(Onze heures trois minutes)
M. Charette : Donc, bonjour tout
le monde. Merci d'être présents malgré une température qui est un peu plus
incertaine ce matin.
Peut-être pour revenir sur le dossier de
la réforme des institutions démocratiques, je dois vous avouer qu'on a été
agréablement surpris de voir le Parti québécois prendre position sur le sujet
au cours de la fin de semaine. La volonté exprimée par Pierre Karl Péladeau,
pour ma part, me réjouit. En même temps, le Parti québécois a clairement un
défi de crédibilité dans le dossier. Le Parti québécois a eu cet élément-là au
programme depuis de nombreuses années, a été au pouvoir de nombreuses années,
alors que l'élément était dûment inscrit à son programme, et jamais
malheureusement ils n'ont pu passer de la parole aux actes pour que l'on puisse
enfin avoir un mode de scrutin qui soit plus représentatif de la volonté
populaire.
Sinon, vous rappeler que du côté de la
Coalition avenir Québec, le dossier a fait l'objet d'un conseil général. En
fait, c'était la thématique en novembre dernier, et vous rappeler le contexte
aussi rapidement. Ça faisait suite à une année de consultation de nos
instances. Donc, au niveau de la Coalition avenir Québec, c'est un sujet qui
est de préoccupation depuis de nombreuses années, et on est bien heureux de
voir maintenant qu'il semble y avoir de l'ouverture de la part du Parti
québécois.
Et, en même temps, rappeler qu'il y a un
contexte qui semble plus favorable que jamais. On est en présence d'un
gouvernement libéral majoritaire du côté fédéral, et Justin Trudeau, au moment
de la campagne électorale et par la suite, a pris l'engagement que l'élection
de 2015 était la dernière au Canada avec le mode de scrutin actuel. Bref, il y a
un contexte qui fait en sorte qu'il y a une réflexion qui s'impose, et je suis
en mesure de vous confirmer qu'aujourd'hui la Coalition avenir Québec s'est
adressée aux différents leaders des différentes formations politiques représentées
à l'Assemblée nationale. Donc, autant le gouvernement, que l'opposition
officielle, que Québec solidaire ont reçu une missive de notre part les
enjoignant à créer un comité technique pour se pencher sur la question.
Donc, ce que l'on demande, c'est de pouvoir aborder
cette question-là de
façon non partisane, ce à quoi s'attend la population. Et on
l'entend tous, hein : À quoi sert notre vote? Mon vote ne compte pas. Et
ces questionnements-là, on les entend tout simplement parce que,
d'une région à l'autre, le vote démocratique ou le
vote exprimé n'a pas la même valeur.
Peut-être vous mentionner quelques éléments
de statistiques qui méritent d'être rappelés. En 2007, dans la grande région du
Saguenay—Lac-Saint-Jean, le Parti québécois a obtenu 46 % des votes, mais
100 % de la députation, donc l'ensemble des circonscriptions. Donc, malgré
le fait qu'il y ait moins d'un électeur sur deux qui a voté pour le Parti
québécois dans la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean, 100 % des députés de
cette région-là étaient sous la bannière péquiste. L'élection 2014, encore plus
récente, le Parti libéral, avec 42 % d'appuis, a obtenu 56 % des
sièges. Élection de 1998, aussi notable à sa façon, le Parti québécois,
61 % des sièges malgré le fait qu'il ait eu 43 % d'appuis au niveau
du vote exprimé, et même, de surcroît, le Parti libéral avait eu plus de votes,
donc une pluralité des votes par rapport au Parti québécois. Et sinon, de façon
générale, au cours des 60 dernières années, il y a eu neuf élections avec
une fausse majorité sur les 16 scrutins qui se sont tenus. Donc, plus
qu'une élection sur deux au Québec depuis 60 ans a engendré une fausse
majorité.
Bref, tout ça engendre un cynisme qui est
latent, qui est présent dans la population, et malgré tout, malheureusement, on
n'a pas osé embarquer dans cette volonté d'une réelle réforme. Et le sujet
n'est pas nouveau, on en parle au Québec depuis 1962, donc depuis plusieurs
décennies, mais malheureusement, on n'a pas jugé bon passer de la parole aux
actes.
Et il y a plusieurs études aussi qui ont
été conduites. En 2007, notamment, le Directeur général des élections a produit
un rapport favorable pour une réforme du mode de scrutin en disant et en
réitérant la faisabilité de la chose. Bref, il n'y a pas de raison de refuser
davantage ce changement-là, et c'est littéralement la population qui le
demande. Encore le printemps dernier, un sondage... il y a des sondages sur le
sujet, il y en a de façon périodique, un sondage qui a été publié par CROP,
70 % des répondants estimaient qu'il était grand temps d'avoir un mode de
scrutin qui représente davantage la volonté de la population. Bref, c'est à
l'Assemblée nationale de se mettre au diapason avec la population.
Et la proposition que nous avons formulée
ce matin vise trois objectifs essentiellement à travers le comité technique :
Arriver à un respect plus grand de la volonté populaire exprimée, arriver à une
plus grande représentativité régionale et, enfin, une parité hommes-femmes
aussi qui soit plus grande. Bref, c'est la demande que nous avons formulée aux
autres formations politiques et c'est aux élus maintenant de se liguer, de
faire front commun pour lutter contre le cynisme tout simplement.
M. Gentile (Davide) :
M. Charette, est-ce que vous pensez que les libéraux vont embarquer
là-dedans?
M. Charette : On le souhaite,
et d'ailleurs j'aurais aimé que Jean-Marc Fournier se présente à mon point de
presse ce matin pour me serrer la main, pour nous dire qu'il allait partager
cette visée-là. Mais plus sérieusement, on a eu un remaniement il y a quelques
semaines à peine et, pour la toute, toute première fois, on a un ministre en
titre de la Réforme des institutions démocratiques qui n'est pas lié à d'autres
dossiers.
Donc, si on a un ministre... une ministre,
en fait, en la personne de Rita de Santis, qui n'a pas d'autre responsabilité
que celle-là, on va souhaiter qu'elle puisse effectivement procéder à un examen
sérieux de la question pour enfin se doter d'un mode de scrutin qui soit plus
représentatif de la volonté populaire.
M. Gentile (Davide) : Le
week-end dernier, les péquistes ont parlé de convergence. Est-ce que,
théoriquement, vous pourriez faire partie de ça ou est-ce impossible?
M. Charette : Bien,
c'est-à-dire, il faut distinguer la réforme du mode de scrutin. Elle ne doit
pas être retenue uniquement pour servir... en fait, ne doit pas du tout être
retenue pour servir des intérêts partisans. Le Parti québécois semble
s'intéresser à la question, notamment pour se rapprocher de Québec solidaire et
Option nationale, mais, à la base, on doit adhérer à un changement de mode de
scrutin pour réellement aller chercher une démocratie plus grande.
Et, pour ce qui est de la coalition, bien
honnêtement, il n'y a pas d'intérêt de convergence par rapport au mouvement souverainiste.
Et j'écoutais l'analogie de M. Gaudreault par rapport au Quik aux fraises; moi,
je vous dirais qu'il va pleuvoir du Quik aux fraises avant qu'on arrive à une
convergence avec le Parti québécois sur le projet souverainiste.
M. Gentile (Davide) : Oui, mais
au-delà de la pluie, là, de lait au chocolat, là, sous toutes ses saveurs, là,
est-ce que, vous, vous craignez que, d'une manière ou d'une autre, on essaie
d'aller gruger dans votre électorat du côté du Parti québécois ou vous avez
l'impression...
M. Charette : Par rapport à...
M. Gentile (Davide) : Bien,
c'est parce que, écoutez, ils disent : On relance nos démarches vers
l'élection de 2018. Clairement, ils évoquent... ils n'ont pas évoqué votre nom
de la fin de semaine, je pense que M. Péladeau n'a pas prononcé le mot «CAQ»
une fois au cours du week-end. Vous sentez quoi là-dessus? Est-ce que vous avez
l'impression qu'ils vont vous laisser tranquille?
M. Charette : À partir du
moment où ils mettent de l'avant le projet souverainiste, pour nous, ce n'est
que favorable, et ça, on le dit depuis le début, la population est ailleurs.
Donc, si le Parti québécois veut mettre de l'avant le projet souverainiste, la
population va se rendre compte que l'intérêt pour eux n'est pas servi par le
Parti québécois, mais réellement par la Coalition avenir Québec qui aborde des
enjeux drôlement plus présents dans leurs préoccupations qu'un hypothétique
référendum sur la souveraineté. Donc, à ce niveau-là, on est plutôt confiants
pour la suite des choses.
M. Lecavalier (Charles) : Dans
un modèle plus proportionnel, est-ce qu'il pourrait y avoir des transfuges?
M. Charette : En fait, c'est
deux questions complètement différentes. La proportionnelle, elle vise deux
éléments de représentativité, donc, à travers des députés de circonscription,
comme on les connaît actuellement, mais également des députés ou des
candidatures de liste pour réellement aller chercher une représentativité
régionale. Donc, c'est un mode d'élection qui...
M. Lecavalier (Charles) : Ces
candidatures de liste là, les gens vont voter pour le parti. Alors, est-ce
qu'il pourra y avoir des transfuges?
M. Charette : Effectivement,
mais, en fait, nous, ce n'est pas dans une optique de transfuges qu'on aborde
la candidature de liste, c'est dans une perspective de parité hommes-femmes. C'est
une très belle occasion, justement, à travers des candidatures de liste, de compenser
pour un nombre de candidatures de femmes moins important pour les postes de
députés à élection directe. Donc, ce serait une belle occasion pour l'Assemblée
nationale d'aller chercher une meilleure représentativité, au niveau des
femmes, notamment.
M. Lecavalier (Charles) : Je
comprends bien, mais ma question porte sur les transfuges. Est-ce qu'un député
de liste pourrait prendre la décision de quitter le parti sous lequel il a été
élu pour en choisir un autre?
M. Charette : Bien, la
question, elle est théorique, mais, a priori, je vous dirais que ce n'est pas
impossible comme ça ne l'est pas actuellement, mais le mode de scrutin visé ou
le changement visé ne vise pas à répondre à cette situation-là. Actuellement,
vous le savez, rien ne l'empêche. Donc, pour la suite, il n'y a pas non plus
d'a priori direct, là, par rapport à d'éventuels transfuges. Mais le but de
cette réforme-là est réellement d'aller chercher une meilleure
représentativité, autant des régions que des femmes, mais s'assurer qu'au
global le vote soit plus représentatif ou l'Assemblée nationale, ultimement,
soit plus représentative du vote exprimé.
M. Boivin (Simon) : Je
voulais vous parler de l'Institut sur la souveraineté, un dossier que vous avez
suivi de près. Vous avez vu, là, que ça commence à prendre forme. M. Turp qui,
selon toute vraisemblance, a été choisi par M. Péladeau pour présider le
conseil d'administration. Je vois Mme Baril, là, qui est nommée directrice
générale. Est-ce que la façon dont les choses prennent forme vous rassure quant
à l'indépendance de l'institut?
M. Charette : En fait, nous,
on avait soulevé, dès le départ, des questions. Ces questions-là ont été
communiquées à la bonne volonté du Directeur général des élections. On a eu
l'occasion de l'entendre en commission parlementaire il y a quelques semaines
de ça, donc on lui a transmis les questionnements qui étaient les nôtres. Donc,
c'est au Directeur général des élections maintenant de se pencher sur...
M. Boivin (Simon) : ...évolution
du dossier de ce que vous...
M. Charette : Bien, c'est-à-dire,
nous, on a une lecture qui nous a amenés à avoir des questionnements. Ces
questionnements-là sont encore les nôtres. Mais qui est responsable de l'application
de la Loi électorale? C'est véritablement le Directeur général des élections,
donc à cette instance-là de prendre tous les éléments en considération et de
trancher sur la légalité du financement de cette organisation-là.
M. Boivin (Simon) : Est-ce
que vous avez été soulagé que M. Péladeau tourne la page sur les mises en
demeure?
M. Charette : En fait, on a eu
l'occasion de se parler à quelques reprises de cette question-là. Pour nous, il
n'y avait pas véritablement d'inquiétude. Pour nous, la question, dès le
départ, elle était politique et non pas juridique. Donc, on savait... et on
était naturellement conseillés par des avocats, on savait qu'il n'y avait pas
de fondement juridique à cette mise en demeure là. Donc, M. Péladeau a tout simplement
entendu raison, et je pense que c'était pour son propre intérêt aussi, là, de
passer à autre chose.
M. Lecavalier (Charles) :
Pétrolia a contacté le premier ministre par lettre ce matin pour demander une
rencontre, tel que ça avait été convenu. Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce
que ça aurait dû déjà être fait?
M. Charette : En fait, je
pense que le gouvernement aurait dû rencontrer les acteurs de Pétrolia il y a quelques
semaines de ça, lorsque le premier ministre a viré capot littéralement sur cet
enjeu-là, une question de respect autant de l'entreprise avec laquelle le gouvernement
est partenaire, mais également par respect de sa propre parole donnée. Donc,
l'attitude du gouvernement dans le dossier continue d'être décevante. C'est tout
à fait inacceptable qu'après plusieurs semaines cette rencontre-là n'ait pas
encore eu lieu. Donc, en espérant qu'elle puisse se tenir, là, le plus rapidement
possible...
M. Boivin (Simon) : Le plan qui
a été adopté par le Parti québécois en fin de semaine, dont certains pans, là,
demeurent secrets pour des questions stratégiques, avez-vous l'impression
que... Vous connaissez le parti, vous en avez fait partie. Avez-vous
l'impression que M. Péladeau est en train d'effectivement mettre sa formation
sur la voie de la victoire?
M. Charette : Je ne peux pas
faire autrement que de sourire par rapport à ces discussions-là. À travers
l'actualité, je suivais naturellement les travaux de leur rencontre partisane
de la fin de semaine. Vous le savez, j'ai longtemps milité au Parti québécois.
C'est un parti que je connais bien. Et pourquoi je souris aujourd'hui, c'est
qu'année après année on essaie de se convaincre que c'est la population qui est
dans l'erreur et c'est la population qui doit entendre raison par rapport au
projet souverainiste que l'on entend vendre.
Peu importe l'approche que le Parti
québécois retiendra, ce n'est pas la population qui est dans l'erreur. La
population a fait un choix délibéré à deux reprises plutôt qu'une, c'est-à-dire
de maintenir ses liens avec le Canada. Donc, la population s'attend d'une
formation politique qu'elle puisse assurer l'épanouissement du Québec à
l'intérieur de l'ensemble canadien. Donc, que la stratégie soit secrète ou pas,
le résultat est le même, et la population a déjà eu l'occasion de se prononcer
sur le projet du Parti québécois, peu importe la façon dont il s'y prendra pour
essayer de mousser son option.
Le Modérateur
:
D'autres questions? Non? Merci.
M. Charette : Merci beaucoup.
Bonne fin de journée.
(Fin à 11 h 18)