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Point de presse de Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice et de lois professionnelles

Version finale

Tuesday, February 16, 2016, 10 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Dix heures dix-huit minutes)

Mme Hivon : Bonjour. Merci d'être ici. Alors, je vous ai convoqués ce matin pour vous parler du problème des délais de traitement des dossiers en matière criminelle. Ce n'est pas un problème qui est nouveau en soi, mais c'est un problème qui atteint une ampleur absolument sans précédent et qui a des conséquences absolument dramatiques pour les victimes et, je dirais, pour la confiance du public en général dans le système de justice.

C'est le cas pour la situation qui a été portée à notre attention par TVA cette semaine, où on a vu que, compte tenu des délais qui étaient indus à un présumé agresseur pédophile d'une petite fille de six ans... s'en était tiré, donc n'avait pas à subir son procès parce que les souvenirs de l'enfant n'étaient plus ce qu'ils étaient. Donc, du fait des délais carrément, ce procès-là a avorté, et on a vu que ce n'est pas un cas isolé. Il y a d'autres parents, d'autres familles qui se retrouvent dans la même situation et qui en ce moment ont excessivement peur de ce qui va se produire, des cas où on a deux ans d'attente entre l'agression et le procès, qui n'est pas encore débuté, sur des enfants de cinq, six, sept ans, et on sait comment c'est fragile dans ces cas-là, parce que les souvenirs s'estompent très rapidement, et donc c'est tout le témoignage, toute la preuve qui repose sur les épaules d'une personne, d'un enfant.

C'est malheureusement des situations qui font en sorte qu'on doit poser des gestes. Vous avez vu que ce n'est pas isolé, c'est un problème généralisé dans le milieu de la justice criminelle, avec des risques d'arrêt de procédures qui explosent carrément. Dans les cinq dernières années, il y a eu près de 200 demandes d'arrêt de procédures uniquement pour des questions de délais indus. Ça, c'est une augmentation de 50 % par rapport à la période précédente. Vous vous rappelez tous évidemment du dossier SharQc, 31 accusés criminalisés, donc, de gangs qui ont été libérés à cause des délais. On se souvient aussi de la cause du Faubourg Contrecoeur qui vient tout juste de commencer alors que ça fait quatre ans que les accusations ont été déposées. Même chose pour le procès de l'ex-maire de Laval, M. Vaillancourt, et la trentaine de coaccusés. Les accusations ont été déposées en 2013, et le procès est prévu, pour l'instant, en 2019, six ans après que les accusations soient déposées.

Évidemment, la situation est tellement grave qu'on voit des cris du coeur qu'on n'a jamais vu auparavant. On a vu un fait absolument rarissime, la juge en chef adjointe responsable de la cour criminelle à la Cour du Québec carrément sortir de sa réserve et interpeller, donc, tous les acteurs pour dire que la situation était telle que ça l'empêchait de dormir et qu'on s'en allait carrément dans un mur si on n'en changeait pas la trajectoire.

Ça n'a aucun sens que notre système en soit rendu là. Ça n'a aucun sens, comme je le disais, parce que tout le système de justice repose sur notre confiance dans ces institutions-là. Bien sûr, quand il y a des délais comme ça, de cette ampleur-là, c'est la qualité de la preuve qui s'en ressent. Donc, les risques d'avortement sont plus grands, en plus de la question des délais, et c'est surtout dramatique pour les victimes. On est supposés vouloir remettre l'équilibre entre les accusés et les victimes dans notre système de justice pour que les victimes soient plus au centre de nos préoccupations.

Or, ce qu'on voit, c'est qu'avec de tels délais les victimes se retrouvent carrément laissées à elles-mêmes, à vivre avec leurs traumatismes d'une manière prolongée, en n'ayant pas le sentiment de pouvoir conclure un chapitre excessivement difficile de leur vie. Je pense notamment aux cas d'agressions sexuelles où, je le répète, la preuve repose généralement sur l'unique témoignage de la victime, et ce qui est absolument hallucinant, c'est qu'on met de l'argent, on fait des campagnes de sensibilisation pour inviter les victimes à dénoncer, à porter plainte, à s'impliquer dans le système de justice. Or, on se rend compte qu'avec les délais indus on est en train de les laisser tomber à l'autre bout.

Même chose, on a voulu investir dans les ressources policières pour la lutte au crime organisé, à la corruption. À l'autre bout, ce qu'on voit, c'est qu'on réduit le nombre de procureurs, les effectifs, mais aussi que les délais prennent de plus en plus d'ampleur, avec les risques d'avortement de procès, comme on a vu dans SharQc.

Alors, la situation est carrément intenable, et j'interpelle formellement la ministre de la Justice, la ministre Vallée, ce matin, pour qu'elle prenne les choses en main, pour qu'elle fasse de la question des délais en matière criminelle une véritable priorité d'action. C'est urgent. Quand c'est rendu que des présumés agresseurs d'enfants s'en sortent compte tenu des délais, quand c'est rendu qu'une juge en chef de la cour criminelle dit qu'elle n'arrive pas à trouver le sommeil la nuit tellement qu'elle se pose des questions sur comment on pourrait améliorer les choses et faire diminuer les délais, bien, c'est le rôle de la première responsable de la justice de mettre de l'avant des actions.

Alors, je lui demande aujourd'hui deux choses. Je lui demande d'abord un plan d'action pour ce printemps, qu'elle va rendre public, pour vraiment nous dire comment on va venir à bout de ce mur qui pointe à l'horizon et qu'elle travaille vraiment comme première responsable de la justice, qu'elle ne se réfugie pas derrière l'autonomie, ou l'indépendance des tribunaux, ou le fait qu'il y a plusieurs acteurs qui sont impliqués dans le dossier, mais qu'elle travaille vraiment avec l'ensemble des acteurs, que l'on pense à, évidemment, le DPCP, la magistrature, le Barreau, que tous ces gens-là travaillent ensemble pour changer les choses.

Évidemment, ça requiert des fonds, des investissements parce que l'austérité a aussi été présente en matière de justice. On a vu que, par exemple, des postes de greffier n'ont pas été comblés, ce qui veut dire que les juges ne peuvent pas siéger parce qu'ils ne sont pas accompagnés correctement. Alors, ce n'est pas banal. Donc, un plan d'action pour le printemps, et par ailleurs, dans l'intervalle, parce que la situation est si difficile, ce qu'on lui demande, c'est que, pour les dossiers d'agression sexuelle qui concernent des mineurs, qu'elle agisse pour faire en sorte que ces dossiers puissent être traités en priorité. Pourquoi c'est si important? Comme je le mentionnais, parce que ces dossiers-là reposent uniquement, dans la plupart des cas, sur un témoignage.

Alors, ça, ça veut dire que c'est toute la preuve qui repose sur les petites épaules d'un enfant dont les souvenirs, les études le montrent, sont altérés de 50 % en l'espace de six mois. Donc, imaginez quand on fait face à des délais de deux ans, de trois ans. Alors, je lui demande ça au nom de la confiance du public dans le système de justice, au nom surtout aussi de la place que les victimes doivent avoir dans notre système. Et je lui demande de faire une réflexion plus globale sur le traitement des dossiers d'agression sexuelle parce que ce sont aussi des dossiers plus largement... que l'on parle d'enfants ou d'adultes qui sont vraiment à risque, parce que plus le temps passe, plus le fait que ça ne repose que sur un témoignage, avec les risques que des victimes se découragent, ça fait en sorte que ce sont des risques énormes. Alors, il faut que la ministre agisse, et c'est ce qu'on lui demande formellement aujourd'hui.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Pourquoi lui demander un plan d'action alors que la solution semble claire, du moins le problème, un manque de ressources? Pourquoi un plan d'action?

Mme Hivon : Il y a plusieurs aspects. Il y a le manque de ressources qui est important. Donc, on parle bien sûr de greffiers, de juges, de s'assurer de combler les postes de juge dès qu'ils sont vacants, de salles, et il y a aussi une question de culture. Il y a une question de dire qu'il faut qu'il y ait de la gestion d'instances aussi, qu'on se donne les moyens de ne plus tolérer des requêtes préliminaires qui arrivent le jour où le procès doit commencer. Donc, il y a tout cet angle-là, il y a la question de la longueur aussi des procès. Est-ce qu'on devrait mettre une limite à la durée de certains procès? Il y a des procès qui durent depuis 18 mois, voire deux ans, à tous les jours, un procès criminel. Donc, vous pouvez vous imaginer ce que ça fait comme répercussions d'engorgement. Les causes sont plus complexes.

Alors, il y a plein de pistes de solution. Les ressources, évidemment, on ne peut pas passer à côté. Puis je pense qu'avec 1 % du budget au Québec qui est consacré à la justice ce n'est pas astronomique. Donc, il y a certainement une réflexion à y avoir là, prioritaire, mais il y a aussi de sentir qu'il y a une volonté de la ministre, comme première responsable de la justice, de vraiment s'attaquer à cette problématique-là et de faire en sorte qu'elle fait travailler tous les acteurs ensemble. C'est sa responsabilité à elle.

Et je pense que c'est important aussi, ce n'est pas une question de hiérarchiser ce qui est plus important dans le système de justice, mais c'est une question de se dire que, quand il y a des enfants qui sont impliqués, et que tout repose sur leur témoignage, et qu'on veut, justement, mettre fin aux agressions sexuelles, on veut collectivement dire que la pédophilie, les agressions sexuelles, c'est un crime qui doit vraiment faire l'objet de toute notre attention, bien, ça mérite d'être regardé de manière prioritaire.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Il y a un manque de volonté, selon vous, de la ministre? Est-ce que la situation s'est considérablement aggravée sous sa gouverne?

Mme Hivon : Bien, la situation s'est carrément aggravée, ça, c'est sûr. Il y a de multiples causes. C'est certain que la question, par exemple, des ressources… Quand on ne remplace pas des greffiers, bien, ça a un impact. La question aussi de la complexification de la justice. Je ne dirai pas que tout porte sur les épaules de la ministre, c'est un phénomène qui est beaucoup plus complexe. Mais la ministre est là depuis deux ans, il n'y a pas de… Je n'irai pas dire qu'il y a un phénomène de cause à effet, mais ce qu'on voit, c'est que, pour une foule de facteurs, dont, une partie, elle est responsable et dont d'autres acteurs sont responsables aussi, il y a vraiment cette explosion des délais. Écoutez, juste en 2014 et 2015, le délai a augmenté de six mois à la Cour du Québec, passant d'un an et demi à deux ans — ça, c'est la moyenne — Cour supérieure, a passé de deux ans à trois ans, en un an.

Alors, ce n'est pas pour rien que, là, carrément, les juges sortent. Dans le langage codé des juges, ça veut dire : Aidez-nous — parce qu'on sait que ce sont des sorties qui se font de manière rarissime — aidez-nous avant qu'on franchisse le mur et qu'il y ait d'autres avortements de procès qui ébranlent davantage la confiance du public, mais surtout la confiance des victimes. Parce qu'on est tous et toutes, malheureusement, des victimes potentielles, et on veut avoir cette confiance-là envers notre système.

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, si on vous comprend bien, la ministre Vallée est en partie responsable des délais qui s'allongent?

Mme Hivon : Moi, je demande à la ministre Vallée de faire en sorte de prendre ses responsabilités. Les causes sont nombreuses. Elle peut, à deux égards, du poste qu'elle occupe de première responsable de la justice, changer les choses en présentant le plan d'action et en agissant pour que des dossiers puissent être traités de manière prioritaire, comme ceux des agressions sexuelles pour les enfants. Changer les choses, premièrement, en mettant des ressources dans le système de justice et, deuxièmement, en faisant en sorte que tous les acteurs travaillent de manière concertée, en synergie, parce qu'il faut changer cette culture-là.

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, vous ne voulez pas dire que Mme Vallée est responsable.      Est-ce que le Parti québécois, qui était là deux ans auparavant, est responsable aussi?

Mme Hivon : Le Parti québécois a fait énormément de travail. On a nommé un nombre record de juges sous la gouverne de M. St-Arnaud, 45 juges en un an et demi. On a modifié les règles pour l'aide juridique, ça vient de rentrer en vigueur. Donc, on a augmenté significativement les barèmes pour qu'ils suivent le salaire minimum, ce qui fait en sorte que... un autre des problèmes dans le système de justice c'est le fait que de plus en plus de personnes se représentent seules, ce qui rend la chose beaucoup plus complexe pour la gestion de la preuve. Donc, c'est un autre geste très significatif qu'on a posé, comme ça moins de gens se représentent seuls.

Et le fait est que les tribunaux, sans accabler la ministre de la Justice de ce fait-là, parce que les causes sont nombreuses, mais les tribunaux ont connu une explosion des délais, effectivement, de 2014 à 2016. Et là il est temps que vraiment la ministre qui est en poste depuis deux ans, où on ne l'a jamais entendu parler de la question des délais en matière de justice criminelle, nous présente vraiment son plan d'action, nous dise qu'elle en fait une priorité, nous dise qu'elle ne reste pas indifférente face à des situations absolument tragiques comme celle qu'on vient de voir cette semaine, où une petite fille de six ans est laissée pour compte par le système parce que les délais ont été tels que son agresseur n'aura pas à subir son procès.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais ça, c'est un cas... Vous mentionnez ce cas-là, je comprends que ça frappe, Mmis est-ce qu'il y en a plusieurs cas comme celui-là, où il y a des victimes d'agressions sexuelles qui voient les procédures s'éterniser puis qui plongent les familles dans un désarroi?

Mme Hivon : Bien, c'est environ 5 % des demandes d'arrêt de procédures. Donc, moi, je trouve, c'est quand même significatif. Sur près de 200 demandes d'arrêt de procédures dans les dernières années, ça veut dire que c'est une dizaine de cas. Je trouve que c'est pas mal trop.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Puis ma dernière question : Bon, vous mentionnez aussi que le nombre de requêtes en délais déraisonnables a bondi au cours des dernières années. Est-ce que vous estimez que ça fait maintenant partie vraiment des stratégies des avocats de la défense de peut-être rester les bras croisés, d'attendre justement que les délais s'allongent? Et la requête est toujours, disons, est plus... On y pense beaucoup plus aujourd'hui, lorsqu'on est dans la défense, qu'on y pensait il y a 15 ans.

Mme Hivon : Bien, c'est certain, parce que c'est... Effectivement, tout le monde est préoccupé d'équité procédurale, puis les accusés ont des droits, mais les victimes aussi doivent avoir des droits. Les accusés ne peuvent pas avoir tous les droits. Et on est dans une situation telle qu'il y a de nouveaux univers de possibilités qui s'ouvrent, juste compte tenu de l'écoulement des délais. Et qui qui est responsable de ça? Bien, c'est les responsables du système de justice. On ne peut pas blâmer un puis l'autre. Il faut, à un moment donné, se dire qu'il faut que les choses changent.

Donc, c'est sûr qu'on se dit : Ah! oui, ça a toujours été là, mais là, la situation, elle est dramatique. Quand les juges en chef... je me répète, mais moi, je n'ai à peu près jamais vu ça, qui sortent pour dire qu'ils en perdent le sommeil puis qu'on s'en va dans un mur, bien, je veux dire, avant qu'ils fassent ça, compte tenu de leur réserve, c'est que la situation est grave.

Alors, quand tu es responsable du ministère de la Justice et de la bonne marche de la justice au Québec, bien, il faut que tu prennes des responsabilités, il faut que tu en fasses une priorité, il faut que tu dises que les gestes vont venir. Et là on ne peut plus attendre, il faut que les gestes viennent maintenant. Alors, on lui demande ce plan d'action là, pour le printemps, mais, dans l'intervalle, il continue d'y avoir des risques énormes. Alors, il faut qu'il y ait des actions qui soient prises et, quand la preuve ne repose que sur un témoignage, bien évidemment, ces risques-là sont décuplés par rapport à la preuve. Donc, il faut agir pour mettre une priorité sur ces dossiers-là.

Mme Fletcher (Raquel) : Vous parlez anglais?

Mme Hivon : Yes.

Mme Fletcher (Raquel) : OK. You mentioned a 50% increase. Was that in general? What was that number regarding?

Mme Hivon : There was a 50% increase of the number of requests that were tabled because of undue delays, of, you know, an explosion of delays in the Court of Québec. So what we've seen is that, in the last five years, there was an increase of 50%. Almost 200 lawyers tabled requests to ask for a withdrawal of trial because of undue delays.

Mme Fletcher (Raquel) : Do you know if it's specific to Québec or if there…

Mme Hivon : Yes. Québec has the worst statistics regarding the delays. If you compare to Ontario, the average time is 120 days. So it's a little bit… It's four months and here it's a lot more than that. Now, the average at the Court of Québec is two years. So it's very, very concerning to everybody who cares that we can maintain the confidence of the public and especially of the victims towards their system of justice.

Mme Fletcher (Raquel) : You were speaking in particular of victims of sexual assault and that kind of nature crime. After the Jian Ghomeshi trial, we've heard a lot about what needs to be in place to help the victims. Aside from this action plan, is there anything that you want the Minister to implement or to add?

Mme Hivon : Yes. I want her to give priority, I want her to make sure that, in conjunction with the tribunals, because it's a shared responsibility, the defense lawyers and also with the DPCP, the Crown prosecutors, that really she gives the signal that the cases regarding sexual assaults on children have to be prioritized. Why? It's not a question of hierarchy, it's a question of saying that, because the evidence relies, in most cases, only on the shoulders of the victim, especially in a case of a young victim, on the very little shoulders of a 6-year-old child, that those cases need to be prioritized, to make sure that justice will be rendered, and that, you know, because of the lack of memory, we won't be facing a case where the evidence is fragilized. Merci.

(Fin à 10 h 36)

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