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Point de presse de M. Alexandre Cloutier, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, de recherche et de persévérance scolaire

Version finale

Friday, October 2, 2015, 9 h 15

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

Point de presse de M. Alexandre Cloutier, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, de recherche et de persévérance scolaire

(Neuf heures dix-neuf minutes)

La Modératrice : Donc, bonjour et bienvenue à ce point de presse. Prendra la parole, pour commencer, le député de Lac-Saint-Jean et porte-parole en matière d'éducation et de persévérance scolaire, Alexandre Cloutier. Suivra Geneviève Lapointe, elle est fondatrice du regroupement Plus de services pour nos enfants différents; ensuite, Brigitte Dubé, elle est porte-parole de la Coalition de parents d'enfants à besoins particuliers; suivie de Marie-Claude Rousseau, elle est présidente sortante de l'Association québécoise des orthophonistes et audiologistes. Donc, M. Cloutier.

M. Cloutier : Je vous remercie. Alors, aujourd'hui, c'est une journée importante. Nous donnons la voix à ces milliers de parents qui, jour après jour, nous écrivent pour nous témoigner différents scénarios, différentes situations où les enfants souhaitent avoir des services, mais que malheureusement ça ne se concrétise pas. Je vais laisser la parole aux parents qui aujourd'hui représentent des milliers de familles qui sont en attente de services et je me sens particulièrement honoré de pouvoir être accompagné et de pouvoir témoigner de toutes les difficultés qu'ils vivent, eux, jour après jour dans le réseau. Nous avons également la présidente des orthophonistes... de l'association des orthophonistes du Québec qui est avec nous aujourd'hui, qui va témoigner des coupures bien réelles dans le réseau.

Mais ce que je veux vous dire, c'est que, vous vous souvenez, le ministre nous a accusés de pseudo-cas, de pseudo-situations, de pseudo-enfants. Vous allez voir aujourd'hui qu'il s'agit de situations bien réelles, avec des cas qui sont carrément crève-coeurs. Le réseau est à bout de souffle. Ce sont des milliers de parents, des enseignants qui se mobilisent partout à travers le Québec, puis je pense qu'aujourd'hui, avec les témoignages qui vont vous être présentés, vous allez mieux comprendre pourquoi il y a autant de mobilisation dans le réseau. Alors, sans plus tarder, bien, je cède tout de suite la parole à Mme Geneviève Lapointe, qui est la présidente du regroupement pour Plus de services pour nos enfants différents.

Mme Lapointe (Geneviève) : Bonjour. Je me présente : Geneviève Lapointe, fondatrice du regroupement Plus de services au Québec pour nos enfants différents, également mère d'un enfant dysphasique. Mes démarches remontent maintenant à plus de deux ans, et je représente plus d'un millier de familles. En leur nom, j'aimerais aujourd'hui m'adresser au ministre de l'Éducation et à notre premier ministre.

Mon fils fréquente l'école de l'Étoile, celle même que vous avez inaugurée, M. Blais, à Lévis, en grande pompe, même si sa construction était prévue depuis la gouvernance de M. Charest. Je vous l'accorde, notre école est magnifique. Mais auriez-vous oublié d'y mettre du contenu? Attention, très loin de moi l'idée de dire que nous n'avons pas de service ou que les élèves... les intervenants en milieu scolaire ne font pas des efforts extraordinaires pour offrir des services à nos enfants. Mais que dites-vous, M. le ministre, de l'unique orthophoniste en congé de maladie, de l'orthopédagogue qui doit produire, cet automne, presque 50 plans d'intervention pour des enfants qui ont déjà été diagnostiqués avant l'âge scolaire?

Que dites-vous, M. le premier ministre, de tous ces enfants qui n'ont pas pu avoir de diagnostic et qui seront en échec scolaire avant même l'âge de sept ans? Êtes-vous en mesure, dans vos multiples tableaux, de prévoir quel sera le taux de décrochage dans 10 ans? Parce qu'actuellement un enfant sur cinq a besoin de support complémentaire, et vous abolissez la plupart de ces postes, de ces ressources essentielles pour nos enfants.

La question n'est plus de savoir qui détient le monopole de la compassion, M. le premier ministre. Ce n'est plus une lutte de pouvoir, c'est une situation dramatique et surtout triste.

Voici quelques-uns de ces cris du coeur. «De ce manque de services lié au manque de compréhension résultent également des jugements inappropriés sur les compétences parentales. Les parents et l'enfant se font juger très facilement, et l'enfant est identifié comme paresseux ou démotivé, alors que le problème est neurologique.» Nathalie Martin, Chambly.

«Cette année, dans l'école, il y a une seule éducatrice spécialisée pour les secteurs réguliers, qui doit s'occuper des élèves, mais il y a quatre classes de plus, soit 100 élèves de plus. Alors, j'aimerais demander au premier ministre et au ministre de l'Éducation : Pensez-vous être en mesure de permettre à ces élèves de récupérer cette aide perdue, d'être capables de rattraper les apprentissages non acquis par manque de services?» Marie-Claude Armstrong, Chambly.

«Notre combat ne fait que commencer. Je trouve très aberrant, d'ailleurs, de devoir appeler nos efforts un combat. Ce ne devrait pas être un combat d'offrir de l'aide à nos enfants afin de leur assurer un avenir épanoui sur le plus de sphères possible. Ce devrait être un investissement de la part du gouvernement puisque nos enfants à besoins particuliers seront un jour ceux qui s'occuperont des générations à venir.» Jessica Nadeau, Saint-Philippe de La Prairie.

«À peine la quatrième année du primaire entamée, notre enfant nous annonce déjà qu'après le secondaire V, il quittera ses études. Que peut-on espérer pour son avenir? Est-ce qu'il aura un jour une place pour lui à l'école? S'il avait l'âge, il serait un décrocheur. À neuf ans, quel est le terme approprié? Un décroché?» Marie-Jo Demers, Laval.

Au nom des milliers de familles qui nous appuient dans nos démarches, que comptez-vous faire? Je crois sincèrement que votre poursuite de l'équilibre budgétaire peut passer par des décisions qui ne tiendront pas en otage toute une génération. En tant que fondatrice de Plus de services au Québec pour nos enfants différents, en tant que citoyenne, mais précisément comme maman, je vous prie d'écouter ceux qui vous ont élus. Merci.

Mme Dubé (Brigitte) : Bonjour. Je me présente : Brigitte Dubé, porte-parole et membre fondatrice de la Coalition de parents d'enfants à besoins particuliers. Cette coalition est née en mai dernier sous l'impulsion de quelques mamans d'enfants autistes qui, de par leur vécu et compte tenu de tous les témoignages que l'on peut lire sur les forums dédiés aux parents d'enfants autistes, ont décidé qu'il fallait agir, qu'il fallait se donner une voix commune contre les effets des compressions budgétaires dans le quotidien de milliers de familles d'enfants à besoins particuliers, tous diagnostics confondus. Quatre mois plus tard, la coalition regroupe près de 1 200 membres. Nous constatons malheureusement un immense fossé entre la réalité sur le terrain, à l'école et dans le quotidien des familles et ce qu'en dit le ministre de l'Éducation sur la place publique. C'est pourquoi nous avons décidé de joindre notre voix à celle de milliers d'autres familles réunies dans le regroupement de Mme Geneviève Lapointe. Nous donnons maintenant la parole aux parents.

Voici deux témoignages percutants recueillis récemment parmi nos membres. Nous aurions pu en lire plusieurs, tous plus pertinents les uns que les autres. Nous avons dû faire un choix.

Marie-Josée Aubin : «M. le premier ministre, en mai dernier, dans une lettre publiée dans LaPresse, je vous exprimais toute la fierté que j'éprouve à l'égard de mes deux vaillants petits guerriers autistes. Je tentais également de vous faire comprendre à quel point les services spécialisés en milieu scolaire sont essentiels afin qu'ils puissent poursuivre leur parcours et ainsi devenir des citoyens autonomes. J'espérais surtout que vous me compreniez. Force est de constater que mes espoirs semblent vains.

Voici un portrait de notre rentrée scolaire 2015. La semaine dernière, j'ai proposé à l'enseignant de mon fils  Jeffrey, huit ans, autiste de haut niveau et TDAH, de venir l'aider en classe. Mon fils fréquente une classe régulière et a de réelles difficultés. Quel ne fut pas mon étonnement de constater que ma proposition tombait à point. À mots couverts, j'ai compris que le soutien professionnel distribué au compte-gouttes ne sera pas suffisant pour combler les besoins de mon fils cette année. Il y a moins de quatre ans, mon fils bénéficiait d'un soutien direct de 10 heures par semaine. Cette année, il bénéficie, avec l'ensemble de son groupe, de trois heures par semaine en classe d'orthopédagogie et de deux heures de soutien au professeur par une technicienne en éducation spécialisée. Bref, nous sommes passés de 10 heures de soutien personnalisé à cinq heures pour un groupe complet. Je ne veux pas que mon enfant excelle, je veux simplement qu'il progresse et qu'il soit fier de lui. Alors, oui, j'irai l'aider en classe afin qu'il puisse, lui aussi, se sentir compétent.

Depuis l'an dernier, je questionne la pertinence de garder  Jeffrey dans un parcours régulier puisque les services n'y sont pas. Or, tant qu'il ne cumule pas les échecs, tout transfert est impossible. Mon enfant devra donc composer avec une baisse de l'estime de soi. Mon autre fils,  Brandon, 10 ans, autiste de haut niveau, fréquente depuis l'an dernier une classe spécialisée. Cette année, il compose avec une nouvelle technicienne en éducation spécialisée car celle de l'an dernier ainsi que sa collègue ont dû quitter leur poste. Une réorganisation des effectifs fait en sorte que 10 heures totales par semaine pourtant nécessaires ont été retranchées de leur poste pour être données à une autre intervenante attitrée à tous les élèves de l'école.

En demandant aux écoles de faire toujours plus avec moins de ressources, ce sont nos enfants vulnérables inévitablement qui écopent.»

Témoignage anonyme d'une maman de 39 ans qui souffre de dépression, d'un épuisement, de trouble du sommeil et qui est en arrêt de travail, maman d'un garçon de huit ans, trouble du spectre de l'autisme, TDAH et épilepsie. «Pour s'épanouir, pour demeurer en santé et pour devenir un citoyen éduqué et autonome, mon fils a besoin d'un suivi en neurologie, d'une médication pour traiter l'épilepsie et le TDAH, d'un accompagnement à l'école par un technicien en éducation spécialisée, de cours d'habilités sociales, d'aide aux devoirs, d'un suivi par un psychoéducateur et d'un suivi en orthopédagogie.

Septembre 2015, mon garçon est en classe régulière en troisième année. Cette année, le seul poste de technicienne en éducation spécialisée dans l'école a été coupé. Ils sont 20 élèves dans sa classe. Mon fils voit la psychoéducatrice deux fois par semaine; le reste du temps, il est livré à lui-même. Pour tenter de pallier le manque de services, je paie chaque semaine, de ma poche, l'orthopédagogie au privé. Depuis la rentrée, mon fils a recommencé à s'arracher les cils, il ne dort pas la nuit et arrive complètement brûlé de l'école. Il cherche des excuses pour que je le garde à la maison. Il a peur d'aller à l'école le vendredi car il craint d'avoir trop d'erreurs dans sa dictée. Il ne veut plus étudier. Il se sent nul.

J'avais dit à la direction que, dans ce contexte, j'envisageais enseigner à la maison. Face à ce constat, il y aura une réunion à l'école prochainement pour parler de l'éventualité d'un service d'accompagnement par un technicien en éducation spécialisée.

Comment se fait-il que mon fils n'ait actuellement pas accès aux services auxquels il devrait avoir droit, compte tenu du financement qui suit sa cote?

J'ai été en arrêt de travail depuis mars dernier pour dépression majeure, j'essaie de travailler, c'est très difficile. Je suis mère monoparentale. Comment pourrais-je arriver financièrement si je devais enseigner à la maison à temps partiel? Auparavant, j'étais violoncelliste et musicothérapeute. J'ai de plus en plus de difficulté à maintenir mes activités professionnelles. Je suis découragée et je sens que je m'épuise en vain à tenter d'obtenir des services pour mon fils. J'ai peur pour l'avenir.

M. le premier ministre, vous vous apprêtez à sacrifier une cohorte complète d'enfants. Vous dites que c'est pour leur bien, nous sommes pourtant des milliers de parents à voir clair dans votre jeu. Cessez les compressions en éducation. Merci.

Mme Rousseau (Marie-Claude) : Bonjour. Mon nom est Marie-Claude Rousseau, présidente sortante de l'Association québécoise des orthophonistes et des audiologistes. Je travaille aussi comme orthophoniste en milieu scolaire. Aujourd'hui, notre association est présente à cette conférence de presse pour demander au gouvernement de réinvestir en éducation.

En tant que professionnels de l'éducation, les membres de l'association savent à quel point l'intervention auprès des élèves en difficulté est primordiale pour assurer leur épanouissement et le développement de leur plein potentiel. Les compressions affectant le réseau de l'éducation ne sont donc pas sans conséquence pour ces enfants vulnérables qui vivent des difficultés sensorielles, attentionnelles, motrices, langagières, comportementales ou d'apprentissage. Notre association rappelle que, cette année seulement, 250 postes de professionnels ont été abolis dans les écoles du Québec. Donc, que ce soient des psychologues, des orthophonistes, des psychoéducateurs, des orthopédagogues, des conseillers pédagogiques, c'est énorme.

En raison des coupures, les intervenants spécialisés, dont les orthophonistes, ont peine à répondre à leur mission première qui est de favoriser les apprentissages, la réussite et la persévérance scolaire. Lors d'une récente consultation effectuée par l'Association québécoise des orthophonistes et audiologistes auprès de ses membres oeuvrant en milieu scolaire, le constat fut unanime. L'impact des compressions sur le terrain est plus que palpable et les répercussions sur les services aux élèves en difficulté ne laissent aucun doute. Si près de 40 % des répondants à notre sondage affirment qu'il y a eu des coupures de services en orthophonie dans leur commission scolaire cette année, plus de 45 % des répondants mentionnent aussi que les coupures ne se réduisent pas uniquement à des réductions de tâche ou de poste, mais touchent aussi des réalités plus larges.

Voici le résumé de quelques-uns de ces témoignages. Dans une commission scolaire, un congé de maternité et un congé sans traitement de deux jours n'ont pas été remplacés. Plusieurs élèves ne reçoivent donc pas les services dont ils ont besoin. En plus, les enseignants ne peuvent pas être accompagnés autant dans la différenciation pédagogique à mettre en place pour ces élèves en difficulté.

Dans une autre commission scolaire, une orthophoniste a vu sa tâche passer de trois à deux jours, ce qui fait en sorte qu'elle voit 40 % moins d'élèves que l'an dernier. Cette professionnelle doit interrompre les suivis d'enfants autistes, d'enfants présentant des troubles non sévères du langage ainsi que d'enfants avec des troubles du langage écrit comme la dyslexie et la dysorthographie.

Dans une école secondaire, une classe spéciale pour élèves avec des troubles de langage compte maintenant de 18 à 20 élèves, alors que c'était 10 à 12 l'an dernier. Le nombre d'heures d'orthophonie, de psychologie, de psychoéducation et de TES est resté le même malgré l'augmentation de la clientèle dans cette classe.

Les professionnels nous disent aussi que les élèves référés dans leurs écoles peuvent attendre sur une liste entre six mois à un an et demi. Certaines familles se tournent vers le privé, mais les familles moins nanties ne peuvent se le permettre. En raison de toutes ces coupures, plusieurs professionnels trouvent que leur travail n'est pas toujours efficace et ils se sentent frustrés de voir que les services diminuent alors que les besoins, eux, ne diminuent pas. Ils aiment leur travail et ils ont foi en l'école publique, mais ils ont besoin du soutien du gouvernement pour continuer à offrir des services de qualité. Ils souhaitent que le gouvernement voie l'éducation comme un investissement plutôt qu'une dépense.

Bref, ces témoignages nous confirment que les compressions sont réelles et qu'elles prennent différentes apparences. En effet, sans nécessairement impliquer une abolition ou une réduction de postes, les compressions peuvent toucher à des congés de maternité ou de maladie non remplacés. Les compressions peuvent aussi toucher l'annulation de subventions pour les élèves handicapés, donc les élèves HDAA, en raison des critères d'admissibilités plus rigoureux au ministère de l'Éducation. Ces compressions peuvent encore se traduire par des élèves plus nombreux dans des classes d'adaptation sans l'ajout de services spécialisés.

En terminant, l'Association québécoise des orthophonistes et des audiologistes demande au gouvernement de réinvestir dès maintenant dans les services publics, parce que l'éducation, c'est le meilleur investissement pour le futur. Merci.

La Modératrice : Donc, on va passer à la période de questions. Marco Bélair-Cirino, Le Devoir.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui, bonjour. Mme Rousseau, pouvez-vous préciser l'impact des coupes sur les ressources actuellement disponibles? Vous avez parlé de frustration dans les rangs. Est-ce qu'il y a, par exemple, un nombre accru de congés de maladie chez vos membres?

Mme Rousseau (Marie-Claude) : Bien, je n'ai pas de chiffre à cet effet-là, mais il est évident que l'impact des coupures amène un surplus de tâches pour les orthophonistes ou les autres professionnels de l'éducation, que ce soient les psychologues, les orthopédagogues. Ça leur amène davantage de travail parce qu'ils doivent faire plus avec moins. Donc, nécessairement, ça a un impact sur leur qualité de vie, sur leur motivation au travail aussi et sur leur santé.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Merci. Mme Lapointe ou Mme Dubé, est-ce que vous observez un recours accru aux ressources privées? Alors, des parents qui se sentent délaissés par le réseau public et les ressources disponibles habituellement dans les écoles se tournent-ils davantage vers des ressources privées, ceux qui en ont les moyens, évidemment?

Mme Lapointe (Geneviève) : Pour ma part, qu'est-ce que je remarque, c'est que tous ceux qui ont les moyens financiers, je ne parle pas de gens qui sont extrêmement riches, mais qui peuvent faire ce choix, se tournent inévitablement vers le privé parce que les temps d'attente au niveau public peuvent aller jusqu'à facilement trois ans. Donc, en tant que maman, en tant que papa, on veut le mieux pour nos enfants et on tente d'aller chercher les ressources où elles sont actuellement.

Mme Dubé (Brigitte) : Et la preuve de cette tendance étant que, même dans les cliniques privées, il y a un allongement du temps d'attente actuellement pour avoir des services et des réponses à nos questions.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc, les enfants de parents moins fortunés sont, au premier chef, touchés par les coupes.

Mme Dubé (Brigitte) : Tout à fait, et ceux qui n'ont pas d'assurance privée aussi.

La Modératrice : Pascal Poinlane, Radio-Canada.

M. Poinlane (Pascal) : Et là-dessus est-ce que vous avez des chiffres ou vous dites ça globalement? C'est ce que vous…

Mme Dubé (Brigitte) : C'est ce que l'on constate, sur les différents forums, au travers des discussions de parents. Je n'ai pas de chiffre sur la table à vous mettre comme ça, mais c'est un constat que l'on fait qu'il y a de plus en plus de temps d'attente au niveau des cliniques privées actuellement.

M. Cloutier : Si vous me permettez d'ajouter là-dessus, c'est simple à comprendre, le public, non seulement il n'engage plus, il congédie. Alors, qu'est-ce que vous pensez qui se produit avec les orthophonistes qui viennent de graduer? Il n'y a plus aucune place dans le public, ils se tournent vers le privé. Puis ce que le gouvernement est en train de faire, c'est une forme de privatisation de l'éducation au Québec où les jeunes les plus défavorisés sont obligés de payer de leur poche pour avoir accès à des services parce qu'ils n'existent plus, les services. Puis c'est ça qu'il faut comprendre, c'est que les… C'est assez spectaculaire, là, il manque d'orthophonistes au Québec, on coupe celles qui existent, puis celles qui graduent, il n'y a aucune place pour eux ou pour elles.

Alors, ce que vient de vous exprimer la présidente de l'association des orthophonistes du Québec, c'est quand même assez spectaculaire. C'est probablement l'ordre professionnel qui est le plus en demande ou certainement un de ceux qui est le plus en demande, puis pourtant, il y a une possibilité pour eux de travailler, mais il n'y a aucune embauche.

On dit quoi aux parents? On dit : Tournez-vous vers le privé, payez de votre poche. Tout à l'heure, vous me parliez d'un cas où on avait payé 2 000 $ pour avoir accès à un diagnostic. Ce n'est quand même pas rien. Je peux peut-être en parler de votre cas à vous. Vous avez dû défrayer 2 000 $, c'est ce que vous m'avez expliqué tout à l'heure. Je ne sais pas si vous souhaitez en dire un mot?

Mme Lapointe (Geneviève) : Oui. Avant l'entrevue, en début de rencontre avec M. Cloutier, avant de présenter cette conférence, je disais, à titre d'exemple, qu'étant donné que… Pour mon fils, nous avions commencé à consulter dès l'âge de trois ans, trois ans et demi. Son dossier a été transféré comme étant urgent au niveau de l'Hôtel-Dieu de Lévis, et, après plusieurs mois, n'ayant pas eu de réponse, on s'est tournés vers le privé, mais seulement pour un diagnostic, et c'est bien avant de mettre en place des stratégies pour pouvoir l'aider. On peut facilement parler de 1 000 $ à 2 000 $ uniquement pour le diagnostic au privé.

M. Poinlane (Pascal) : Merci. Ma question, en fait, était pour Mme Rousseau. Vous pouvez vous avancer. Merci, en passant, pour les témoignages que vous nous fournis. Je voulais savoir : Est-ce que, malgré tout ce que vous nous avez expliqué, est-ce que le problème ne vient pas aussi du fait qu'il y a de plus en plus de diagnostics d'élèves en difficulté d'apprentissage par rapport à il y a 10 ans, par exemple?

Mme Rousseau (Marie-Claude) : Bien, c'est une excellente question. Cependant, on est beaucoup plus outillés aujourd'hui pour émettre des diagnostics ou des conclusions qu'il y a 10 ou 20 ans. Donc, la science a évolué On a plus de connaissances. On a plus de moyens d'interventions aussi, plus de connaissances.

Donc, est-ce que ça a plus augmenté ou avant on ne les voyait pas? Je vous lance la question. Je n'ai pas la réponse. Mais clairement, c'est vrai qu'on semble en entendre davantage parler aujourd'hui. Peut-être qu'il y en avait autant avant, c'est juste qu'on ne le voyait pas nécessairement de la même façon.

Aujourd'hui, on a les moyens d'intervenir, et ce qui est frustrant, c'est que nos professionnels dans les écoles savent comment intervenir, mais n'ont pas les ressources pour le faire adéquatement. C'est ça, le problème actuellement. Donc, il y a des compressions, mais, même avant les compressions, on avait besoin de davantage de services. Avec les compressions, bien, c'est encore pire. C'est plus ça, le problème.

M. Poinlane (Pascal) : Ne pensez-vous pas qu'il y aurait moyen de revoir peut-être les critères, par exemple, de l'autisme? Un autisme léger, par exemple, est-ce qu'il devrait y avoir autant de services que pour un cas d'autisme plus lourd? Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Dubé (Brigitte) : Si je peux me permettre de répondre à cette question...

Mme Rousseau (Marie-Claude) : Oui, tout à fait, allez-y.

Mme Dubé (Brigitte) : Bien, en fait, en ce qui concerne l'autisme, bon, oui, ça va de léger à lourd, mais ce qu'il faut comprendre à travers ça, c'est que ce n'est pas parce que c'est léger que l'enfant n'a pas besoin de service.

Pour reprendre votre question précédente, il y a 10 ans, on aurait dit d'un enfant autiste léger qu'il était capricieux, tout simplement. On n'aurait pas compris qu'il avait des besoins sensoriels, toute son analyse du monde qui ne correspond pas à l'analyse d'une personne neurotypique, neurotypique voulant dire normale, entre guillemets, là.

Donc, c'est ça, alors, à la base, ce n'est pas parce qu'un enfant est léger qu'il n'a pas besoin de service. C'est sûr qu'un cas lourd va nécessiter plus de services, inévitablement. Ceci dit, souvent, les services qui peuvent être mis en place pour les cas plus légers ne sont pas si énormes à aller chercher, et pourtant on ne les retrouve pas dans plusieurs écoles, et aussi il y a une problématique de connaissance du sujet aussi. Il y a des formations à aller chercher aussi au niveau des intervenants, des professeurs. C'est complexe comme situation, mais, oui, ces enfants-là ont tout autant besoin de services que les autres, qu'ils soient en classe spécialisée ou en classe régulière.

La Modératrice : Sébastien Bovet, Radio-Canada.

M. Bovet (Sébastien) : Bonjour. Une question pour Mmes Lapointe ou Dubé. Le discours du gouvernement, c'est de dire qu'il y a une augmentation du budget en éducation — on parle de dixièmes de pourcentage... de pour cent — mais il admet du bout des lèvres qu'il y a des services qui peuvent être affectés. Je comprends que vous interpellez le gouvernement aujourd'hui. Le gouvernement dit : On fait des choix budgétaires difficiles pour assurer l'avenir plus tard. Qu'est-ce que vous pensez de cette version du gouvernement ou de ce discours du gouvernement?

Mme Lapointe (Geneviève) : Actuellement, on parle d'un enfant sur cinq qui a des besoins particuliers. On coupe dans ces services aux élèves. Donc, quelle sera la situation, comme je le disais dans mon allocution, dans 10, dans 15 ans? Il fait des choix pour améliorer ou maintenir le bas taux de décrochage scolaire, mais, au contraire, ces décisions-ci vont avoir des répercussions, évidemment, lorsque nos enfants seront sur le marché du travail. Donc, évidemment que ça aura des répercussions très, très importantes. Un enfant qui ne termine pas sa scolarité, qui ne peut étudier pour avoir un bon métier ne sera pas quelqu'un d'actif dans la société dans 10, 15 ou 20 ans.

M. Bovet (Sébastien) : Quel est, justement, l'avenir d'un enfant autiste? Par exemple, j'imagine qu'à différents degrés... chaque cas est différent, là, mais qu'est-ce qu'un enfant autiste peut acquérir à l'école qui va lui servir dans la société?

Mme Dubé (Brigitte) : Ça va des connaissances pédagogiques aux interactions sociales. Donc, c'est complet, là, comme développement, ce que l'enfant peut aller chercher là. Et, au bout de la ligne, ce que ça change pour l'enfant, c'est carrément le choix de carrière, le fait que cette personne-là va être active au niveau de la société ou va être bénéficiaire de l'aide sociale pour plusieurs. Donc, c'est hyper important que le gouvernement comprenne ça.

Et je peux donner l'exemple de mon propre fils qui, il y a deux ans, était forcé en scolarisation à domicile, pas par choix, mais forcé, et qui, deux ans plus tard, est en classe spécialisée. Par ma bataille, on a réussi à obtenir les services pour mon fils, et il fonctionne bien actuellement. Hier, il recevait un Méritas pour l'amélioration de son comportement à l'école, donc la preuve que, lorsqu'on offre les services, on peut arriver à des petits miracles, puis ces petits miracles là, à chaque jour, bien, ça fait un adulte épanoui qui va être capable de fonctionner dans la société plus tard.

M. Bovet (Sébastien) : Alors, vous le féliciterez de notre part. M. Cloutier, une question plus politique, si vous me permettez.

Une voix : ...

M. Cloutier : Permettez-vous...

M. Bovet (Sébastien) : Ah! Oui, absolument.

Mme Rousseau (Marie-Claude) : Je voulais juste répondre, M. Bovet, dans le fond, c'est toute une question d'intervention. Lorsque l'enfant arrive à l'école, on ne peut pas le savoir, comment il va se développer rendu à l'âge de 12, 13 ou 14 ans. C'est beaucoup trop tôt pour pouvoir le déduire. Cependant, on le sait, et les études le prouvent, si on intervient rapidement, de façon précoce, l'élève qui reçoit les services dont il a besoin a beaucoup plus de chances de réussir à évoluer plus rapidement ou mieux dans la société, à l'école, que l'élève qui ne reçoit pas ces services-là. Donc, si on met en place les interventions nécessaires, on met plus de chances de son côté pour qu'il réussisse plus tard.

M. Bovet (Sébastien) : Merci. M. Cloutier, question plus politique. Les membres du Parti québécois, les députés du Parti québécois s'affichent, cette semaine, sans gêne auprès de parents, notamment ici aujourd'hui, hier autour des écoles pour défendre l'éducation, le système d'éducation. Vous vous êtes affichés aussi en portant des sarraus des gens de la FIQ il y a quelques semaines. Mais vous avez refusé, les gens du Parti québécois, de vous afficher avec les syndicats cette semaine, qui défendaient sensiblement la même cause, c'est-à-dire le maintien du système d'éducation, alors qu'ils manifestaient cette semaine. Pourquoi ce double standard politique?

M. Cloutier : Bien, si vous me permettez de... je vais vous proposer une autre lecture des événements. J'ai répondu en long et en large... J'ai fait un point de presse, en fait, pour expliquer que nous appuyons les professeurs, que nous trouvons complètement aberrantes les offres actuelles d'augmenter le nombre d'élèves par classe, de vouloir revoir la pondération des élèves en difficulté, que nous allions parler haut et fort pour les enseignants, pour tous ceux et celles qui sont victimes de coupures, pour les parents. Donc, nous allons accompagner... comme nous l'avons fait depuis, je dirais, les sept, huit derniers mois, particulièrement. Nous avons été très actifs.

Mais, en ce moment, il y a une espèce d'ébullition de parents, d'élèves. C'est même le cégep maintenant qui se mobilise, hein, parce qu'on a vu que le mouvement Je protège mon école publique, il y a même des cégeps qui ont été entourés. Ce que j'essaie de dire, finalement, c'est que nous allons être actifs sur tous les fronts, incluant celui de la défense des enseignants et particulièrement sur les offres patronales qui témoignent, à notre avis, d'un gouvernement qui ne croit pas en l'éducation.

M. Bovet (Sébastien) : Mais ceci exclut la participation à des manifestations syndicales?

M. Cloutier : Pas nécessairement. Absolument pas.

M. Bovet (Sébastien) : Pas nécessairement?

M. Cloutier : Non. Puis d'ailleurs je tiens à vous faire remarquer qu'il n'y a aucune formation politique qui était présente aux manifestations, que l'Assemblée nationale siégeait, qu'on est allés en point de presse pour présenter la position du Parti québécois, que le lendemain, on était avec l'association de parents, que ce matin, j'interpelle le ministre, puis que demain, on va avoir des représentants du Parti québécois au grand rassemblement pour les enseignants à la FAE, qui est organisé avec Pénélope McQuade et plusieurs autres intervenants, où le Parti québécois sera très bien représenté.

Donc, il n'y a aucune ambiguïté là-dessus. J'ai vu des analystes, effectivement, qui laissaient entendre que ça pouvait porter à confusion. Moi, je vous invite à aller voir le point de presse qu'on a fait, à lire notre position qui est sans aucune ambiguïté. Nous allons nous lever jour après jour pour dénoncer ce qui se passe actuellement, parce que c'est extrêmement grave, puis je veux quand même que vous réalisiez, là, que ce n'est pas à tous les jours que c'est l'association des orthophonistes, avec des associations de parents qui se créent, qui sont des nouvelles associations et qui représentent maintenant des milliers de personnes, qui se disent : Il faut se rassembler, il faut faire quelque chose. Ils sont venus me voir pour pouvoir s'exprimer aujourd'hui devant vous, ils ont des centaines de cas. Je veux que vous le sachiez, là, ils ont des centaines de cas qu'ils m'ont déposés à mon bureau. C'est incroyable, c'est des cris de coeur.

Alors, ces enfants-là, ce n'est pas compliqué, là, tu diminues le service, tu augmentes ton décrochage au Québec. C'est exactement ce qu'on vient de vous expliquer. Quand tu laisses tomber un enfant qui a besoin des services en bas âge et que tu le mets de côté, par définition, tu viens d'augmenter, de manière importante, ton niveau de décrochage au Québec et, par définition, comme société, tu viens de te tirer dans le pied.

La Modératrice : Régys Caron, Journal de Québec.

M. Caron (Régys) : Bonjour, M. Cloutier. Bonjour, mesdames. Donc, ces centaines de cas que vous évoquez, M. Cloutier, c'est des gens qui sont en train d'être sacrifiés sur l'autel du déficit zéro.

M. Cloutier : Oui, absolument. On sacrifie des jeunes sur l'autel de l'austérité, et il n'y a aucun doute à mon esprit. Et, comme société, on est en train de se tirer dans le pied sur le moyen, long terme, tout ça par obsession d'un calcul comptable. Et ce n'est pas pour rien, là... quand les parents sont rendus qu'ils se lèvent à 6 h 30 le matin pour aller entourer des écoles, là, malgré la conciliation travail-famille, c'est parce qu'il se passe quelque chose. Quand ce sont des associations de parents qui cognent à la porte des bureaux de députés, qui nous envoient des lettres puis qui disent : Nous, on veut s'exprimer, aidez-nous, c'est parce qu'il se passe réellement quelque chose au Québec.

Puis le ministre Blais, là, il a une job aujourd'hui. Honnêtement, il est ministre de l'Éducation, il n'est pas président du Conseil du trésor. Sa responsabilité à lui, c'est de défendre l'éducation au Québec, de mettre son pied à terre, de dire à son collègue au Conseil du trésor : en Éducation, c'est fini, on ne peut plus, le réseau est à bout de souffle. Aïe, ce n'est pas rien, là, le ministre a accepté que des professionnels soient coupés, des psychologues, des psychoéducateurs et des techniciens en éducation spécialisée. À un moment donné, il y a des limites.

M. Caron (Régys) : On est en campagne électorale fédérale. J'écoutais le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, hier répéter qu'il y avait un déséquilibre fiscal. Est-ce qu'il n'est pas là, le vrai problème, tu sais, les points d'impôt sont à Ottawa puis... même le gouvernement Couillard le reconnaît. Est-ce que vous vous adressez à la bonne personne en disant au ministre de l'Éducation : Il faut réinvestir dans l'Éducation? Il n'y en a pas d'argent.

M. Cloutier : Le ministre de l'Éducation, là, devrait mettre son pied à terre puis dire : Je ne peux plus continuer comme ça, puis, si ça continue comme ça, je sacre mon camp, parce que la responsabilité...

M. Caron (Régys) : Vous l'invitez à démissionner?

M. Cloutier : Non. Moi, ce que je lui dis à faire, c'est de rentrer dans le bureau du premier ministre, là, puis de dire que ça ne peut pas continuer puis il doit mettre toute la... il doit mettre ses responsabilités en jeu par rapport aux coupures actuellement puis il ne peut plus juste accepter. Puis qu'il nous le dise aussi, qu'est-ce qu'il va faire dans les prochains mois quant aux coupures... d'autres coupures éventuelles, parce que là, il y a toutes sortes de scénarios qui planent.

Ce qui se passe en ce moment, c'est inacceptable. Ça ne peut pas être toléré, et c'est au ministre de mettre son pied dans la porte puis de dire : Assez, c'est assez, puis de donner toute sa confiance au premier ministre puis de lui dire que, pour lui, ça ne peut juste pas continuer comme ça. Merci à vous.

(Fin à 9 h 52)

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