(Douze heures une minute)
M. Ouellet : Merci beaucoup
d'être là. Aujourd'hui, je suis accompagné de Mme Sylvie Ostigny, la
coordonnatrice du Regroupement des femmes de la Côte-Nord, ainsi que Mme Julie
Fréchette, qui travaille à Lumière boréale—CALACS Baie-Comeau. Nous avons
déposé ce matin une pétition pour demander des changements à la loi sur les
référendums et les élections municipales. Donc, sans plus tarder, je vais laisser
la parole à Mme Sylvie Ostigny, suivie de Mme Fréchette, à ce sujet.
Mme Ostigny (Sylvie) :
Bonjour. Le Regroupement des femmes de la Côte-Nord a comme mission de
regrouper, concerter et agir sur l'amélioration des conditions de vie des
femmes. La solidarité, la justice, l'égalité, la liberté, la paix décrivent nos
valeurs féministes. Avec de telles valeurs qui dictent nos actions, nous ne
pouvions passer sous silence le fait que la loi actuelle permet à un élu
reconnu coupable de harcèlement sexuel de continuer d'exercer ses fonctions.
Comment est-ce qu'un élu représentant des citoyens et des citoyennes peut-il
continuer à gouverner et à prendre des décisions censées être orientées vers le
bien commun? Comment se positionne-t-il dans les dossiers portant sur l'égalité
des hommes et des femmes dans sa région? Je ne pense même pas qu'il puisse en
parler.
Au-delà du principe de bonne gouvernance
quant à la gestion d'une municipalité, n'est-il pas du rôle des élus d'être
porteurs de valeurs telles que la justice sociale, l'égalité et le respect?
J'en parle en connaissance de cause, je suis coordonnatrice au Regroupement des
femmes de la Côte-Nord, mais je suis aussi conseillère municipale dans une
petite municipalité qui s'appelle Pointe-aux-Outardes sur la Côte-Nord, et ça
m'interpelle personnellement. Je m'imagine très mal, comme conseillère municipale,
siéger aux côtés d'un maire ou même d'un conseiller reconnu coupable de
harcèlement ou d'agression à caractère sexuel.
Il est également du devoir des élus municipaux
de se positionner pour qu'ensemble on se construise une société égalitaire,
respectueuse de l'intégrité et de la dignité des femmes et des hommes.
Nous pensons que la première étape est de
demander au gouvernement de changer la loi actuelle. Cela pourrait se traduire
par la modification ou la création d'une loi pénalisant les élus reconnus
coupables d'actes de violence sexuelle. Bien sûr, il faut des porteurs
politiques pour que les lois changent. J'interpelle Mme Lise Thériault
pour que soient incluses dans la politique... ça a changé, là, plutôt la
Stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes qui
sera déposée d'ici l'automne 2016 des actions et des mesures concrètes pour que
soit modifiée cette loi qui ne protège pas les victimes d'actes de violence à
caractère sexuel.
De plus, chaque municipalité a
l'obligation d'adopter un code d'éthique et de déontologie qui doit guider les
membres du conseil municipal pendant leur mandat. On fait tous ça. La
municipalité est libre de choisir ses propres valeurs éthiques puis ses règles
de déontologie, mais la loi impose un contenu minimal obligatoire pour tous les
codes d'éthique et de déontologie.
Nous voulons qu'il soit inscrit
obligatoirement, dans la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière
municipale, des règles concernant le harcèlement ou actes de violence à
caractère sexuel.
En début de mandat, chaque conseiller, on
suit une formation — je l'ai suivie comme tout le monde quand j'ai
été élue — sur l'éthique et la déontologie. Puis on doit tous le
suivre, mais on le suit juste une fois en début de mandat, puis après ça, si on
est reconduit, on ne le resuit plus. On devrait peut-être le suivre au moins
aux quatre ans. Puis ça devrait être modifié, cette formation-là pour qu'on
parle spécifiquement des cas de harcèlement et de violence sexuelle puis
comment qu'on réagi.
Moi, je pense que ça pourrait être bien.
Ce n'est jamais dit, ce n'est pas dit, c'est un mot qu'on ne dit pas parce
qu'on ne l'aime pas. C'est un mot encore tabou en 2016. On devrait appeler les
choses comme elles sont aussi.
Pour finir, j'aimerais remercier le député
de René-Lévesque, M. Martin Ouellet, de son soutien et de sa sensibilité à
travailler à une société plus juste et égalitaire. Merci.
Mme Fréchette (Julie) :
Bonjour. La démarche pour recueillir des signatures sur la modification de la
loi sur les élections et les référendums n'a pas été si facile que ça à
recueillir. Bien que les gens abordés ont été extrêmement généreux, ont été
engagés à la lutte, nous avons quand même senti un certain malaise, là, par
rapport à la problématique sur les agressions à caractère sexuel.
Donc, nous, aujourd'hui, on est attristées
qu'encore aujourd'hui, en 2016, la problématique des agressions à caractère
sexuel soit encore si taboue. Il existe encore des mythes puis des préjugés qui
vont responsabiliser la victime de l'agression à caractère sexuel. Il faut arrêter
de perpétuer ces mythes-là. La honte et la culpabilité, qui sont trop souvent
le fardeau des femmes victimes, doivent changer de camp. Remettons cette
honte-là, cette culpabilité-là sur les gens qui agressent et qui harcèlent
sexuellement. Rappelons-nous que, peu importent les agissements, l'habillement,
les paroles des femmes, elles ne sont jamais responsables d'une agression
sexuelle. Le seul responsable, c'est l'agresseur.
Nous aimerions dire aux femmes qui ont
vécu de la violence sexuelle de continuer, continuer d'être fortes, continuer
d'être courageuses, parler, continuer de parler jusqu'à quelqu'un vous croie.
Tant que les victimes dénonceront, les CALACS vont être à leurs côtés pour les
appuyer dans leurs démarches et les aider.
Si on se fie à la statistique de la
Sécurité publique, seulement 10 % des victimes portent plainte. Les autres
femmes, elles gardent le silence par peur de ne pas être crues ou de ne pas
être écoutées. Comment voulez-vous qu'elles agissent autrement, ces femmes-là?
Les démarches du système judiciaire sont longues, sont pénibles, les sentences
sont, plus souvent qu'autrement, dérisoires, et, dans le cas qui nous intéresse
aujourd'hui, les élus reconnus criminellement responsables d'agression sexuelle
peuvent continuer à exercer leurs fonctions sans mise à pied.
Nous demandons à Mme Lise Thériault,
ministre de la Condition féminine, de porter le dossier et de demander l'appui
à M. Gaétan Barrette, ministre de la Santé et des Services sociaux, afin
d'inclure ce changement de loi là au troisième plan d'action gouvernemental en
matière d'agression sexuelle et d'exploitation sexuelle. Nous voulons que des
actions et des mesures concrètes soient mises en place afin d'analyser les lois
qui permettent à un élu de siéger au municipal. Les condamnations pour
harcèlement sexuel et agression à caractère sexuel devraient être un motif
d'inhabilité à exercer leurs fonctions.
Nous aimerions aussi que les municipalités
se sentent concernées et qu'elles se dotent d'une politique au harcèlement
sexuel au travail, de mettre en place des mesures nécessaires à son application.
S'ils en ont déjà une, de la revoir, de l'adapter aux conditions actuelles et
aux conditions qui vont changer prochainement. Selon les normes du travail, nos
milieux de travail devraient être exempts de conduites vexatoires, paroles,
comportements ou gestes hostiles non désirés qui portent atteinte à la dignité
d'une personne et rendent son milieu de travail néfaste. Les conseils municipaux
ont donc intérêt à élaborer ou modifier leurs politiques contre le harcèlement
sexuel au travail afin de protéger leurs employés.
Il existe une zone grise dans la Loi sur
les élections et les référendums, puis je pense qu'on a mis le doigt dessus.
Moi, je me demande quel exemple de société on veut donner. On veut une société
qui est juste, qui protège les femmes et les enfants qui ont vécu de la
violence sexuelle. On ne veut plus qu'un élu agresse sexuellement... ou fait du
harcèlement sexuel continue d'exercer ses fonctions, puis on ne veut plus que
les élus municipaux continuent à garder la loi du silence dans nos villes et
villages du Québec. Merci.
M. Ouellet : Écoutez, vous
avez vu, Sylvie et Mme Julie Fréchette ont évoqué le pourquoi il faut
changer la loi. Mais j'aimerais vous donner aussi un exemple très concret de
cette aberration. Présentement, là, dans le cas qui est cité en question, on a
un élu qui a été condamné à sursis, 24 mois de sursis, travaux
communautaires, il doit payer un... bien, pas un dédommagement, mais il doit
payer une somme forfaitaire au CAVAC. Et, dans une de ses conditions, en plus
d'être inscrit, avec son ADN, sur le registre des délinquants sexuels à
contrôler pendant 20 ans, dans une de ses conditions, c'est de ne pas
rentrer en communication avec la victime.
Et qu'est-ce qui se passe présentement?
Parce que ce cas-là a été dans un milieu de travail. Bien, la victime, elle
perd son travail, elle ne peut pas travailler. Et on rajoute à ça une autre
couche : comme citoyenne qui voudrait revendiquer quelque chose de
légitime pour sa collectivité, sa municipalité, elle ne peut même pas se
présenter au conseil de ville pour faire valoir ses droits. Donc, ce que les
groupes de femmes et moi, comme député, accompagné de Carole, ce qu'on veut
faire, on veut corriger cette aberration-là. On veut que dorénavant ce genre de
situation là ne se reproduise plus.
Et une des façons — et elle n'est
pas très, très compliquée — tout d'abord, bien, c'est tout simplement
de colliger la loi en permettant, lorsque le juge va prendre acte de la
situation et qu'il y aura une sentence, bien, le juge pourrait, dès ce
moment-là — alors, c'est dans le cas d'un élu — décider s'il
est inhabile ou habilité à siéger.
Parce que, là, présentement, là, ce n'est
pas ça qui se passe. Lorsque le jugement tombe, on doit faire une autre
démarche et, présentement, présenter, effectivement, avec les arguments, que la
personne en question est inhabile ou pas à siéger. Donc, on rallonge les délais,
et malheureusement la personne victime de violence sexuelle doit encore
s'attaquer devant les tribunaux pour faire valoir ses droits. Donc, on voudrait
qu'on corrige cette partie-là. Ça serait déjà plus rapide, mais ça serait déjà
ensaché dans le jugement, que l'élu en question est inhabilité à siéger.
Deuxième chose qu'on voudrait aussi, parce
que, dans la loi, il y a cette possibilité-là, lorsque vient le temps d'être
jugé pour une inconduite, bien, on mandate... dans le fond, on voudrait que le
ministère de la Justice mandate la Procureur général pour rendre inhabile le
maire en question, de la municipalité de Baie-Trinité, considérant ce
jugement-là. Il y a des procédures qui existent, donc on demande aujourd'hui,
concrètement, à ce que la Procureur général soit saisie de ce dossier-là et
porte cette cause-là pour rendre justice, effectivement, aux victimes.
Je vais laisser la parole à ma collègue
Carole, et par la suite j'aimerais conclure sur un dernier point. Parce que,
tant qu'à modifier des lois, on est capables d'aller plus loin, plus vite, et
être plus forts. Et j'aurai un dernier point à vous ajuster par la suite.
Mme Poirier
: Merci,
Martin. Alors, vendredi dernier, lors d'un échange avec la ministre de la
Condition féminine lors des crédits budgétaires, je l'ai interpellée en lien
avec le projet de loi que j'avais déposé pour permettre aux élus d'avoir droit
à un congé de maternité. Et je vous lis sa réponse qu'elle m'a faite à ce
moment-là, elle dit : «Mais il y a une autre question qui s'est posée sur
l'inéligibilité d'un maire qui aurait commis des agressions sexuelles, mais qui
a été reconnu coupable d'une peine d'en bas de 30 jours. Lui n'a pas perdu
son éligibilité à siéger. Donc, vous comprendrez que, quand on regarde les deux
cas, quelqu'un qui a commis clairement un acte, qui a été reconnu coupable, lui
continue, alors que le seul crime — vous me passerez l'expression — de
l'autre, c'est d'avoir un enfant.»
Alors, elle continue, en disant : «On
comprendra qu'on a deux poids, deux mesures, et, à mon avis, je pense que, si
on essaie de regarder quelle manière on peut, avec le ministre des Affaires
municipales, faire en sorte de régler les deux cas, ce qui nous permettrait
d'aller plus rapidement.»
Alors, aujourd'hui, ce qui est demandé à
la ministre de la Condition féminine, d'aller plus rapidement et de faire en
sorte que l'on puisse avoir le dépôt d'un projet de loi pour venir rendre
justice aux victimes et faire en sorte que plus jamais des maires puissent être
condamnés pour agression sexuelle et puissent poursuivre leur... puissent
continuer d'occuper leur charge de travail comme maire et représenter une municipalité.
M. Ouellet : Donc, en
terminant, la semaine prochaine, on va, moi et mon collègue Sylvain Gaudreault,
continuer l'étude du projet de loi n° 83, Loi sur le financement
politique. Et, lorsqu'on a fait les rencontres en commission particulière,
certains maires sont venus nous dire que, lorsqu'on allait adresser cette
loi-là, il serait peut-être intéressant et surtout opportun de changer, effectivement,
certaines dispositions qui permettent présentement à un élu que, lorsqu'il
démissionne, d'avoir droit à une prime de rétention, donc une prime de départ,
disons-le comme ça.
Alors, assurément, avec mon collègue
Sylvain, on va s'assurer d'aller au fond des choses pour que ceux et celles qui
sont élus et qui doivent démissionner, dans le cas présent, on chercherait... effectivement,
pour des motifs à caractère sexuel, mais assurément qu'il n'ait pas les moyens
financiers pour cet acte, là, qui cause préjudice.
Je me suis lancé en politique pour faire
changer les choses. Je me suis changé en politique pour changer les lois. On a
assurément ici un beau projet qu'il faut assurément travailler. On le fait pour
les femmes, mais je le fais aussi pour un monde égalitaire et je suis convaincu
que ma collègue... et j'espère de tous mes collègues parlementaires, on pourra
aller dans le sens de faire que cette situation-là ne se reproduise plus
jamais. Merci.
Mme Poirier
: Merci.
(Fin à 12
h 15)