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Conférence de presse de Mme Raymonde Saint-Germain, protectrice du citoyen

Dépôt d'un rapport spécial du protecteur du citoyen intitulé "Les conditions de détention, l’administration de la justice et la prévention de la criminalité au Nunavik"

Version finale

Thursday, February 18, 2016, 11 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures seize minutes)

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Aujourd'hui, à ma droite, du vice-protecteur, M. Claude Dussault et des deux enquêteurs du Protecteur du citoyen qui se sont rendus au Nunavik, à la gauche de monsieur… à la droite, pardon, de M. Dussault, Mme Joëlle McLaughlin, et à ma gauche, M. Robin Aubut-Fréchette.

Alors, permettez-moi de vous présenter en quelques minutes les conclusions de notre rapport d'enquête au Nunavik. Pourquoi d'abord cette enquête? Il y a quelques mois, des informations préoccupantes sur les conditions de détention au Nunavik ont été portées à ma connaissance. Ces informations contredisaient les rapports du ministère de la Sécurité publique responsable des services correctionnels sur la conformité et la sécurité de la garde des personnes incarcérées sur le territoire du Nunavik qui est un territoire du Québec.

Devant cette situation, j'ai décidé de mener une enquête pour connaître ces conditions. Il ressort de cette enquête que l'on a toléré au Nunavik des conditions déplorables, en deçà des normes les plus minimales et qui portent atteinte grave aux droits, dont celui à la dignité. Parmi ces conditions constatées non seulement, mais particulièrement à Puvirnituq, qui est une plaque tournante de l'administration de la justice sur la Baie-d'Hudson : un taux d'occupation excessif des cellules, jusqu'à sept personnes peuvent être entassées dans des cellules conçues pour un ou deux occupants; la proximité de personnes aux profils incompatibles, par exemple des personnes qui présentent un risque de suicide avec des personnes intoxiquées ou avec des personnes dont la santé mentale nécessite une prise en charge; l'insalubrité généralisée des lieux de détention; l'accès à l'eau limité et les équipements désuets, défectueux ou insuffisants; des installations sanitaires qui ne préservent pas l'intimité des occupants. Dans certains cas, les caméras de surveillance permettent même la vue sur les personnes incarcérées pendant qu'elles utilisent ces installations.

Les services d'entretien ménager et de buanderie déficients, sinon inexistants; des matelas sans enveloppe placés sur le sol et sur lesquels des personnes incarcérées doivent prendre leur repas, tout comme elles s'y installent pour dormir; et des personnes incarcérées 24 heures sur 24, sans sortie extérieure, ce qui est une situation unique au Québec.

Comme il n'y a pas d'établissement de détention au Nunavik, lorsqu'un juge ordonne qu'une personne qui réside dans l'un de ces 14 villages soit incarcérée, c'est dans les établissements au sud du Québec que ces personnes sont transférées. Nous avons aussi constaté que les conditions de détention concernant les Inuits dans les établissements de détention du Québec, malheureusement, ne sont pas adaptées à leur réalité. Particulièrement, et en premier lieu, bien sûr, la barrière de langue qui pose problème. Aucun agent correctionnel du Québec n'est d'origine inuite ou, à de très rares exceptions, ne parle l'inuktitut. Il est alors difficile pour les Inuits de comprendre les instructions, de faire valoir leurs besoins et de respecter leurs droits.

À l'origine, cette enquête devait se limiter aux conditions de détention. Rapidement, nous avons constaté que ces conditions ne constituaient qu'une partie des problèmes de nature systémique qui sont liés à l'administration de la justice au Nunavik. Nous avons donc complété cette enquête sur les enjeux d'administration de la justice et éventuellement de prévention de la criminalité. Pour l'administration de la justice, c'est la Cour itinérante, qui est généralement présidée par un juge de la Cour du Québec, qui se rend au Nunavik. Et avant d'être entendus dans le cadre de leur procès, plusieurs Inuits judiciarisés doivent être transportés au palais de justice d'Amos, notamment pour leur enquête sur remise en liberté, et éventuellement ils doivent retourner dans le Nord pour subir leur procès devant la Cour itinérante.

Le transport ainsi rendu nécessaire des personnes du Nunavik, entre le Nunavik et l'Abitibi, est éprouvant. Ils doivent faire des trajets de longue durée, parfois des jours en raison de multiples escales. C'est d'ailleurs surtout en raison de ces délais que la durée moyenne de séjour des Inuits du Nunavik en détention préventive a augmenté de huit jours en cinq ans et est supérieure de 18 jours à celle du reste de la population carcérale. Les coûts de gestion liés à ces transferts sont élevés. Pour les seuls transports et gardiennage, en 2014‑2015, ils ont atteint plus de 6,5 millions, et ce chiffre ne tient pas compte de certaines dépenses que le ministère ne comptabilise pas ni les coûts de la Cour itinérante.

Nous avons constaté un manque d'initiative dans la mise en place des solutions sur le plan correctionnel, et pourtant ces solutions sont possibles et connues. Les trois principales sont : la création d'un pont aérien entre l'Abitibi — principalement Amos — et le Nunavik, le regroupement de la clientèle qui est incarcérée au sud du 49e parallèle dans un même centre de détention et l'utilisation accrue des comparutions à distance, donc des visioconférences, pour comparaître.

Quelques mots maintenant sur la nécessaire prévention de la criminalité au Nunavik. Un constat s'impose : les Inuits sont surreprésentés dans les systèmes de justice et correctionnels. Ces dernières années, cette surreprésentation n'a fait que s'accentuer, et le peu de ressources investies en matière de prévention de la criminalité, notamment des ressources qui visent le traitement des dépendances, l'alcoolisme, les toxicomanies, sur le territoire participent à cette surreprésentation. Il est devenu évident que le système de justice ne peut à lui seul mener à une réduction de la criminalité au Nunavik.

D'autres formes d'intervention sont requises pour régler adéquatement l'ensemble complexe des problèmes sociaux qui affectent les Nunavummiuts et qui sont à l'origine de la plupart des dossiers de la Cour itinérante. Sans minimiser, bien au contraire, les efforts importants consentis notamment par le ministère de la Justice et la magistrature pour adapter l'administration de la justice aux réalités et aux besoins du Nord, la recherche d'alternatives à la judiciarisation devra être faite à la source du problème en s'attaquant aux origines de la criminalité et à la prévention.

Sur l'enjeu du financement, je vous dirai brièvement que des sommes importantes sont investies dans le cadre d'ententes entre le gouvernement du Québec, l'association régionale Kativik et la Société Makivik, qui agissent et administrent la région du Nunavik, et que ces sommes devraient être, à mon avis, investies et gérées d'une manière à assurer à la fois une meilleure prévention de la criminalité, le respect des droits des personnes détenues et une administration de la justice qui soit davantage adaptée aux besoins des citoyens du Nunavik.

Je constate chez les différents acteurs, tant du gouvernement du Québec que du Nunavik, qui sont concernés que l'accent n'est pas suffisamment mis sur la prévention. Et, à cette fin, il existe un programme qui s'appelle le programme Ungaluk, ce qui veut dire Programme des collectivités plus sûres, qui est un programme important et dont la mise en oeuvre adéquate contribuerait à solutionner les problèmes, en partie en tout cas, les problèmes de criminalité par davantage de prévention et davantage d'accompagnement après l'incarcération pour donner des meilleures garanties de réinsertion sociale.

Il faut accorder la plus haute priorité aussi à la consolidation des comités de justice, à l'amélioration de l'offre de services psychosociaux, de désintoxication, de traitement des dépendances, à mieux adapter aussi les programmes de réinsertion après l'incarcération. Et je pense que l'implantation d'un programme de traitement judiciaire qui réponde au contexte du Nunavik est aujourd'hui devenue essentielle.

J'ai insisté pour que ce rapport soit déposé à l'Assemblée nationale, étant convaincue que, dans ce dossier, il y a eu trop d'indifférence, trop de banalisation et qu'il est temps maintenant qu'un plan d'action solide soit mis en place. Les problèmes sont connus de longue date, les solutions aussi sont connues. Les enjeux de financement ne sont pas d'abord et avant tout problématiques parce que beaucoup d'argent déjà est consenti. Et je souhaite donc... j'espère que les parlementaires se saisiront de cette question et en feront un suivi régulier, vigilant, de telle sorte que les personnes du Nunavik, les Nunavummiuts, soient traitées dans le respect de leurs droits, reçoivent les services du gouvernement du Québec qu'ils sont en droit de recevoir et puissent bénéficier d'un progrès social qui serait dans le meilleur intérêt du Nunavik et du Québec. Alors, je vous remercie.

Le Modérateur : On va passer à une période de questions. On va commencer avec Jocelyne Richer de LaPresse canadienne.

Mme Richer (Jocelyne) : Bonjour, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bonjour.

Mme Richer (Jocelyne) : Quand on lit votre rapport, je dirais, la première réaction, c'est la surprise. On se dit que ça dépasse l'entendement, une telle situation qui pourrait faire penser à un pays du tiers-monde.

J'aimerais savoir, vous, comment vous avez réagi quand vous avez pris connaissance de l'ampleur de cette situation-là, l'ampleur de cette tragédie-là?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pour avoir, dans le cadre de mes fonctions au sein de l'Association des ombudsmans et médiateurs de la Francophonie, visité un certain nombre de prisons en Afrique, j'ai réagi exactement comme vous en me disant : Le tiers-monde, ce n'est pas si loin. Premièrement.

Deuxièmement, quand j'ai eu un premier rapport sur les enjeux correctionnels des enquêteurs qui sont ici présents, on a rapidement convenu que cet enjeu-là, au fond, que la détention, l'incarcération, c'était la conséquence de phénomènes beaucoup plus fondamentaux et que la solution n'était pas dans la judiciarisation, la surjudiciarisation et l'incarcération qui en découle, mais bien dans la prise en charge des problèmes qui sont à l'origine des actes criminels, donc des problèmes de dépendance, des problèmes de violence conjugale, des difficultés d'accès à l'emploi, des difficultés d'accès à l'éducation, donc toutes sortes d'enjeux qui sont beaucoup plus des enjeux sociaux que des enjeux de justice au départ. C'est pourquoi nous avons poursuivi cette enquête et que nous l'avons étendue aux enjeux qui sont liés à la prévention de la criminalité et aux services sociaux.

Mme Richer (Jocelyne) : Ces deux dernières années, le gouvernement a appliqué un plan de compressions budgétaires importantes à tout l'appareil de l'État, tous les ministères, incluant la Sécurité publique. Dans quelle mesure estimez-vous que ce plan de compressions là a contribué à aggraver la situation?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ce plan n'a aucunement contribué à aggraver la situation parce que les ententes avec l'association régionale Kativik datent de 2005. Des sommes importantes sont consenties chaque année, notamment pour le programme Ungaluk, qui est un programme important, le programme des collectivités... pour des collectivités plus sûres. C'est un programme qui bénéficie, sur 22 ans, d'un budget annuel de 10 millions de dollars, 10 millions de dollars qui sont indexés, donc 315 millions de dollars environ au total. Ces sommes-là n'ont jamais été remises en question.

L'enjeu, au contraire, c'est de s'en occuper. Il y a trop de banalisation, il y a trop de laxisme et il y a trop de travail en silo entre les ministères concernés et les intervenants du Nunavik. Alors, moi, j'en appelle à une mobilisation et à une concertation. Les solutions sont connues, il faut s'en occuper, il faut agir. Et je pense qu'on est vraiment présentement dans une situation où la population du Nunavik, les Nunavummiuts ont besoin que ce plan d'action, que ce programme des communautés plus sûres, il soit vraiment géré adéquatement et qu'il bénéficie progressivement de ces avantages, de ces impacts positifs.

Mme Richer (Jocelyne) : Est-ce que le gouvernement devrait exercer une sorte de mise en tutelle de l'Administration régionale Kativik, qui joue un rôle important, là, dans l'administration des villages nordiques?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je ne pense pas que l'enjeu de blâmer l'association régionale ou de blâmer un ministère ou un autre réglerait la situation. On n'en est pas au blâme, on en est, je pense, à l'action. Il y a une clarification, effectivement, des responsabilités, il y a une reddition de comptes. Il faut mesurer où va l'argent, ce qui est fait avec l'argent et qu'on s'assure que les progrès sont là, sont progressifs. Mais on n'en est pas rendus, je pense, à régler des comptes. On est rendus à travailler de manière concertée, utiliser l'argent qui est là, poser les bons gestes.

Parmi les bons gestes, on le sait, ça ne coûterait pas plus cher, un corridor aérien entre le Nunavik et Amos. Il y a des enjeux de salubrité dans les centres temporaires de détention, que ce soit dans les quartiers cellulaires des corps de police ou dans les palais de justice. Ce ne sont pas des enjeux... On ne s'en est pas occupé. Ce n'est pas une question d'argent, c'est qu'on ne s'en est pas occupé. Alors, il faut s'en occuper, il faut agir, et c'est incontournable que cette action-là, elle doive se faire avec l'ARK, avec la corporation Makivik, et le ministère de la Justice, et le ministère de la Sécurité publique.

Le Modérateur : Merci. On va passer à Louis Gagné, Agence QMI.

M. Gagné (Louis) : Bonjour.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bonjour.

M. Gagné (Louis) : Comment se fait-il que les problèmes que vous énoncez dans votre rapport n'aient pas été portés à votre attention plus tôt? Parce que, bon, on sait que c'est une communauté éloignée, mais il y a des gens de la Cour itinérante, il y a des agents des services correctionnels, des services sociaux, qui s'y rendent. Comment ça se fait que — parce que ça ne date pas d'hier — ça vient tout juste d'être porté à votre attention?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, beaucoup de rapports ont été faits avant. Il y a eu des rapports de comités de justice, il y a eu des rapports du Barreau du Québec, il y a eu d'autres rapports qui ont fait des constats semblables, je dirais, qui n'ont jamais eu de suite. Nous, pourquoi ça n'a pas été porté à notre attention avant, je vous dirais, d'abord parce que les gens du Nunavik, les Nunavummiuts connaissent peu les services du Québec, y compris le Protecteur du citoyen, sont peu portés à se plaindre, ne connaissent pas bien leurs droits dans un système de justice, et, je dirais, dans les services publics, en particulier au niveau des services correctionnels, c'est une question qui a été banalisée.

Et je dirais, dans un premier temps, c'est en 2012 que nous avons constaté que les responsabilités du ministère de faire la surveillance de la mise en oeuvre des sommes qui étaient confiées à l'ARK, c'est là que nous avons constaté qu'il n'y avait pas de rapport annuel de cela. Le premier rapport qui a été fait, en 2013, c'est nous qui l'avons demandé. Il était tellement laconique, sans données objectives... C'est là où nous avons constaté qu'il y avait matière à y aller.

Mais, pour répondre brièvement à votre question, malheureusement, les gens du Nunavik ne connaissent pas suffisamment leurs droits, et c'est une question qui a été banalisée et donc qui a été l'objet d'une considération insuffisante.

M. Gagné (Louis) : Donc, même si vous dites que l'heure n'est pas au blâme, n'empêche qu'il y a des gouvernements ou des administrations, peut-être à Kativik, qui n'ont pas effectué le suivi après qu'on leur eut exposé le problème dans différents rapports.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Manifestement, il y a eu un manque d'initiative, un manque de proactivité, et des sommes ont été prévues pour des services publics qui n'ont pas été rendus selon les règles et la qualité qui étaient attendues.

M. Gagné (Louis) : Puis, bon, les problèmes que vous dénoncez sont en grande partie liés au fait de l'éloignement géographique, c'est-à-dire qu'on parle d'établissements de détention provisoire dans des... soit le corps policier de Kativik et tout ça.

Est-ce que la solution... Même si vous parlez de regrouper les détenus inuits à Amos, est-ce que, même si c'est une petite communauté, est-ce qu'on ne pourrait pas aménager un établissement de détention de moindre envergure, mais qui serait, mettons, au centre de ces communautés-là? Est-ce que c'est une piste à envisager?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : La question est tout à fait bien posée. D'ailleurs, c'est ce qui était prévu à l'origine. Il y avait même un budget, on me corrigera, de 300 millions au total pour la construction d'un établissement de détention. Toutefois, en 2007, le gouvernement du Québec et les autorités, Makivik, la corporation Makivik et l'Administration régionale Kativik, ont décidé d'une alternative à la construction d'un établissement de détention et qui a été notamment ce programme Ungaluk, des collectivités plus sûres et des mesures qui faisaient en sorte que la Cour itinérante siégerait de manière habituelle selon les besoins et que les détenus seraient plutôt transportés… que les personnes, pardon, soit en attente de procès ou condamnées à deux ans moins un jour, seraient plutôt transportées vers des établissements de détention au sud du Québec.

M. Gagné (Louis) : O.K. Puis peut-être en terminant, vous fixez 30 recommandations, je crois. Est-ce que vous fixez un échéancier au gouvernement pour mettre en place, là, les différentes recommandations?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui. Premier échéancier pour l'ensemble des conditions de salubrité qui viennent enfreindre le respect des droits dans les centres de détention temporaire, c'est immédiatement nettoyage, désinfectation et, par la suite, entretien régulier. Et, pour les autres recommandations, j'ai demandé un plan d'action pour la fin du mois de mai 2016 sur l'ensemble des autres recommandations.

M. Croteau (Martin) : J'aurais une dernière question en français avant de passer… Ah! Une question en français?

Journaliste : En anglais.

M. Croteau (Martin) : En anglais? Avez-vous objection à ce que je pose ma question en français avant de… Merci. Bonjour. Votre rapport semble décrire un cercle. Il y a les conditions de détention qui nuisent à la réinsertion, il y a les problèmes de réinsertion qui alimentent la criminalité et la criminalité qui vient alimenter les problèmes dans le… À quel point tous ces éléments sont interreliés et s'amplifient les uns les autres à vos yeux?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bien, ces éléments sont…  Il y a effectivement une relation de cause à effet. Le taux d'incarcération, donc de criminalisation des personnes du Nunavik, est plus élevé que pour les citoyens du Québec ou que pour aussi les autres Premières Nations dû au fait que, compte tenu de leur éloignement, lorsqu'ils commettent une infraction, ils sont immédiatement détenus en garde provisoire. Et cette garde-là, elle se prolonge dû au fait qu'ils doivent venir au Sud, généralement à Amos, pour être entendus pour une première comparution. Et ensuite, lorsque c'est le temps de subir leur procès, ils doivent retourner au Nunavik.

Donc, ça fait des délais très importants, des délais qui, depuis 10 ans, ont été augmentés de huit jours pour les personnes du Nunavik et qui sont de 18 jours plus élevés, en moyenne, que pour les autres citoyens du Québec. Alors, premier élément, et ça, ça encourage, ça entretient les stéréotypes. C'est qu'on les incarcère plus longtemps en raison des conditions et de l'éloignement.

Ensuite, la prévention de la criminalité, ce serait important qu'ils aient accès, autant qu'ailleurs au Québec, à des programmes de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, à de l'accompagnement psychosocial, à toutes sortes de séances pour prévenir notamment la violence conjugale, mais tout ça n'est pas géré adéquatement, tout ça n'est pas accessible en temps opportun. Alors, ça fait en sorte qu'il y a des relations de cause à effet, moins de prévention, moins d'accompagnement et aussi moins d'accompagnement pour comprendre le système de justice. Leurs actes d'accusation sont généralement déposés en anglais. La majorité des gens parlent l'inuktitut, donc, déjà, ne comprennent pas exactement la portée des actes d'accusation.

Pas suffisamment d'accompagnement, et d'ailleurs une des recommandations, et ça a déjà été fait, cette recommandation-là, par d'autres, c'est les comités de justice qui pourraient mieux vulgariser, dans chacun des villages, les règles, le système de justice. Comment veut-on qu'ils aient confiance dans un système de justice dont ils ne comprennent pas les règles, le mode de fonctionnement?

Alors, oui, tout ça, effectivement, se complète et se renforce d'une manière qui est négative, et c'est sur ça qu'il faut travailler, sur ces trois dimensions.

M. Croteau (Martin) : Vous y avez fait allusion tantôt, comment qualifieriez-vous le degré de sérieux qui a été accordé à cette situation par les autorités politiques et les autorités régionales de Kativik?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Malheureusement, un degré de prise en charge insatisfaisant. C'est une situation qui a été banalisée, et on s'est confortés dans l'explication que j'ai entendue relativement officiellement, qui est de dire : Ah! les gens du Nunavik, au fond, ils sont habitués de vivre dans des habitats surpeuplés, ils ne se plaignent pas, ce sont des gens qui sont habitués à des conditions difficiles. Et, pour moi, la Protectrice du citoyen, c'est un commentaire qui est totalement inacceptable. On ne peut pas avoir différents niveaux de services publics, des services publics à deux vitesses selon là où sont les citoyens, selon leur éloignement. Il n'y a pas de commodité administrative qui justifie le manque de respect des personnes et de leurs droits.

Alors, il y a eu une banalisation de cette situation-là, une prise en charge manifestement insuffisante, pas de leadership. Il faut un leadership dans un dossier comme celui-là, et j'espère que ce rapport, qui s'ajoute à d'autres rapports, notamment de la magistrature, va être le déclencheur de l'action et va faire en sorte que progressivement les problèmes sociaux du Nunavik vont être réglés et que le progrès social, auquel les Nunavummiuts ont toutes les raisons d'aspirer, va enfin être rendu possible.

M. Croteau (Martin) : Ça ressemble presque à un système d'apartheid que vous décrivez là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ce n'est pas le mot que j'ai utilisé, c'est le vôtre, mais c'est certain, je n'irai pas jusqu'à l'apartheid parce qu'il y quand même eu une volonté, certains efforts. Mais je dirais que c'est un traitement différencié, un traitement insuffisamment adapté et un traitement qui ne donne pas les résultats qu'il devrait donner.

Et on entend souvent, je suis la première à le dire, dans certaines situations, il manque de ressources, il y a des ressources insuffisantes pour rendre des services. Mais, dans ce cas-ci, ce n'est pas d'abord et avant tout de dire qu'il n'y a pas d'argent et il n'y a pas de ressources. Au contraire, il y a de l'argent, il y a des ressources. Il faut agir de manière concertée, et surtout, dans le cas du Nunavik, on n'en est plus à d'autres réflexions, ou à des groupes de travail, ou à des comités. On est à mettre en forme le plan d'action. Les solutions sont connues, il faut les mettre en oeuvre.

Le Modérateur : Merci. On va passer aux questions en anglais. Phil Authier, The Gazette.

M. Authier (Philip) : Just one question. Did you examine the possible costs or the viability of a single correctional facility in Nunavik? Would it be possible to have one prison which would… And did you… because obviously there is none there.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : No. This scenario was… First of all, the scenario that the Government of Québec and the Makivik Corporation has agreed to in 2005… but, in 2007, they decided to act in another way. They decided that, instead of building a prison in Nunavik, they would invest $10 million a year for a program called Ungaluk program. This is a program that's called for better security in our communities, and that the detention will take place in Southern Québec, mainly in the Amos detention centre. And that's why we didn't put in question that scenario, because it's a decision of both the Government of Québec and the Makivik Corporation.

M. Authier (Philip) : But nothing seems to be working. I was looking at the statistics, the percentage of Innus in prison is higher than even the average in the First Nations communities, and the number of crimes they commit is much higher than the Québec average. This seems to be… As you've mentioned in French, it seems to have been a problem that's been going on a very long time, but there doesn't seem to be any light at the end of the tunnel in here.

Mme Saint-Germain (Raymonde) :Well, it's going worst and worst, and because of this way of managing correctional services and justice, it is increasing the data regarding the incarceration of Nunavummiuts, because they have to stay longer in preventive detention and after that, when they have to go to permanent detention, they also stay longer.

So it kinds of encourage stereotypes regarding them, and it is sometimes… in someway, it is unjust, because they have to pay for the lack of judicial services that are designed for their environment and situation and they also are deprived of, I would say, health and social services that they need in order to prevent crime, to get more social reintegration that is needed after their incarceration.

So they are victims of a system that is designed for, I would say, white people in the South, in Southern Québec. We have to adapt our way of managing the public services in Nunavik. We have to adapt to them, to their culture, their needs and not try to pursue that way of asking them to adapt to us.

Le Modérateur : Thank you. Gentleman in the back.

M. Fennario (Tom) : Hi. Tom Fennario, APTN National News. You already said this in French, but I would like, for viewers, to hear it in English. What was your initial reaction when upon hearing about the problems of justice in Nunavik?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, as I had the opportunity to visit some prisons in Africa, my first reaction was to say : Well, it's no different from Africa. And we are in a law society. The rule of law should prevail in Québec. And so this is very disturbing to realize that, even in 2016, people in Nunavik do not receive the public services that they would deserve, that we do not adapt our correctional services and our justice system enough in order to serve them in the right way, and that we do not act enough for the social progress in Nunavik. So that's very disturbing for the ombudsperson.

M. Fennario (Tom) : And you talked, a little bit before, about the two justice systems in Québec. Could you elaborate a little bit on that, about the difference between justice of North and justice in the South?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, the justice system should be the same, according to the same laws and the same rules. But, regarding Nunavummiuts, we treat them in a justice system that do not adapt to their ways of living, to their values. Very often, they do not even understand the language of this system. It is not enough accessible to them, and they have to be much more longer under the responsibility of correctional services because they are detained longer than other Quebec's citizens because there's no detention centre in Nunavik. They have to be transferred to the South, travel long delays, long way, very difficult, dire conditions. And even there, in South, almost nobody in the system speaks Inuktitut.

They do not understand the rules and when they are back, after their incarceration, they do not receive the services they should receive, services for which the Government of Québec pays, by the way : social rehabilitation services, drug indictment services, all this type of support they need in order to reintegrate the society, go back to work, very often because they have been criminalized, they lose their jobs.

So we have to adapt to that situation and try to prevent criminality much more than keeping on having them in prison, and incarcerated, and back and back into the justice system.

M. Fennario (Tom) : Is it a question of just increasing funding to fix things or is it a matter of changing management?

Mme Saint-Germain (Raymonde) :First of all, it's not a matter of funding because I believe that enough funding is there to deliver the main services they need. There is a lot of money that has been invested, for many years, in the Nunavik by the Government of Québec. The problem is there is no, I would say, there is no sharp management of this money. There is no wise investment, an action plan that is followed, that is measured. The impacts are not really known, and the Nunavik people do not receive the public services that the Government paid for at the level they should receive it.

And one of my main worry in that situation is that : How can they trust the system? How can they trust the public services when they do not receive what they should receive and when they are not implied and treated in a way that is respectful of who they are, what they need and a way that does not increase their social progress?

M. Fennario (Tom) : Does it fall strictly on the Minister of Public Security or it's Kativik Regional Government, also…

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, they are both responsible for providing the services. There is a sharing of responsibilities between them. It is known what services are needed. There is expertise to provide these services, but there is a kind also of, you know, banalization of the situation. Nunavummiut people are not people that complain very much. They accept situation, they are very resilient, and somewhere, perhaps, there is an abuse of them because of these reasons and this not acceptable.

M. Fennario (Tom) : Merci beaucoup, madame.

Le Modérateur : Catou MacKinnon, CBC.

Mme MacKinnon (Catou) : Hello. Can you tell me what do you think of the decision back in 2007 of instituting a program instead of putting a correctional facility in the North?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, I believe that incarceration is not the first solution. That's why, theoretically, the institution of the Ungaluk program, which is a program to increase security in the Nunavik communities, seems to be a good idea, if you implement the program. But it has not been implemented as it should have been, and, at the same time, the incarceration was still the first option.

And that's why, without rehabilitation programs and without support after incarceration of the detainees when they go back to Nunavik, the solution was not the good one. The social progress in Nunavik has not been the first preoccupation and there is still room for much more action, much more well-designed services in order to increase the social progress of Nunavik.

Mme MacKinnon (Catou) : Since you've said that money is not a problem, should there be an Auditor General's report into where some of this money has been spent? I don't think that it's all been spent yet, but there was a pocket of $300 million.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, I don't have to speak for the Auditor General, first, but what I do believe is that, starting from now, the public services and the Kativik administration should join their forces, develop and action plan in order to tackle the dire problems this report has assessed. That is over judiciarisation, unacceptable detention conditions and not enough crime prevention. And, for the prevention of crime, they need more social programs, programs that will prevent and treat addictions.

The solutions are there, they are known. So action, expertise, people working together and, you are right, the money should go to the right place in due time. This is not contradictory with, eventually, an investigation, for the past years, where went the money. But, according to me, it is not the first action to take now.

Mme MacKinnon (Catou) : What shocked you the most?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : The whole assessment of this report, but I would say that, in my investigations, my investigators may confirm… When I have read their first reports, that there are surveillance cameras on the sanitary installations working 24 hours a day, even when the detainees are using these installations, for me, it is such an infringement of the right of dignity that this is, for me, unacceptable, and I cannot just imagine that this might have been tolerated.

Mme MacKinnon (Catou) : You talked about banalization and indifference. Where do you think that is coming from?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Ignorance of the reality of Nunavummiuts, other priorities and the fact that, you know, sometimes, with some public services, if there is no complain, there is no problem.

Mme MacKinnon (Catou) : You said, at one point, that somebody said that, well, you know, Inuit are used to living in crowded places, they are used to harsh conditions. Who said that?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : I won't not tell it to you, but I can say that this person is working at the public services and will have to act very differently, starting from now, in order to implement this program.

Mme MacKinnon (Catou) : The cleanliness of the cells that you talked about and the situations in the North are the responsibility of the Kativik Regional Government. What is your message to their leaders?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Clean the cells. You have the money to do that. You are there to take care of the Nunavummiut people, and they deserve better services than what they have received until now. That's my message.

Mme MacKinnon (Catou) : You also said that there's been a lack of adaptation. Essentially, the system is made for white people in the South and doesn't take into account any kind of cultural or linguistic difference. Where is the role of the Kativik Regional Government in this?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, this investigation was not... You know, we... the Public Protector has no competence over this jurisdiction. What I can say is that the money that is transferred to the Kativik Regional Administration is provided for these services, and there's enough money, according to me, that is transferred, and their responsibility is to take care of the well-being of the population. But, once again, my jurisdiction is not over these governments, our investigation is not on their action, but I hope that the situation for the Nunavummiut people resulting both from the services provided by the Government of Québec and those provided by the Nunavik Government will be improved in the shorter possible delay.

Mme MacKinnon (Catou) : On a more hopeful note, what difference would it make if there was a detox or rehab center in each one of the 14 communities?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : It would make a big, a huge difference because, mainly, the incarceration is for criminal acts that are regarding domestic violence, violence against children, and that results from intoxication, be it from alcohol or other drugs.

Mme MacKinnon (Catou) : And I haven't checked yet, but I asked the Justice Department whether or not these people... You talk about the justice committees that are essentially set up to explain to Inuit : This is how that works, here's where you can go for help afterwards. Do you think that the people on those committees should be paid? That should be a job?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : This is not the way we have examined this situation, but, if needed, why not? Because there are no justice committees in every village. Those who are there sometimes lack of resources, it might be also financial resources. And, once again, there is money in this agreement between the Government of Québec and the Nunavik Administration, so put the money in the right place. And the prevention of crime is the first goal that should be attained, so why not putting the money first there? For sure, there will be need for incarceration, the justice system will still… the rule of law should apply, but the first result, I hope, that will follow this investigation is that more money, more action, more effective action will be invested in the prevention of crime, and this in the interest of all the Nunavummiut people.

Mme MacKinnon (Catou) : And I'll ask you again : Do you think there should be an investigation into where the money went?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : It might be a good idea, but not this investigation before or in place of action, the right action in due time, effective action. And, once again, there is money for that, and we should know where the money is going and monitor much more than it was done. In fact, there was no monitoring of where the money went.

Le Modérateur : Merci, tout le monde. Merci, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : You're welcome. Merci.

Mme MacKinnon (Catou) : I have one more question, I forgot. I didn't have time to get through the entire report, but you also talk about the rise in incarceration, and it's quite dramatic in the last five years. Did you find any causes for that? Was there... I know it's not… it wasn't within the mandate.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, more drugs, more alcohol and the fact that the itinerant court is going much more frequently in the North. And there is a vicious circle : much more they go, much more people are judiciarised, so the datas are increasing. But the main cause of the higher crime rates is crimes that result from drug, alcohol… aggressions that… assault, I'm sorry, that are due to over abuse of substances.

Mme MacKinnon (Catou) :Has there been any link with the mining projects there, any link with the mining projects? And, in some communities, there have been large amounts of money.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, the mining project is very good. Economically, it's very good and the Nunavummiuts are well treated by the company, they received money, but they have more money, and, at the same time, the drug traffic and the alcohol traffic have followed the money and they increase in the economic situation, so that's… But I would say that another… once again, drugs and alcohol have very, very bad effects. If you work for the mine and you are incarcerated, you will be fired, so, when you're back, you have a judicial case, you won't be hired again by the mine. So, this is a problem that has many, many causes, and we have to act at the same time on all of these causes.

Mme MacKinnon (Catou) :Thank you again.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : You're welcome.

Le Modérateur : Merci, tout le monde.

(Fin à 12 h 1)

Participants

  • Saint-Germain, Raymonde

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