(Onze heures onze minutes)
M. Khadir
: Alors,
merci. Nous avons entendu, avec un étonnement, ma foi, qui est rare, en tout
cas, dans mon cas, à l'Assemblée nationale... c'est que le chef de l'opposition
officielle, M. Pierre Karl Péladeau, s'est adressé à M. Couillard
pour lui poser des questions sur l'évasion fiscale des contribuables les plus
fortunés au Canada, qui ont été dénoncés dans les reportages, dans les informations
qu'on a eues au cours des derniers jours, sur la firme KPMG, qui a orchestré
l'évitement fiscal de 20 des citoyens les plus fortunés du Canada, coûtant aux
contribuables des millions de dollars. Nous avons vu, en Chambre, M. Péladeau
poser des questions à M. Couillard.
Or, malheureusement, ni l'un ni l'autre ne
sont crédibles sur le sujet. Nous aimerions qu'enfin les dirigeants des trois
partis principaux à l'Assemblée nationale, M. Couillard, M. Péladeau
et M. François Legault, agissent de manière cohérente dans le sujet. Ce
que les citoyens québécois, qui aujourd'hui sont en train de remplir leurs
rapports d'impôt, sont étranglés par le poids des factures, par le poids de
l'impôt qui leur est imposé, par le poids des taxes municipales, provinciales
qui leur sont imposées, par le poids de la hausse des factures d'électricité...
aimeraient voir un peu de cohérence de la part des partis politiques dans la lutte
à l'évasion fiscale. Et, pour que M. Péladeau ou M. Couillard soient
crédibles, il faut franchement aller beaucoup plus loin que ce qu'on a entendu.
C'est sûr que nous ne voulons pas accabler
ces individus uniquement, c'est un problème de société, c'est un problème
systémique, c'est un problème qui est prévalent dans l'ensemble des pays
développés, mais, pour ça, il faut être résolus. Ça fait trois mois qu'on
attend pour la reprise du travail de la Commission des finances publiques sur
les paradis fiscaux. On a un mandat d'initiative, on prend du retard sur ce
mandat.
Et nous rappelons humblement, qu'il s'agisse
de la famille Desmarais, qu'il s'agisse de toutes les grandes fortunes qui
existent au Québec, qu'il s'agisse des entreprises de M. Péladeau,
Québecor, Vidéotron, Sun Média, Toronto Sun, à l'époque où ça a appartenait à
M. Péladeau... sont tous enregistrés, malheureusement, ont des centaines
de filiales, je pense, de l'ensemble de ces... des personnes que j'ai nommées,
des entreprises que j'ai nommées, Power Corporation, et d'autres, sont
enregistrées dans les paradis fiscaux. Il faut qu'on se penche là-dessus, il ne
faut pas qu'on ait peur de nommer les choses. L'évasion fiscale coûte aux
contribuables québécois plus... si on se fie juste aux chiffres qui ont été
publiés hier par Radio-Canada, au bas mot, 1 milliard de
dollars — ça, c'est vraiment le plancher — chaque année.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour, M. Khadir. Est-ce que vous croyez Revenu Québec quand Revenu Québec
dit qu'essentiellement ils n'ont pas vraiment le choix de suivre l'entente que
l'ARC a prise avec les clients de KPMG?
M. Khadir
: Non, je ne
le crois pas parce que chaque entente avec chaque entité est négociée et
décidée de manière indépendante. Il n'y a rien qui empêche Revenu Québec de ne
pas procéder parce que le choix sur le programme de divulgation volontaire doit
être judicieux. On ne peut pas l'offrir comme un bar ouvert, comme un
automatisme. Là, on prétend que c'est un automatisme. Moi, je prétends que ce
n'en est pas. C'est un choix politique qui est fait par Revenu Québec.
Je peux comprendre Revenu Québec, s'il n'a
pas les moyens, si les gouvernements successifs, Parti québécois et Parti
libéral, au cours des 10 dernières années ont coupé dans leurs effectifs, mais
il faut que Revenu Québec le dise clairement. Mais là je peux comprendre
qu'avec le gouvernement actuel il y a un autoritarisme et il y a un tel procédé
d'intimidation dans les ministères — moi, je le vois dans le réseau
de la santé — que ça se peut que les autorités de Revenu Québec ne
soient pas capables de nous dire : Bien, c'est parce qu'on n'a pas les
moyens, c'est parce qu'on n'a pas le contentieux juridique pour le faire parce
qu'on n'a pas le nombre d'employés pour mener les enquêtes puis on a peur
d'échapper la balle si on s'en va devant le juge. Là, à ce moment-là, on saura,
ici, à l'Assemblée nationale, qui rendre imputable.
Sinon, c'est Revenu Québec qui a fait...
qui prend une très mauvaise décision au détriment des contribuables québécois,
parce que le programme de divulgation volontaire, il faut qu'à la fin, dans
l'ensemble, ça envoie le message que c'est une pratique qu'on ne tolérera pas.
Si, par ce programme-là, on dit aux plus fortunés, à ceux qui ont les moyens,
aux gros lapins que, dans le fond, si vous faites quelque chose, faites-le, si
vous pensez que vous risquez de vous faire attraper, bien, venez nous rapporter,
puis on va vous gracier, alors, quel message ça envoie? Ça envoie le message
que, pour les gros bonnets, tout est permis, pour le citoyen ordinaire, il n'y
a aucune indulgence.
M. Lecavalier (Charles) : Que
pensez-vous de l'attitude de Revenu Québec dans ce dossier? Parce que ce qui
semble étonnant, c'est que la Protectrice du citoyen a dénoncé à plusieurs
reprises la hargne de Revenu Québec envers les contribuables normaux, disons,
quand ils se font prendre, on les bâillonne, on les empêche d'utiliser leurs
droits.
M. Khadir
: Je l'ai
fait aussi à plusieurs reprises au cours des dernières années. Je pense qu'ici
même, à l'Assemblée nationale, ou dans un point de presse à Montréal, j'ai
illustré le cas de plusieurs petits commerçants qui ont des problèmes.
M. Lecavalier (Charles) :
Comment commentez-vous, justement, cet état de fait là que Revenu Québec a une
attitude différente avec les millionnaires?
M. Khadir
: C'est ça
qui me fait penser que c'est probablement à cause de manque de moyens. Parce
que, pour prendre au collet un petit commerçant qui n'a pas les moyens de se
défendre, bien, ça ne prend pas un gros contentieux, ça ne prend pas beaucoup
de moyens, d'accord? On a plus de chances de gagner en cour si jamais il
n'obéit pas. Et c'est ça qui est profondément injuste, qui est intolérable et
qui est scandaleux pour la population en général, de savoir que ceux qui ont le
plus de moyens, ceux qui ont le plus de responsabilités, qui doivent payer
leurs impôts, ont aussi le plus de largesse, le plus d'indulgence et ont droit
que le gouvernement ferme les yeux sur leur pratique absolument déloyale envers
la société québécoise. Et c'est une déloyauté. Les grandes fortunes du Québec,
que ce soit la famille Desmarais, que ce soit tous ceux... toutes les grandes
entreprises qui ont des filiales, là... je n'ose pas les nommer parce que je ne
veux pas individualiser, mais à peu près toutes les grandes entreprises dont on
s'enorgueillit et qui ont leur siège social au Québec, qui ont des activités au
Québec, ont des comptes et des filiales dans les paradis fiscaux. C'est
inacceptable.
M. et Mme Tout-le-monde, les employés de
l'État, les travailleurs dans les usines n'ont pas ce privilège-là, et on ne
voudrait pas qu'on se donne ce genre de privilège parce que les citoyens
ordinaires, dans leur grand ensemble, sont honnêtes et sont loyaux envers le
gouvernement, ce qu'on ne peut pas dire de la part des grandes fortunes.
(Fin à 11 h 17)