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Point de presse de Mme Agnès Maltais, porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité

Version finale

Wednesday, June 10, 2015, 12 h 45

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Douze heures cinquante minutes)

Mme Maltais : Bonjour. Alors, nous avons reçu ce matin deux projets de loi sur deux sujets différents, mais nous avons aussi entendu le premier ministre ce matin d'abord par une déclaration ministérielle où il rappelait qu'il se fondait sur ses valeurs propres à lui, ses valeurs personnelles pour agir. Et vous avez entendu le chef de l'opposition lui rappeler que peut-être qu'il fallait aussi se baser sur les valeurs québécoises, sur le consensus québécois. Or, ce qui est évident à la lecture de la loi n° 62, particulièrement, la loi sur le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant à encadrer les accommodements religieux, il y a clairement refus de la part de Philippe Couillard, du premier ministre, de refuser le consensus québécois. C'est vraiment un refus du consensus québécois.

Et j'irais même jusqu'à : c'est un refus de son propre programme électoral, donc de ce que proposait son propre parti. Il y a… juste avant la campagne électorale, le 21 janvier 2014, a eu lieu le dépôt du rapport Ouimet, et à ce moment-là le gouvernement a clairement dit quelle serait sa position. Le caucus du Parti libéral du Québec dit oui à la neutralité religieuse de l'État qui doit être incluse dans la charte; raté, la neutralité religieuse de l'État ne sera pas incluse dans la charte. On nous disait que l'interdiction de la burqa, du niqab et du tchador serait imposée aux employées de l'État; raté, le tchador est toujours permis, croyez-le ou non, pour les employées de l'État, puisque le tchador conserve le visage découvert.

On nous dit aussi que tout accommodement doit respecter la charte québécoise des droits et libertés et ne peut enfreindre le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes. Bien, pour affirmer cela, il fallait absolument inscrire le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les débuts de la charte, il fallait le déplacer dans la charte.

Alors, si je regarde, maintenant, ce qu'il y a dans la loi et les failles qu'elle a… on va les examiner attentivement, je vous le dis, on va travailler avec les gens, on va essayer de la bonifier, mais, première grande faille, énorme, là : les municipalités sont exclues de cette loi. Les municipalités ne sont pas du tout obligées de respecter la neutralité religieuse, complètement sorties. Et elles sont exclues de tout : service à visage découvert, pas du tout, exclues, tout, tout, tout le projet de loi exclut les municipalités. Ça, c'est absolument étonnant.

Je pense que les Québécois, les Québécoises s'attendaient à ce que les municipalités fassent partie de cette loi. Donc, la laïcité, est-ce que vous êtes conscients et conscientes qu'il n'y a aucune loi qui inscrive la laïcité de l'État? Dans tous les documents officiels, juridiques, du gouvernement du Québec, il n'y a aucune inscription qui dise que l'État québécois est laïc. Ce n'est pas la même chose que la neutralité religieuse. La neutralité religieuse, c'est l'État se comporte également face à toutes les religions, mais un État laïc, c'est que, lui, l'État, il est laïc, pas seulement neutre, il est laïc, il ne porte aucune religion. Donc, la laïcité de l'État n'est inscrite nulle part. C'est un manque, pour nous, à la loi.

Deuxièmement, la neutralité religieuse de l'État, d'abord, ne touche pas aux municipalités, c'est très, très, très étonnant, c'est une exclusion qui est très étonnante. Deuxièmement, elle n'est pas inscrite dans la charte. Elle aurait dû être inscrite dans la charte, c'était même le rapport Ouimet. Donc, les libéraux, en caucus, avaient décidé que ça devait être inscrit dans la charte.

L'égalité hommes-femmes… c'est non négociable, l'égalité entre les hommes et les femmes. Alors, que les municipalités ne soient pas obligées d'appliquer l'égalité hommes-femmes, c'est déjà… quant aux accommodements raisonnables, parce que c'est la situation actuelle, quand il va y avoir des accommodements raisonnables, les municipalités sont sorties du jeu, la façon de baliser les accommodements raisonnables, donc qui ne respectent pas, ils ne sont pas obligés à ça. C'est étonnant.

Mais deuxièmement, si l'égalité hommes-femmes, on voulait que ce soit placé ailleurs dans la charte, c'est parce que toutes les demandes… beaucoup, pas toutes, je vais me reprendre là, mais plusieurs accommodements raisonnables sont allés en cour. Il y a une jurisprudence à l'heure actuelle et cette jurisprudence ne dit pas nécessairement que l'égalité hommes-femmes prime, elle dit qu'il faut examiner l'égalité hommes-femmes, mais aussi les valeurs religieuses de la personne. C'est pour ça, qu'il fallait absolument inscrire l'égalité hommes-femmes haut dans la charte pour que ça balise maintenant les nouveaux avis, les nouvelles opinions juridiques.

Alors, si on s'en tient au projet de loi actuel, bien, l'égalité hommes-femmes, dans le cas des accommodements raisonnables, n'aura pas, ne sera pas là où on voudrait la voir et elle ne deviendra pas un élément fondateur de la vision qu'on aura des accommodements raisonnables. Il n'est pas à la bonne place.

Visage découvert. Bon, ça ne s'applique pas aux policiers municipaux, par exemple, c'est étonnant, aux juges municipaux, à toutes les municipalités. C'est, premièrement, très étonnant. Je pense que les Québécois et Québécoises s'attendaient à ça. Deuxièmement, le tchador. Comment se fait-il que le tchador n'est pas couvert?

La ministre a dit... je vais la citer, je l'écoutais tout à l'heure : Le vêtement ne nuit pas à la neutralité. Elle accepte donc, maintenant, que le tchador soit un vêtement porté par les fonctionnaires de l'État. Pourtant, une simple opinion politique, une simple opinion… on ne peut même pas... un fonctionnaire de l'État ne peut pas, sur son vêtement, afficher son opinion politique, mais il pourrait porter le tchador. Alors là, là-dessus, je pense qu'on va avoir des discussions en commission parlementaire.

Enfin — et c'est important, c'est un immense oubli là-dedans — les personnes en autorité : juges, policiers — il y a plusieurs exemples qu'on avait donnés dans le passé — selon Bouchard-Taylor, devaient absolument avoir des contraintes en matière de neutralité religieuse et de vêtements. Il n'y a, comme le disait la ministre, aucune position sur le vêtement. Cette législation oublie totalement, totalement le vêtement comme étant un signe d'appartenance religieuse. Le vêtement est un signe d'appartenance religieuse. Alors de ce côté-là, c'est une grande faille dans ce projet de loi. Alors, voilà pour les failles.

Évidemment il y a quelques éléments qui ont été pris, par contre, dans le projet de loi n° 60 que nous avions : la protection du patrimoine, les garderies, les congés scolaires. Ça, c'était dans la loi... dans la charte qu'on avait déposée. On en est. Cette partie-là, c'est bien. Voilà pour le 60.

Pour le projet de loi n° 59, l'autre projet de loi qui est sur la radicalisation, je pense que c'est une réponse à nos demandes répétées. Je n'irai pas dans le détail parce que c'est extrêmement complexe, là. On travaille sur la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, sur le tribunal de la personne, donc on va vous revenir, mais c'est effectivement une réponse à nos demandes répétées d'agir.

On va lire attentivement. Il y a deux absences, à première vue. Premièrement, il n'y a pas d'observateur. On ne peut pas nous renvoyer à des universitaires à Sherbrooke qui travaillent en cercle fermé alors qu'on a besoin d'avis ici, je pense, moi, à l'Assemblée nationale, et qu'on a besoin d'un regard public. C'est un regard public qu'on demande en voulant un observateur à l'Assemblée nationale.

Deuxièmement, le Conseil du statut de la femme nous avait fait noter, dans un avis, récemment, que nous n'avions aucune protection sur les jeunes qui allaient se faire avoir des mariages forcés à l'extérieur. Alors, jusqu'à quel point ce qui nous est proposé va permettre d'aider les jeunes qui vivent un mariage forcé à l'extérieur, soit de l'empêcher, de le prévenir, soit de régler le problème quand ils reviennent, c'est ce qu'on va vouloir examiner attentivement dans ce projet de loi parce qu'on n'est pas convaincus, actuellement, de la solution qu'on nous propose. Mais enfin, de ce côté-là, on verra la lecture. Merci beaucoup.

Mme Prince (Véronique) : Dans sa déclaration tout à l'heure, M. Péladeau a dit que ça devrait… ça aurait dû être étendu également au secteur privé.

Mme Maltais : Oui, tout à fait. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on voulait que la neutralité… que les balises aux accommodements… que la neutralité religieuse de l'État soit inscrite dans la charte. C'est parce que, si la neutralité religieuse ne touche que l'État, on ne touche que les employés qui travaillent pour le gouvernement, pour l'État. Mais tout le secteur privé demandait des balises. C'est là aussi qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de demandes d'accommodement. Il y a beaucoup de femmes qui travaillent dans le secteur privé. Or, à l'époque, quand on débattait de la charte et des accommodements raisonnables, les entrepreneurs nous disaient : Comment je fais? Quelles sont les balises si des employés me demandent un lieu de prière, un lieu de culte, me demandent des repas différents à la cafétéria? Les employeurs du privé aussi demandaient ces balises. Donc, en refusant de l'inscrire dans la charte comme ils l'avaient eux-mêmes proposé, le Parti libéral, ils sortent tout le secteur privé. C'est dommage.

Mme Biron (Martine) : L'égalité hommes-femmes a été mise dans le préambule de la charte.

Mme Maltais : Oui, elle a été mise dans le préambule, mais ça ne s'applique pas à la procédure d'accommodement.

Mme Biron (Martine) : Mais la procédure d'accommodement est dans charte actuellement?

Mme Maltais : Non, non. Donc, l'égalité hommes-femmes, en tout cas, ne sera pas… quand il va arriver la demande d'accommodement, à notre avis, ne sera pas un élément prédominant.

Mme Lajoie (Geneviève) : M. Couillard s'est engagé, ça fait déjà un an de ça, à légiférer aussi sur le tchador. Finalement, ce n'est pas dans le projet de loi. Comment vous accueillez cette…

Mme Maltais : On ne comprend pas, je l'ai dit dès le départ. Le gouvernement du Québec refuse le consensus québécois. Le consensus québécois, c'était non seulement les services reçus et donnés à visage découvert, mais aussi que le tchador était un symbole d'oppression de la femme. Le tchador est un symbole d'oppression, c'est un symbole d'intégrisme religieux, et on est très étonnés de voir que le gouvernement du Québec permet que le tchador soit porté par les employées de l'État.

Évidemment, j'inclus aussi… vous comprenez bien que les municipalités aussi sont complètement exclues du projet de loi. Donc, même le service à visage découvert… les municipalités ne sont pas couvertes.

Journaliste : Sur la base du projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui, plus spécifiquement sur la neutralité de l'État, là, pas l'autre, est-ce qu'il y a moyen de travailler? Parce qu'il y a vraiment beaucoup de choses qui, visiblement, sont des irritants. Est-ce qu'il y a un terrain d'entente possible?

Mme Maltais : On va essayer de trouver un terrain d'entente, évidemment. Écoutez, j'ai quand même dit, par exemple, sur l'autre sur la radicalisation, ça fait un an qu'on demande des projets de loi. Il est arrivé des événements aussi cet automne, puis là il arrive avec une proposition, on dit : On va les évaluer à leur juste valeur. Ce sera la même chose aussi pour le projet de loi n° 59.

Maintenant, permettez-moi de dire que je ne suis pas là… nous, en tout cas, nous, les parlementaires, on n'est pas là pour se baser sur l'opinion personnelle ou les valeurs personnelles du premier ministre. Il faut aussi se baser sur le consensus québécois qui, à mon avis, est respectueux des minorités aussi, parce qu'il faut aussi respecter les minorités, c'est très clair, mais on a le consensus québécois, je pense. Il y a eu des travaux, il y a eu des débats, il y a Bouchard-Taylor, il y a eu 94, il y a eu la charte que nous avons déposée; bien, je pense qu'on est rendus plus loin que ce que nous propose le gouvernement.

Journaliste : Donc, il y a une base de travail, je veux dire,

vous ne le rejetez pas…

Mme Maltais : Il y a toujours… Du moment où il y a une loi, il y a une base de travail, mais on va l'examiner attentivement. Mais, croyez-moi, de sortir les municipalités, par exemple, de l'obligation de donner des services à visage découvert, c'est assez étonnant; de ne pas avoir le tchador, c'est assez étonnant. Finalement, je donne au gouvernement déjà quelques points où il y aura sûrement matière à discussion. Pendant l'allocution de notre chef, j'ai vu Mme Vallée prendre des notes, j'espère que c'était pour, justement, ouvrir la discussion.

Mme Prince (Véronique) : Concernant l'observateur de l'intégrisme religieux que vous demandez, est-ce qu'il y aurait possibilité pour vous que la Commission des droits de la personne puisse en quelque sorte le substituer, sachant qu'elle a un rôle, maintenant, de prévention, d'éducation, puis elle va en quelque sorte répertorier aussi les discours haineux?

Mme Maltais : On a bien vu qu'on essayait de donner à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse certains pouvoirs en cette matière qui pourraient ressembler à un observatoire. D'abord, présentement, en tout cas, à l'heure actuelle, elle n'a pas les compétences, elle n'a pas le savoir-faire en la matière. Deuxièmement, un observatoire, à notre avis, fonctionne par recherche-action avec des chercheurs.

L'autre problème de la commission, c'est qu'ils ont été coupés de 4 % au dernier budget, donc, si on veut lui donner des mandats supplémentaires, ce serait assez intéressant de lui donner des budgétaires supplémentaires. Ils n'y arriveront tout simplement pas à l'heure actuelle. Merci beaucoup.

(Fin à 13 h 2)

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