(Quinze heures quarante-six minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour. Alors, on souhaitait donner suite à ce qui vient de se passer à la période
de questions.
Alors, la ministre de la Justice et
Procureur général du Québec, contre toute attente, après avoir été désavouée
non seulement par l'ensemble de la communauté juridique, mais par son propre
premier ministre, sur la question du mariage religieux et de la position
qu'elle a défendue en Cour supérieure, à savoir que les mariages religieux peuvent
ne pas entraîner d'effet civil, vient, après 12 questions, de toujours
refuser de modifier sa position, la position qu'elle va maintenant défendre
devant la Cour d'appel.
Alors, vous allez comprendre que ça
dépasse l'entendement. On s'attendait aujourd'hui à ce que la Procureur général
du Québec, Mme Vallée, dise clairement que, devant la Cour d'appel... parce
qu'on sait que la cause qui est à l'origine de toute cette confusion est
maintenant devant la Cour d'appel et qu'elle va devoir déposer, dans les jours
qui viennent, un mémoire faisant état de sa position. Alors, bien entendu, tout
le monde s'attendait à ce qu'elle vienne dire aujourd'hui qu'elle allait
changer de position, d'autant plus qu'on a vu que le premier ministre lui-même
n'est pas sur la même longueur d'onde que sa ministre de la Justice, que la
Procureur général du Québec. Mais, après 12 questions, elle a toujours
refusé de nous dire qu'elle allait changer de position. Au contraire, elle
semble réaffirmer la position qui a été défendue devant la Cour supérieure.
Et je pense que ça vaut la peine de
réitérer ce qui a été défendu par Mme Vallée parce qu'il y a beaucoup de
confusion. Elle est venue, dans la controverse, la semaine dernière, nous
parler d'union spirituelle qui pourrait être une entité différente du mariage.
Or, l'union spirituelle n'existe nulle part dans la loi, est une notion qui n'est
reconnue par absolument personne dans le domaine du droit de la famille et elle
n'est pas non plus présente dans le jugement.
Vraiment, ce que la ministre, la Procureur
général du Québec a plaidé dans le jugement, c'est bel et bien l'absence
possible d'effet civil du mariage religieux. Vous allez me permettre de lire
l'article 55 où, dans le jugement, au paragraphe 55, on dit : «La
Procureure générale du Québec et madame soutiennent plutôt qu'un ministre du
culte peut célébrer un mariage religieux conforme à sa foi, sans nécessairement
que ce mariage ait des conséquences civiles. Dans ce cas, bien que les époux
soient mariés religieusement, les autorités civiles ne leur reconnaissent tout
simplement pas le statut de gens mariés.»
Ce n'est pas banal. C'est grave ce qui a
été plaidé, et ce n'est pas un quidam qui a plaidé ça en essayant d'être
créatif, c'est la ministre de la Justice, la Procureur général du Québec
elle-même qui est allée plaider ça, ce qui va à l'encontre, à sa face même, de
l'article 118 du Code civil qui dit que tout célébrant doit transférer sans
délai la déclaration de mariage à l'état civil parce que ce mariage-là doit
être public et doit produire des effets. Alors là, on est face à une ministre
de la Justice qui s'entête, de toute évidence, dans sa position, une ministre
de la Justice qui ne semble pas du tout comprendre son rôle et les dangers de
sa position en termes de risques, en termes de recul pour la protection des
époux et, bien sûr, des épouses dans les règles du mariage. Tout ce qu'elle
permet, en fait, c'est l'instauration potentielle de régimes religieux
parallèles.
Alors, c'est excessivement grave, ce qui
est en train de se passer, et c'est d'autant plus grave qu'elle est la première
responsable de la justice au Québec et qu'on se serait attendus aujourd'hui,
surtout après le désaveu de son premier ministre, qu'elle vienne saisir
l'occasion de clarifier les choses, de répondre clairement à une question toute
simple qui était de demander si la position de la Procureur général allait être
modifiée en Cour d'appel pour s'assurer que l'ensemble des mariages célébrés au
Québec, que ce soit par un célébrant civil ou un ministre du culte, qu'il
produise les effets, les droits et les obligations qui sont prévus au Code
civil.
Alors, nous lui demandons de clarifier sa
position. Nous lui demandons de modifier sa position pour que les Québécois
sachent que ce qui est prévu au Code civil s'applique à tous les mariages et
qu'il n'y ait plus de confusion par rapport à un enjeu et une institution aussi
fondamentale en droit québécois et, plus largement, pour la société québécoise.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Si
elle donnait suite à votre demande, elle ne dérogerait pas, selon vous, de son
devoir de réserve, le devoir de réserve qu'on s'attend d'un ministre de la
Justice et Procureur général du Québec?
Mme
Hivon
:
C'est assez surprenant d'entendre la ministre aujourd'hui plaider le devoir de
réserve, alors qu'elle-même a donné plusieurs entrevues la semaine dernière,
alors que le premier ministre lui-même a commenté la situation, alors qu'il y a
plusieurs juristes qui sont sortis publiquement pour dénoncer la position de la
Procureur général. On n'est pas en train de lui demander de commenter tout et
rien dans toutes sortes de causes, on lui demande sa position à elle. Que
va-t-elle défendre? Et ça, c'est important pour l'ordre public, c'est important
pour la prévisibilité et la stabilité de notre droit de savoir ce que la
Procureur général du Québec, celle qui représente la stabilité de ce droit-là,
celle qui doit défendre nos institutions juridiques, que va-t-elle plaider.
Tout ça va être public. D'ici quelques
jours, elle va devoir déposer un mémoire. Sa position va être publique. On lui
demande tout simplement, compte tenu des inquiétudes qui sont soulevées par sa
prise de position qui a absolument estomaqué toute la communauté juridique et,
plus largement, la population, qu'elle vienne, à la première occasion, rassurer
la population, rassurer la communauté juridique et dire qu'effectivement elle
va changer de position devant la Cour d'appel.
M. Bélair-Cirino (Marco) : En
quoi c'est nécessaire, dans la mesure où le chef du gouvernement, la semaine
dernière, a éclairci, disons, toutes les inquiétudes que vous avez exprimées à
cet égard-là? Il a dit clairement qu'un mariage était un mariage, qu'il ait été
contracté devant un chef religieux ou devant un juge.
Mme
Hivon
: La
difficulté, c'est que c'est la Procureur général qui est responsable du respect
de nos lois, c'est elle qui plaide devant les tribunaux. Elle a cette
indépendance-là, elle a ce rôle, cette fonction tout à fait particulière. Et là
ce qu'on voit aujourd'hui, c'est qu'il semble y avoir une divergence importante
entre le premier ministre et la Procureur général du Québec, ce qui n'est pas
banal du tout, et la Procureur général elle-même refuse de modifier sa
position, refuse de dire qu'elle va modifier sa position devant la Cour d'appel
malgré le fait qu'effectivement elle a été désavouée par son premier ministre
la semaine dernière. Alors, elle maintient la confusion comme elle l'a
maintenue toute la semaine dernière.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
O.K. Vous craignez qu'elle fasse à sa tête, qu'elle estime réellement
aujourd'hui, après avoir été rabrouée par le premier ministre, qu'il y a deux
catégories d'union : une union spirituelle puis un mariage? Vous pensez...
Mme
Hivon
:
Écoutez, je ne sais pas si vous avez entendu une réponse de sa part, mais elle
a eu 12 questions, à la période de questions, qui lui demandaient toujours la
même chose : Est-ce qu'elle va modifier sa position devant la Cour
d'appel? Elle a esquivé à chaque fois, elle n'a pas répondu à la question et,
s'il se trouve une chose, elle a plutôt continué à s'enliser et à augmenter le
niveau de confusion, alors même qu'on lui a lu des extraits du jugement où on
rappelle très bien que sa position porte sur le mariage, pas l'union, la
bénédiction, l'union spirituelle, sur le mariage.
Alors, aujourd'hui, ce n'est toujours pas
clair quelle position elle va défendre et si elle recule et change de position
pour aller devant la Cour d'appel.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Une dernière question. Est-ce que Stéphanie Vallée a l'étoffe pour être une
ministre de la Justice?
Mme
Hivon
:
Écoutez, Stéphanie Vallée, la chose la plus urgente qu'elle doit faire
aujourd'hui, c'est de prendre ses responsabilités, de rassurer la société
québécoise, la communauté juridique et de dire qu'elle va modifier sa position
devant la Cour d'appel. C'est ce à quoi on s'attend d'une ministre de la
Justice et d'une Procureur général responsable.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc,
si elle ne le fait pas, vous appelez à la désignation d'un nouveau Procureur
général du Québec?
Mme
Hivon
: Je
ne suis pas dans les questions hypothétiques, je lui demande d'agir de manière
responsable, conformément à ce qu'on s'attend d'une ministre de la Justice et
d'une Procureur général. Merci.
(Fin à 15 h 55)