(Quinze heures cinquante-cinq minutes)
M. Jolin-Barrette : Alors,
bonjour à tous. Aujourd'hui, on a posé deux séries de questions à la ministre
de la Justice, donc, au total, six questions, pour savoir si elle allait
changer sa position relativement au mariage religieux n'ayant pas, pour elle,
de conséquence civile.
Donc, elle a exprimé le fait que ça
existe, au Québec, des unions spirituelles, puis c'est contraire à tout ce qu'on
connaît relativement aux règles de droit civil en matière familiale. Donc, on
lui a donné l'occasion à plusieurs reprises de revenir sur ses propos, de
prendre la position que le premier ministre lui a indiqué de prendre.
Malheureusement, ce qu'on constate, c'est qu'on est dans la confusion encore la
plus totale. La ministre de la Justice refuse de dire qu'elle va indiquer à ses
procureurs en Cour d'appel de changer leur position qu'ils ont prise en Cour
supérieure.
Ce qu'il est important de comprendre, c'est
que la constitutionnalité des dispositions du Code civil du Québec doit être
protégée, doit être... c'est ce qui doit être défendu par le Procureur général
du Québec. Mais le chemin pour y arriver, le chemin qui a été utilisé en Cour
supérieure, ce n'est pas le bon chemin, puis la ministre de la Justice ne
semble pas comprendre cette situation-là. Et encore une fois, à six reprises,
on lui a permis de revenir sur ses propos, les propos qu'elle a tenus en disant
qu'une union spirituelle, ça existait au Québec puis que ça n'avait pas
nécessairement une conséquence civile.
Au Québec, ce qu'il est important de comprendre,
c'est que le Code civil du Québec a des obligations en matière de conséquences
civiles, et, lorsque vous vous mariez, bien, ça a des conséquences civiles. C'est
une question de protection des femmes et de protection de l'ordre public pour
assurer que les gens qui se marient, bien, ils ont des protections juridiques
associées. Puis malheureusement la ministre de la Justice n'est pas capable de
comprendre ça, n'est pas capable de l'exprimer non plus clairement et elle
refuse de dire à ses procureurs... de leur donner une orientation claire.
Et la question qu'il faut se poser...
savoir, au gouvernement, là : Les procureurs du gouvernement, est-ce
qu'ils vont suivre l'indication du premier ministre ou celle de la ministre de
la Justice? Et je pense que, dans ce cas-ci, ils devraient se fier à la
position du premier ministre. Et la position qui est défendue par la ministre
de la Justice ouvre à des dérives complètes. Elle ne voit pas les conséquences
de sa position et elle refuse même de revenir sur sa position. Et ça, c'est le
plus dramatique dans l'histoire, le fait qu'elle n'a pas pu, en six questions à
la Chambre, dire : Mea culpa, j'ai commis une erreur, et mes procureurs en
Cour d'appel vont adopter une autre approche. Ils vont défendre la constitutionnalité
des dispositions du Code civil du Québec, mais ils ne plaideront pas le fait
qu'un mariage religieux ne peut ne pas avoir de conséquence religieuse.
Et vous noterez que l'ensemble du milieu
juridique a dénoncé cette position, et la ministre de la Justice a besoin de
clarifier cette position-là avec la population québécoise. On a besoin de
savoir que la position du Procureur général, la position de la ministre de la
Justice, c'est de dire : Quand vous vous mariez au Québec, il y a des
conséquences religieuses, puis on n'accepte pas d'union spirituelle, il faut
que ça ait des conséquences civiles sur le territoire québécois.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Qu'est-ce qui vous dit que la ministre de la Justice n'a pas donné de nouvelles
consignes à son équipe de procureurs? Elle ne répond pas à vos questions en
Chambre, elle dit être astreinte à un devoir de réserve, mais elle a peut-être
donné de nouvelles instructions à son équipe de juristes, non?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, elle a commenté le dossier publiquement dans le journal Le Devoir.
Je pense que, lorsqu'on commente un dossier comme ça, on peut indiquer que la
position du gouvernement du Québec va être la suivante.
D'ailleurs, vous noterez que toutes les
requêtes sont publiques généralement. Les interventions du Procureur général
sont publiques, et la ministre de la Justice peut rassurer la population pour
dire : Nous allons défendre le droit au Québec. Et elle pourrait dire :
Je l'ai échappé cette fois-ci, je m'en excuse. Je vais protéger les Québécois,
je vais protéger les Québécoises et je vais m'assurer de ne pas placer les
individus dans une situation de vulnérabilité. C'est ça qu'elle aurait dû faire
aujourd'hui. Elle aurait dû simplement répondre à la question et dire : Je
vais suivre la voie qui a été tracée par le premier ministre parce que je me
suis fourvoyée.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Estimez-vous aujourd'hui que Mme Vallée fait cavalier seul, qu'elle s'entête
alors que le premier ministre l'a rabrouée la semaine dernière? Est-ce qu'il y
a une divergence de vues, selon vous, sur la question : Est-ce qu'une
union spirituelle est un mariage ou non, au sein du gouvernement de M.
Couillard?
M. Jolin-Barrette : Écoutez, la
ministre de la Justice complexifie le dossier à outrance. Le premier ministre a
compris qu'au Québec un mariage religieux, ça apporte des conséquences civiles.
L'Église catholique, le diocèse de Montréal ont compris ça, ont toujours
appliqué ça de la même façon. La ministre de la Justice, dans son rôle de
protection de l'ordre public, de protectrice des dispositions du Code civil du
Québec, de l'ordre public, semble avoir de la difficulté à l'exprimer. Au
Québec, lorsqu'il y a un mariage, il y a des conséquences civiles. C'est ça
qu'elle aurait dû dire et elle devrait dire : Ça va être la position du
gouvernement du Québec en Cour d'appel. Nous allons nous rétracter, nous allons
plaider autre chose pour nous assurer dans le cadre de la protection de
l'intérêt public.
Et ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que
la ministre de la Justice a introduit, dans son projet de loi n° 59, des
dispositions contre le mariage forcé. Et là ce qu'elle dit d'un côté, ce
qu'elle a dit en Cour supérieure dans le dossier des mariages religieux et ce
qu'elle dit au projet de loi n° 59, ça s'oppose, ça ne va pas ensemble. Et
donc c'est important pour nous, là, pour la Coalition avenir Québec, que
l'égalité entre les hommes et les femmes soit préservée, que la liberté de
consentement soit là et que la protection des garanties juridiques associées au
mariage puisse être donnée dans tous les types de mariages au Québec. Il n'y a
qu'une seule loi au Québec qui s'applique, et c'est la même pour tous, c'est celle
du Code civil du Québec. On doit transmettre une déclaration de mariage au
Directeur de l'état civil lorsqu'on se marie.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous dites que le Procureur général du Québec s'y est mal pris, a adopté une
mauvaise stratégie. Quelle est votre stratégie à vous, là? Si les procureurs
vous entendent aujourd'hui, qu'est-ce que vous leur proposez, là, pour garantir
la constitutionnalité de l'état civil, là, puis de...
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
c'est à l'appréciation des procureurs qui gèrent le dossier. Donc,
concrètement, quand ils vont à la Cour d'appel il faut qu'ils aient le souci de
dire : Nous devons préserver la constitutionnalité des dispositions. C'est
leur rôle, mais cependant, le chemin pour y arriver, ils doivent développer un
raisonnement juridique qui permet d'assurer à la fois la conservation des
dispositions, mais à la fois aussi la protection des personnes et aussi la
question du consentement, et la question de la vulnérabilité est importante
aussi.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais est-ce qu'il y avait, selon vous, là, une autre stratégie qui s'imposait,
selon vous, ou, face à l'absence, justement, de stratégie pour assurer, pour
défendre devant le tribunal, la constitutionnalité des dispositions, le
ministère de la Justice a échafaudé ce...
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, en droit québécois, là, ça a toujours été interprété de la même façon.
Lorsque vous célébrez un mariage religieux, le célébrant doit, dans un premier
temps, avoir son numéro de célébrant qui est donné par la ministre de la
Justice, doit informer les époux des conséquences du mariage, et,
troisièmement, doit transmettre la déclaration de mariage. Ça, c'étaient les
exigences pour avoir un mariage religieux au Québec. C'est sur le site du
ministère de la Justice, c'est dans le Code civil du Québec, et donc les
procureurs, la ministre de la Justice le savaient que c'est ça, la loi, c'est
ça, les règles.
À partir du moment où la ministre de la
Justice commence à distinguer entre un mariage religieux, une union
spirituelle, on dérape, là. Il n'y a qu'un seul type de mariage au Québec, et c'est
surtout pour éviter le genre de mariage forcé et aussi éviter le fait que des
époux pensent avoir été mariés religieusement et civilement et là qu'ils se
retrouvent dans une situation où la déclaration de mariage n'a pas été
transmise et ils se retrouvent Gros-Jean comme devant et sans aucune protection
juridique au moment de la séparation entre les époux.
Donc, c'est fondamental, puis la ministre
de la Justice aurait pu le répéter à six occasions aujourd'hui, durant la
période des questions, qu'il y a des directives qui vont être données à ses
procureurs pour rétablir le positionnement du gouvernement du Québec, comme le premier
ministre l'a proposé et lorsqu'il l'a mentionné le 4 mars dernier.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
C'est une nouvelle tuile qui s'abat sur la ministre Stéphanie Vallée. Est-ce
qu'elle doit être démise de ses fonctions, selon vous?
M. Jolin-Barrette : Je vais
laisser cette question-là à l'appréciation du premier ministre. Merci beaucoup.
(Fin à 16 h 4)