To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > News and Press Room > Press Conferences and Scrums > Conférence de presse de M. Raymond Bernier, président de la Commission des finances publiques, M. André Spénard, vice-président de la Commission des finances publiques, et M. Nicolas Marceau, membre de la Commission des finances publiques

Advanced search in the News and Press Room section

Start date must precede end date.

Conférence de presse de M. Raymond Bernier, président de la Commission des finances publiques, M. André Spénard, vice-président de la Commission des finances publiques, et M. Nicolas Marceau, membre de la Commission des finances publiques

Mandat d’initiative sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux

Version finale

Wednesday, June 10, 2015, 15 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Quinze heures une minute)

M. Bernier : Alors, bienvenue à cette conférence de presse. Je me présente, Raymond Bernier, député de Montmorency, président de la Commission des finances publiques. Je suis accompagné de M. Nicolas Marceau et de M. André Spénard, respectivement députés de Rousseau et Beauce-Nord, membres de la commission.

Par cette conférence de presse, nous vous annonçons le lancement d'un mandat d'initiative de la Commission des finances publiques sur le phénomène du recours aux paradis fiscaux à des fins d'évasion et d'évitement fiscaux. Le but de la rencontre est de vous présenter le sujet et comment nous entendons l'aborder.

Comme vous le savez, la plupart des pays développés vivent une crise des finances publiques depuis 2008. C'est donc dire que ces pays ont besoin de toutes leurs recettes fiscales pour assurer des services publics de qualité à leurs citoyens. Dans ce contexte, le phénomène du recours aux paradis fiscaux à des fins d'évasion et d'évitement fiscaux par les gens fortunés et par des grandes multinationales, nous paraît tout à fait inéquitable et a des répercussions significatives au niveau social.

Le phénomène n'est cependant pas nouveau. Rappelons en effet que la formation du secret bancaire remonte à 1934 en Suisse et aux années 1950 à la City de Londres. Toutefois, de nos jours, il a pris des proportions inquiétantes. Voici quelques chiffres qui nous parlent d'eux-mêmes. On estime aujourd'hui que plus de 50 % des capitaux mondiaux passent par les quelque 70 paradis fiscaux répertoriés sur la planète. Statistique Canada révèle qu'en 2011, 24 % des investissements directs étrangers du Canada étaient faits dans des paradis fiscaux. Les contribuables canadiens posséderaient des avoirs totalisant plus de 170 milliards de dollars dans ces territoires. Selon des estimations, il en découlerait un manque à gagner pour le fisc canadien qui se situerait entre 5 à 8 milliards de dollars. Les pertes fiscales québécoises attribuables au phénomène ne sont pas connues, mais elles doivent constituer une partie non négligeable des 3,5 milliards de dollars que les trésors… que le trésor québécois a perdu en 2012, toutes sources d'évasion et d'évitement fiscaux confondues.

Les effets de paradis fiscaux ne se ressentent pas seulement au Canada et au Québec, ils sont aussi présents dans les autres pays, développés ou non. Au cours des dernières années, plusieurs pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, ont fait des enquêtes et des auditions sur le sujet. L'excellent documentaire Le prix à payer, que nous avons eu l'occasion de visionner, coscénarisé par l'experte fiscaliste québécoise Brigitte Alepin, illustre bien le caractère global du phénomène. Il illustre aussi l'enjeu et les préoccupations qu'il soulève à travers le monde.

Je passe maintenant la parole au député de Beauce-Nord pour nous exposer comment les pays font face à cette problématique et les secteurs de provenance de nos témoins aux auditions futures.

M. Spénard : Merci, M. le président. Alors, M. le député de Rousseau, Nicolas, alors bienvenue à tout le monde. Alors, oui, la question, c'est comment les pays font-ils pour faire face au phénomène des paradis fiscaux, parce que, plus on parle de mondialisation, évidemment, plus on parle de connexions entre les différents pays, et ça va très, très vite.

À l'échelle internationale, c'est l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui est l'organe mandaté par le G20 et le G8 pour trouver des moyens de lutte contre les paradis fiscaux. L'OCDE propose des actions et encourage les divers pays à les mettre en oeuvre, les incite à coopérer pour qu'ils éliminent, entre autres, la concurrence fiscale dommageable qu'ils se livrent. Ils participent de différentes manières au resserrement des principaux outils qui facilitent le recours aux paradis fiscaux, comme les conventions fiscales, l'Internet, les prix de transfert, etc.

Enfin, il aide les États à détecter et à sévir contre les planifications fiscales abusives. Ces pratiques d'optimisation de l'impôt sont à la limite de la légalité. Il y a tellement de spécialistes maintenant qui y vont à la limite de la légalité, c'est, bien sûr, immoral, parce que ça met de la pression énorme sur les autres, mais elle respecte peut-être les lois fiscales comme telles, mais certainement pas leur esprit.

Plusieurs pays suivent les conseils et les recommandations de l'OCDE. Ils adoptent des règles, des lois qui compliquent ou sanctionnent plus ou moins sévèrement la délocalisation des revenus des multinationales au profit des paradis fiscaux. Le Canada n'est pas en reste et suit le mouvement.

Toutefois, ici comme ailleurs, la bataille contre l'attrait des territoires à faible fiscalité est loin d'être gagnée. En font foi les scandales mis au jour ces dernières années par le consortium américain International Consortium of Investigation Journalists, qui ont mis à jour, rappelez-vous, en 2006‑2007, les 20 000 entreprises extraterritoriales qui faisaient affaire avec la banque multinationale britannique HSBC. C'est eux autres qui ont mis ça à jour. Il y en avait pour... en tout cas, 100 000 clients, puis il y en avait pour 180 milliards de dollars qui étaient cachés dans les paradis fiscaux puis qui transitaient par différentes organisations comme la HSBC, qui n'est pas la seule, d'ailleurs. Puis, en font foi aussi les nombreux cas rapportés dans les médias ces derniers temps, de multinationales bien connues qui échappent à l'impôt dans plusieurs pays en rapatriant leurs profits dans ces territoires.

Voilà deux semaines, on a eu Amazon, qui avait décidé de modifier un peu, alors ça a paru, mais les Google, Apple, PayPal, ça paie très, très peu d'impôt par rapport à leurs profits parce que tout le mécanisme de la fiscalité, ils en profitent au maximum. Ces entreprises économisent ainsi, année après année, des millions, sinon des milliards de dollars d'impôt au détriment de la population des pays où elles mènent leurs activités réelles.

Les membres de la Commission des finances publiques que nous sommes se soucient de cette problématique et de l'injustice fiscale qu'elle crée pour les citoyens qui paient tout ce qu'ils doivent en impôt. C'est pourquoi nous avons décidé de réaliser un mandat d'initiative sur ce sujet.

Dans le cadre de notre démarche, nous entendrons une trentaine de témoins, notamment des représentants des secteurs financier, juridique et comptable, des experts en fiscalité, des représentants des agences gouvernementales du revenu et de groupes sociaux. D'une manière ou l'autre, tous s'intéressent ou sont préoccupés par le phénomène des paradis fiscaux.

Maintenant, je vais passer la parole à mon copain et ami Nicolas... le député de Rousseau, c'est-à-dire, pour vous exposer le déroulement de nos travaux.

M. Marceau : Oui. Alors, merci, André, merci, Raymond, puis salut aussi à tous les collègues membres de la commission.

Alors, aujourd'hui, donc, nous profitons de cette conférence de presse pour inviter tous les citoyens ou tous les groupes intéressés par le sujet à nous soumettre leurs réflexions et un mémoire. Ils peuvent être assurés que nous en prendrons connaissance et surtout que nous en tiendrons compte.

La commission juge qu'il est impossible de couvrir en un seul mandat tous les aspects du phénomène du recours aux paradis fiscaux à des fins d'évasion et d'évitement fiscaux. D'ailleurs, en 2013, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes s'est penché sur le seul aspect du chalandage fiscal, lequel constitue la pratique des multinationales, qui consiste à magasiner, au moyen de conventions fiscales, les pays les moins fiscalement exigeants afin d'y localiser leurs profits.

Alors, pour notre part, nous nous intéresserons principalement aux aspects qui suivent. Tout d'abord, les activités dans les paradis fiscaux sont secrètes pour ne pas dire occultes. Il n'est pas facile d'y voir clair. Nous chercherons à comprendre, autant que faire se peut, le mode de fonctionnement de ces territoires. Nous demanderons aux institutions financières, aux bureaux de comptables et d'avocats de nous aider à comprendre le mécanisme.

Comme nous l'avons dit plus haut, l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques est chargée de promouvoir des moyens coordonnés auprès des pays et de guider ces derniers à les mettre en oeuvre. Nous chercherons à comprendre les plus récentes initiatives de l'OCDE dans le domaine et leurs chances de succès. Des experts qui connaissent bien l'organisme et ses initiatives nous y aideront.

Dans tous les pays, le recours aux paradis fiscaux est encadré par des règles fiscales internationales qui sont encore plus complexes que les règles nationales, elles-mêmes plutôt complexes pour les non-spécialistes. Nous essaierons de voir quelles sont les dispositions canadiennes et québécoises qui facilitent ou, au contraire, restreignent le recours aux paradis fiscaux. Des experts universitaires et des praticiens en fiscalité internationale viendront nous renseigner.

Les activités dans les paradis fiscaux sont opaques, il en découle que l'importance et l'ampleur des revenus délocalisés dans ces territoires et les pertes fiscales qui en résultent sont inconnues et difficiles à estimer. Nous discuterons avec les agences du revenu des obstacles qu'elles rencontrent en la matière. Nous explorerons avec elles des pistes de solution susceptibles de remédier, dans la mesure du possible, au manque de données fiables.

Le Canada et le Québec ont déjà beaucoup de mesures pour lutter contre le recours aux paradis fiscaux, ces dispositions sont évolutives et elles sont continuellement mises à jour. Par ailleurs, tous les pays cherchent des mesures innovatrices pour lutter contre le phénomène, c'est le cas de plusieurs pays ou régions au cours des dernières années. La toute dernière mesure remonte à avril 2015 et nous vient du Royaume-Uni, la «Google tax», donc une taxe qui a été mise en place précisément pour tenir compte du cas de Google.

Une plus récente, la seconde plus récente, nous vient des États-Unis, celle-là, c'est le Foreign Account Tax Compliance Act, le FATCA, qui est entré en vigueur en juillet 2014. Nous explorerons donc avec certains invités les lacunes de nos lois et règles actuelles et nous verrons ce que nous pouvons tirer des expériences d'autres pays. Alors, je redonne maintenant la parole à Raymond.

M. Bernier : Merci, Nicolas. Voilà en quoi consisteront les travaux de la Commission des finances publiques qui commencent aujourd'hui. Au terme des auditions, la commission formulera des recommandations au gouvernement du Québec. Elle lui proposera de mettre en oeuvre, sans tarder, celles qui relèvent de sa compétence et de discuter des autres avec le gouvernement fédéral. Nous espérons que l'exercice permettra de trouver des solutions innovatrices pour renforcer la lutte canadienne et québécoise contre les recours aux paradis fiscaux à des fins d'évasion et d'évitement fiscaux.

Pour terminer, la commission remercie d'avance tous ceux et celles qui déposeront des mémoires et qui participeront aux auditions publiques à l'automne 2015, et je désire également saluer et remercier tous les membres de la Commission des finances publiques qui vont participer à ce travail. Merci.

(Fin à 15 h 12)