(Onze heures dix-huit minutes)
M. Legault
: Donc,
bonjour, tout le monde. Je veux revenir sur ce qui s'est produit la semaine
dernière. Je crois vraiment que le premier ministre a manqué à ses responsabilités
en essayant de museler le débat sur un sujet qui est très important, c'est-à-dire
la hausse des seuils d'immigration au Québec. Ce n'est pas vrai qu'au Québec on
peut augmenter de 20 %, donc de 50 000 à 60 000, le nombre
d'immigrants sans se poser des questions fondamentales sur les impacts sur
notre société. Et je crois que M. Couillard a été guidé davantage par ses
émotions que par sa raison.
On l'a vu, M. Couillard, à chaque période
de questions, lorsque j'ai abordé le sujet, il a porté des attaques plutôt que
de faire un débat avec des arguments sur le fond. Et je pense qu'il faut
faire le lien avec ce qui s'est produit aussi avec le Dr Barrette. Le Dr
Barrette a porté des attaques, là, inacceptables envers Mme Lamarre, a refusé
de s'excuser. Mme Lamarre et M. Péladeau ont fait appel au premier ministre, et
pour l'instant, après presque une semaine, M. Couillard n'a pas respecté sa
parole, là, ce qu'il avait dit au début de la législature, c'est-à-dire qu'il
ne tolérerait pas que des ministres disent des choses que lui ne dirait pas.
Donc, actuellement, est-ce que M. Couillard a peur de M. Barrette? Pourquoi ne
lui demande-t-il pas de retirer ses propos? C'est incroyable puis inacceptable
que M. Couillard tolère ce genre de propos de la part du Dr Barrette.
Ce qu'on voit depuis un certain temps, c'est
un gouvernement qui est arrogant, qui semble irritable. Moi, je suggérerais à
M. Couillard de prendre une tisane de camomille, surtout avant les périodes de
questions. Je lui suggère de peut-être se reposer. Je sens que l'équipe
libérale est fatiguée, usée, et c'est de plus en plus visible. Les ministres et
l'équipe, là, libérale ne semblent pas avoir de plaisir, là, à être à
l'Assemblée nationale. Et ce n'est pas vrai que le Québec va être géré par les
sautes d'humeur de Philippe Couillard et de son équipe.
Actuellement — je reviens sur le
dossier de l'immigration — c'est une décision grave de conséquences
pour l'avenir de la nation québécoise. Je pense que la grande, grande majorité
des Québécois sont fiers de parler français, et ils ont le droit de demander qu'on
prenne les mesures nécessaires pour conserver cette langue à long terme au
Québec.
Donc, la CAQ va déposer, dans sa motion du
mercredi, donc une motion qui est obligatoirement votée par tous les députés à
l'Assemblée nationale, une motion dont le texte est très clair, où on demande
au gouvernement de ne pas hausser le seuil d'immigration qui est actuellement à
50 000 immigrants par année. On pense que c'est irresponsable de le
hausser dans un contexte où 41 % des nouveaux arrivants ne parlent pas
français, où le trois quarts des adultes n'acceptent pas de suivre des cours de
français. Dans un contexte où M. Couillard refuse de mettre des cours de
français obligatoires, on pense, c'est important, dans ce contexte-là, de ne
pas augmenter les seuils d'immigration. Et moi, je veux savoir, chez les 125
députés de l'Assemblée nationale, quels sont ceux qui sont d'accord pour ne pas
hausser les seuils d'immigration.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va prendre les questions. Juste s'avancer au micro, s'il y en a.
Robert Dutrisac, Le Devoir.
M. Dutrisac (Robert) : Alors,
si je comprends bien, vous mettez en quelque sorte la sortie de M. Couillard
contre vous, au sujet de l'immigration, un peu sur le même pied que le comportement
de M. Barrette, là.
M. Legault
: Oui,
effectivement. C'est de l'arrogance, c'est un gouvernement qui pense que tous
les coups sont permis, on peut attaquer personnellement une députée, on peut
traiter un chef de l'opposition d'intolérant, de presque xénophobe et que ce
soit sans conséquence. Moi, je pense, ce n'est pas le genre de politique que
les Québécois souhaitent. Et puis je ne sais pas si c'est M. Barrette qui prend
exemple sur M. Couillard ou le contraire, mais, en tout cas, une chose qui est
certaine, là, c'est que le premier ministre a une responsabilité de leadership,
de rappeler à l'ordre son ministre de la Santé puis lui-même se comporter avec
moins d'arrogance, parce que les Québécois, là, n'aiment pas les personnes
arrogantes.
M. Dutrisac (Robert) : Mais
vous avez demandé à M. Couillard qu'il retire ses propos, on a demandé à M.
Barrette qu'il s'excuse, ça n'a pas été fait. Qu'est-ce que vous comptez faire
à partir de là?
M. Legault
: Bien,
écoutez, effectivement, c'est à M. Couillard... Est-ce qu'il souhaite qu'on
rétablisse un climat plus sain à l'Assemblée nationale? Je le répète, moi, je
ne pense pas que c'est ce que les Québécois souhaitent, d'avoir un gouvernement
qui soit arrogant, qui refuse les débats. Ce sont des débats qui sont
nécessaires. On ne peut pas dire : J'augmente de 20 % le nombre
d'immigrants, alors que j'ai déjà des difficultés d'intégration pour les
50 000 qu'on accueille à chaque année. Je pense, c'est un débat légitime,
puis l'arrogance puis les attaques non fondées de Philippe Couillard, là, sont
inacceptables.
Et puis moi, je lui demande, là, de
prendre une camomille et puis de se reposer, s'il est fatigué. Mais on sent
vraiment, là, qu'il y a une fatigue, une certaine panique.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Alexandre Robillard, LaPresse canadienne.
M. Robillard (Alexandre) : M.
Legault, est-ce que la position de M. Couillard est claire concernant la
fracturation hydraulique sur Anticosti, selon vous?
M. Legault
: Non, pas
du tout. Écoutez, on a eu M. Couillard qui a dit clairement, en réponse à une
de mes questions, qu'il était contre toute fracturation hydraulique sur l'île
d'Anticosti. Dans le contrat avec Pétrolia, il est prévu que l'été qui vient,
là, il y aura trois forages qui seront faits par fracturation hydraulique. Il a
dit, suite à sa rencontre avec Pétrolia la semaine dernière, qu'il respecterait
le contrat, donc qu'il respecterait le fait que, si ses fonctionnaires donnent
leur certificat d'autorisation, il y aura fracturation hydraulique. Donc, à
moins qu'il nous confirme, là, qu'il vient de faire un virage à 180 degrés, il
y a eu un changement important.
Puis, écoutez, mettez-vous à la place de
Pétrolia, là. Est-ce que ça vaut la peine d'explorer s'il y a un premier
ministre qui dit : Il n'y aura jamais de fracturation hydraulique, au
moins à grande échelle? Parce que, là, il semble y avoir eu une confusion.
Est-ce que M. Couillard serait prêt à le faire à une petite échelle mais pas à
une grande échelle? Il n'y a aucune logique là-dedans. Ça veut dire que, si on
faisait de la fracturation pour l'exploration puis qu'on découvrait qu'il y a
assez de gaz et de pétrole pour que ça soit rentable d'exploiter, bien là, la
prochaine étape ne serait pas acceptable pour M. Couillard.
Je veux dire, ça ne se tient pas debout,
là, et puis, écoutez, là, à moins qu'il ne fréquente pas du tout les gens du
monde des affaires, là, je peux vous dire qu'il y a toute une grogne
actuellement. Vous avez vu une compagnie gazière qui a radié des actifs, qui a
décidé de quitter le Québec. Actuellement, M. Couillard envoie un très mauvais
message aux investisseurs.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
donc ce changement-là, selon vous, c'est un recul ou pas?
M. Legault
: Moi, je
pense que M. Couillard essaie de jouer au fin finaud. Il essaie de dire, d'un
côté, qu'il va respecter le contrat, mais, en même temps, il ne veut pas le
respecter pour ce qui est de la fracturation hydraulique. Donc, probablement
que ce sont ses avocats qui lui ont dit qu'il s'exposait à des poursuites, donc
il essaie de jouer au fin finaud, mais actuellement, là, il n'y a plus personne
qui comprend sa position.
M. Robillard (Alexandre) : M.
Legault, est-ce que les gens sont unis dans votre caucus, concernant le
registre des armes à feu?
M. Legault
: Oui. On a
une position qui est de dire : On a besoin d'une liste des armes à feu
d'épaule pour être capable de permettre aux policiers de faire leur travail.
Par contre, ce qu'on dit, on était le seul parti à le dire, on est inquiets des
coûts. On sait qu'il y a déjà des données qui existent lorsque les gens
achètent une arme ou prennent leur permis. Donc, est-ce qu'on peut partir de
ces données-là?
C'est important, là, de voir ce que le
Parti libéral va proposer. J'ai compris aussi que le Parti libéral est prêt à
reculer pour ce qui est de l'inscription sur les armes, là, de numéros de
série. Ils vont utiliser les numéros de série qui sont déjà sur les armes. Donc,
on attend de voir la position finale du Parti libéral pour prendre une position
claire, pour ou contre le projet de loi, mais déjà on sait qu'il va y avoir...
M. Robillard (Alexandre) : Le
projet de loi, il est déposé, M. Legault.
M. Legault
: Oui, mais déjà
le Parti libéral...
M. Robillard (Alexandre) : C'est
facile de dire si vous êtes pour ou contre.
M. Legault
: Non, déjà
le Parti libéral nous dit qu'il va y avoir des changements. Donc, dans la façon
dont le projet de loi est écrit, on est contre, mais est-ce qu'il y aura des
modifications? On va attendre de voir les modifications avant de dire si, avec
les modifications, on est d'accord ou on est contre.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
Journaliste
: M.
Legault, justement, si on poursuit sur le registre des armes, il y a la
candidate libérale dans Chicoutimi qui pourrait peut-être voter contre. Donc,
du côté des libéraux, il ne semble pas y avoir d'unité. On ne s'entend pas tout
à fait, là, sur cette question-là.
M. Legault
: Bien,
effectivement, puis M. Couillard a dit clairement qu'il ne tolérerait pas
personne dans son caucus qui voterait contre le registre des armes à feu. Donc,
il va falloir que quelqu'un lui parle, à la candidate libérale, là, parce
qu'elle est en contradiction avec son parti. Si elle veut se présenter pour un
autre parti, là, il n'est peut-être trop tard, mais, si elle veut se présenter
pour le parti libéral et puis que le chef dit : Je ne tolérerai pas aucune
dissidence sur ce sujet-là, bien, il y a un problème, là, puis il faut poser la
question à M. Couillard.
Journaliste
: Je ne
sais pas si vous avez lu sur le fameux congrès des chefs pompiers à Gatineau.
On voit que le ministre de la Sécurité publique, M. Coiteux, est attendu parmi
les invités d'honneur et qu'il y a aussi son sous-ministre associé, donc, qui
est conférencier. Est-ce que ça pose problème, selon vous?
M. Legault
: Bien, ça
pose sûrement, au moins, un problème d'image. Je pense que les Québécois,
actuellement, en ont marre de voir ce genre de congrès à l'extérieur, qui
pourrait être organisé à Montréal ou dans les bureaux, dans les salles de
réunion qui sont déjà à la disponibilité du personnel.
Maintenant, il y a plusieurs problèmes,
là. Il y a le problème du 1 % de formation. On demande depuis longtemps
que la loi soit resserrée pour être bien certains, là, que l'argent serve à la
formation et non pas à payer des voyages dans certaines régions du Québec, mais
c'est aux municipalités, là, à répondre à ces questions-là.
Journaliste
: On voit
aussi que des fournisseurs des services incendie commanditent des cocktails,
commanditent des repas, financent le congrès grâce à un salon d'exposants.
M. Legault
: Ça peut
créer des problèmes de conflit d'intérêts, effectivement.
La Modératrice
: Davide
Gentile, Radio-Canada.
M. Gentile (Davide) : Bonjour,
M. Legault. La fondation Chagnon fait des efforts, depuis quelques années,
c'est critiqué par des gens, par exemple, du secteur communautaire qui parlent
de frais de gestion, de salaires trop élevés. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Avez-vous l'impression, justement, qu'il y a exagération de ce côté-là?
M. Legault
: Bien,
écoutez, je pense que ce qu'a fait M. Chagnon avec son épouse, d'investir,
là... on parle de plus de 1,5 milliard pour éventuellement aider les
enfants, l'objectif est sûrement noble et puis appréciable.
Maintenant, la façon de le faire,
effectivement, il ne faut pas que le gouvernement du Québec se fasse dicter,
par la fondation Chagnon, ses priorités. Est-ce que, dans certains cas, c'est
possible de travailler ensemble? Est-ce que c'est possible de s'assurer que la
majeure partie de l'argent aille dans les services plutôt que dans la
bureaucratie? Bien, c'est tout ça, là. Moi, je pense que le gouvernement du
Québec doit mieux négocier avec la fondation Chagnon, et ça serait souhaitable
que l'argent de la fondation Chagnon serve aux priorités qui sont identifiées
par le gouvernement.
M. Gentile (Davide) : Maintenant,
sur le front de l'immigration, vous dites : Ce relèvement-là du seuil à
60 % est problématique à certains égards, entre autres au plan culturel,
mais, dans le monde des affaires, à micro fermé, la plupart des gens ont l'air
de dire qu'il manque de main-d'oeuvre. Donc, comment réconcilier les deux, là?
M. Legault
: Même dans
le monde des affaires, là, vous avez vu les derniers chiffres vendredi dernier,
11 % de chômage sur l'île de Montréal, 11 % de chômage. Donc, au
moins à court terme, là, il ne semble pas y avoir de problème de main-d'oeuvre.
Deuxièmement, il y a eu des rapports qui
ont été faits, entre autres par Pierre Fortin, qui montrent que le type
d'immigration qu'on reçoit... Puis n'oublions pas, là, 30 % des immigrants
sont choisis par Ottawa, surtout au titre de ce qu'on appelle la réunification
familiale, sans aucune qualification pour répondre aux besoins du marché du
travail. Ce que les études montrent, c'est que ce n'est même pas évident que ça
améliore le PIB par habitant, l'immigration, actuellement, telle qu'elle est
faite.
M. Gentile (Davide) : Mais, si
on revoit les critères, est-ce que, justement, une immigration choisie
différemment ne pourrait pas pallier au problème de main-d'oeuvre qui existe,
M. Legault? Vous le savez, parce que vous parlez avec des gens d'affaires.
M. Legault
: D'abord,
si on s'assure que chaque immigrant répond aux besoins du marché du travail,
parle français, accepte les valeurs québécoises, je peux vous dire que de
facto, là, on va en avoir beaucoup moins que 50 000 par année.
M. Gentile (Davide) : Donc,
vous, vous refusez, même si les critères changent, peu importe ce qui peut être
énoncé par le monde des affaires, qu'on aille au-dessus de 50 000. Peu
importe, pour vous, c'est un plafond qu'on ne peut pas dépasser.
M. Legault
: Bien,
écoutez, c'est qu'il y a d'autres considérations. Quand je vois, là, que, selon
les chiffres de 2014, les derniers chiffres disponibles, 41 % des
50 000 immigrants arrivent ici et ne parlent pas français, bien, si
on met plus d'emphase sur répondre aux besoins du marché du travail, il y a des
risques que ce 41 % monte à 50 %, 60 %. Puis déjà, à mon avis,
41 %, c'est inacceptable, surtout dans un contexte où les cours de
français ne sont pas obligatoires. C'est pour ça que la CAQ dit : On veut
bien mettre plus d'emphase sur répondre aux besoins du marché du travail, mais,
en échange, donnons-nous trois ou quatre ans pour avoir des tests de français
puis de valeurs qui soient obligatoires.
M. Gentile (Davide) : Mais
donc éventuellement vous pourriez accepter que ça aille au-delà de 50 000?
M. Legault
: Si on
s'assurait qu'à chaque fois on respecte les trois critères : répondre aux
besoins du marché du travail, connaître le français, connaître les valeurs
québécoises, on est ouverts. Actuellement, on n'est pas contre l'immigration. On
est pour respecter une certaine capacité d'accueil qui, actuellement, est
dépassée. Merci.
(Fin à 11 h 33)