(Quatorze heures six minutes)
M. Roy
: Bonjour. Je
tiens à saluer mes collègues le député de Rimouski, M. Harold LeBel, le
député de Matane-Matapédia, M. Pascal Bérubé, le député de Gaspé, Gaétan
Lelièvre, qui m'accompagnent pour ce point de presse. Nous sommes aujourd'hui
ici pour parler d'un enjeu extrêmement important, soit celui de l'épidémie de
la tordeuse des bourgeons de l'épinette, qui frappe de plein fouet les forêts
publiques et privées du Québec.
En 2015, c'est 6 315 000 hectares
de forêts qui ont été affectés par l'épidémie, soit deux millions de plus qu'en
2014. La superficie touchée continue donc d'augmenter de manière importante, et
cette épidémie doit être considérée de plus en plus comme une catastrophe
naturelle, et nous devrons prendre tous les moyens disponibles pour la
combattre. Pour la forêt privée, plus spécifiquement, on parle de
778 000 hectares qui sont affectés. Dans le Bas-Saint-Laurent, la
proportion de la forêt privée infestée s'élève à 47 %. En Gaspésie, la
progression de l'épidémie s'est accélérée depuis 2012.
En ce moment, il n'existe aucun programme
de prévention, de lutte directe ou de récupération pour aider les petits
propriétaires forestiers à combattre l'épidémie. Ils doivent eux-mêmes assumer
les coûts de l'arrosage aérien ou tout simplement couper leur bois de manière
prématurée. Je vous rappelle que la forêt privée, c'est 130 000 propriétaires,
ça fait travailler plus de 25 000 personnes partout au Québec, et chaque
dollar investi en forêt privée génère 6 $ en activités économiques, pour
un total d'environ 2,3 milliards de dollars au Québec. Je vous rappelle
également que les budgets en forêt privée ont diminué considérablement en
Gaspésie et au Bas-Saint-Laurent depuis que ce gouvernement a été élu, il y a
près de deux ans.
Nous demandons donc au ministre des
Forêts, en concertation avec son homologue fédéral, une stratégie permanente de
soutien aux producteurs forestiers affectés par la tordeuse, qui prévoit, entre
autres, l'investissement en prévention, en lutte directe et en récupération. Et
ça va s'opérationnaliser de la manière suivante : on demande donc des
budgets d'arrosage afin de protéger les plantations d'avenir, qui ont nécessité
des investissements importants dans le passé. Donc, on ne peut pas perdre ce
qui a été produit. Il faut absolument arroser pour garder les tiges du futur.
Dans un deuxième temps, le gouvernement doit
mettre en oeuvre une stratégie de mise en marché du bois récolté prématurément,
étant donné le volume important qui sera pris. Quand la tordeuse va être dans
les peuplements matures, il va falloir récupérer le bois. Et là il va falloir
appliquer, à un moment donné, le principe de la résidualité, c'est-à-dire que…
la loi dit que le bois doit, en priorité, être acheté chez les propriétaires
privés et, par la suite, sur les terres publiques. Et un autre élément qui est important :
si le bois n'est pas récupéré, en cas de feu de forêt, ça peut être extrêmement
dangereux et dévastateur.
La stratégie doit permettre le maintien de
la possibilité forestière grâce à des programmes de plantation pour éviter une
rupture de stock. Ce n'est pas compliqué, si tu coupes un arbre, il faut que tu
plantes un arbre. Sur les terres privées, si les gens sont obligés de couper
leurs terres à blanc, dans certaines situations on va être obligés de le faire,
mais il va falloir que ces gens-là aient des programmes pour réinvestir en
aménagement et en plantation. Il ne faut pas perdre de possibilité forestière,
c'est comme ça qu'on calcule, pour les décennies à venir, la matière ligneuse à
laquelle les moulins auront accès.
Autre élément, le capital forestier étant
diminué, il doit également y avoir un ajustement des taxes foncières des lots
affectés par l'épidémie, ainsi éviter toute forme de gentrification
d'évaluation des lots forestiers, qui pénalise généralement les producteurs. Actuellement,
on a une problématique : les lots forestiers sont de plus en plus évalués
comme des lieux de villégiature, et on voit qu'il y a une forme d'urbanisation
comme on a vu dans les bois de villégiature, une forme d'urbanisation de l'évaluation,
ce qui n'est absolument pas viable pour ces gens-là. Donc, une réforme de la
fiscalité via les taxes foncières, c'est extrêmement important.
Finalement — bien, pas finalement,
il en reste un autre après — étant donné la hausse importante des
revenus due à l'obligation de couper leurs forêts, des modifications fiscales
doivent être mises en place pour permettre aux propriétaires de ne pas donner
tous leurs revenus en impôt. Dans le milieu, on parle d'une mesure de CELI bois
ou de REER forestier où le propriétaire peut également étaler son imposition et
surtout réinvestir en aménagement les surplus d'argent. Donc, ce que ça veut
dire, c'est que, si tu coupes ta terre et que tu fais des profits, bien, ton
actif a perdu de la valeur, donc il faut absolument que tu réinvestisses pour
gagner la valeur perdue. Et, ce qui se passe, c'est que les gens vont... ils
paient de l'impôt sur la détérioration de leur actif. Donc, il faut réaligner
la fiscalité pour permettre à ces gens-là d'avoir des budgets à long terme pour
investir dans la mise... ou la plantation et les travaux sylvicoles de leurs
terres.
Pour les travailleurs sylvicoles qui ne
pourront pas faire des travaux d'éclaircie précommerciale... Quand on a une
épidémie de tordeuse, la tordeuse s'attaque en premier lieu au sapin, par la
suite, à l'épinette, elle ne touche pas aux feuillus. Et, quand on fait de
l'éclaircie précommerciale, qui sont les travaux normaux actuellement, on
enlève le feuillu et on donne un garde-manger extraordinaire à la tordeuse.
Donc, on demande au gouvernement provincial de rétablir les budgets de programmes
d'investissement sylvicole provincial, fédéral, ainsi que le PCEF, pour donner
une chance aux travailleurs forestiers, qui vont être obligés de se recycler
vers d'autres travaux forestiers, de travailler à de l'aménagement possible en
cas d'épidémie. Donc, on demande que les budgets soient redéployés, redébloqués
pour permettre à ces gens-là d'avoir du travail.
En conclusion, les producteurs forestiers
en territoire privé ne font pas seulement qu'occuper le territoire, ils s'en
occupent. Ils sont au coeur de nos villages et ils méritent d'être soutenus,
car ils contribuent d'une manière importante à notre vivre-ensemble. Qui plus
est, il y a un précédent : Résolu a reçu 10 millions de dollars pour
combler des manques à gagner en cas de pertes dues à la tordeuse. Donc, on ne
peut pas avoir deux poids, deux mesures. Le gouvernement doit traiter les
petits travailleurs forestiers, les propriétaires de lots forestiers comme il
traite les grandes compagnies. Merci beaucoup. Je vais laisser la place à
Pascal Bérubé.
M.
Bérubé
:
Merci, Sylvain. Salutations également à mes collègues.
Si la caméra peut me suivre, j'attirerais
votre attention vers le tableau qui est juste à ma droite, ici. Alors, je ne
sais pas si c'est possible, sinon je vais me rapprocher.
Alors, ce qu'on peut voir, essentiellement,
c'est que, sur le territoire de l'Est du Québec, ma circonscription de Matane-Matapédia-Mitis
est particulièrement touchée, mais c'est le cas également de la Haute-Gaspésie,
chez le député Gaétan Lelièvre, dans la région des plateaux de la baie des
Chaleurs, ça se rapproche chez Sylvain, également ça pousse vers l'ouest, donc
vers Rimouski, vers Rivière-du-Loup, vers le Témiscouata. Donc, ça, c'est la
situation actuelle.
Donc, ma circonscription est
particulièrement touchée, et ce qui est en cause, c'est toute l'industrie
forestière, mais également des centaines, voire des milliers de propriétaires
de lots privés, des gens qui ont investi, qui l'ont aménagé, pour qui c'est une
richesse exceptionnelle — c'est presque le fonds de pension de
certaines personnes — et là qui se rendent compte, présentement, que
le fruit de tout leur travail va disparaître parce qu'il y a la tordeuse des
bourgeons d'épinette, parce qu'on n'a pas les ressources pour affronter ce
péril. Parce que l'impact, il est réel. J'ai eu l'occasion de visiter cet été,
avec le maire de Saint-Alexandre-des-Lacs, des forêts où c'est vraiment très,
très loin, les avancées, là, de la tordeuse des bourgeons d'épinette.
Ce qu'on demande, essentiellement, et ça,
je l'ai validé encore ce matin avec la Société d'exploitation des ressources de
la vallée de la Matapédia, c'est être capables d'avoir des incitatifs à la
récolte pour des peuplements matures qui sont affectés par la tordeuse des
bourgeons d'épinette, surtout pour la remise en production et reboisement de
ces superficies, comme vous l'a indiqué le député de Bonaventure, mais
également de protéger le peuplement vulnérable des plus jeunes par un arrosage.
Et l'arrosage, il se fait en partie sur les terres publiques, mais, selon moi,
il doit se faire également sur les terres privées pour protéger un
investissement, une richesse qu'on a dans tout l'Est du Québec, pas seulement
dans la Matanie, la Matapédia et la Mitis, mais également dans les plateaux, en
Haute-Gaspésie, dans la région de Rimouski, dans le Haut-Pays de la Neigette
également. Toute notre région est touchée, et bientôt ça sera tout l'ouest du
Bas-Saint-Laurent également.
Sylvain vous a évoqué un précédent. Le gouvernement
a reconnu que, pour l'entreprise Résolu, il y avait un manque à gagner
directement lié à la tordeuse du bourgeon d'épinette. C'est vrai. On est
heureux pour cette entreprise, mais, par équité, on souhaiterait qu'on ait
également une aide financière importante pour protéger notre forêt, protéger
les lots privés des gens de chez nous.
Alors, c'est un impact réel. Les gens qui
nous écoutent, d'ailleurs, au Québec, vont se poser la question : Pourquoi
un enjeu régional devrait être un enjeu national? Bien, parce que le Québec est
un pays forestier, et notre région contribue puissamment à l'économie du Québec
avec ses ressources, et on a besoin de ce soutien pour qu'elle continue d'être
une richesse pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Je ne sais pas si mes collègues veulent
ajouter quelques mots... Ça va? Harold? Gaétan? Donc, je vous remercie, et puis
le message est pour le ministre Laurent Lessard. J'espère qu'on aura son
oreille et surtout de l'action bientôt. Il y aura un budget demain, on verra
bien ce qu'on nous réserve pour la forêt et particulièrement pour la forêt
privée également. Merci.
(Fin à 14 h 16)