(Dix heures quatre minutes)
M. Paradis (Lévis) : Bonjour,
tout le monde. Merci d'être là. C'est drôle, ce matin, je regardais... puis il
y a beaucoup de choses qui se disent, hein? La marmotte voyait son ombre ou
pas. C'est un petit peu Le jour de la marmotte. Vous savez que ça a la
particularité de faire en sorte qu'on a l'impression que tout se répète. Bien,
c'est un petit peu la problématique dans le réseau de santé actuellement. J'ai
comme l'impression que l'histoire se répète à la lumière des chiffres que l'on
obtient. Puis au cours des dernières semaines, alors que la session va
commencer bientôt, au cours des dernières semaines, bien, les exemples se sont
multipliés, de problématiques dans le réseau de la santé, qui inquiètent manifestement
les patients et qui touchent manifestement les patients. On a parlé de baisse
de chirurgies potentielle au CUSM, la prise de rendez-vous avec des
dermatologues qui n'est pas non plus facile, l'accès aux spécialistes, un autre
dossier qui a fait la manchette récemment, l'augmentation marquée des accidents
dans le réseau de la santé, touchant notamment les aînés, et ça fait la
manchette également. Alors, on a l'impression, donc, que c'est un petit peu la
répétition tout le temps, puis ça, bien, ça devient inquiétant.
Et alors que la session va commencer sous
peu, je pense que c'est important de partager avec vous des chiffres qu'on a
compilés, des données qui démontrent que vous avez raison, que les gens ont
raison d'être inquiets en fonction des chirurgies, en fonction des diagnostics,
des examens précis que l'on souhaite, que l'on attend pour voir sa santé
prendre du mieux. Je vous parlerai particulièrement des chirurgies parce que c'est
particulièrement inquiétant. Je vous parlerai des échographies, des chiffres
dont on ne parle pas souvent.
Alors, il faut savoir qu'en décembre 2015,
et là ce n'est pas loin, là, en décembre 2015, ce sont les dernières données,
des données du ministère de la Santé et des Services sociaux... Ça fait qu'on
pourra dire... puis joue-t-on avec les chiffres ou pas, c'est des données du
ministère. On ne peut pas vraiment se tromper. Il y a 21 000 patients qui
attendent, depuis plus de six mois, une chirurgie, 21 000 patients au
Québec qui attendent leur chirurgie depuis plus de six mois. Moi, j'aimerais ça
que, seulement un peu, on se mette dans la peau de quelqu'un qui est en attente
d'une chirurgie. Vous comprendrez facilement que, pour celui qui attend, l'urgence,
elle est au quotidien.
Et là je vais ajouter là-dessus parce qu'il
y a des données qui sont inquiétantes. 6 500 patients, de ce nombre-là,
attendent depuis plus d'un an. Bien, faites le même l'exercice auprès des
patients, vous allez voir à peu près ce que ça donne. Puis je vais aller plus
loin que ça. De ce nombre-là, il y en a 930, décembre 2015, là, 930 qui
attendent depuis plus de deux ans. Ah! tu es deux ans en attente d'une
chirurgie. Puis là on aura beau me dire que c'est évident que les cas urgents, extrêmement
urgents, sont faits avant ça, moi, je continue à penser que, pour un citoyen,
pour un patient, deux ans pour attendre une chirurgie, on ne fait pas de ce citoyen-là
un citoyen qui peut participer à la collectivité, un citoyen actif, bien au
contraire. Puis j'ai toujours l'image d'une situation qui éventuellement peut
finalement se détériorer.
Je vous rappelle seulement une promesse du
ministre de la Santé en juin 2014, à l'Assemblée nationale, le ministre Gaétan Barrette
qui se donnait un an pour éliminer l'attente pour les patients qui attendaient
depuis plus de 18 mois. Bien, manifestement, je viens de vous donner des
chiffres, c'est raté. Alors, il y a là un constat d'échec, il y a là un constat
d'échec inquiétant. Puis il faut voir aussi régionalement comment tout ça de
décline, et je vous dirai qu'il y a des régions du Québec qui sont particulièrement
touchées à ce chapitre-là.
Je voulais vous donner des chiffres également
parce que la session s'en vient, puis qu'on aura l'occasion d'en reparler, puis
que ça provoquera aussi des questions, puis qu'on veut bonifier le système de
santé. Je vais vous parler d'échographies parce qu'on n'en parle pas souvent,
et, encore là, il faut se réfugier sur les chiffres les plus récents. En fait,
les données publiées par le ministère de la Santé, compilées par la CAQ en
décembre 2014, indiquent que la situation continue à ou stagner ou se
détériorer. Puis moi, ce chiffre-là m'a fait vraiment réagir, puis on n'a pas
l'impression... C'est important de mettre un chiffre à un moment donné.
Je vous dirai qu'en décembre 2014,
113 073 Québécois et Québécoises étaient en attente d'une échographie.
113 000, c'est du monde, là, 30 % de plus qu'en mars 2013. Ça fait
que vous voyez la progression, vous voyez la tendance, on est à 30 % de
plus d'attente. En décembre 2014, 9 000 Québécoises attendaient
pour leur échographie mammaire. Par rapport à 2013, c'est 56 % de plus,
56 % de plus. Et là, quand on regarde les chiffres puis qu'à un moment
donné on dit : Oui, mais la situation, on a des cibles, il faut voir que
les gens sont traités rapidement; attention, la cible du ministère, la cible
établie faisant en sorte que 100 % des patients doivent être traités en
moins de trois mois ou vus en moins de trois mois, elle n'est pas non plus
atteinte.
Je vais vous donner deux exemples.
Montréal, dans les chiffres que je vous donne, le délai de trois mois est-il
respecté? Une échographie sur deux, à Montréal, est hors délai. C'est trop
long, on n'atteint pas l'objectif. En Montérégie, une sur trois. Ça fait qu'on
a manifestement des problèmes, des problèmes majeurs. Puis on avait aussi
promis, rappelez-vous, de rendre disponible les IRM, imagerie résonnance magnétique,
les «scans». L'échographie, le ministre a dit : 2016, maintenant, ce sera
payé. Je comprends, regardez les tendances des chiffres, j'espère qu'on va
faire quelque chose. 2016, ce sera payé en cabinet, si fait par un radiologue.
J'aimerais ça savoir si c'est commencé, c'est quand? Moi, 2016, j'y suis.
Est-ce qu'on sait si, au moment où on se parle, des femmes qui attendent depuis
longtemps une échographie mammaire ou quelque type d'échographie, cardiaque ou
générale, ont accès à un radiologue en cabinet? C'est-u maintenant défrayé? On
ne le sait pas.
Comment on pourrait le savoir? On pourrait
peut-être le savoir si le ministre rendait publique l'entente qu'il a signée
avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Cette entente-là, on ne
l'a pas et on a demandé, par le biais de l'accès à l'information, d'avoir le
texte de cette entente-là. Pour les médecins omnipraticiens, ça n'avait pas été
bien, bien long, là, aussitôt signée qu'on savait déjà à quoi s'en tenir. Dans
le cas des médecins spécialistes, deux mois après notre demande d'accès à l'information,
on ne sait pas de quoi il en ressort. Ça veut dire quoi? Ce n'est pas finalisé?
Y a-tu des trucs qui ne passent pas? Quels sont les objectifs? Parce qu'à
travers cette entente-là... et pourquoi elle est importante? Parce que c'est un
souci de transparence, par respect pour le patient, puis au-delà de ça, c'est
dans ces ententes-là que les fameuses cibles à atteindre se trouvent.
Alors, qu'est-ce qu'on fait de différent?
Qu'est-ce qu'on a mis là-dedans pour qu'on puisse arriver à modifier les listes
d'attente dont je vous parle? Alors, quels sont les objectifs? Quelles sont les
cibles? Quels sont les moyens? À quel coût? On n'a rien de tout ça. Alors, je
pense que, si, un jour, on veut voir une lumière au bout du tunnel puis avoir
l'impression qu'on est capable d'avancer, il va falloir aussi qu'on ait ces documents-là
que l'on n'a pas.
Je réclame du ministre de la Santé qu'il
rende publique maintenant, manu militari, si on prend le terme, cette entente
signée avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec pour que, comme
citoyens, comme patients, comme Québécois et Québécoises qui souhaitent voir
notre réseau de la santé amélioré, on ait au moins une piste nous disant :
On est en train de s'y rendre ou on fait fausse route. Parce que, pour
l'instant, impossible rapidement de dire si les données se modifient et si le
patient est mieux servi. Je vous rappellerai que le système de santé, la notion
de base, c'est l'efficacité, on l'a toujours dit. Alors, ce sont des données
qui sont importantes, ce sont des données qui parlent d'elles-mêmes, ce sont
des chiffres noir sur blanc.
Je dirais une chose, peut-être en
terminant, souvent, à travers tout ce qu'on a fait, on est allé en commission
parlementaire sur des projets de loi importants, puis le ministre a toujours
dit : Vous savez, ça y est, on est dans la bonne direction, on agit.
Alors, je pense que, pour agir, il faut arriver à des résultats. Pour arriver à
des résultats, il faut avoir des données précises, il faut savoir comment on
s'y rend. Pour l'instant, on ne l'a pas. Pour l'instant, on est encore
théoriques.
Dans le réseau de la santé, quand vous
faites face à la maladie ou un diagnostic, de la théorie, il faut passer à la
pratique. C'est bien beau de penser à un traitement, mais, à un moment donné,
il faut le commencer. Pour l'instant, là, on n'a pas l'ombre d'un début de
solution pour faire en sorte que ces délais d'attente là diminuent. On est dans
une continuité d'un ministre de la Santé, pour un gouvernement libéral qui est
là depuis très longtemps, l'espace d'un petit 18 mois, une douzaine d'années,
avec des ministres de la Santé qui se sont succédé pour arriver à un système de
santé bonifié, et, pour l'instant, bien, malheureusement, force est de
constater, comme patients, qu'on est encore sujet à des listes qui sont
incompréhensibles et surtout pas humaines.
Alors, entente rendue publique, modification
de ces données... Et on sera là pour continuer à compiler dès que les chiffres
nous seront donnés. Puis, s'ils étaient donnés, on va les compiler pour faire
en sorte de pouvoir avoir un état, une vision du système, de notre réseau que
l'on souhaiterait meilleur.
M. Lacroix (Louis)
: M.
Paradis, qu'est-ce qu'il faut faire, à votre avis, là? Parce que, là, je
comprends, là, que vous réclamez qu'on rende publique l'entente, etc., puis...
mais, pour les gens qui sont sur les listes d'attente depuis très longtemps — vous
avez parlé de 930 personnes depuis deux ans, etc. — il faut faire
quoi, dans l'immédiat, pour assurer des interventions pour ces gens-là?
M. Paradis (Lévis) :
Rapidement, là, rapidement, dans ce dossier-là, là, il y a des ententes
facilement réalisables entre des cliniques et des centres hospitaliers pour
faire en sorte qu'on puisse avancer dans les listes d'attente de chirurgie. Ça
s'est fait. Ça s'est fait avec RocklandMD. Il a été prouvé noir sur blanc que
ça donnait des résultats, qu'on diminuait les listes d'attente, que ça coûtait
moins cher pour les contribuables, et le ministre l'a avoué. J'ai questionné le
ministre là-dessus à plusieurs reprises, je lui ai suggéré à plusieurs
reprises. Il a fait sienne cette idée-là en disant : Oui, c'est dans mon
plan de match d'établir des ententes entre les cliniques et les centres
hospitaliers pour faire en sorte que rapidement on puisse intervenir. Il n'y
rien qui a été fait.
M. Lacroix (Louis)
:
Est-ce qu'on a les moyens de faire ça? Parce que ces cliniques-là facturent,
là.
M. Paradis (Lévis) : ...coûtent
moins cher. M. Lacroix, le gouvernement lui-même a demandé une étude, et noir
sur blanc, chiffres à l'appui, il a été démontré que des chirurgies faites dans
une clinique extérieure au centre hospitalier étaient moins dispendieuses que
celles dans le centre hospitalier, au-delà de la possibilité de le faire. Ces
chiffres-là existent, c'est le gouvernement qui a demandé cette étude-là.
Alors, on devrait multiplier ces ententes-là partout où on en a besoin, mais on
ne le fait pas.
M. Lacroix (Louis)
:
Donc, ce serait une plus grande ouverture au privé, dans le fond, la solution?
M. Paradis (Lévis) : De faire
en sorte qu'on puisse, sans frais pour le patient, se servir d'équipement, se
servir de blocs opératoires, se servir de gens qui sont prêts puis qui peuvent
opérer, pour faire en sorte que les listes d'attente diminuent.
On se l'est fait dire il n'y a pas bien,
bien longtemps, avant le temps des fêtes, par la Fédération des médecins
spécialistes du Québec, qu'on souhaiterait opérer davantage mais que la
disponibilité des blocs... puis là le ministre a dit : Non, non, regarde,
ça ne marche pas de même puis... Non, mais, dans les faits, là, je veux dire,
il y a des gens, il y a des endroits où on pourrait opérer. Ça s'est déjà fait,
ça se fait. Il y a des chiffres qui concluent que c'est une bonne attitude, une
bonne façon de faire jusqu'à ce que la normale revienne... pour le moins s'en
servir. Mais ça, c'est facile, ça. Ça, c'est facile puis ça se fait vite, mais
pour l'instant on ne le fait pas.
M. Lacroix (Louis)
:
Donc, il y a de la disponibilité en termes, par exemple... que ce soit dans le
privé ou le public, là, il y a suffisamment de disponibilité au Québec de blocs
opératoires, de personnel médical, que ce soit privé ou public, pour combler
ces listes d'attentes là... bien, en fait, pour éliminer ces listes d'attente
là, à votre avis?
M. Paradis (Lévis) : Bien,
faire en sorte qu'on arrive à respecter les cibles qu'on se donne. Là, la cible
devait être atteignable. Si le ministre, en 2014, lui-même dit et en fait
promesse : Il n'y aura plus personne qui va attendre plus d'un an avant de
se faire opérer, et qu'aujourd'hui on est, vous et moi, à regarder des chiffres
très récents qui nous disent le contraire, alors, s'il l'a mis de l'avant, c'est
que c'était atteignable.
Il faut avoir les moyens pour le faire, il
faut prendre les moyens pour le faire. Est-ce qu'ils sont dans l'entente, la Fédération
des médecins spécialistes? Est-ce qu'il y a quelque chose là-dedans? Est-ce
qu'il y a une clause faisant en sorte qu'on va permettre de diminuer ces
listes-là en permettant davantage d'interventions, en faisant des ententes avec
des cliniques? Est-ce que c'est là? Peut-être. Peut-être, mais on ne le sait
pas personne, on ne l'a pas vu.
Alors, rendez-les publiques, puis on
jugera les moyens puis ensuite on ira vers les résultats.
M. Lacroix (Louis)
: Est-ce
que... Je lance ça comme ça, mais, il y a quoi, il y a une vingtaine, trentaine
d'années, là, il y avait eu des... pas des chirurgies, mais e pense que
c'étaient des traitements de cancer qui avaient été traités dans des cliniques
aux États-Unis parce qu'on n'avait pas suffisamment de capacité au Québec. Je
pense que c'était à l'époque du Parti québécois, fin des années 90, si je ne me
trompe pas. Est-ce que ça, c'est une solution?
M. Paradis (Lévis) :
Regardons ce qu'on est capable de faire ici. Il y a des cliniques qui peuvent
le faire, on l'a fait, noir sur blanc, c'est prouvé. Regardons ce qu'on est
capable de faire, la disponibilité, les cliniques avec lesquelles on peut faire
des ententes. Avançons, regardons ce qu'on est capables. Il n'est pas question
de faire quelque chose ailleurs si on a la possibilité de le faire ici. Parlons
avec nos spécialistes.
Mais, encore là, je présume que ça a été
fait, mais c'est parce qu'on ne le sait pas, on ne l'a pas. Il y a peut-être quelque
chose. J'ose espérer que, dans l'entente avec la Fédération des médecins
spécialistes, là, il y a quelque chose qui vise à établir des cibles, des
objectifs, des indicateurs de performance. Parce que n'oubliez que cette
entente-là fait en sorte qu'on évite d'appliquer la loi n° 20, à la même
enseigne qu'on le fait pour les omnipraticiens. Alors, ça va s'en aller en
2018. J'ose espérer que là-dedans il y a des notions permettant de faire en
sorte qu'on puisse améliorer ce dont on parle maintenant, faire en sorte que le
patient se sente en sécurité. Mais rendons-la publique, on pourra l'analyser.
Pour l'instant, on parle sur quelque chose qu'on n'a jamais vu.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
(Fin à 10 h 17)