(Neuf heures cinquante minutes)
M. Khadir
: Bonjour.
Je viens d'entendre les propos de l'ex-ministre Sam Hamad. Je voudrais lui
suggérer et demander qu'il donne également sa démission comme député. Je crois
que le premier à en bénéficier, ce serait lui. Il a besoin de plus de quiétude
d'esprit que de se faire, comme ça, disons, harceler par nous, en fait — je
nous mets tous ensemble — et je lui rappelle que d'autres avant lui
ont tenté les mêmes choses, de s'incruster, et ça n'a pas beaucoup réussi. Je
lui rappelle Tony Tomassi, on pourrait en nommer d'autres.
Je vous rappelle également que, pendant
que toute l'attention est tournée sur les embarras du gouvernement, bien, il y
a bien des dossiers très, très importants, comme le sort des CLSC, comme
Énergie Est, toutes des choses... comme les événements qui se sont déroulés au
Lac-Simon ou à Montréal-Nord, bien, on ne peut pas en parler, il n'y a pas de
place pour ça.
Alors, je fais la suggestion à M. Hamad
de donner sa démission. Cette décision ne dépend plus de M. Couillard,
mais dépend de lui, de retrouver un peu de quiétude puis de se défendre. Je
n'accepte aucune, mais aucune de ses justifications. Il faut que ça soit clair :
à moins qu'il trouve des justifications miraculeuses pour prouver le contraire,
les éléments, les évidences fournies par l'émission Enquête démontrent
clairement que lui et son cabinet ont fait du trafic d'influence, du trafic
d'influence, un point, c'est tout.
Je veux dire, il faut arrêter... Parce que,
si on l'entend bien, et si on entend Mme Normandeau, et si on entend
M. Charest, hein, et si on entend M. Fournier, qui était dans le cabinet
Charest, dans le fond, la commission Charbonneau, on l'a fait pour rien. Si on
les entend, ils n'ont aucune responsabilité, il n'y a jamais rien qui s'est passé,
il n'y a jamais eu rien, aucun reproche, 20 millions de dollars ramassés
pendant les 15 ans du mandat de la commission Charbonneau, là, les
20 millions de dollars, d'accord, n'auraient tous été donnés au Parti
libéral simplement pour les beaux yeux du Parti libéral. Je pense que ça, ça
heurte l'intelligence des journalistes, de l'opinion publique. Ça met dans
l'embarras l'Assemblée nationale, les propos que je viens d'entendre ici. Je
pense que M. Hamad serait mieux de se retirer de la vie politique, de
démissionner, d'aller se défendre et qu'on nous laisse traiter des sujets de
l'actualité qui touchent l'ensemble du Québec.
Mme Richer (Jocelyne) : Que
pensez-vous du fait que le premier ministre Couillard a insisté pour dire que
M. Hamad serait disponible pour les journalistes et qu'il répondrait à
toutes les questions, or il n'a répondu aujourd'hui à aucune question?
M. Khadir
: Il faut
que moi, je réponde à cette question?
Mme Richer (Jocelyne) : Bien,
qu'est-ce que vous en pensez?
M. Khadir
: Comment
puis-je le faire à sa place? Je pense que ça témoigne de la difficulté de
répondre lorsqu'on est englué dans un tel embarras, dans de telles
contradictions. Je rappelle quand même à vos auditeurs ou à ceux qui nous
entendent que, pas plus tard qu'il y a une semaine, moins d'une semaine, il a
dit qu'il n'avait jamais ramassé plus que 100 000 $, et on apprend
aujourd'hui qu'il a atteint largement cet objectif et il l'a dépassé. Et je
dois vous avouer que ça fait huit ans que moi, je pose des questions sur un
ensemble de sujets qui touchent à ça. Qu'est-ce que j'ai eu comme réponses à
part des mensonges qui, par la suite, se sont révélés des mensonges?
Aujourd'hui, on est bien... Quand j'ai posé les premières questions sur les
prête-noms, qu'est-ce que c'était, la réponse des ministres libéraux, dont Sam
Hamad, à l'époque? Aujourd'hui, il est démontré que c'étaient des mensonges, que
des prête-noms, ça existait, la DGEQ l'a démontré.
Donc, quand on est habitués et on est forcés,
parce que nos actes ne sont pas défendables, et sont illégaux, et relèvent de
l'escroquerie politique, c'est sûr qu'on a de la difficulté à venir répondre
ici aux journalistes. Ça me choque.
M. Dutrisac (Robert) : Vous
parlez de trafic d'influence. Vous parlez de trafic d'influence, cependant, et
c'est une accusation criminelle, là, on s'entend.
M. Khadir
: Eh bien, je
me demande d'abord, d'ailleurs, pourquoi la police ne débarque pas, parfois,
hein? À moins qu'on nous dise que ce qui a été trouvé par l'émission Enquête...
M. Hamad pourrait dire : Tout ce que vous voyez, là, c'est de la
fabrication, l'émission Enquête a fabriqué ces courriels. Mais, si ce
n'est pas le cas, il y a là suffisamment d'indications très claires, quand on
connaît le reste du tableau, et la police et l'UPAC a énormément d'informations
là-dessus, pour prouver que c'est du trafic d'influence. Oui, c'est criminel.
M. Bellerose (Patrick) :
Est-ce que M. Hamad a droit à une présomption d'innocence le temps...
M. Khadir
: Oui, comme
dans une manifestation, quand une vitre est brisée puis qu'on arrête des
manifestants, les manifestants ont droit à une présomption d'innocence. Mais on
commence à les arrêter parce qu'il y a des évidences, et ensuite on doit aller
prouver ça en cour, n'est-ce pas? Tout le monde a le droit de...
M. Bellerose (Patrick) :
Pourquoi demander sa démission maintenant alors qu'il n'y a aucune enquête
qui...
M. Khadir
: Parce que,
là, la hauteur des allégations est telle que, dans n'importe quelle démocratie
qui se respecte puis... n'importe quels homme et femme politiques qui a un
minimum de dignité et de respect pour les institutions donne sa démission pour
aller se défendre. Écoutez, là, pour moins que ça, Tony Tomassi a démissionné.
M. Lavallée (Hugo) : Mais c'est
quoi, l'urgence de démissionner, là, dans la mesure où il y a déjà plusieurs
enquêtes en cours? On ne connaît pas le résultat. Il n'est plus au Conseil des
ministres.
M. Khadir
: Parce
qu'il nous embarrasse tous. Il jette le discrédit sur l'institution. Ça nous
tourne en ridicule. Ça plonge dans l'embarras ses propres commettants. Les
citoyens de Louis-Hébert, comment ils doivent... Est-ce qu'ils peuvent avoir
confiance, aller dans son bureau puis demander qu'il fasse des démarches pour
eux puis avancer leur dossier alors qu'il est entaché de ces accusations? Il
nous ridiculise publiquement et collectivement. Au bout de tout ce que les
libéraux ont fait pendant 10 ans, là, il y a un seuil qui est devenu
intolérable. Si c'était la première fois que ça arrivait, c'était la première
fois que les libéraux étaient entachés de tel, j'admets, on ne demanderait pas
ça. Mais là on sait que c'est dans un contexte. Je pense qu'il y a un minimum
de respect pour les institutions qui devrait pousser maintenant les libéraux de
réagir rapidement, d'avoir un meilleur jugement, puis de cesser d'insulter les
institutions publiques par le genre de propos qu'on vient d'entendre ici.
M. Lavallée (Hugo) : Mais,
si, vous, vous faisiez l'objet d'accusations dont vous estimez ne pas être
coupable, vous démissionneriez quand même?
M. Khadir
: D'une
telle gravité, oui, quand les évidences sont... Bien, écoutez, quand les
évidences sont...
M. Lavallée (Hugo) : Mais il
dit : Je ne suis pas coupable.
M. Khadir
: Mais oui,
parce qu'il faut que nous soyons au-dessus de tout soupçon. Et là ce n'est plus
des soupçons, il s'agit d'allégations et d'évidences qui sont claires.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais pourquoi il n'y a pas de poursuites?
M. Khadir
: Pardon?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Pourquoi il n'y a pas de poursuites criminelles?
M. Khadir
: Demandons
la question à ceux que ça concerne. Je ne peux pas répondre à ça. Moi, je me...
M. Bélair-Cirino (Marco) : On
le protège?
M. Khadir
: Je ne sais
pas. Il faut demander pourquoi est-ce que... Les petits malfaiteurs, lorsqu'il
y a des évidences qu'ils ont commis un acte criminel, on les arrête, on fait
les procédures puis après, bien, c'est sûr, ils ont droit à la présomption
d'innocence, ils vont se défendre. Mais, quand il s'agit de ministres, d'hommes
et de femmes de pouvoir, malheureusement, trop souvent, les gens s'en tirent, n'est-ce
pas? C'est des questions qu'on doit se poser comme société : Quelles sont
les mesures qu'on peut mettre en place pour un peu plus d'équilibre dans les
choses?
Mais, pour le moment, pour le moment, ce
que j'exige, c'est que les libéraux traitent l'Assemblée nationale, le pouvoir,
les fonctions des députés avec plus de respect, et ça, ça veut dire que
M. Hamad, là où c'est rendu, pas juste lui, mais l'ensemble du portrait du
gouvernement libéral et du Parti libéral, il devrait démissionner.
M. Lessard (Denis) : Quand
vous dites trafic d'influence, la définition, ça sous-entend qu'il a bénéficié
d'avantages en contrepartie de son influence?
M. Khadir
: Non, pas nécessairement,
non, pas du tout. C'est direct ou indirect, et il n'est pas nécessaire...
Regardez les codes de déontologie, il n'est pas nécessaire que la personne qui
exerce le trafic d'influence bénéficie directement lui-même d'avantages. De
toute façon, son parti en a bénéficié, et, lui, quand il remporte des victoires
électorales dans des comtés libéraux grâce à l'argent ramassé par son parti, il
en bénéficie, bien sûr. Si vous voulez, on peut faire la démonstration de ça
aussi, mais il est clair que, dans les définitions de conflit d'intérêts comme
de trafic d'influence, la personne qui commet l'acte qui est répréhensible n'a
pas besoin directement, immédiatement de bénéficier d'un avantage pécunier
direct.
M. Dutrisac (Robert) : Mais
vous n'allez pas vous satisfaire du rapport du commissaire, donc? Parce que lui
n'est pas habilité réellement à traiter le trafic d'influence, il traite de conflits
d'intérêts.
M. Khadir
: Comme tout
travail, comme toute institution, il y a différents leviers, on a différents
instruments, mais chaque instrument a son rôle. Le travail du Commissaire à
l'éthique, c'est de faire la démonstration qui relève de l'éthique et de
déontologie. Une fois, ça fait, il y a d'autres choses à faire. Un autre député
peut, à l'Assemblée nationale, se lever, en vertu de ça, critiquer le travail
d'un autre député, le blâmer, et ça peut conduire à son expulsion du Parlement.
Il y a toutes sortes de choses. Mais, a-t-on besoin de ces psychodrames? Un
minimum de respect pour la fonction de député de la part des députés libéraux
ferait que Sam Hamad, aujourd'hui, donnerait sa démission.
M. Dutrisac (Robert) : Donc,
on pourrait... vous pourriez chercher à faire un blâme contre lui en vertu des
règles de l'Assemblée nationale?
M. Khadir
: J'aimerais
qu'on n'envisage même pas ça, j'aimerais que Sam Hamad ait la dignité et
l'honneur pour la fonction, le respect pour la fonction de député de donner sa
démission.
M. Caron (Régys) : Pourquoi
dites-vous qu'il discrédite tout le monde?
M. Khadir
: Bien, parce
que, pendant le temps que la population du Québec est affligée tous les jours
par le psychodrame entourant Sam Hamad, à chaque jour c'est la fonction de
député à l'Assemblée nationale qui est discréditée.
M. Caron (Régys) : Vous
pensez? Bien, ça va jusque-là?
M. Khadir
: Bien sûr, bien
sûr, comme...
M. Caron (Régys) : Votre
fonction est discréditée?
M. Khadir
: Bien sûr, comme...
quand il y a quelques médecins qui, de manière systématique, abusent des
avantages qu'on leur accorde pour facturer, ma profession de médecin aussi est
discréditée, je vous l'ai déjà dit. Bien sûr, ce que font les autres députés
entache la fonction, et surtout quand ça... Vous le savez mieux que moi. Allez
demander leur opinion aux gens, hein, ils vont rejeter du revers de la main
l'ensemble de la classe politique. C'est sûr qu'individuellement les gens ne
reprocheront pas ça à moi, mais il y a plus que moi, Françoise David ou Manon
Massé, à moins qu'on nous dise que l'institution de l'Assemblée nationale n'a
aucune valeur, n'a aucun honneur.
M. Bélair-Cirino (Marco) : On
pourrait vous reprocher à vous d'alimenter également ce psychodrame-là en ayant
des points de presse à chaque jour, en ne parlant que de ça, puis, bon, également
les autres partis d'opposition...
M. Khadir
: Comment
voulez-vous...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...qui utilisent la période des questions pour ne parler que de cette
question-là alors qu'il y a d'autres enjeux qui intéressent la population, on s'en
doute, là, il y a des impacts de coupes budgétaires, notamment.
M. Khadir
: Je suis
prêt à sceller un pacte avec vous : qu'on oublie dès aujourd'hui Sam
Hamad, que je puisse venir vous parler de la situation grave qui menace les
CLSC du Québec, la situation grave qui menace l'intérêt des Québécois et
l'intégrité de notre territoire avec le projet Énergie Est, qui se poursuit, et
que je puisse avoir une garantie de votre part qu'on parle de ça plutôt que de
Sam Hamad. Si vous me donnez cette garantie, je suis prêt dès aujourd'hui à
arrêter de parler de Sam Hamad. Est-ce qu'on peut conclure une entente? Est-ce
que vous me donnez cette garantie?
Mme MacKinnon (Catou) : En
anglais. In English, Mr. Khadir. Sorry, I just...
M. Khadir
: I'm really sorry. Je
ne voulais vous embarrasser, mais c'est ça, la dure réalité. Si vous me donnez
cette garantie, moi, j'arrête.
Mme MacKinnon (Catou) : Hi!
M. Khadir
: Yes, hi! I'm sorry.
Mme MacKinnon (Catou) :I think that it will just be me here
last...
M. Khadir
: No, no, I will be for you as
long as you'll be here.
Mme
MacKinnon (Catou) :Yes, great, excellent. Why are
you using the word or the term «influence peddling»?
M. Khadir
: Because it's exactly what it
is. Unless Mr. Hamad comes up with a miraculous explanation, unless he
pretends that CBC, Radio-Canada French has just invented those e-mails…
otherwise, if the e-mails are e-mails that he doesn't deny and if he has no
other miraculous explanations, what we see there is influence peddling, and
influence peddling is criminal.
Mme MacKinnon (Catou) : What do you make of the fact that he has not yet announced that he
is going to bring legal action against my employer, CBC and Radio-Canada?
M. Khadir
: Well, it says a lot about his
sincerity when he pretends that he is... he has nothing to blame... he is not
to blame for anything. I don't want to emphasize too much about that individual,
Mr. Hamad, because Mr. Hamad was an instrument in an orchestra, and
that orchestra is the Liberal Party, which has a chief conductor, which is
Mr. Couillard. Mr. Couillard must also respond.
But, in the time being, the presence of Mr. Hamad here at the National Assembly creates
a drama which hinders any possibility to talk about important issues. Our CLSCs
are almost closed now by the measures taken by the Government, we're going to
see their closure. We have the threat of the project of TransCanada,
3 million of the Québec population's water supply is directly threatened
by that project. We cannot speak about those issues because we're all entangled
in the corruption scandal surrounding the Liberal Party, and that's why I asked
for Mr. Hamad's resignation from his seat at the National Assembly. But,
about the scandal of corruption, Mr. Couillard, as the chief of the
Liberal Party and the leader, is the main responsible. He has to respond for
the acts of his ministers.
Mme MacKinnon (Catou) : Why did you bring out Tony Tomassi, somebody who has admitted
to criminal behaviour?
M. Khadir
: Yes, but, before admitting to that, we were used to
hear the same denials. Remember, since 2009, when we began to question the
financement of the Liberal Party, if you were witness there, I was receiving
the same answers. We were receiving exactly the same denials : We have
done nothing wrong, everything is legal, we are people of honor, we have never
committed that. If we have to believe that, well, all we have been doing for
five years about all these scandals for which we had a commission of inquiry,
we just invented them and we've just dream of… nothing of that is true. So, I
don't' think there is any credibility that today we can attach to
Mr. Hamad's defence if we remember how Tony Tomassi also defended
himself.
Mme MacKinnon (Catou) : One last one. Wow! And it's just popped out of my head! What
happened to the presumption of innocence?
M. Khadir
: As for any people indicted of a criminal activity, in
front of the judge they are presumed innocent and they can defend themselves.
But, when there is tangible evidence that something wrong has been committed,
tangible evidence, these e-mails are tangible evidence, they show that there
was influence peddling activities going on, in my opinion these are sufficient
to consider Mr. Hamad responsible, unless he proves otherwise.
(Fin à 10 h 6)