui pourrait accélérer, là, la…

Mme Caron (Lorraine) : C'est un aspect qui a été discuté. C'est un aspect qui suscite un peu un débat. Il y a des études qui ont montré que ce l'était moins. Il y a Enbridge qui dit que ça va être tellement dilué que ça ne sera pas vraiment corrosif. Donc, moi, je pense que c'est une possibilité parmi les autres éléments qui peuvent ajouter au risque. Je pense qu'il vaut mieux, lorsqu'on n'a pas de preuve solide, scientifique, de faire preuve de prudence puis d'assumer finalement… de prendre pour acquis que les risques peuvent être plus grands qu'ils ne le sont. Et donc, moi, je pense qu'on devrait intégrer ça également dans le modèle.

M. Khadir : Mais ce qu'il faut dire au public, c'est que c'est le même… c'est un pipeline très vieux, qui a tout près de 40 ans...

Mme Caron (Lorraine) : 40 ans.

M. Khadir : ...et c'est le même pipeline qui a craqué à Kalamazoo, n'est-ce pas, dans le Minnesota.

Mme Caron (Lorraine) : Même type de construction.

Une voix : Michigan.

M. Khadir : Hein?

Mme Caron (Lorraine) : Au Michigan, dans la rivière.

M. Khadir : Kalamazoo, Michigan. Puis je pense, c'était l'équivalent de 300 000 ou 400 000 barils de pétrole qui s'étaient...

Mme Caron (Lorraine) : C'était 20 000 barils alors.

M. Khadir : 20 000 barils, 400 000 litres, quelque chose comme ça, enfin. 20 000 barils de pétrole qui s'étaient échappés, puis ça a été très difficile. Ça a, je ne sais pas, coûté un montant faramineux...

Mme Caron (Lorraine) : C'est 1,2 milliard de dollars…

M. Khadir : …de dollars que ça a coûté.

Mme Caron (Lorraine) : Et plusieurs années, puis ils n'ont pas terminé.

M. Khadir : On n'a pas assez payé, là, avec Mégantic, là, il faut qu'on se ramasse avec encore un problème pour un pétrole qui ne profitera pas aux Québécois. On est juste un territoire de transit. On est juste un territoire de transit, on va être des porteurs de pétrole, hein? On nous prend pour des porteurs d'eau encore avec ce projet.

M. Gagné (Louis) : Vous avez qualifié la commission, la CAPERN, je crois, de bidon.

M. Khadir : De «baril» ou de…

M. Gagné (Louis) : Si la commission elle-même était bidon et que le rapport de l'unité de vigilance n'atteint même pas ces recommandations, comment vous la qualifiez, cette unité-là?

M. Khadir : Bien, c'est terrible pour le Québec. Tous les mécanismes de contrôle qu'on s'attendrait, de manière bienveillante, exercés par nos autorités sont, comme ça, vidés de leurs sens puis sont contournés. Il faut arrêter cette mise en vente de la santé de la population et d'un territoire au profit, en fait, de l'industrie pétrolière canadienne puis de son lobby très puissant, et c'est ça que je trouve…

M. Gagné (Louis) : Donc, elle a été complaisante…

M. Khadir : Bien, on l'a dénoncé, si vous vous rappelez, il y a un an et demi, lorsqu'en commission j'ai montré, preuve à l'appui, qu'on commet une erreur. Ça vient de prouver, l'unité de vigilance mise en place était simplement pour acheter du temps. Et là aujourd'hui, bien, on se retrouve Gros-Jean comme devant avec une entreprise qui insulte l'intelligence des Québécois, qui méprise des processus de décisions, parce qu'à la fin ils nous ont dit, même en commission, que, peu importe la décision du Québec, nous, on répond d'Ottawa et qui, en fait, qui nous prend pour acquis. Puis là, malheureusement, le gouvernement libéral s'est mis à genoux.

Mme Caron (Lorraine) : Moi, je trouve personnellement que le ministre Arcand a abdiqué son leadership puis sa responsabilité face à la sécurité des gens et à la protection de l'environnement dans ce projet-là. Je trouve que… J'aurais aimé entendre davantage de promotion de la sécurité, en tout cas autant que j'ai pu entendre de promotion au niveau du projet.

Je trouve que les demandes pour les tests hydrostatiques, pour moi, c'est le minimum qu'une unité ait pu prendre toute l'information de la part du promoteur, mais qu'il n'ait pas, en ayant utilisé les données à jour, redemandé une évaluation indépendante, ça me… je trouve ça sidérant. Parce que l'évaluation indépendante qu'il avait demandé avec le rapport de Dynamic Risk au mois d'avril 2014, il n'était pas basé sur tout l'ensemble des données. Les données, elles sont arrivées, là, au compte-gouttes, après les audiences de l'Office national de l'énergie, puis c'est seulement à partir du mois de novembre dernier qu'on avait toutes les données en main pour véritablement prendre le pouls de ce projet-là puis d'évaluer les risques.

Je ne peux pas croire que l'unité… avec Enbridge a été capable de faire un travail adéquat à ce niveau-là.

M. Khadir : M. Arcand devrait être reconnaissance de la part des citoyens qui s'organisent comme des citoyens au courant, dont fait partie Mme Caron, qui apportent de l'information. Puis les citoyens ont la chance de compter sur elle, dont la spécialité même, comme docteure, comme Ph. D., c'est de donner aux décideurs publics les meilleures analyses, les meilleures preuves scientifiques pour décider.

Et elle nous dit qu'on ne tient pas compte de ce qu'il faut tenir compte, qu'on ne fait pas les bons tests. Il me semble qu'il y a quelque chose, un message très fort que M. Arcand devra entendre.

Mme Caron (Lorraine) : Si je...

M. Khadir : Oui, allez-y, bien sûr.

Mme Caron (Lorraine) : Si je peux rajouter une petite chose. Si la question des tests hydrostatiques était si facile à trancher parce que les tests ne sont véritablement pas nécessaires, pourquoi l'Office national de l'énergie, après six mois, n'a toujours pas pris de décision à ce sujet-là? Parce que la question est encore en suspens.

Donc, en quelque part, de dire que c'est seulement une opposition entre experts et municipalités ou experts et groupes environnementaux est une façon de se défiler.

M. Khadir : En fait, Enbridge fait énormément de lobbying pour éviter ça, pour éviter les tests.

Mme Caron (Lorraine) : Oui, parce que...

M. Khadir : C'est l'essentiel de leur énergie, actuellement, là. Ils envoient du monde partout pour dire : Non, non, non, ce n'est pas nécessaire. Puis c'est bête, c'est vraiment bête et irresponsable qu'au Québec notre gouvernement écoute Enbridge qui est en conflit d'intérêts, là-dedans, là. Enbridge devrait être le dernier... dont les arguments devraient être les derniers à être pris en compte. On devrait tenir compte des arguments des citoyens, des experts scientifiques, des comités de vigilance — citoyens, là, pas fantoches, malheureusement — et surtout des organismes indépendants comme Greenpeace, comme des acteurs qui ont la bienveillance de s'occuper de la santé de la population.

Des voix : Merci.

(Fin à 14 h 20)

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