(Onze heures une minute)
M. Paradis (Lévis) : Merci
d'être là. Je pense que c'est... Vous avez probablement vécu ça dans votre vie à
un moment donné, on a l'impression de revivre des moments. Il se passe quelque
chose, puis on se dit : Il me semble que, dans ma vie, j'ai déjà vécu ça.
Bien, j'ai un peu cette impression-là aujourd'hui. J'ai cette impression-là
parce que, dans le dossier des parents infertiles du Québec, arrive une
deuxième problématique majeure.
On en a parlé ensemble, des gens sont
venus ici nous dire qu'ils devaient valider un traitement promis en présentant
un coupon de caisse. Déjà, la loi n° 20 fait en sorte que le traitement
relatif à la procréation assistée, à la fécondation in vitro, sont maintenant
chose du passé. C'était un premier coup dur. Bien, à ce moment-ci, on met un
deuxième cadenas sur la porte.
Vous savez, ce matin, le ministre a
répondu à l'une de nos questions, le ministre a dit : Vous savez, la
décision n'est pas prise concernant le remboursement des médicaments pour les
traitements. Bien, le ministre, il a les pouvoirs. Le ministre, c'est le ministre.
Il a le pouvoir d'agir maintenant, de dire : Ça suffit, je me rends compte,
à ce moment-ci, que l'impact est trop important, qu'on est à la limite de
l'acharnement, alors je reviens sur cette décision. C'est ce qu'on lui a
demandé. Il ne l'a pas prise, la décision.
Il jongle avec l'idée que créer une taxe
naissance pour les parents infertiles, parce que c'est ça, une taxe naissance
pour les parents infertiles du Québec. Un projet parental dorénavant, à la
lumière de ce qu'on sait, sera intimement lié à votre capacité d'emprunter. Tu
es locataire, tu ne peux pas; tu es propriétaire, tu as peut-être des chances.
Pour avoir un enfant, capacité intimement liée à votre capacité à emprunter,
pour moi, c'est du jamais-vu. Le ministre ne semble pas comprendre l'impact de
cette décision-là.
Alors, on est ici aujourd'hui pour lui
rappeler que, sur le terrain et dans bien des décisions concernant la santé,
c'est sur le terrain que ça se passe. Et, dans ce cas-ci comme dans plusieurs
autres, les gens vivent la fin d'un rêve qui fait partie de l'ADN de tous les
parents du Québec : fonder une famille. Alors, des gens aujourd'hui
doivent faire une croix à nouveau, davantage, double cadenas, ils vont devoir
se priver de ce projet. Là, monsieur, il y a des enfants qui ne verront pas le
jour, au Québec, en raison de cette décision à venir du gouvernement.
Nous redemandons au ministre de revoir sa
position, et de se servir du pouvoir qu'il a, et de faire la différence. Et,
s'il ne voit pas les impacts sur le terrain, bien, je me permets de vous
présenter celles qui m'accompagnent aujourd'hui parce qu'elles sont le reflet
des impacts de ce qui se passe. Avec moi, Mme Céline Braun, présidente de
l'Association des couples infertiles du Québec, et Mme Vallée-Cossette, qui est
vice-présidente de l'association, qui, elles, comme chez moi, dans mon bureau
de comté, reçoivent et des appels et des courriels de gens qui, aujourd'hui, ne
comprennent plus. Je cède la parole à Mme Braun.
Mme Braun (Céline) : Merci.
Bien, bonjour. Afin de commencer, on va partir sur un coût de base, parce qu'il
est très important de savoir ce que c'est qu'un coût de base en fécondation
in vitro. Là, on va parler d'un montant de 16 000 $ qui,
aujourd'hui, est très important. Le ministre a décidé de couper dans la
fécondation in vitro ainsi que, maintenant, probablement, dans la médication
qui va s'ensuivre, ce que déjà... premièrement, on achève quelqu'un qui est
déjà à terre en mettant une surtaxe puisqu'on va devoir payer nos médications.
Il parle d'un crédit d'impôt. C'est quoi,
le crédit d'impôt pour un couple infertile, selon le ministère du Revenu? En
fait, si vous avez déjà eu un enfant, peu importe, d'une première union ou que
vous avez un enfant naturel né d'un couple, que vous n'avez plus la possibilité
de procréer, ou tout simplement vous vous êtes remis en couple avec quelqu'un
et que cette personne a déjà un enfant, bien, vous n'êtes pas admissible. Tout simplement,
la porte se ferme déjà, au départ, au niveau du crédit d'éligibilité.
Ensuite, si vous faites votre première
fécondation in vitro, vous avez obtenu votre premier crédit d'impôt, ça ne
fonctionne pas, ça ne marche pas, pas d'enfant est né de cette fécondation-là,
vous n'avez plus droit au deuxième crédit d'impôt. Une porte encore se ferme.
Ensuite, dans le bulletin du ministère des
Finances qui est daté du 11 novembre, il parle aussi qu'ils ont révisé la liste
des frais admissibles, qui encore aujourd'hui est inconnue puisque nous
l'attendons toujours, et ça fait depuis le 30 novembre que nous demandons à
connaître quels sont les frais admissibles à ce crédit d'impôt.
Toujours dans le même bulletin du ministère
des Finances, on y trouve le calcul exact du crédit d'impôt. Et je vais vous
donner un chiffre, puis cette fois il faut vraiment le noter parce que ce n'est
pas parce qu'on a 50 000 $ ou 60 000 $ de revenu familial
qu'on est capables de se payer une fécondation in vitro, bien au contraire.
Un couple ayant un montant de 50 000 $, revenu familial, va bien
entendu obtenir un remboursement de 80 %. C'est quoi, ce 80 %, quand
on pense qu'un couple qui a 50 000 $ par année vit bien souvent en
logement, n'a pas la possibilité du crédit, a d'autres charges sociales? Donc,
une porte se ferme puisqu'il n'y a plus aucune possibilité d'obtenir de
financement.
Si on prend une personne seule, minimum
25 000 $ par année, taux du crédit remboursable, 80 %. Mais
est-ce qu'une personne de 25 000 $ par année va avoir un prêt, va
recevoir l'autorisation financière de pouvoir financer une fécondation
in vitro qui, à la clé, n'a peut-être pas de but, n'a peut-être pas rien, puis
il va falloir se réendetter à nouveau? C'est pathétique. C'est lamentable de
continuer sur ce genre de situation.
Puis ici je vais revenir sur les dernières
paroles du ministre qui dit : Si tu n'as pas les moyens de payer tes
traitements, bien, tu n'auras peut-être pas les moyens d'élever un enfant.
Bien, bien cher Dr Barrette, peut-être que pour un médecin spécialiste qui
gagne 900 000 $ par année, 16 000 $ pour des leçons de
piano, des vacances de rêve et autres, c'est une pinotte, mais pour un couple
de la classe moyenne qui a déjà des augmentations d'impôt, qui a des coupures
dans les écoles, qui a toutes sortes de massues de votre gouvernement, bien,
ils ne vont tout simplement pas pouvoir aller jusqu'à avoir ce rêve définitif
d'avoir un enfant.
Je ne considère pas ça comme un choix de
vie d'être infertile, d'avoir l'infertilité. Ça nous tombe dessus, on ne sait
jamais. Et c'est bien dommage parce que c'est un couple sur six au Québec,
aujourd'hui, qui va être privé un jour peut-être, pour cause financière, de
pouvoir fonder sa propre famille.
Et dernièrement on a su que le Zoo de Saint-Félicien
a reçu une subvention de 26 millions. 26 millions, c'est quoi au
Québec? C'est 1 625 familles qui peuvent accueillir un enfant qui a été
voulu, désiré, qui sera chéri, mais que le ministre a décidé de couper dans
tous les crédits au niveau des services de santé, fécondation in vitro et
probablement encore la médication.
Donc, qu'est-ce qu'il va falloir faire
pour avoir des enfants au Québec? Devrons-nous passer par une évaluation du
ministère du Revenu afin d'obtenir une autorisation de procréer, soit
naturellement ou par fécondation in vitro, peu importe? Devrons-nous en
arriver là? Ça veut dire que les classes moyenne et modeste n'auront plus les
moyens d'avoir des enfants? On va leur dire : Ce n'est pas grave, on vous
évalue. Vous n'avez pas les moyens financiers? Bien, tant pis, pas d'enfant
dans vos familles. Il va falloir vraiment réfléchir à ça.
Et on demande à ce que cette couverture de
médication reste couverte, parce que ce n'est pas seulement la fécondation
in vitro qui est touchée, ce sont les transferts, ce sont les
inséminations. C'est tout un groupe de patients, et je pense qu'on en a assez
souffert déjà dernièrement avec la coupe de la fécondation in vitro. Donc,
merci.
M. Paradis (Lévis) : O.K. Je
pense que c'est clair, je pense qu'à travers ces témoignages-là… Et je vous
dirai que ce matin, un petit peu plus tôt, je recevais un message d'un couple
qui était en tentative d'avoir un enfant et qui, manifestement et
malheureusement, n'a pas pu réaliser le processus jusqu'à son bout et devra…
Ayant envie de recommencer et de continuer, ces gens-là me disaient :
Bien, maintenant, on a trois choix : c'est l'emprunt, c'est la famille
généreuse ou c'est aller chercher dans le peu de REER que l'on a.
Alors, je le rappelle, le ministre a tous
les pouvoirs. À la lumière de ce que l'on sait maintenant, de ce qui se passe
sur le terrain et des impacts, vous n'avez pas le choix que de revenir sur
cette décision, clarifier les choses, pour que cette médication reste couverte
pour des gens qui ne choisissent pas d'être infertiles, mais qui ont une
condition qui oblige cette action. Merci.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc,
M. Paradis, c'est un droit d'avoir un enfant au Québec, selon vous?
M. Paradis (Lévis) : C'est un
droit. C'est un rêve, c'est une possibilité, c'est un projet parental. C'est de
participer à la collectivité québécoise. C'est de faire en sorte qu'on puisse
aussi créer de la richesse à travers une famille qui grandit et c'est de faire
en sorte que dorénavant, maintenant, cette possibilité-là d'une population
saine est menacée parce qu'on n'a pas suffisamment ou on n'a pas la capacité à
emprunter. Vous l'avez vu comme moi, et les exemples ont été nombreux, se faire
dire par une institution : Vous êtes locataire, on ne peut pas prendre la
chance de vous prêter pour avoir un enfant pour créer de la richesse, de la
richesse chez nous, pour faire en sorte que des enfants naissent.
C'est déjà un processus cadenassé, maintenant
double cadenassé. Je pense que le ministre a les pouvoirs de revenir sur cette
décision et de ne pas fermer les yeux sur l'impact réel des citoyennes et
des citoyens qui vivent aujourd'hui un autre drame.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Barrette, dans toute sa, disons, révision du programme de fécondation in vitro
puis l'accès à ce programme-là, laissait entendre, même avant de faire
connaître ses intentions, qu'il y avait des couples, notamment, disons, en âge
avancé sans dire... disons, pour attendre un premier enfant et que, dans le
fond, il y a des gens qui auraient dû y passer plus tôt et qui peut-être...
C'est ça, s'ils avaient pris leur décision d'avoir un enfant cinq années plus
tôt, par exemple, n'auraient pas dû avoir accès... c'est ça, n'auraient pas dû
avoir accès au programme de fécondation in vitro. Est-ce que vous êtes quand
même favorable à l'idée de resserrer les critères?
M. Paradis (Lévis) : Alors
qu'on étudiait le projet de loi n° 20, sur un dossier qui éminemment, et
on l'a demandé à de nombreuses reprises, aurait dû être un projet de loi qui
aurait dû être scindé pour adresser cette question-là d'une façon tout à fait
particulière, parce qu'elle se traite de façon particulière, il était évidemment
question de resserrer, de revoir les balises, d'éviter des dérapages. Tout
était faisable sans même compromettre le programme à sa base même et à sa face
même. C'était faisable.
Le ministre a décidé, décision de son gouvernement,
décision idéologique, de mettre fin au programme. Déjà, on aurait pu faire
autrement, faire en sorte que des parents ne se retrouvent pas dans les situations
qu'on a déjà présentées. Bien, au-delà de ça, maintenant, aujourd'hui, alors
que la décision est prise, on ajoute l'injure à l'insulte et on cadenasse
doublement. Et, en ce sens-là, c'est un coup porté à des familles qui n'en
avaient pas besoin.
Mme Vallée-Cossette (Martine) :
Est-ce que je peux ajouter quelque chose à ça?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, oui, oui. Bien sûr.
Mme Vallée-Cossette (Martine) :
En fait, c'est qu'on vient de réduire l'accès, justement, aux jeunes couples
qui sont dans l'âge idéal de procréer. Donc, ces jeunes couples là commencent
leur carrière, finissent leurs études, n'ont pas nécessairement les économies
nécessaires, n'ont pas nécessairement le pouvoir d'emprunt non plus pour
procréer en âge. Donc, ils vont repousser leur projet parental à la fin de la
trentaine, début de la quarantaine, quand on sait que les taux de succès, à
partir de 25 ans, commencent à descendre énormément. Donc, c'est le côté
vicieux de la loi n° 20 et maintenant de la désassurance des médicaments,
c'est qu'on repousse le projet parental, donc on réduit les taux de succès.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, ce que vous proposez, ce n'est pas nécessairement que ce soit l'État qui
paie pour les médicaments, qu'à tout le moins il y ait la possibilité offerte
aux parents d'emprunter. Est-ce que...
Mme Vallée-Cossette (Martine) :
Non, non, non, je vous corrige tout de suite. L'infertilité, c'est une maladie,
c'est reconnu par l'OMS. Les couples infertiles ne cherchent pas à avoir un
traitement de faveur. Les couples infertiles veulent juste avoir le même
traitement que n'importe quel patient au Québec, c'est-à-dire d'avoir une
couverture publique de leur traitement, tout simplement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Parfait.
M. Paradis (Lévis) : C'est
très simple, hein, au nom des parents infertiles du Québec, à la lumière de ce
qui vient d'être dit, le ministre doit revoir ses décisions et carrément
maintenir le remboursement de ces médicaments.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 16)