(Neuf heures cinq minutes)
M. Lisée
: Bonjour. Ce
matin, je suis avec Bernard St-Jacques du Réseau d'aide aux personnes seules et
itinérantes de Montréal, le RAPSIM, pour parler des questions d'itinérance.
Alors, comme vous savez, on était très
optimistes sur la lutte à l'itinérance lorsque Véronique Hivon a déposé son
projet, son plan de lutte contre l'itinérance, sa politique, et ensuite le
gouvernement libéral a voulu prolonger, avec des moyens un peu amputés, mais
quand même, cette action importante, mais il y a eu le gouvernement Harper qui
a fait en sorte qu'une partie importante du financement sur l'itinérance a été
dévoyé, je vais le dire comme ça, parce que le gouvernement fédéral verse 20 millions
de dollars par année au Québec pour la lutte à l'itinérance, mais le
gouvernement Harper a décidé que 65 % de cette somme-là devait être dévolu
à un type d'intervention seulement, qui favorise le logement privé, ce qui a
provoqué une chute des financements pour toutes les autres formes d'aide à
l'itinérance et une réelle catastrophe à l'intérieur du réseau d'aide aux
itinérants, ce dont on va vous parler. Et le gouvernement libéral a simplement
plié devant la volonté du gouvernement Harper.
Mais là il y a un nouveau gouvernement, et,
avec la pression très forte du RAPSIM et des autres organisations s'occupant
d'itinérance, le Parti libéral du Canada s'était engagé à corriger le tir. Et
au dernier budget fédéral, il y a une somme de 10 millions par an qui est
prévue pour le Québec. Là, la question, c'est : Est-ce que cette somme-là
va être utilisée pour réparer les dégâts de la formule Harper ou non? Et c'est
la demande qu'on fait aujourd'hui.
Je laisse la parole à Bernard St-Jacques.
M. St-Jacques (Bernard) :
Merci beaucoup, M. Lisée. La SPLI, la Stratégie de partenariats de lutte à
l'itinérance, qui est le programme fédéral, est une entente Canada-Québec.
Donc, en ce sens-là, le ministre Duclos, au fédéral, et la ministre Charlebois
au provincial, ont quand même un impact, peuvent prendre des décisions qui vont
aller de pair avec la situation qui pourrait évoluer, et dans les choix, dans
l'attribution du financement.
Comme le disait M. Lisée, le virage vers
le logement d'abord, le «housing first» qu'a fait comme choix le premier
ministre Stephen Harper, a mené à l'attribution des deux tiers de l'enveloppe
en itinérance pour un seul ou… presque un modèle spécifique d'intervention.
L'impact des coupures, qui ont été importantes, a été particulièrement
important, si on le regarde... c'est 22 organismes qui sont complètement coupés
en 2016.
Au niveau des immobilisations, donc,
c'est-à-dire l'amélioration des installations des organismes, du logement
social, du développement du logement, de l'hébergement communautaire et tout,
on parle d'un passage de 60 % de l'enveloppe à 6 % simplement. Ça
fait que ça, c'est différents organismes qui ne peuvent pas compléter leur
montage financier pour leur projet de logements ou… On pense, par exemple, à
l'AJOI, l'association jeunesse de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, qui ne peut pas
réaliser un projet d'hébergement communautaire pour les personnes, pour les
jeunes en difficulté et tout ça. Au niveau de l'intervention, il y a eu aussi
beaucoup de coupures et beaucoup dans la prévention de l'itinérance, de façon
plus générale.
Comme le disait M. Lisée, on a eu un
budget important. Pour Montréal, si on regarde pour les deux prochaines années,
c'est 10 millions qui sont disponibles et qui peuvent être attribués
rapidement, tout de suite, aux organismes qui peuvent descendre jusque sur le
terrain pour venir en aide aux personnes itinérantes. Ce qu'on demande
aujourd'hui à la ministre, c'est qu'elle s'engage à valoriser une approche
globale, c'est-à-dire pouvoir permettre une diversité d'intervention, laisser
aux communautés locales la possibilité de déterminer qu'est-ce qu'elles peuvent
faire pour... et qu'est-ce qu'elles peuvent financer en termes, là,
d'itinérance et tout ça.
On a parti une campagne très importante
aussi où des dizaines, même un peu plus d'une centaine d'organismes et de
personnes ont appuyé une campagne visant à convaincre le ministre Duclos et la
ministre Charlebois d'intervenir et de faire en sorte que cette approche
globale là soit maintenue, qu'on puisse rétablir les coupes qui ont pu être
faites auprès des intervenants de différents organismes et tout ça. Donc, ce qu'on
demande à la ministre, c'est qu'elle se commette dès ce matin, un peu comme
elle l'a fait hier, mais qu'elle continue de le faire de façon beaucoup plus
claire pour que les 10 millions disponibles soient attribués le plus
rapidement possible et dans une perspective globale pour mener à une diversité
d'interventions. C'est ce qui va nous permettre, à notre avis, très clairement,
de pouvoir réduire, de lutter pour l'itinérance et de la prévenir aussi. Merci.
M. Lisée
: Merci.
Alors, pour illustrer le choc que cette nouvelle entente a provoqué, je vais
vous donner quelques exemples. Au Foyer des jeunes travailleurs et
travailleuses de Montréal, par exemple, s'il n'y a pas de réinvestissement,
devra fermer huit chambres sur 19, retourner 16 jeunes à la rue chaque année,
couper le salaire d'un intervenant sur deux. Sur le Centre NAHA, ils perdent
100 % de leur financement pour l'intervention sociale auprès des hommes
toxicomanes dans les unités d'hébergement. Dopamine, dans
Hochelaga-Maisonneuve, en 2013, la SPLI avait aidé à acheter le bâtiment, et
maintenant, avec les coupures pour les personnes qui consomment des drogues
injectables et qui sont à risque d'itinérance, bien, avec la coupure, il n'y a
plus d'argent pour les salaires. Alors donc, ils devraient fermer. Même chose
pour Logemen'occupe, des milliers de personnes vont perdre le soutien dont
elles ont besoin à cause des coupures à cet endroit-là aussi.
Donc, il y en a comme ça, donc, comme le
dit Bernard, 22 organismes coupés complètement. Beaucoup d'autres qui sont
coupés partiellement. Alors, ce matin, on a des crédits de services sociaux
avec la ministre Charlebois. Notre crainte, c'est que sa revendication ne soit
pas assez forte. Nous voulons l'entendre nous dire qu'elle va demander au
gouvernement fédéral que la disposition complète des nouvelles sommes soit
déléguée aux acteurs locaux sans imposer de grille sur le logement d'abord ou
autre chose. Il faut que les acteurs locaux puissent déterminer quels sont les
besoins, et évidemment ils vont déterminer que les besoins, c'est ceux qui ont
été coupés récemment.
Bien, c'est ça, c'est le retour de
l'approche québécoise, le retour de la flexibilité. Nos informations sont à
l'effet que le gouvernement fédéral n'est pas opposé à ça. Encore faut-il que
le gouvernement du Québec le demande clairement et ne veuille pas lui-même
imposer des restrictions. Alors, c'est la crainte que nous avons. Je vais poser
la question à la ministre tout à l'heure lors des crédits. J'espère qu'on aura
une réponse claire et que, très rapidement, les sommes pourront être
disponibles et que les gens qui se désâment quotidiennement pour essayer de
sortir les gens de la rue soient à nouveau correctement appuyés par des sommes adéquates.
Voilà. Je vous remercie.
(Fin à 9 h 12)