(Neuf heures trente-trois minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour. Alors, merci beaucoup de votre intérêt. On ne parle pas souvent de patrimoine
bâti à l'Assemblée nationale, on devrait en parler beaucoup plus. Le patrimoine
bâti est vraiment une richesse pour nous tous. C'est ce qui reflète, bien
entendu, notre histoire, les marques de notre histoire, c'est ce qui donne un
sens aussi à l'environnement dans lequel nous évoluons.
Alors, aujourd'hui, pour nous, c'est très
important de sensibiliser le gouvernement, d'interpeller le gouvernement par, évidemment,
la ministre de la Culture pour lui dire qu'on doit changer le cours des choses,
qu'on doit collectivement faire de la préservation du patrimoine bâti une
priorité. Ça n'a plus de sens, on le voit, mois après mois, on est toujours
dans l'urgence, dans l'improvisation. Il y a des gens qui doivent se mobiliser
de manière urgente.
Souvent, on assiste à des décisions qui
sont prises in extremis qui ne nous permettent pas d'aller au fond des choses.
Cette situation-là doit cesser. Il faut se rendre compte qu'on est en train de
laisser aller carrément une partie de qui nous sommes, de ce que nous sommes en
laissant carrément de côté la préservation du patrimoine bâti au Québec.
Alors, ce qu'on veut, c'est une vision.
Bien entendu, on veut une vision qui soit développée. La ministre nous parle de
l'élaboration de la politique culturelle, mais on ne peut pas attendre des
années avant qu'il se passe quelque chose en matière de préservation du
patrimoine bâti. Il faut des gestes concrets. Et aujourd'hui c'est le temps
d'envoyer un signal clair par ce qui se passe, avec ce qui se passe pour la
préservation de la maison René-Boileau. Je suis entourée, aujourd'hui, de gens
de différentes associations, que je vais vous présenter, qui se battent au
quotidien, maintenant depuis plusieurs mois, pour la préservation de ce joyau
patrimonial.
Alors, j'ai avec moi M. Clément Locat,
qui est le président du comité Patrimoine de la Fédération Histoire Québec;
Mme Louise Chevrier et M. André Bujold, qui font partie des
Amis de la maison René-Boileau et qui se mobilisent très, très intensément dans
leur communauté; et nous avons aussi la chance d'avoir parmi nous
M. Raymond Ostiguy, qui est de La Société d'histoire de la seigneurie
de Chambly. Alors, je suis très heureuse que toutes ces personnes-là puissent
être avec nous — et aussi Mme Duquette, des amis de la maison
Boileau — parce que leur présence témoigne de l'importance qu'on
accorde à ce dossier-là. Et ce n'est pas banal, ils vont vous expliquer
pourquoi, autant d'un point de vue historique de ce qui s'est passé à la maison
Boileau, de qui était René Boileau, d'un point de vue architectural, à quel
point ce dossier-là est riche et à quel point il mérite qu'on s'y arrête. Ce
n'est pas pour rien que j'ai interpellé la ministre de la Culture la semaine
dernière pour qu'elle émette un avis d'intention de classement pour qu'on puisse
tous ensemble prendre notre souffle, faire les analyses qui s'imposent. Ce
dossier-là est l'occasion qu'elle a de montrer que le patrimoine bâti, sa
préservation, ça veut dire quelque chose pour le gouvernement. Alors, sur ce,
je vais laisser la parole à M. Locat.
M. Locat (Clément) : Bonjour.
Alors, je vais discuter de l'aspect architectural de la maison. Donc, c'est un
élément incontournable du patrimoine architectural de Chambly. C'est une maison
unique, donc, à Chambly. C'est une longue maison d'esprit français avec un toit
très pentu muni de trois cheminées-foyer très massives et elle diffère beaucoup
des maisons construites par les notables plus tard à Chambly, qui sont des
maisons de style palladien influencé, donc, par la présence de la garnison anglaise
à Chambly.
Elle s'insère également dans une
continuité architecturale qui relie l'hôtel de ville, la maison voisine, au 34
de la rue Martel, de même que l'ancien couvent, qui a été converti et utilisé
par la municipalité. C'est donc un ensemble assez exceptionnel. C'est un point
majeur du patrimoine architectural de Chambly.
Alors, dans l'inventaire fait par la MRC
de La Vallée-du-Richelieu, la maison profite d'une valeur supérieure pour sa
valeur d'authenticité, sa valeur patrimoniale. C'est donc la raison pour
laquelle la société d'histoire locale et des organismes nationaux comme Action
Patrimoine, Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec et la
Fédération Histoire Québec sommes intervenus pour protéger et assurer la mise
en valeur de cette maison-là, qui est un élément exceptionnel du milieu.
Alors, notons aussi que l'autorisation de
démolir a été accordée sans qu'il y ait aucun projet de remplacement qui a été
présenté, ce qui est contraire au règlement. Et on peut craindre le pire pour
le terrain si la maison était déménagée, on pourrait se retrouver avec un
«monster house», là, qui déparerait beaucoup le milieu.
Alors, la visite de la maison a permis de
constater qu'évidemment elle a besoin de travaux majeurs, suite à plusieurs années
sans entretien majeur. Le constat fait par les experts était très noir, mais je
pense que la structure de la maison, que ce soient des planchers, les murs
porteurs, la toiture, permettrait une restauration, et c'est ce qui est le plus
souhaitable.
Alors, je pense qu'il faut tous s'unir,
travailler en synergie. C'est un enjeu majeur pour Chambly, et j'invite la ministre
à émettre un avis d'intention, qui figerait les choses pour le moment et
permettrait une étude très sérieuse par des architectes spécialisés en bâti
ancien. On aurait l'heure juste sur l'état du bâtiment et sur les coûts que la
restauration pourrait engendrer.
Alors, je terminerai en mentionnant que le
patrimoine, c'est une richesse, ce n'est pas un fardeau. Si, à Chambly, il y a
près de 300 000 visiteurs par année, bien, c'est beaucoup à cause de son
riche patrimoine : le fort, le canal, les maisons classées sur le... dans
le coeur de la ville. Alors, je pense que ce bâtiment-là mérite de faire partie
de la richesse du milieu local. Merci.
Mme
Hivon
:
Merci, M. Locat. Alors, avant de céder la parole à mon collègue
responsable, donc, de la région, le député de Saint-Jean, je vais céder la
parole à Mme Louise Chevrier, qui fait partie des Amis de la maison
René-Boileau...
Mme Chevrier (Louise) : Et de
la Société d'histoire.
Mme
Hivon
:
...et de la Société d'histoire.
Mme Chevrier (Louise)
:
Alors, je voudrais m'adresser à Mme la ministre Hélène David au nom des gens de
Chambly, au nom de la Société d'histoire de la seigneurie de Chambly, les Amis
de la maison René-Boileau... qu'un groupe de citoyens qui s'est regroupé pour
empêcher la démolition de cette maison-là. La maison du patriote René Boileau à
Chambly doit être sauvée. Les touristes qui viennent ne cessent de l'admirer
pour son authenticité, pour ce témoignage qu'elle nous offre du savoir-faire à
la française de nos ancêtres artisans. De plus, son site exceptionnel lui
confère une valeur unique. C'est vrai que c'est la maison d'un notaire, mais ça
pourrait tout aussi bien être la maison d'un humble artisan, elle n'en
demeurerait pas moins un élément incontournable du paysage patrimonial de
Chambly, comme l'a si bien expliqué M. Locat.
Faire disparaître cette maison-là de ce
site, c'est détruire un paysage patrimonial d'une grande authenticité, un
paysage qui appartient à tous les Québécois et pas uniquement aux gens de
Chambly, car c'est un paysage identitaire. C'est un peu comme si, pour les
gens... pour la région de Chambly, la région de la vallée du Richelieu, on
enlevait le parlement de Québec de sa colline. Il y a des choses qui ne se
refont pas, comme une maison bicentenaire sur un site exceptionnel. 200 ans,
c'est l'âge de cette maison, une maison qui est un témoin vivant de l'histoire
de Chambly qui fêtait, en 2015, son 350e anniversaire.
Le notaire Boileau appartient à une très
vieille famille pionnière de Chambly, une famille aux origines métissées. On ne
peut pas être plus de ce pays que cette famille-là. Les Boileau vont se hisser
au rang de la bourgeoisie bas-canadienne de l'époque. Le notaire Boileau a été
un élève de Joseph Papineau, notaire-arpenteur, père de Louis-Joseph, notre
grand patriote. Et, dans son greffe, pendant les quatre premières décennies du
XIXe siècle, entre 1803 et 1842, on a brassé à peu près toutes les
affaires importantes, pas juste pour Chambly, parce qu'on parle aussi de la
construction d'un complexe militaire, un canal, la fondation d'une compagnie de
navigation, et tous ces éléments-là dépassent le contexte unique de Chambly.
La Société d'histoire de la seigneurie de
Chambly a adressé au ministre de la Culture de l'époque, Luc Fortin, le 5 avril,
une demande d'intention de classement. C'était la date où le conseil municipal
de Chambly a voté sa démolition. L'annonce de cette démolition a provoqué une
onde de choc. Les lettres, les commentaires sur la place publique sont unanimes
et demandent d'empêcher l'irréparable. De nombreux projets pourraient la faire
revivre : des propriétaires, des utilités communautaires ou culturelles.
Le temps presse. Une fois la maison débâtie, comme disaient nos ancêtres, il
sera trop tard. C'est pourquoi nous insistons auprès de Mme David pour qu'elle
émette un avis d'intention de classement. C'est le seul moyen, à l'heure
actuelle, de la sauver de la démolition.
Et, pour conclure, permettez-moi de citer
Benjamin Sulte, un historien de la fin du XIXe siècle, qui écrivait ces mots
quand il était à Chambly, peut-être devant la maison Boileau : «Ah!
Chambly! [...]grands souvenirs historiques, on en revient pour y retourner.
Voir Naples et mourir, dit-on. Ce mourir est ridicule. Voir puis revoir Chambly
et vivre longtemps!»
Mme David, faites vivre la maison
Boileau pour nos enfants et nos petits-enfants, pour les générations futures.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup, Mme Chevrier. Alors, maintenant, je vais céder la parole à
mon collègue le député de Saint-Jean, M. Dave Turcotte.
M.
Turcotte
:
Merci beaucoup, Véronique. Merci à vous tous, les citoyennes et citoyens de
Chambly, mais aussi des organisations nationales qui viennent ici lancer un
message à l'Assemblée nationale, un message à la ministre de la Culture comme
quoi que notre histoire vit dans les livres, certes, mais, lorsque nous avons l'occasion
d'avoir un édifice patrimonial comme la maison René-Boileau pour se rappeler de
notre histoire... mais aussi faire vivre notre histoire, ça n'a pas de prix.
On a eu beaucoup de temps pour l'admirer,
on l'a mentionné, maintenant nous avons besoin de temps pour la sauver. Et la
seule personne qui a les clés pour sauver la maison à l'heure actuelle, bien,
c'est la ministre de la Culture. Donc, nous demandons aujourd'hui... ma
collègue Véronique Hivon demande à la ministre de nous donner le temps, de
donner le temps à la communauté, de donner le temps aux spécialistes, aux gens
qui ont un mot à dire, qui... donner du temps au maire aussi, qui pourrait agir
à ce niveau-là, et il semble demander aussi à la ministre d'intervenir sur
cette question, donc de nous donner du temps pour qu'on puisse sauver cette
maison parce que par la suite il sera trop tard. Donc, c'est une question de
jours. Nous avons besoin de la contribution de la ministre, elle peut le faire
et elle doit le faire pour maintenir notre histoire. La Montérégie, la région
de Chambly, l'ensemble du Québec y gagneront ainsi. Merci.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup, Dave. Alors, en terminant, je pense que vous avez vu que le message
est très clair. C'est excessivement impressionnant de voir des organisations
locales, régionales et nationales aussi décider de se battre, et la moindre des
choses face à cette situation-là, face à la valeur, comme vous avez pu
l'entendre, autant historiquement qu'architecturalement, de cette maison, de ce
joyau pour la région et pour tout le Québec — il ne faut pas le
sous-estimer — la manière d'agir pour la ministre, pour ce
gouvernement, c'est de montrer qu'à travers la maison Boileau c'est tout
l'ensemble de la préservation du patrimoine qui est pris au sérieux, c'est
qu'on va changer notre manière d'aborder ces enjeux-là, on ne sera plus
toujours à la dernière minute, dans l'urgence et surtout on va agir.
Alors, nous demandons à la ministre... La
semaine dernière, elle nous a dit qu'il y aurait un sursis jusqu'au 29 avril.
Le 29 avril, c'est dans deux jours. Il est minuit moins une. Nous lui
demandons formellement tous ensemble d'en faire une priorité et d'émettre cet
avis d'intention pour que ce joyau puisse être préservé et qu'on ait le temps
de voir venir et d'analyser les choses correctement. Merci beaucoup de votre
intérêt.
Est-ce qu'il y a des questions? Ça va? Merci
beaucoup, merci à vous tous.
(Fin à 9 h 48)