(Quatorze heures dix-sept minutes)
M. Coiteux : Alors, merci
d'être là, mesdames messieurs. Je suis ici essentiellement pour vous informer
que, dans le cadre du Conseil des ministres d'aujourd'hui, il a été donné suite
aux recommandations du comité de sélection des candidats aptes à exercer la
charge de Commissaire à la lutte contre la corruption. Rappelons que, tel que
le stipule la loi, un comité a été mis en place par le Conseil des ministres,
le 10 février dernier, avec le mandat de recommander une liste d'au moins
trois personnes aptes à exercer cette fonction. Je vous informe que le comité a
bien déposé une liste d'au moins trois candidats aptes à exercer cette fonction
à la fin de la semaine dernière.
Aujourd'hui, et ce, après évaluation du
rapport du comité, le Conseil des ministres a décidé de reconduire M. Robert
Lafrenière dans ses fonctions pour un mandat de cinq ans. Malgré d'autres
candidatures de grande qualité, le Conseil des ministres a décidé de s'inscrire
dans la continuité. Il est évident que l'UPAC est une organisation dont le
travail nécessite stabilité et crédibilité. Afin d'assurer toute la stabilité
requise dans la conduite des enquêtes déjà en cours, le Conseil des ministres a
jugé à propos de maintenir M. Lafrenière en poste. Je vous remercie. Donc,
on peut prendre quelques questions.
Mme Richer (Jocelyne) :
Est-ce que le comité proposait un nom, ou s'il soumettait trois noms, ou…
M. Coiteux : Alors, il y avait
cette demande au comité de nous soumettre au moins trois personnes aptes à
exercer cette fonction, ce qui fut fait.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous avez personnellement rencontré les trois candidats?
M. Coiteux : Non, je n'ai pas
personnellement rencontré. On a pris connaissance du rapport, et le Conseil des
ministres, aujourd'hui, sur la base de ce rapport, a pris une décision.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Quelles qualités a M. Lafrenière pour occuper encore ce poste pendant cinq
ans?
M. Coiteux : Bien, je pense
qu'il incarne, justement, cette stabilité qui est requise, cette crédibilité
requise. Je pense qu'il a toute la crédibilité requise pour continuer dans
l'exercice de ses fonctions, et sa continuité assure, justement, la stabilité
dont l'institution a besoin pour poursuivre son important travail, dont les
enquêtes qui sont en cours déjà.
Mme Lajoie (Geneviève) :
L'arrestation de Nathalie Normandeau récemment, est-ce que ça a pesé dans la
balance dans la décision?
M. Coiteux : Aucunement.
L'UPAC est là pour faire son travail et elle fait son travail. C'est pour ça
qu'on a créé l'UPAC, d'ailleurs, pour qu'elle fasse exactement ce type de
travail. Et, comme je viens de le dire, on a jugé à propos de maintenir
M. Lafrenière pour assurer, justement, cette stabilité et cette
crédibilité qui est requise au plein exercice des responsabilités très importantes
qui sont celles de l'UPAC.
M. Lavallée (Hugo) : Donc,
vous êtes entièrement satisfaits de tout ce qu'il a fait au cours des cinq
dernières années, là, on le comprend bien, si vous…
M. Coiteux : On a reçu le
rapport du comité et on avait demandé trois candidatures au moins. Et on a donc
eu le seul rapport du comité, et puis ils ont été capables de nous soumettre au
moins trois candidatures aptes à exercer. Parmi celles-ci, bien, il y a
M. Lafrenière, qui exerce déjà les fonctions et qui incarne, pour nous, la
stabilité et la crédibilité requises pour aller de l'avant.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que, M. Coiteux, il y a quelque chose qui va changer, notamment dans ce
qu'on appelle le «double dipping»? Il y a beaucoup de critiques qui ont eu lieu
à l'effet que des enquêteurs de l'UPAC soient payés par l'UPAC pour le travail
qu'ils font comme enquêteurs et qu'ils puissent toucher aussi leur pension de
retraité d'un corps policier, souvent de la Sûreté du Québec. Est-ce que vous
comptez mettre fin à ça?
M. Coiteux : Bien, regardez,
ça, c'est une question qui va bien au-delà de la seule organisation UPAC, c'est
dans l'ensemble du secteur public qu'il y a des règles de cette nature-là.
Donc, si on a à s'interroger là-dessus, je pense qu'il va falloir s'interroger
là-dessus dans un contexte plus large que seulement du côté de l'UPAC.
Par ailleurs, si on veut parler de l'UPAC
en particulier, comme vous le savez, dans les recommandations de la commission
Charbonneau, on nous recommande d'avoir un processus de sélection d'un
directeur qui est calqué, en quelque sorte, sur celui du DPCP. Alors, vous
savez qu'on est en train de regarder l'ensemble des recommandations pour y
donner suite, c'est certainement une recommandation qu'on regarde. Donc, il
pourrait arriver qu'on dépose éventuellement un projet de loi qui modifierait
un certain nombre de choses, notamment par rapport à la sélection, mais on
n'est pas là aujourd'hui. Aujourd'hui, on est... le cadre de la loi tel qu'elle
s'exerce. On a mis sur pied le comité tel que le stipule la loi, le comité a
fait son travail tel que le demande la loi, et le Conseil des ministres, dans
ce contexte-là, avec le rapport qui nous a été remis, a décidé de prendre une
décision qui s'inscrit dans la continuité.
M. Lacroix (Louis) : Mais,
pour être clair par rapport à cette question-là, là, M. Coiteux — parce
que ce n'est pas... vous répondez partiellement, à mon avis,
là — est-ce que vous voulez mettre fin à cette pratique-là?
M. Coiteux : Bien, je viens de
vous dire... Puis, pour moi, ce n'est, justement, pas partiel, c'est global, au
contraire, justement. C'est que cette question — est-ce qu'on touche
une rente de retraite, un salaire de l'État? — elle se pose dans à
peu près toutes les organisations du secteur public. Donc, si on doit
s'interroger, comme gouvernement, là-dessus, il va falloir le faire au-delà de
l'UPAC. Donc, si la question est spécifique sur l'UPAC, je pense que ma réponse
est : On va regarder des choses comme celles-là, le cas échéant, dans la
globalité du problème.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Est-ce que vous allez suivre l'exemple du Bureau d'enquêtes indépendantes?
M. Coiteux : Regardez, je
viens de répondre, je pense, à la question, c'est-à-dire, je ne vais pas
appliquer cette question-là au cas de l'UPAC. Je pense que, si on a à revoir
ces choses-là, on doit les revoir dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental.
Mme Lajoie (Geneviève) :
M. Lafrenière s'était... Lorsqu'il y avait certains enquêteurs à l'interne
qui avaient émis, justement, des craintes que ce soit fait, qu'ils soient
coupés, M. Lafrenière, en entrevue — je pense que c'était en
décembre — avait dit... il avait rassuré à l'effet que, non, ce ne
serait pas le cas, que les policiers, les enquêteurs qui sont là garderaient
aussi leur rente de retraite.
M. Coiteux : Regardez, c'est
une situation qui touche de nombreux organismes publics, c'est une règle
générale qu'il y a à l'intérieur de l'État. Alors, si on doit revoir ça, on va
le revoir, quant à moi, pour l'ensemble. Donc, je ne suis pas ici pour parler
de ça aujourd'hui, puisque je n'ai pas un plan à vous présenter là-dessus
aujourd'hui.
M. Croteau (Martin) : Qui
d'autre se trouvait sur la courte liste?
M. Coiteux : Écoutez, c'est...
je ne vais pas nommer personne parce que c'est un processus qui nécessite, bien
sûr, de traiter les candidatures avec toute la confidentialité requise, comme
dans tous les processus de sélection, mais je peux vous dire au moins une
chose, c'est qu'ils ont réussi à nous donner trois noms au moins, au moins, tel
que le stipule la loi, et donc ils ont été capables de trouver des candidats de
grande qualité. Alors, des candidats de grande qualité, évidemment, il faut...
il fallait que le Conseil des ministres prenne une décision, et cette
décision-là, elle est basée sur la stabilité et la crédibilité, et on s'est
inscrits dans cette continuité en confirmant, pour les cinq prochaines années,
le mandat de M. Lafrenière.
Mme Richer (Jocelyne) : Est-ce
que vous avez craint de payer un prix politique si vous aviez choisi plutôt de
démettre M. Lafrenière de ses fonctions?
M. Coiteux : Ça n'est absolument
pas une considération ici. On a un comité qui a été formé, qui a fait son travail,
qui nous soumet des candidatures hautement valables, et on a à s'interroger :
Est-ce qu'on veut faire un changement? Pourquoi faire un changement lorsque,
pour nous, à ce stade-ci, la stabilité et la crédibilité sont fondamentales
pour continuer? Alors, on a opté pour cette stabilité.
Mme Richer (Jocelyne) : Mais
vous savez que ça aurait été mal interprétépolitiquement si vous aviez choisi
de ne pas renouveler le mandat de M. Lafrenière?
M. Coiteux : Regardez, je
pense que… Puis je répète, puis c'est vraiment le mot, c'est la stabilité. Je
pense que cette stabilité, elle est très importante. Et elle est d'autant plus
importante que c'est quand même une jeune institution encore. C'est une institution
qu'un gouvernement libéral a créée. C'est une institution qui est très, très,
très importante pour la confiance que les citoyens ont envers l'intégrité de
leur Administration publique, des organisations publiques en général. Et, à ce
stade-ci de l'histoire de cette organisation, la stabilité, pour nous, est une
chose très importante.
Mme Lajoie (Geneviève) : Avez-vous
l'intention d'accéder à la demande de M. Lafrenière, qui veut que l'UPAC
devienne un corps policier indépendant?
M. Coiteux : Écoutez, ce n'est
pas dans le processus de nomination que de se poser des questions de cette
nature-là. Je vous dis qu'il y a des recommandations qui nous ont été données
par la commission Charbonneau quant à la façon de faire les choses pour
l'avenir dans plusieurs choses, dans plusieurs domaines, dont l'UPAC. Et ça, on
regarde ça, à l'heure actuelle, très attentivement.
M. Croteau (Martin) : Vous
avez parlé de stabilité et de continuité. Mais, pour le second mandat de
M. Lafrenière, est-ce que vous vous attendez à ce qu'il y ait des
changements, soit dans la nature des activités de l'UPAC ou dans le focus de
ses enquêtes?
M. Coiteux : Son mandat est
très clair. Son mandat, il est défini par la loi, et l'UPAC doit exercer son
mandat, qui est très important, là, pour nos institutions démocratiques et
l'intégrité de notre appareil public. L'UPAC doit exercer ça dans toute
indépendance. Donc, ce n'est pas le gouvernement qui va déterminer autre chose
que ce qui est le mandat qui a été donné par la loi.
M. Lacroix (Louis) : Comment
vous avez trouvé le fait que l'UPAC intervienne le jour du budget pour arrêter
diverses personnes, dont Nathalie Normandeau, là, dans le cadre d'une opération,
quand même, qui touchait le monde politique?
M. Coiteux : L'indépendance d'une
institution… Bien, l'indépendance d'une institution, ça veut dire aussi que le
moment où on doit, du point de vue de l'institution, agir, procéder au
déclenchement d'une enquête, à des arrestations, ça leur appartient totalement
en fonction du mandat qu'ils ont à remplir. Ce n'est pas au gouvernement à se
questionner là-dessus.
M. Lacroix (Louis) : Mais
est-ce que le gouvernement a été dérangé par un événement comme celui-là, qui
n'est quand même pas banal, là, de venir, j'allais dire, minimiser, si on veut,
une annonce importante du gouvernement? Qu'on fasse une opération qui a été
autant médiatisée le jour même où on dépose le budget, comment ça a été perçu
au gouvernement, nonobstant l'indépendance de l'UPAC?
M. Coiteux : Bien, c'est parce
que je ne peux pas faire… Je ne peux pas le dire, nonobstant l'indépendance de
l'UPAC, parce que l'indépendance de l'UPAC est tellement importante que je n'ai
pas à avoir d'opinion sur le moment où ils décident d'arrêter ou non des
personnes. Lorsqu'on présente un budget, c'est certain qu'on veut avoir de
l'attention, c'est certain. Mais, eux, ils ont un travail à faire. Alors, ils
ont fait le travail cette journée-là. Et voilà, ça s'est passé comme ça. Mais
on n'a pas d'opinion là-dessus. Ils travaillent de façon totalement
indépendante, et c'est très bien ainsi, et ça doit continuer d'être ainsi.
Mme Richer (Jocelyne) : Pour
assurer son indépendance, est-ce que le directeur de l'UPAC ne devrait pas être
nommé par l'Assemblée nationale plutôt que par le gouvernement, où il peut y
avoir un arbitraire à ce moment-là?
M. Coiteux : Bien, regardez,
il y a une loi, actuellement, qui encadre, et, tant qu'on ne changera pas la
loi, on va observer ce que la loi nous dit qui doit être le processus de
nomination. Et il y a une commission d'enquête qui a fait un gros travail au
Québec, qui s'appelle la commission Charbonneau, qui a réfléchi à ces
questions-là et elle ne nous recommande pas d'aller vers un vote aux deux tiers
de l'Assemblée nationale. Elle nous recommande de faire quelque chose de
semblable à ce qu'on fait dans le cas de la nomination du DPCP, et ce n'est pas
un vote aux deux tiers de l'Assemblée nationale.
Alors, nous, on prend très au sérieux les
recommandations de la commission Charbonneau. On est plus qu'en train de les
étudier, on est en train de travailler à un plan d'action, et, dans ça, il va y
avoir notamment des changements législatifs. Alors, voilà un endroit où il est
possible qu'il y ait, effectivement, un changement législatif.
Mme Johnson (Maya) : Mr. Coiteux, you say that there were other qualified, highly
qualified candidates. What, in the end, justified this decision?
M. Coiteux :
Stability, continuity and credibility, and I think these three words are very
important. This is an institution that is still relatively young, that has a
very important mandate to fulfill to insure our society of the integrity of
their public organizations, of the Administration and, I would say, it's one of
the pillars of our democracy. And we think, at this stage, that continuity was
very, very important.
Mme Johnson (Maya) : Some more cynical observers might feel that there was a certain political pressure to make this decision
because, if you did not, then it would seem to be punishing, perhaps,
Mr. Lafrenière for, for example, arresting a former Liberal minister on the budget day.
M. Coiteux : That was certainly
not a reason. As I said, the reason is that it's still a young institution. The committee fulfilling its
mandate has given us a list of at least three qualified persons, highly
qualified persons. Among those persons, we had the current director of UPAC,
and we think that it's important to maintain him for theses reasons :
continuity, stability and credibility.
Mme Johnson (Maya) :
So, going forward, what do you anticipate happening
within UPAC over the next five years? We've seen quite a lot of movement over
the past five years. So, what do you anticipate in the future?
M. Coiteux : Well, they have a mandate which is clearly defined by the existing
law. So, this existing law will not be changed, so… not for the mandate, at
least. So, they have a mandate to fulfill, and we don't interfere in any of
their operations, so they are independent. So, I expect continuity, I expect
continuity. If I have something to expect, I expect continuity in their
operations.
We may reconsider the way
we nominate the director because we received a recommendation by the Charbonneau Commission, and we are studying that very, very carefully because we want to
give an answer to all of the recommendations of the commission Charbonneau, and that's one of them.
Mme Johnson (Maya) : Just on a final one, speaking of the Charbonneau Commission recommendations, this morning Québec solidaire suggested a multiparty
commission to look at implementing these recommendations because they say the Liberal Party alone does not have the
credibility, this word that you use repeatedly, at this point, to do it alone…
M. Coiteux : Well, I certainly disagree with the fact that we don't have the
credibility as a government
elected by the Québec people
with a majority government in
April 2014. We have a mandate to govern this province. So, whenever there
will be proposed legislated changes, the normal work of our commissions mean
that Québec solidaire, that the
Parti québécois and CAQ will
participate in the discussions over whether we have to change our existing laws
or not. So, there will be a common work, all together, at the National Assembly for whatever change that may be required after the
Charbonneau Commission.
So, we will work
together, but, as a government, we have all the legitimacy to govern and to
propose changes. Thank you.
(Fin à 14 h 31)