(Quatorze heures trente minutes)
M. Jolin-Barrette : Bonjour à
tous. En octobre dernier, la CAQ a lancé un appel pour rassembler les
nationalistes québécois. La prémisse était claire : Les Québécois
demandent un parti qui veut faire progresser les intérêts du Québec à
l'intérieur de la fédération canadienne, un parti qui prône les intérêts de la
nation québécoise d'abord en disposant de plus de pouvoirs et d'autonomie dans
le Canada, et aussi il faut briser le monopole libéral. Pourquoi est-ce qu'on
doit briser ce monopole libéral? Parce que jamais dans l'histoire du Québec un
gouvernement n'a été aussi peu intéressé à défendre ses intérêts ainsi que les
intérêts des Québécois et des Québécoises. Sans aucune demande forte, le
gouvernement libéral de Philippe Couillard n'ose à ce point pas déplaire au
gouvernement fédéral qu'il préfère la mollesse et l'affaiblissement du Québec à
la proactivité que nous proposons à la Coalition avenir Québec.
La CAQ est un parti nationaliste. Nous
sommes convaincus, comme des millions de Québécois, que le moment est venu pour
le Québec de faire des gains à l'intérieur du Canada. Ce que la CAQ vous
propose aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche. La CAQ vous propose une
approche pragmatique, concrète et réaliste qui vise à défendre les intérêts du
Québec, des Québécois et des Québécoises.
Avec le projet de loi présenté
aujourd'hui, le projet de loi n° 591, nous proposons de faire des gains
concrets dès maintenant sans entrer dans des nouvelles négociations
constitutionnelles. Et, oui, il est possible pour le Québec de progresser
maintenant, et ce, malgré ce que laisse entendre le gouvernement libéral de Philippe
Couillard. C'est ça, le nationalisme d'ouverture de la Coalition avenir Québec,
un nationalisme qui fait en sorte que nous allons progresser à l'intérieur du
Canada.
Le meilleur exemple de ce nationalisme
d'ouverture de la CAQ, c'est celui de la nomination des juges québécois à la
Cour suprême du Canada. Il n'est pas normal qu'en 2016 le premier ministre du
Canada puisse nommer un juge québécois à la Cour suprême sans même que les
Québécois n'aient réellement leur mot à dire. Dans le processus actuel de
nomination, le premier ministre fédéral, le premier ministre du Canada, n'a pas
à consulter le premier ministre du Québec ni aucun élu de l'Assemblée
nationale. En résumé, il peut agir unilatéralement sans consulter le Québec. Cette
situation est complètement anachronique, contrairement aux derniers jugements
qui ont été rendus de la Cour suprême du Canada, qui attribuent une importance
fondamentale aux institutions fédérales pour les entités fédérées de la
fédération canadienne, surtout lorsqu'on se rappelle que le fait pour le Québec
de pouvoir participer au processus de nomination des juges du Québec à la Cour
suprême du Canada était l'une des cinq revendications historiques du Québec.
Déjà, dans les ententes de Victoria, de
Meech et de Charlottetown, on souhaitait que le Québec puisse participer au
processus de sélection des juges. Pourtant, rien n'a changé. Les libéraux ne
souhaitent pas défendre les intérêts du Québec. Les libéraux continuent de
défendre le statu quo et l'aplaventrisme et ne demanderont pas que ce processus
de nomination soit modernisé par le biais de l'Assemblée nationale.
Il fut pourtant une époque où les libéraux
étaient d'accord pour le Québec choisisse ses juges à la Cour suprême du
Canada. Cette époque est révolue, et la CAQ souhaite mettre de l'avant une
proposition concrète pour que l'Assemblée nationale puisse participer à cette
sélection.
Je ne pensais pas que c'était possible pour
le Parti libéral de renier l'héritage du lac Meech et de Robert Bourassa. Si le
parti de Philippe Couillard refuse d'appeler notre projet de loi, c'est
pourtant la conclusion que nous devrons en tirer.
De l'autre côté, le Parti québécois est
aveuglé par son pays imaginaire, au détriment des intérêts réels et immédiats
des Québécois et Québécoises. C'est contraire à sa raison d'être que de faire
des propositions pour que la nation québécoise puisse s'épanouir au sein du
Canada.
À la CAQ, nous nous battons contre les
forces du statu quo. Nous sommes un parti d'idées, un parti nationaliste qui
propose des solutions concrètes pour s'assurer de la protection de l'identité
québécoise et du maintien de son caractère distinct au sein du Canada. C'est
pourquoi, aujourd'hui, je suis heureux de vous présenter un projet de loi qui
permettra à la nation québécoise d'avoir enfin son mot à dire dans le processus
de sélection de la nomination des juges à la Cour suprême du Canada. Il est
nécessaire de se doter d'un processus de nomination transparent et objectif.
Le processus proposé par la CAQ dans le
projet de loi est simple : un concours pour la réception des candidatures
basé sur la compétence des candidats; la mise en place d'un comité de sélection
provenant de différents milieux composé d'élus de chacun des partis politiques
reconnus à l'Assemblée nationale et d'experts, comprenant un juge de la Cour du
Québec, un représentant du Barreau, un représentant de la Chambre des notaires
et un représentant des facultés de droit du Québec; la sélection des trois
candidats par les membres de l'Assemblée nationale dans un vote au trois quarts
des députés à l'Assemblée; et la transmission de la liste de ces trois
candidats au premier ministre du Canada par le président de l'Assemblée nationale,
qui choisirait enfin le prochain juge à partir de cette liste.
Cette proposition a le mérite de donner
une voix au Québec sans que cela nécessite de nouvelles négociations
constitutionnelles. Le premier ministre du Canada aura à prendre la décision
finale, mais il le ferait parmi les meilleurs candidats sélectionnés par les
élus québécois. Il s'agit d'une procédure de conomination qui respecte le cadre
constitutionnel applicable.
La Cour suprême est l'arbitre ultime pour
le droit civil. C'est le droit qui gouverne la majorité des Québécois entre
eux, c'est le droit privé qui s'applique ici, il devrait être normal que les
Québécois aient leur mot à dire dans le choix des juges qui siégeront à la Cour
suprême. Nous visons, par le dépôt, et éventuellement par l'adoption de ce
projet de loi, d'établir une nouvelle convention constitutionnelle avec le
gouvernement fédéral, et c'est possible. Nous demandons donc au gouvernement
libéral d'avoir le courage de défendre les intérêts du Québec une fois pour toutes
et de procéder à l'adoption de ce projet de loi rapidement.
S'il reste un brin de nationalisme au
Parti libéral, s'il reste un minimum de volonté de placer les intérêts du
Québec d'abord, comme à l'époque du premier ministre Robert Bourassa, de respecter
son héritage, le premier ministre libéral Philippe Couillard acceptera de faire
cheminer notre proposition et donnera son concours à celle-ci.
En terminant, la CAQ lance un appel à tous
les nationalistes qui se trouvent dans tous les partis, déçus notamment par le
manque de sensibilité de Philippe Couillard à l'identité québécoise à la
défense de ses intérêts : Vous trouverez une place à la Coalition avenir
Québec. Le nationalisme d'ouverture de la Coalition avenir Québec, c'est de
défendre les priorités du Québec, des Québécois et des Québécoises. Je vous
remercie
M. Lacroix (Louis) : J'aurai
une question, peut-être. Vous l'avez mentionné dans votre allocution, mais pour
quelle raison est-ce que le gouvernement appellerait votre projet de loi? Il n'a
aucune raison de l'appeler. Vous dites vous-même, dans votre prémisse, que le
gouvernement ne veut pas changer la situation de lui-même, alors pourquoi
est-ce qu'il appellerait un projet de loi qui lui ferait faire quelque chose
qu'il ne veut pas faire?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je pense qu'on offre une opportunité au Parti libéral du Québec de
vraiment démontrer qu'il s'intéresse aux intérêts du Québec, vraiment qu'il
veut défendre les spécificités du Québec, et surtout les traditions juridiques.
Il y a un jugement qui a été rendu en 2013 par la Cour suprême du Canada dans
l'arrêt Nadon, qui parle des valeurs sociales du Québec, et il s'agit
véritablement d'un exercice concret pour démontrer la spécificité du Québec,
son caractère distinct. Donc, si M. Couillard veut défendre les intérêts
du Québec, il va appeler notre projet de loi parce que c'est un projet de loi
qui va bénéficier à tous les Québécois, il s'agit de la protection de notre
régime juridique et des intérêts des Québécois.
M. Lacroix (Louis) : Mais
s'il ne le fait pas?
M. Jolin-Barrette : Bien, ça
voudra dire que Philippe Couillard n'est pas nationaliste, qu'il préfère ne pas
faire de demandes au gouvernement fédéral et qu'il ne préfère pas prioriser les
intérêts des Québécois au niveau de la Cour suprême du Canada. Parce que, vous
savez, on est une province qui a trois sièges de réservés à la Cour suprême du
Canada, et ça serait tout à fait normal — et ça a été demandé par des
précédents premiers ministres — qu'il y ait un processus de
conomination. Et aujourd'hui ce qu'on fait, c'est qu'on le rend davantage
démocratique et plus transparent en y faisant participer les élus du peuple
québécois, les élus à l'Assemblée nationale.
M. Lacroix (Louis) : Je n'ai
pas d'autre question.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup.
(Fin à 14 h 38)