To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > News and Press Room > Press Conferences and Scrums > Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin, et M. Amir Khadir, député de Mercier

Advanced search in the News and Press Room section

Start date must precede end date.

Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin, et M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Wednesday, June 10, 2015, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente et une minutes)

Mme David (Gouin) : Alors, mesdames messieurs, bonjour. Nous allons intervenir aujourd'hui sur les projets de loi qui ont été déposés et sur le plan d'action du gouvernement en matière, dit-il, de déradicalisation de jeunes, là, qui seraient tentés par ça.

Deux précautions en commençant. On parle ici de remarques préliminaires, bien entendu. Vous comprendrez qu'on n'a pas lu de façon aussi approfondie qu'on voudrait l'ensemble des documents. Donc, nous reviendrons et nous aurons d'ailleurs tout l'automne pour débattre de ces sujets. Deuxième remarque importante : nous pensons que nous devons aborder ces sujets sans nous camper, dès le point de départ, dans des positions 100 % non négociables, bien au contraire. Nous devons essayer, sur ces questions, d'avoir l'attitude la moins partisane possible, je l'ai dit en Chambre tout à l'heure, pour avoir des débats de société. Nous ne souhaitons pas revivre les psychodrames de l'automne 2013 et de l'hiver 2014. Nous souhaitons un débat éclairé par l'apport de toutes les personnes, de tous les organismes qui viendront en discuter.

Alors, d'abord, le projet de loi qui porte sur, entre autres, en partie, la question des discours haineux et, en partie, on voit bien que ce qui est visé, ce sont les mariages forcés, première remarque : ça aurait pris deux projets de loi, et nous proposerons d'ailleurs de les scinder. Quel est le rapport entre éviter et même réprimer les discours haineux et protéger les jeunes filles, en particulier, de mariages forcés? Franchement, il n'y a pas de rapport. Donc, encore une fois, un gouvernement qui dépose, dans un même projet de loi, des questions qui n'ont pas de rapport entre elles, ce qui n'est pas pratique du tout dans la discussion. Nous allons proposer de le scinder.

Pour ce qui est de la question de la répression des discours haineux, ce qui est intéressant, c'est le processus qui est proposé, qui implique largement la Commission des droits de la personne. Ça donne la possibilité à une personne de pouvoir se défendre, de pouvoir porter plainte. Donc, il y a là une avancée. Il faudra regarder pour les détails, mais il y a quelque chose d'intéressant là.

Dans la deuxième partie, donc protection particulièrement des jeunes filles contre des mariages forcés et toute autre mesure qui porterait atteinte à leur intégrité, encore là, une avenue intéressante qui est beaucoup celle de la protection de la jeunesse. Il faudra évidemment étudier, de façon plus approfondie, l'ensemble des mesures, mais il y a une vraie question là.

Deuxième projet de loi, celui sur… enfin, moi… nous aurions aimé un projet de loi sur la laïcité. C'est un projet de loi qui favorise le respect de la neutralité religieuse de l'État. La neutralité religieuse de l'État, c'est un des aspects de la laïcité. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement se refuse à employer ce mot, le mot «laïcité». C'est un beau mot qui dit bien ce qu'il veut dire. Il parle de neutralité religieuse de l'État, oui, le mot «laïcité», mais il parle, par exemple, aussi du fait que les pouvoirs doivent être radicalement séparés entre État et institutions religieuses, et ça, on ne le retrouve pas dans le projet de loi. Nous aurions aimé le retrouver.

On pourra en discuter encore une fois en détail, mais il y a des mesures intéressantes dans ce projet de loi, entre autres sur la question des accommodements, etc. Nous aurions aimé que le projet de loi aille plus loin, repose davantage sur les consensus de la commission Bouchard-Taylor, en particulier sur l'interdiction du port de signes religieux pour les personnes en situation d'autorité, mais, je le répète, il y a du bon matériel dans ce projet de loi. Nous l'accueillons avec ouverture. Nous espérons que la consultation autour du projet de loi sera très large et nous pensons qu'il pourrait être amélioré et mené à bon port.

Pour ce qui est, finalement, du plan d'action en matière de ce que le gouvernement appelle la déradicalisation des jeunes, en fait ce dont on parle ici, là, ce sont des jeunes aux prises souvent avec toutes sortes de problèmes personnels, parfois familiaux, des très jeunes qui se cherchent et qui pensent se trouver dans un appel aux armes, hein, un appel au djihadisme. Le gouvernement nous dit : Il faut prévenir, agir, détecter, vivre ensemble, il faut documenter comment ne pas être d'accord.

Nous allons, encore une fois, analyser soigneusement ce plan d'action parce que nous voulons y retrouver, au coeur du plan d'action, en fait, la protection des jeunes et de leurs familles, parce que, faut-il le rappeler, les principales victimes, les premières victimes de ces départs appréhendés ou réels, là, de jeunes vers des pays en guerre, ce sont les jeunes eux-mêmes et ce sont leurs parents, qui les aiment et qui n'ont jamais voulu ça. Alors, il faut les protéger contre eux-mêmes, d'une certaine façon, ces jeunes-là, beaucoup par la prévention, par l'encadrement, par des mesures de soutien aux familles. Détecter, oui, mais aider, c'est encore mieux. Il faudra donc des sous. Pas des sous seulement dans la répression policière, des sous dans des services sociaux, dans le soutien aux organismes communautaires qui viennent soutenir les familles. Ça va être extrêmement important. Donc, là-dessus aussi, nous aurons à revenir au cours de l'automne.

Mme Dufresne (Julie) : Sur le projet de loi de la neutralité de l'État, Mme David, vous dites que vous auriez aimé que ça aille plus loin, notamment sur les personnes en position d'autorité. Plus précisément, vous auriez voulu qu'on aille dans la même direction que Bouchard-Taylor, à savoir...

Mme David (Gouin) : À savoir les juges, les procureurs de la couronne, les gardiens de prison, les policiers. Je vous rappelle que Québec solidaire, il y a un an et demi, a déposé lui-même, hein, un projet de loi qui était une charte de la laïcité, et nous avions tenté d'y mettre tout ce qui était assez consensuel au Québec, et il y avait donc la question de ne pas porter de signe religieux pour les personnes en situation d'autorité, celles que je viens de mentionner, et nous apportions en plus le cas du président ou de la présidente, là, et des vice-présidences de l'Assemblée nationale. Alors, ça, on aurait aimé le voir.

Pour ce qui est des balises en matière d'accommodements, il manque peut-être une chose ou l'autre, mais, dans l'ensemble, c'est quand même assez intéressant de ce côté-là.

Mme Dufresne (Julie) : Même si ça exclut, en fait, les municipalités? Est-ce que ça n'aurait pas dû étendre au moins jusque-là, à votre avis?

Mme David (Gouin) : Alors, voilà une excellente question. Ça fait partie des propos, des discussions que nous voudrons avoir au cours de l'automne. Il n'y a pas de raison d'exclure les municipalités de ce qu'on appelle l'ensemble des mesures qu'on doit prendre, là, pour s'assurer de la neutralité religieuse de l'État. On vous rappelle que les municipalités sont des créatures de l'État national du Québec et qu'à ce titre-là on ne voit vraiment pas pourquoi elles devraient être exclues d'un projet de loi aussi important, alors que plein d'organismes publics sont inclus.

Mme Dufresne (Julie) : On a compris ce matin que le crucifix n'allait pas être visé par ce projet de loi là. Ce n'est pas l'objet du projet de loi, nous a-t-on expliqué.

Mme David (Gouin) : Bon, écoutez, c'est bien sûr que le crucifix n'allait pas être l'objet unique et prioritaire du projet de loi, mais là on est quand même dans l'univers des contradictions. Si on veut parler de neutralité religieuse de l'État et, plus largement, de laïcité, c'est-à-dire la séparation de l'État et des institutions religieuses, il continue d'être quand même contradictoire d'avoir un crucifix donné par l'archevêque de Québec à Maurice Duplessis pour sceller l'alliance entre l'Église et l'État, crucifix qui est au-dessus de la tête du président de l'Assemblée nationale. Bienvenue dans l'univers des contradictions.

Alors, évidemment, nous allons ramer l'article de notre projet de loi qui portait sur le fait de déplacer le crucifix — les mots sont importants, ici — déplacer le crucifix en un autre endroit visible dans tous les beaux bâtiments de l'Assemblée nationale.

M. Dutrisac (Robert) : On a un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État qui ne parle pas, sauf pour l'article où on dit qu'on veut les protéger, les emblèmes, qui ne parle pas de signes religieux.

Mme David (Gouin) : Bien, la raison est très simple, c'est que le gouvernement libéral se refuse à interdire le port de signes religieux pour quiconque. Donc, c'est évident qu'on n'en parle pas puisque, dans l'esprit de M. Couillard et de son équipe, tous les employés de l'État, y compris juges, président de l'Assemblée nationale, etc., peuvent porter des signes religieux. Alors, nous, nous mettons un bémol, nous le disions déjà il y a 18 mois.

M. Khadir : Je voudrais juste rajouter quelque chose. Et, en cette matière, le gouvernement de M. Couillard n'est pas très libéral. D'abord, la commission Bouchard-Taylor avait été nommée par un gouvernement libéral, celui de Jean Charest, et la commission Bouchard-Taylor, malgré toutes les difficultés et l'émotivité des débats, si vous vous rappelez, en 2007, avait réussi à dégager quelque chose qui soit le plus consensuel ou, enfin, qui puisse ramasser tout ça. Et là M. Couillard se place dans un camp conservateur, à distance même de Bouchard-Taylor, et je ne comprends pas. Vraiment, là, je ne comprends pas le Parti libéral du Québec aujourd'hui, comment est-ce qu'on accepte ces positions plutôt conservatrices, et ça ressemble plus à une approche des conservateurs à Ottawa.

M. Dutrisac (Robert) : Oui. Mais, si je peux me permettre, on pourrait y voir une façon de rendre le projet de loi tout à fait conforme aux chartes en ne parlant pas de signes religieux, justement, parce que, là, ce qu'on fait, c'est… indirectement on interdit des signes religieux, certains signes religieux, c'est-à-dire que, lorsqu'on dit, à visage découvert, c'est évident qu'on… qu'en pratique la burqa puis le niqab est visé.

Mais, parce qu'on ne veut pas, justement, avoir le même traitement de la part de la Commission des droits de la personne, même traitement que la commission a réservé au projet de loi n° 94, par exemple, on a trouvé une astuce, là, légale pour arriver à cette fin-là avec conséquence cependant d'accepter le tchador, là, parce que ça ne tombe pas dans la définition. Mais il reste que… Est-ce que ce n'est pas légitime de la part du gouvernement d'avoir voulu, justement, faire en sorte que les chartes soient parfaitement préservées ou, en tout cas, si vous voulez, pour…

Mme David (Gouin) : Vous savez, les chartes, c'est important pour Québec solidaire. Les chartes, on l'a toujours dit, mais les chartes, on les interprète aussi, et c'est ce qu'on fait depuis des dizaines d'années. Moi, quand je vois qu'il y a des chercheurs très importants, là, comme MM. Bouchard et Taylor, mais bien d'autres aussi dans la société québécoise, qui nous ont dit clairement, et parmi lesquels des juristes, qui nous ont dit clairement : Oui, on peut interdire le port de signes religieux à certaines personnes en situation d'autorité parce que ces personnes représentent l'État. Un procureur de la couronne représente l'État. Un président de l'Assemblée nationale, on sait bien qu'il est neutre, mais doit, au-delà de tout doute, donner l'apparence de la neutralité, y compris en matière de religion. Il y a tant de gens qui nous ont dit : Oui, c'est possible de le faire, que je ne trouve pas très courageux de ne même pas essayer. On peut essayer, au moins, et, à mon avis, ça passerait le test des chartes.

M. Khadir : Puis ça aurait permis un débat plus serein. En essayant de rapprocher les positions, ça aurait évité que les parties se campent, puis là on soit dans un jeu de positionnement partisan qui a empêché, depuis 10 ans, en fait, d'arriver à une solution là-dessus.

Mme Verville (Marie) : In English. You say this bill is really streamlined, it doesn't go far enough… at least Bélanger-Campeau did a little bit more.

M. Khadir : Yes, because, you know, there are a lot of good things in what is proposed. There are a lot of good things in what the Government has proposed, but unfortunately it misses important points and doesn't mention secularism — the equivalent doesn't exist maybe in English, «laïcité» — is far Bouchard-Taylor, is far from Liberal tradition. I don't recognize the Liberal Party. You know, this extreme anxiety about religious signs and religious thought and… is OK, you know. In a democratic society, we protect the right of religion. But the Liberal agenda usually is to come close to middle and intermediate consensus, but the actual approach seems more close to Conservative, the Conservative insistence in not putting in question in any means the presence of religious symbols everywhere, including the cross, which is a the head of the National Assembly president.

Mme Verville (Marie) : The niqab and the burqa, not permitted; but chador, yes. There's…

M. Khadir : …you know, we have to be pragmatic. In Québec, in Western countries, the type of symbols that are more present and the type of habits among more conservative and traditional religious habits, «habillement», wears is not a chador. Chador is an exception, mostly an exception. So I don't think it services the debate to concentrate on that. There are so many things that we have to come through, maybe things could be also taken into account to include that in due time. But that's not the main point today. The main point is that secularism has not been addressed.

Mme Verville (Marie) : You said in French that this position that the Government is taking is actually making this debate more acrimonious.

M. Khadir : Yes, because, by removing far from the position of other parties, OK, in ways too close to a Conservative approach within the Liberal Party, it misses the opportunity to create a platform on which there is less place to acrimonious and very polarized debate.

The Bouchard-Taylor commission's position would have been a better platform in approaching the point of view so that we can, you know, a bit heighten the debate and try to resolve a problem that we have been unable to resolve during the last 10 years because it was too acrimonious, it was too partisan and too polarized.

Mme David (Gouin) : Merci.

(Fin à 13 h 47)

Participants


Document(s) Related