(Onze heures cinquante minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Bien, je vais, dans un premier temps, vous parler de la question du
salaire minimum, et Amir, par la suite, poursuivra avec Bombardier.
Alors, bien, comme vous savez, j'ai déposé
une motion ce matin qui demandait aux autres partis d'être solidaires à cette
idée de dire que, d'ici la fin de la législature, on atteigne le salaire
minimum, le montant de 15 $. Je pense que la réaction des autres partis
nous démontre et démontre surtout aux travailleurs et travailleuses à petit
salaire que le seul parti à l'Assemblée nationale qui se préoccupe de
l'amélioration de leurs conditions salariales, c'est Québec solidaire.
Pourquoi? Bien, parce que vous savez que
développer l'économie par le bas, là, c'est tout aussi bon. Et ce qu'on craint
quand on voit ces gouvernements-là aller, ce qu'on craint quand on regarde des
refus d'appuyer une motion aussi simple que celle qu'on déposait ce matin, ce
qu'on craint, c'est d'ébranler l'économie, peut-être l'économie du haut. Nous,
ce qu'on dit, c'est, et on n'est pas les seuls à le dire, il y a des
recherches, que ce soit tant au niveau de l'institut de recherche en innovation
sociale que l'Institut de la statistique, que d'augmenter le salaire minimum
au-delà d'apporter aux gens une amélioration de leur condition de vie, ça
permet aussi à relancer l'économie, notamment l'économie de proximité.
Alors, les mouvements sociaux sont en
train de se mobiliser autour de cette idée. Vous le savez comme moi qu'à
travers le Canada, tu sais, l'Alberta est aussi en campagne sur cette
question-là. Il y a des États aux États-Unis, des villes. Alors, je ne
comprendrais pas pourquoi qu'un Québec qui se veut progressiste, qu'un Québec
qui a créé de la richesse dans les dernières années ne ferait pas en sorte que
l'inégalité que vivent les travailleurs, travailleuses à petit salaire soit
réparée d'ici deux ans en atteignant le 15 $ de l'heure comme salaire
minimum.
M. Khadir
: À propos de
Bombardier, nous, on se réjouit pour le Québec. On se réjouit pour le fait
qu'enfin un avion, des produits construits par le génie technique et
scientifique du Québec puissent être reconnus, et appréciés, et achetés.
Cependant, on n'a pas réglé tous les problèmes de direction de Bombardier. Ça a
généré d'importants problèmes au cours des dernières années. Il y a de l'argent
du Québec qui est dans cette entreprise-là, pas seulement les 1 point quelques
milliard. Depuis des années que le Québec subventionne et favorise cette
compagnie, il faudrait s'assurer que les emplois qui vont être générés restent
au Québec, qu'on n'entendra pas tout d'un coup les annonces au Mexique ou
ailleurs, là. Il y a beaucoup d'argent public investi dans Bombardier. Il faut
enfin qu'il y ait des engagements très clairs en faveur du Québec. Ce qui
illustre la nécessité justement de ne pas uniquement recourir par le
développement économique par le haut, ce que disait Manon. Le développement
économique par le haut, c'est sous le contrôle de ce 1 %, les familles
Beaudoin de ce monde. Le développement économique par le bas, c'est soutenir la
croissance d'une économie où il y a une prospérité partagée, puis c'est sous le
contrôle de la masse des gens, des 99 % que nous sommes.
M. Vigneault (Nicolas) :
Est-ce que c'est une bonne entente finalement? Est-ce que tout ça fait… ne
donne pas raison au gouvernement sur cette entente concernant la CSeries?
M. Khadir
: Bien, le
gouvernement n'a pas toujours tort. Bombardier a un excellent produit. S'il y a
eu des problèmes dans sa conception puis dans sa, disons, sa vente et tout ça,
maintenant, c'est en partie derrière nous, je l'espère, et ça va envoyer le bon
message. Ça donne raison au génie québécois. Ça donne raison au fait que de l'argent
public, pendant des années, c'est sûr que ça doit rapporter quelque part.
D'accord?
Maintenant, le modèle de développement
économique du gouvernement libéral ne s'en trouve pas pour autant sauvé, là.
Ils n'ont que ça. D'ailleurs, vous auriez dû voir à quel point ils étaient
contents d'enfin avoir quelque chose à répondre aux questions de l'opposition aujourd'hui
en invoquant Bombardier à tout coup, là. Il y a eu trois, quatre sujets
différents, et je pense même que la réponse a été, à propos des écoles juives
qui ne se conforment pas, la réponse a été Bombardier. C'est assez ridicule.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mme
Massé, comment vous accueillez le fait que le Parti québécois ait refusé la
motion d'augmenter le salaire minimum à 15 $?
Mme Massé : Bien, moi, ma
surprise résidait dans le fait que tous les partis ne se sont pas ralliés à
cette chose aussi simple que de redonner de la dignité…
Mme Lajoie (Geneviève) : ...particulièrement
le Parti québécois.
Mme Massé : …particulièrement,
c'est ça, j'y arrivais, j'entendais tantôt mon collègue M. Cloutier dire :
Le PQ a toujours adhéré à une augmentation du salaire minimum. À ma
connaissance, si on regarde, mettons, dans les 20 dernières années, ce n'est
pas nécessairement le PQ qui a fait augmenter le plus le salaire minimum. Et je
me souviens d'un moment très particulier, qui s'appelait la Marche mondiale des
femmes, en l'an 2000, où le mouvement des femmes, on demandait, puisque j'y
étais, une augmentation du salaire minimum pour permettre aux gens de sortir de
la pauvreté, un peu la même logique que le 15 $ actuellement, et la
conclusion du gouvernement péquiste de l'époque, ça a été une augmentation de
0,10 $.
Alors, je pense que le PQ a manqué une
occasion aujourd'hui de dire qu'il est préoccupé de la pauvreté que vivent les
gens qui sont à petit salaire. Et moi, ce que je veux surtout relancer, c'est
de dire que cette lutte-là n'est pas terminée, au contraire. Aujourd'hui,
c'était pour un peu mesurer quels sont les appuis politiques, mais, plus les
gens seront dans la rue pour le dire, cette importance de rétablir les
inégalités salariales en augmentant le salaire minimum, bien, ils sauront au
moins qu'à l'Assemblée nationale, à cette étape-ci, il y a un parti qui les
représente dignement.
Mme Lajoie (Geneviève) : M.
Péladeau a fait de l'oeil à Québec solidaire récemment. Est-ce que là, encore
une fois, ça ne démontre pas que les deux partis sont irréconciliables, quand
on voit une décision comme celle-là?
M. Khadir
: Vous me
volez les mots de la bouche. Et on parle beaucoup de convergence; là, on voit à
quel point il y a une divergence de vision sur l'indépendantisme.
L'indépendance du Québec, là… Qui vote pour l'indépendance du Québec? C'est les
gens à faible salaire en grande, grande majorité. Alors, quand il y a des gens
qui réfléchissen, dans le mouvement indépendantiste, sur la stratégie gagnante,
là, il n'y a qu'une stratégie gagnante, c'est d'obtenir la faveur, l'appui,
l'engagement, la mobilisation de ceux, le grand nombre, là, qui vivent de
salaire minimum, de faible salaire, le 99 %.
Donc, on parle beaucoup de convergence,
mais vous voyez comment il y a des divergences sur l'orientation, sur comment
on peut donner espoir au mouvement indépendantiste. Le mouvement indépendantiste
ne réussira pas l'indépendance du Québec si les 99 % ne sont pas avec
nous, et les 99 % partout dans le monde demandent une amélioration de
leurs conditions d'existence, et ça passe par un salaire minimum qui puisse
permettre aux gens de sortir de la pauvreté.
M. Dutrisac (Robert) : Est-ce
que vous avez présenté cette motion-là pour illustrer, justement, la différence
idéologique entre les deux partis?
Mme Massé : Absolument pas.
Vous savez que, dans deux jours, c'est le 1er mai. Ce n'est pas la première
fois que Québec solidaire parle du salaire minimum. Je pense que ce qu'on a
voulu illustrer aujourd'hui, c'est surtout de créer ce lien-là entre les gens
dans la rue qui demandent d'avoir un salaire minimum respectueux des
engagements qu'ils ont, c'est-à-dire payer le loyer, l'augmentation d'Hydro,
etc., et le salaire qui leur est versé, et Québec solidaire a souhaité envoyer
un message à ces gens-là, dire : Oui, nous autres aussi, on pense que ça
devrait aller dans ce sens-là.
M. Robillard (Alexandre) :
Hier, c'était les crédits de l'Assemblée nationale, et M. Chagnon a dit que les
règles qui encadrent les dépenses des députés empêcheraient tout scandale
comparable à ce qui a été constaté au Sénat du Canada. Je voulais savoir,
est-ce que vous pensez qu'on est obligé un peu de le croire sur parole parce
que, bon, il y a des limites à ce qu'on peut avoir comme information, là? Mais
est-ce que vous pensez que l'Assemblée nationale devrait faire preuve de plus
de transparence concernant les dépenses des membres de l'Assemblée nationale?
M. Khadir
: La réponse
simple, oui, nous sommes 100 % d'accord avec vous. C'est facile de le
faire quand on n'a rien à se reprocher, puis je crois que ça ne devrait pas
être le cas pour personne ici, et à un moment particulièrement difficile, après
des années d'austérité où le gouvernement a tant détruit dans les services
publics parce que ça coûtait cher à l'État, bien, ce serait le minimum que les
députés libéraux ici, à l'Assemblée nationale, acceptent de le faire.
M. Robillard (Alexandre) :
Avez-vous l'impression que c'est deux poids, deux mesures dans la gestion des
fonds publics à l'Assemblée nationale quand on constate qu'ils ne sont pas
soumis exactement aux mêmes règles que le reste de l'appareil d'État? On a vu
notamment avec le projet d'agrandissement que ça s'est... que le projet a
procédé d'une façon qui était différente de ce qui serait survenu pour d'autres
ministères ou organismes.
Je voulais savoir notamment, est-ce que
vous pensez que le Bureau de l'Assemblée nationale était en conflit d'intérêts
quand il a voté et octroyé les budgets pour aller de l'avant avec ce projet-là
sans qu'il y ait de regard extérieur sur l'évaluation des besoins réels?
M. Khadir
: Je ne
pense pas qu'on puisse accabler le Bureau de l'Assemblée nationale pour ça. Ce
qui est accablant, c'est que, bien conscient que, dans le fond, on a les
moyens, on fait ce qui est le mieux pour l'Assemblée nationale au moment où ça
compte et quand c'est justifié, et c'est parfait que ce soit comme ça.
Ce qu'on trouve déplorable, c'est le deux
poids, deux mesures dont vous parlez. C'est qu'alors que pour quelque chose qui
est nécessaire pour l'Assemblée nationale, on dit : D'accord, on va aller
chercher les fonds puis on va le faire, mais il y a plein de choses nécessaires
dans la société où on devrait agir suivant la même grille. C'est nécessaire l'éducation,
nos écoles. C'est nécessaire le système de santé, les CLSC. C'est nécessaire le
tissu social, l'aide aux plus démunis, le mouvement communautaire.
Alors, prenons l'argent là où il est puis
consacrons-le. C'est le deux poids, deux mesures qui nous dérange, pas la
décision de faire les rénovations, l'agrandissement, ce qu'on a besoin pour l'Assemblée
nationale. Vous avez raison de dire le deux poids, deux mesures, puis c'est ça
qui heurte les gens. C'est ça qui met en rage les gens, c'est ce deux poids,
deux mesures qu'on retrouve en justice, dans le traitement des parlementaires
et surtout dans le saccage que fait ce gouvernement dans notre société, contre les
plus démunis, contre les 99 %, contre nos services publics et qui vient
illustrer à quel point la décision actuelle, à quel point il y a un deux poids,
deux mesures.
M. Robillard (Alexandre) : Et
vous n'avez pas l'impression, justement, que ça illustre le fait ou ça peut
envoyer le message, justement, que, quand c'est les besoins des élus, c'est
plus facile que quand c'est...
M. Khadir
: Bien oui,
bien oui. Mais ce que je veux dire, la nuance, c'est que le besoin là est réel,
puis c'est correct que cet argent-là ait été décidé. Là où il y a un problème,
c'est qu'ailleurs on est coupés. Alors, c'est pour ça que, nous, on insiste sur
la transparence. Expliquons au public ce qu'on a décidé de faire pour, disons,
les améliorations, là, matérielles à l'Assemblée nationale. Expliquons ça, on a
pris une décision de dépenser des dizaines de millions parce que c'était
nécessaire, puis là le gouvernement devra expliquer pourquoi alors il n'a pas
les moyens de dépenser pour la société.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Le
gouvernement du Québec devrait-il couper les vivres...
M. Khadir
: Pourquoi
il n'a pas les moyens de subventionner, à hauteur de quelques centaines de
milliers de dollars, la clinique SABSA? C'est la réponse que vous a donnée
Couillard aujourd'hui, là. En Chambre, il s'est levé, il a dit : Ah! nous,
ce n'est pas comme ça qu'on va marcher, on va... On compte sur des Bombardier
pour soi-disant augmenter la richesse, et là ça va... ça va, là, hein, ceux qui
ont... ça va tomber en bas, puis, par magie, SABSA va pouvoir continuer. C'est
ça, la réponse qu'il a donnée. Donc, il a dit : On n'a pas les moyens.
C'est ça qu'il disait.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Bien, justement, SABSA, est-ce que la clinique peut vivre sans les fonds du
ministère de la Santé selon vous?
M. Khadir
: Bien,
j'espère que, malgré l'extrême nuisance des politiques actuelles du ministère
de la Santé, son refus, la clinique SABSA va continuer. J'espère qu'on trouvera
un moyen. Mais c'est odieux, c'est absolument odieux que, devant les milliards
de dollars dépensés par ailleurs pour des médicaments qu'on paie trop cher,
pour des médecins qu'on paie trop cher, pour des médecins qui abusent, pas
tous, pas la plupart, mais certains médecins, avec la complaisance et le
consentement de ce même ministre, abusent du système de santé, et facturent, et
surfacturent, qu'il ne trouve pas quelques dizaines de milliers de dollars pour
la clinique SABSA.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que le gouvernement du Québec devrait couper les vivres aux écoles
privées qui sont actuellement subventionnées, mais qui contreviennent à
répétition notamment aux différents plans pédagogiques, là, du ministère de
l'Éducation?
M. Khadir
: Laissez-moi
vous parler d'une école privée, l'école Belz. C'est dans mon comté ou proche de
mon comté, c'est dans le Mile End. C'est une école qui appartient aux commissions
scolaires English School Boards. Il était disponible pour être vendu, pour être
acquis, ou prêté, ou échangé avec la CSDM. Nous, on a fait des démarches auprès
du ministère de l'Éducation pour que ce soit possible que ce soit échangé avec
la CSDM, qui en a besoin pour rencontrer les besoins d'une autre école de mon
comté, où ils sont en augmentation démographique, et là on a appris que le
ministère a donné son consentement à l'achat, à l'acquisition, par une école
juive orthodoxe, qui s'appelle l'école Belz, qui est en dérogation comme les
autres par rapport aux exigences du ministère de l'Éducation. Encore une fois,
c'est inadmissible. Ça fait longtemps qu'on le demande, il faut que ça cesse.
J'ai posé déjà des questions, depuis plusieurs années, là-dessus, à l'Assemblée
nationale, et la complaisance du gouvernement à l'endroit de ces écoles privées
est simplement...
On comprend la difficulté que peut
représenter, sur le plan symbolique, de s'attaquer à une école religieuse, mais
ces précautions sont inutiles. Pour la plupart de nos concitoyens d'origine
juive, qui vivent au Québec, avec lesquels... entre eux et moi, il y a beaucoup
de divergences entre eux et Québec solidaire sur bien des questions, mais
là-dessus les concitoyens d'origine juive qui vivent au Québec ne sont pas plus
contents de savoir qu'il y a quelques communautés ultra-orthodoxes qui nient le
droit de ces enfants-là de bénéficier d'une éducation conforme aux exigences
minimales.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Certaines écoles, en fait, dérogent aux différentes règles puisqu'elles ne
suivent pas à la lettre le programme, notamment, d'éthique et de culture
religieuse. Ces écoles-là, là, qui... où on identifie, justement, certaines
entorses à ces cours-là, est-ce qu'elles devraient être punies, ou on devrait
être accommodant avec ces écoles-là, ou on a juste vu ça...
M. Khadir
: Ces
écoles-là ne prospéreraient pas s'il n'y avait pas du financement public. Ces
écoles-là devraient être, j'appellerais ça punies. Il faudrait
simplement qu'on soit conséquent puis arrêter de subventionner ce qui est
inacceptable, arrêter de subventionner des écoles qui ne donnent pas une bonne
éducation, un bon cadre à nos enfants. On a des devoirs devant ces enfants-là.
Ce n'est pas une question de punir les écoles, c'est une question de sauver les
enfants. Ce n'est pas une question de punir la... il faut punir ceux qui
actuellement nuisent à l'éducation des enfants juifs, qui sont des concitoyens
du Québec, qui sont des enfants du Québec, qui ont le droit aux mêmes
protections du gouvernement québécois que tous les enfants du Québec.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
O.K. Une dernière question là-dessus. En quoi l'approche du ministre, qui dit
vouloir... en fait, qui continue de renouveler les permis parce qu'il souhaite
que ces écoles-là demeurent dans le, disons, dans le giron québécois, que des
inspecteurs du ministère puissent continuer à aller accompagner les écoles
plutôt que de cesser de donner des subventions et de ne pas renouveler le
permis, ce qui ferait peut-être tomber l'école dans la clandestinité, et le
ministère n'aurait aucun droit de regard sur…
M. Khadir
: Bien non.
Attendez, là. Le ministre est peut-être jeune dans son ministère, mais il est
là depuis un certain temps, là. Il doit savoir comme moi que ça fait des années
qu'on a accompagné ces écoles, puis rien de substantiel n'a changé. Moi, je
pense qu'il faut mettre fin à cette mascarade. On se fout de nous-mêmes en
faisant ça, de l'administration gouvernementale. On ridiculise le ministère de
l'Éducation puis on encourage des gens qui ne respectent pas les règles.
M. Boivin (Simon) : M.
Khadir, récemment, Mme David a dit qu'elle réfléchissait à la possibilité de se
retirer, qu'elle ne serait peut-être pas candidate à la prochaine élection.
J'aimerais savoir, vous concernant, où en est votre réflexion quant à une
candidature en 2018.
M. Khadir
: Moi, si
j'avais pu, disons, passer le flambeau en 2012, je l'aurais fait. Si j'avais pu
le faire en 2014, je l'aurais fait. Si je peux le faire en 2018, je vais le
faire. Mais, si je ne peux pas le faire avant, disons, 2040… Je vais avoir quel
âge? 80 ans. S'il faut que je reste là jusqu'à 2040, moi, je suis prêt. Ça ne
dépend pas de moi, ça dépend de Québec solidaire. Ce n'est pas une décision que
je peux vous annoncer. Il faut que j'en parle à tout le monde, puis on voit où
on est rendus puis comment on passe le flambeau.
Mais c'est sûr que notre idée d'une
démocratie vivante, notre idée d'une gauche alternative… C'est une gauche
alternative, c'est un parti qui ne repose pas sur le charisme individuel ou
l'apport individuel de ses membres, mais sur le travail collectif. Donc, il
faut qu'on réussisse à traduire ça. Ce n'est pas toujours facile parce qu'on
vit dans des sociétés qui mettent beaucoup l'accent sur les personnalités.
Alors, entre notre volonté puis la capacité de la société de se transformer et
de cheminer puis de moins fixer… d'avoir des fixations sur les personnalités et
le charisme, il y a une marge, puis qu'on en est conscients puis on travaille
là-dessus.
Mais moi, dès que je peux… Et je vais être
là aussi longtemps que nécessaire.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que ça montre qu'il n'y a pas de relève dans votre parti politique?
M. Khadir
: Non, c'est
parce que… ce n'est pas la question de la relève. De la relève, il y en a.
C'est le public, c'est les médias, c'est les grandes… je dirais, le grand
conservatisme de la classe politique et de la classe médiatique qui
l'accompagne…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, dans Mercier, on…
M. Khadir
: …dans
l'acceptation de ces genres de choses là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, les gens votent d'abord, dans la circonscription de Mercier, pour Amir
Khadir et ensuite pour Québec solidaire. C'est ce que…
M. Khadir
: Bien, non,
il n'y a pas juste les… Mercier, ce n'est pas un problème. Je pense que
Mercier, tout le monde qui connaît la dynamique locale, ce n'est pas un
problème. C'est plus à l'échelle de l'ensemble de la classe politique, de la
scène politique, les observateurs. Il y a vraiment beaucoup de résistance, là.
Ce n'est pas la seule chose. Il y a des inerties que, malgré toute notre bonne
volonté, ça va prendre du temps avant qu'on puisse les changer.
M. Dutrisac (Robert) : Donc,
si quelqu'un peut prendre la relève, M. Khadir, vous allez céder la place? C'est
ce qu'on doit comprendre.
M. Khadir
: Bien sûr. Bien
sûr, et ça serait souhaitable de la part de toutes les formations politiques au
XXIe siècle qui ont des prétentions démocratiques.
M. Boivin (Simon) : Mais vous
allez l'évaluer comment, ça, cette capacité à passer le flambeau?
M. Khadir
: Oh! Je
vais l'évaluer avec Manon, je vais l'évaluer avec notre comité de coordination
national, dans notre congrès, avec nos militants. Pas seul, en tout cas, et pas
juste avec des journalistes.
M. Robillard (Alexandre) :
Vous êtes victime de votre succès?
M. Khadir
: C'est-à-dire
Québec solidaire?
M. Robillard (Alexandre) :
Vous. Vous, personnellement.
M. Khadir
: Victime?
Je ne vous comprends pas.
M. Robillard (Alexandre) : De
votre succès. Bien, vous dites : Si je pouvais m'en aller, je m'en irais,
mais je ne peux pas m'en aller.
M. Khadir
: Non, non,
non. Je ne suis victime de rien. Québec solidaire a des difficultés à percer le
conservatisme dans nos sociétés, à surmonter des inerties. C'est ça, la
difficulté.
Mme Massé : Moi, je vous
dirais que, vous savez, pour un parti de gauche qui ne se cache pas et qui est
cohérent comme le nôtre, c'est un défi dans toute l'Amérique du Nord d'être
capable de faire résonner nos idées à travers un courant — je pense
que c'est de ça que tu parles — un courant plutôt conservateur, pas
dans le sens de M. Harper du terme, mais de maintenir les idées en place,
plutôt conservateur.
Alors, c'est évident que, pour arriver à
faire élire une personne dans un mode de scrutin qui n'en a rien à cirer de la
diversité des opinions politiques de la population, qu'on préserve dans un
bipartisme qui commence à être assez un monopartisme, à s'en aller dans le même
sens, c'est évident que des prises de position comme les nôtres viennent
ébranler et changer la donne.
Ceci étant dit, chaque député solidaire a
sa valeur, et plus il y en aura, plus Québec solidaire aura aussi sa valeur.
Comprenez-vous? Vous le comprenez plus que moi, j'imagine. Et dans ce
sens-là... Moi, je ne le sais pas pour Amir. C'est drôle que vous ne me posiez
pas la question à moi, moi qui arrive du...
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, vous, vous avez été élue en 2014, Mme Massé.
M. Khadir
: Vous êtes
toute jeune.
Mme Massé : Exactement.
Exactement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous écartez, à ce moment-ci, le scénario de ne pas être sur les
rangs, lors de la prochaine élection?
Mme Massé : Mais ma seule
question est : Pourquoi on ne me pose pas la question à moi?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Parce que vous avez été élue en 2014.
Mme Massé : Alors, pourquoi on
n'arrêterait pas après un mandat? Voyez-vous...
M. Robillard (Alexandre) :
Peut-être qu'on a moins de signes de votre part que ça pourrait arriver à un
terme, là. C'est peut-être juste ça.
M. Khadir
: Non, mais
votre collègue a écrit quelque chose...
M. Robillard (Alexandre) :
Mais, si vous voulez répondre à la question, allez-y.
M. Khadir
: Votre
collègue a écrit quelque chose, mais, de toute évidence, votre collègue n'a pas
eu le temps de tout regarder la dynamique et les exigences de Québec solidaire.
Vous savez que, depuis 2009, on a une règle de congrès qui dit qu'il y a un
porte-parole parlementaire et un porte-parole extraparlementaire toujours.
Alors, à partir du moment où Françoise a
été élue en 2012, il fallait que quelqu'un cède sa place, et, par le simple
principe d'alternance, moi, j'ai cédé ma place. Mais ce n'était pas parce que
je voulais abandonner ou que j'étais fatigué, non. Même quand je ne serai plus
député de Québec solidaire, je ne quitterai pas Québec solidaire. Ce n'est pas
comme beaucoup de politiciens, des vedettes, qui, une fois qu'ils abandonnent
leur poste, là... Non. Je vais prendre d'autres responsabilités. Vous allez me
voir talonner les gouvernements.
En fait, tu as parlé de bipartisme, tu as
raison, c'est un bipartisme monopolitique. CAQ, Québec... PQ et les libéraux,
là, franchement, dites-moi qu'est-ce qui les distingue sur le fond?
M. Robillard (Alexandre) :
Mais, dans un contexte de convergence souverainiste, est-ce que la stabilité
devient plus importante?
Mme Massé : Bien, c'est-à-dire,
pour faire l'indépendance du pays, parce que vous revenez toujours sur le mot
«convergence», moi, je vais vous dire pour faire l'indépendance du pays, ce
qu'il va falloir converger, c'est beaucoup plus largement que juste les partis
politiques qui sont ici et les personnes qui le composent élues.
M. Robillard (Alexandre) : Je
comprends, mais il y a des appels à la convergence. Est-ce que c'est d'autant
plus important pour Québec solidaire d'assurer une stabilité dans ces figures
de proue, disons?
M. Khadir
: On ne le
sait pas. Peut-être que nous sommes des obstacles. Peut-être que moi, Pierre
Karl Péladeau, Manon, je ne sais pas, Véronique Hivon, on est plutôt des
obstacles. On ne le sait pas, ce n'est pas... il ne faut pas présager de tout
ça, présumer de tout ça.
M. Dutrisac (Robert) : Mais,
pour répondre à la question qu'on ne vous a pas posée, est-ce que vous avez
l'intention de céder votre place lors du prochain scrutin, compte tenu du fait
que ce serait peut-être bon, justement, qu'il y ait un certain renouvellement?
Mme Massé : Bien, écoutez, ce
que je peux vous dire, c'est que j'ai abordé ce mandat-là avec la conviction
que, un, je devais apprendre beaucoup, parce que ce n'est pas mon milieu, parce
que globalement, ici, c'est une élite qui s'y retrouve et que, donc, j'ai des
croûtes à manger, ce que je fais depuis deux ans.
Les deux prochaines années, je pense que
vous allez me voir pas mal plus en selle parce que je comprends mieux comment
tout ça fonctionne. Est-ce que je vais me représenter? Moi, je peux juste vous
dire ça quand on sera rendus au bout, quand notre parti aura fait toutes les
analyses, mais c'est évident que pour une activiste comme moi, de 35 ans
d'expérience, j'ai la conviction que l'élection d'un parti de gauche va changer
les choses à la face du monde ici, au Québec. Et moi, c'est ça que je suis
venue faire ici. Je ne pas venue faire du parlementarisme, je suis venue faire
en sorte que les Québécois et les Québécoises qui sont constamment oubliés par
l'élite économique de ce pays, que ces gens-là puissent enfin trouver un parti
politique qui est prêt à aller au front, et ça commence aujourd'hui, par le
15 $ de l'heure.
La Modératrice
: Merci
beaucoup.
(Fin à 12
h 14)