(Treize heures sept minutes)
M. Khadir
: Alors,
deux choses. D'abord, je voudrais rappeler à M. Barrette que, pour une
fraction des centaines de millions de dollars qu'il veut donner et gaspiller
des fonds publics pour financer des cliniques, des supercliniques privées dont
les profits et le contrôle vont être entre la main d'entrepreneurs qui utilisent
une partie de la profession médicale pour faire des profits avec la maladie des
gens, pour une fraction de cet argent-là les CLSC pourraient faire tout ce que
M. Barrette a besoin.
Ces 20 000 patients qu'il veut
que chaque superclinique prenne en charge, tout ça, là, on a déjà payé des
CLSC, qui ont des points de service partout à travers notre territoire,
notamment dans les zones densément peuplées comme Montréal, et ils
n'attendent... les CLSC n'attendent qu'un financement et un programme structuré
pour s'assurer que le médecin travaille là. S'il y a le financement qui va dans
les CLSC, où pensez-vous que les médecins vont aller travailler? S'il y a un
encadrement et qu'on «tailor»... qu'on planifie le profil de pratique de notre
main-d'oeuvre médicale en fonction des besoins de la population plutôt qu'en
fonction des besoins de l'establishment médical, il y a des milliers de
médecins — je suis persuadé, j'en côtoie énormément
moi-même — qui sont prêts à aller oeuvrer dans ces CLSC au service de
leur population.
Deuxièmement, je viens d'apprendre que
l'éminent chercheur Damien Contandriopoulos de l'Université de Montréal, dont
les services avaient été retenus... enfin, qui avait reçu une subvention de la
FRSQ, du fonds de recherche en santé du Québec — Santé et société...
je m'excuse, Fonds de recherche du Québec — Société et culture, et
qui conseillait le Commissaire à la santé et au bien-être de la population pour
regarder, justement, où on en est avec la rémunération des médecins, qu'est-ce
que ça donne pour le peuple québécois, qu'est-ce que ça donne pour la
population qui ont besoin d'un médecin... bien, sous la pression des
fédérations médicales... Moi, il me semble qu'il y a quelque chose là,
peut-être dans la neutralisation qu'on a vue, là, du Commissaire à la santé,
dont la voix indépendante et critique du système de santé a été en quelque
sorte tue, fermée par un ministre qui a pris le contrôle de cette entité
indépendante. Merci de votre attention.
Journaliste
:
If it's not the super… What is at the heart of your opposition to these
superclinics?
M. Khadir
: Écoutez,
je vais répondre en anglais... Pour compléter le tableau, si nous voulons bien
comprendre ce qui se passe, il y a énormément d'argents qui ont été utilisés au
cours des dernières années pour réguler les problèmes du système de santé via
le privé, les partenariats public-privé, augmentation des coûts de 30 % de
ce que ça devait coûter au départ, avec des retards incroyables, avec des
histoires de magouilles et de pots de vin, comme on le sait.
Ensuite, les GMF, ça a été débuté en 2002.
14 ans plus tard on est encore après se demander : Tous ces centaines
millions qui ont été investis sont allés où, sont allés où exactement? Et
pourquoi est-ce que l'accessibilité, qui était l'objectif premier, de première
ligne n'a pas... Donc, le privé en santé, ça a été prouvé, on l'a prouvé au
Québec, n'est pas efficace et occasionne des dépassements de coûts et des coûts
inutiles.
Maintenant, riche de cette expérience-là,
ça ne suffit pas au ministre, il veut encore une fois utiliser le privé comme
pour solutionner les problèmes d'accessibilité, et surtout dans un domaine,
c'est-à-dire la première ligne, où déjà on a une multiplication de l'offre. On
a les cliniques individuelles, on a les GMF, on a les CLSC, on veut en rajouter
une autre. Pourquoi? Les CLSC sont là. Et parce que ça va coûter plus cher, c'est
du financement public. Selon nous, ce financement public serait mieux utilisé,
il y aurait moins de gaspillage, plus de contrôle si le ministre prend une
fraction de cet argent-là... On peut faire beaucoup mieux avec une fraction de
cet argent-là avec des CLSC. Pourquoi? Parce que les CLSC sont déjà construits.
Il n'y aura pas de retard. Il suffit juste de leur donner les moyens et les
ailes d'agir. D'ailleurs, le ministre l'a reconnu, ce matin, lui-même. Sur les
ondes de Paul Arcand, il disait : Dans le fond, les CLSC ont été conçus
pour faire ça. Pourquoi ça n'a pas donné les résultats? Parce que des ministres
de santé répétés ne l'ont pas cru.
So, what the Minister is
aiming to do is taking hundreds of millions of dollars
from public funds to finance private entrepreneurs who are using their medical
doctor title to do business over the health and the diseases of our population. This is unjustified. For a
fraction of those hundreds of millions that he is expecting to spend over those
superclinics, all those jobs that he wants them to do, the CLSCs can do them.
In fact, the CLSCs were conceived to do that, but were always subject to, I
would say, the active sabotage of the elite that is controlling the medical
establishment. Hundreds, even thousands of doctors are more than willing to operate
in CLSCs adequately funded, with adequate access to radiology, with adequate
access to «prises de sang»… blood tests, which have been deprived to them since
years and years.
Journaliste
: So, you saying that he should take… he should make some CLSCs into
«superclinics»? Take that money and…
M. Khadir
: No, he should take the CLSCs
and give them the opportunity to do all the CLSCs are meant to do, and all the
CLSCs are meant to do is the same that the superclinics, but much more. They
can do as well what the Minister expects the superclinics to do, but they do
more. They have also prevention projects, they have also social interventions.
That is the beauty of the CLSCs. That's why the CLSCs are like the main reason
of medical tourism in Québec.
You know that? From all over the world since 25 years, a lot of
delegations from different faculties around the world and ministries around the
world are visiting our universities to find out about the incredible notion of
CLSCs. But unfortunately our establishment, our corporatist doctors like Dr. Barrette, who is
only thinking of the interest of the corporate elite that is dominating the
medical establishment is not willing to support the idea of CLSCs because they
are under public control, not under doctor control, not under private control,
as he himself was doing with his radiology clinic.
La Modératrice
:
Mme Johnson.
Mme Johnson (Maya) : Should it be mandatory for students to go to school until the age
of 18, as Mr. Legault is proposing?
M. Khadir
: This is something that Françoise David, our
spokesperson about education, will bring to you. But I will just attract to
your attention that the best school system in the world, in Finland, which is now
the «barème»… the benchmark, it's the benchmark for almost all countries, is
beginning the school very late, OK, but gives to the schools all the latitude
and a lot of control over the way they plan their… So, it's not the age at which
you begin, I think, the important, it's the way you promote education, the way
you… «valoriser»… you value, in your society, those who are our teachers. In
Finland, teachers are among the most valued professions because they haven't
been, like here, under constant humiliation and degradation of their conditions
of work by the governments.
So, I'm going back to the
system to envisage any solution about improving our education. It's not the
number of hours, it's not at what age you began, it's how much you value
education, how much money you put into that, how much you give power and you
recognize the value of the professionals who are providing those teachings.
M. Bélair-Cirino
(Marco) :Bonjour, M. Khadir.
Souhaitez-vous que les partis indépendantistes, souverainistes organisent des
primaires sociales lors des prochaines élections générales pour déterminer un
candidat dans certaines circonscriptions? Et, si oui, peut-être préciser le
nombre de circonscriptions. Et est-ce que vous en avez fait la proposition
formelle à d'autres formations politiques?
M. Khadir
: Non. J'ai
écrit dans Le Devoir, non pas à propos d'une primaire dans des
élections générales, mais comme un projet pilote dans une élection partielle,
dans un comté détenu par les libéraux ou la CAQ, un. Et ça, ce n'est pas à nous
de l'organiser, ni au PQ ni à aucun autre parti, c'est des primaires sociales,
c'est une idée pour mettre les forces de la société en marche en faveur de
l'indépendance et du progrès social.
Le Québec a vu la situation économique de
sa population progresser de manière fulgurante au cours des années 50, 60,
70 en raison d'une vaste mobilisation de pans entiers de la société, du
mouvement ouvrier surtout, mais d'autres secteurs de la société, qui ont lutté
pour les droits des travailleurs, pour l'amélioration des conditions de vie des
gens, et la plupart de ces mouvements-là étaient indépendantistes.
Sous la force du travail et de la
mobilisation de ces mouvements-là, on a non seulement conquis beaucoup de
choses pour la société, beaucoup d'améliorations de nos conditions de vie, mais
ça a poussé même le chef de l'Union nationale à réclamer l'indépendance…
l'égalité ou l'indépendance. Autrement dit, sous la poussée de ces forces-là,
on a obtenu à la fois des gains sur le plan social et des gains sur le plan politique
parce que beaucoup, beaucoup ont été accomplis grâce à ces luttes-là notamment
en matière de droits et de pouvoirs pour le gouvernement du Québec par rapport
au fédéral.
Alors, ce que je propose au mouvement...
moi, je me suis adressé dans ma lettre, si vous avez bien remarqué, non pas au
PQ, non pas à d'autres partis, j'ai dit simplement : Le mouvement social,
qui a besoin de victoires, le mouvement indépendantiste, qui a besoin d'avancer,
pourraient trouver leur compte si les mouvements sociaux, les écologistes, les
étudiants, les féministes, ceux qui se mobilisent contre le projet d'oléoduc
d'Énergie Est, le mouvement ouvrier et le mouvement communautaire pourraient se
mettre ensemble là où c'est possible et pour ceux qui veulent vraiment se
réclamer de l'indépendance pour organiser des primaires sociales.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais
il nécessiterait des discussions entre les partis politiques pour ne pas que
ces partis politiques là, eux, désignent leurs propres candidats, que le
candidat indépendantiste dans, bon...
M. Khadir
: C'est ça,
la beauté de la chose, c'est que ça vient du mouvement d'en bas, et là les
partis politiques vont être forcés de se positionner.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Puis
est-ce que c'est nécessaire de faire le test de l'élection partielle avant
d'essayer cette proposition-là lors d'une élection générale?
M. Khadir
: Oui, oui,
absolument, bien sûr, parce que... Ça serait... Écoutez, ça, c'est une
innovation parmi d'autres, là. L'idée vient... L'idée m'est venue de la
proposition qui a été faite par Paul Cliche, il y a quelques années, de dire
que, si les forces souverainistes doivent pouvoir un jour converger, ça va être
à travers des idées novatrices et audacieuses. Alors, je dis : Bien,
essayons-en, essayons de proposer une idée pour en appeler d'autres. Moi, mon
but, ce n'est pas que tout le monde se range derrière mon idée, c'est de dire :
Voilà le type d'idées qu'on pourrait générer. Et j'en attends d'autres et
j'espère que d'autres de ma formation, de d'autres formations, mais aussi de la
société génèrent des idées puis avec le temps, ça permettra à tous les
militants indépendantistes de se faire une idée.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais,
par exemple, si on prend une...
La Modératrice
: Une
dernière question.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, oui, bien, prenons — on ne sait pas s'il va y avoir d'autres
élections partielles, pour l'instant il n'y a aucun poste vacant — Saint-Henri—Sainte-Anne,
qui a eu une élection partielle au cours des derniers mois...
M. Khadir
: Ça aurait
été un formidable laboratoire. D'ailleurs, la première fois que j'ai évoquée,
comme vous l'avez vu dans le texte, c'était à la fin de l'été dernier, avant
les élections dans Saint-Henri—Sainte-Anne, puis, bon, dans mon idée, c'était
un peu ça qui avait suscité cette proposition. Mais, comme je vous le dis, ça,
ça ne relève pas des partis, ça relève des mouvements sociaux, ça relève des
syndicats, ça relève des groupes populaires, ça relève des groupes
communautaires, des écologistes. Tous ces groupes-là ont besoin de victoires
sur le gouvernement libéral, sur le néolibéralisme, sur les projets
destructeurs de l'environnement, sur le saccage social auquel on est en train
d'assister. Et, voilà, une possibilité pour les mouvements sociaux d'obtenir
des victoires contre les politiques libérales, c'est en défaisant des libéraux
dans leurs comtés.
(Fin à 13 h 21)