(Onze heures trente-sept minutes)
M. Cloutier : Alors, a été
déposé cette semaine le rapport de la Commission consultative de l'enseignement
privé qui nous confirme que le problème des écoles illégales au Québec n'est
absolument pas réglé. Des écoles qui opèrent toujours sans aucune forme de
permis, régime pédagogique non respecté, cours obligatoires qui ne sont pas
donnés, antécédents judiciaires des personnes et du personnel qui n'est même
pas vérifié et des professeurs qui ont une responsabilité dans des écoles qui
n'ont pas de brevet. Alors, vous aurez compris qu'avec l'énumération que je
viens de faire on pourrait s'attendre à ce que le ministre de l'Éducation
intervienne, corrige la situation et s'assure de répondre à toutes ces
irrégularités. Or, non seulement il ne fait rien, il a même renouvelé des
permis à des établissements qui ne respectent pas le programme pédagogique du
Québec.
En Chambre tout à l'heure, vous avez
entendu le ministre dire : Les écoles qu'il a été question, elles ont
toutes des permis, ce qui est absolument faux. Il y a toujours, au Québec, des
écoles qui n'ont pas de permis. Et, dans le rapport, le 46e rapport, qui a
été déposé cette semaine, il y a l'académie Beth Esther, qui est une école qui
opère depuis 2012 sans permis. Et l'école accueille, en 2014‑2015,
304 enfants à l'enseignement primaire et à la formation générale. Or, il
s'agit d'un cas probant, qui existe toujours au moment où on se parle, d'une
école qui opère carrément sans permis.
Et là c'est pour ça que je me suis relevé
et j'ai demandé au ministre de l'Éducation, mais comment qu'il pouvait
expliquer que des écoles sans permis pouvaient opérer au Québec, et là il est
revenu en disant que, non, non, non, toutes les écoles avaient des permis. Or,
l'école en question, Beth Esther en 2012, le permis a été révoqué; 2014‑2015,
c'est 304 enfants. L'équipe enseignante est composée de 24 personnes dont
seulement deux possèdent des qualifications légales pour enseigner. L'équipe
enseignante est composée de 24 personnes dont seulement deux possèdent des
qualifications légales. Essentiellement, 90 % des professeurs n'ont aucun
brevet.
Je veux rappeler que, pour cette école-là,
en mai 2014, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys où est situé cet
établissement avait rien de moins qu'alerté la DPJ pour que la DPJ intervienne,
et, en juin 2014, le gouvernement avait également confirmé qu'au Québec il
existait six écoles illégales. Alors, bref, ce qu'on veut du ministre, c'est
qu'il respecte leur engagement. En juin 2014, Yves Bolduc avait déclaré :
Tolérance zéro pour les écoles illégales au Québec. Il avait pris l'engagement
d'intervenir. Or, de toute évidence aujourd'hui, le ministre a mis le couvert
sur la marmite, a dit essentiellement que ça n'existait pas. Or, il a un
rapport entre les mains qui lui dit qu'effectivement la situation perdure au
Québec.
M. Dutrisac (Robert) : Bien,
ce qu'il dit, c'est que, justement, ce ne sont pas des écoles illégales. C'est
des écoles qui ne sont pas conformes, mais c'est des écoles qui opèrent avec
permis. Bien, c'est ce qu'ils disent.
M. Cloutier : C'est ce qu'ils
disent, mais je vous remercie de poser votre question. En introduction, j'ai eu
la chance de citer l'école Beth Esther. L'école Beth Esther se retrouve... le
code de l'école se retrouve à la page 9 et depuis maintenant plusieurs années,
depuis 2012, effectivement, que le permis a été révoqué. C'est exactement ce
que je dénonce, en fait, c'est que le ministre prétend qu'on parle uniquement
d'écoles non conformes. On ne parle pas juste d'écoles non conformes, puis, en
soi, des écoles non conformes, c'est aussi problématique. Des écoles non
conformes, ça veut dire qu'il y a un permis, mais qu'ils ne suivent pas le
régime pédagogique, que les profs n'ont pas les qualifications, etc.
Mais là c'est carrément une école qui n'a
pas de permis. Il y a un cas à la DPJ qui a été déposé, on a demandé à la DPJ
d'intervenir. La commission scolaire Marguerite-Bourgeoys demande l'aide du
gouvernement pour clarifier les choses dans ce dossier-là. Alors, oui, on est
clairement dans une situation d'une école qui est identifiée et qui doit opérer
sans permis.
M. Robillard (Alexandre) :
Pourquoi faire preuve d'autant de laxisme, selon vous?
M. Cloutier : Bien, en fait,
c'est une excellente question. Je veux juste rappeler qu'il y a deux ministres
de l'Éducation qui se sont engagés pour dire que ça allait être terminé, là,
Bolduc, Blais. Il manque juste Proulx, là. Sans doute que ça va arriver, mais
au-delà des engagements, ce qu'on réalise, c'est qu'en bout de ligne il n'y a
rien qui change, ça se poursuit, on les tolère...
M. Robillard (Alexandre) :
Pourquoi, selon vous?
M. Cloutier : Bien, parce
qu'ils ne veulent pas intervenir, tout simplement. À l'époque, on disait qu'on
voulait modifier la Loi sur l'instruction publique, travailler avec la DPJ. Là,
le ministre nous parle d'un comité consultatif machin avec sa collègue à la protection
de la jeunesse, mais, à un moment donné, il faut intervenir, et, s'il manque
des outils, bien, qu'on modifie l'état actuel. Mais on ne peut pas juste
prétendre que ça n'existe pas, sinon on est clairement une école, au Québec, à
deux vitesses, des écoles religieuses à qui on permet d'opérer illégalement
avec des professeurs qui ne sont pas qualifiés. Je veux juste rappeler, là, que
l'examen quant à la vérification sécuritaire du personnel n'a pas été entièrement
complété, quant aux antécédents judiciaires, pour certaines écoles. Ce n'est
pas rien, là.
M. Robillard (Alexandre) :
Donc, il y a beaucoup de tolérance envers cette institution-là.
M. Cloutier : Bien, c'est du
laxisme. C'est carrément du laxisme, on se ferme les yeux.
Mme Lajoie (Geneviève) :
Pourquoi on se ferme les yeux?
M. Cloutier : Bien, en fait, c'est
une excellente question. Je veux dire, s'ils prétendent manquer de moyens pour
pouvoir intervenir, on est ouverts à ce qu'il y ait des modifications législatives
qui puissent être apportées.
M. Robillard (Alexandre) : Mais
pensez-vous que c'est le cas, vous, qu'ils manquent de moyens?
M. Cloutier : Bien, ils
manquent certainement de volonté, ça, c'est clair, pour régler cet enjeu. En
2014, on nous avait dit : tolérance zéro. On est en 2016, même gouvernement
qui est en place, là on a un ministre tout à l'heure qui a semblé vouloir
mettre le couvercle sur la marmite en disant : Vous savez, c'est toutes
des écoles qui ont des permis mais que, dans le fond, il y a certaines
procédures, certains manquements réglementaires, mais ce n'est pas...
M. Robillard (Alexandre) : Et
pensez-vous que ça ferait des vagues, par exemple, s'il y avait une
intervention plus musclée?
M. Cloutier : Bien,
c'est-à-dire qu'il faut faire les choses intelligemment. Il faut travailler
avec la protection de la jeunesse, il faut travailler avec des intervenants
sociaux, il faut faire les choses correctement, en bonne et due forme. Mais,
comme société, on a une responsabilité qui est s'assurer que l'ensemble des
Québécois, peu importe leur origine, puissent avoir accès à une formation
pédagogique sur l'ensemble du territoire.
Pourquoi on appliquerait le cours
d'éthique et culture religieuse à géométrie variable? Pourquoi certains jeunes
auraient accès seulement à un calendrier scolaire qui est restreint par rapport
au régime pédagogique? Pourquoi on tolérerait que des enseignants n'ont juste
pas la formation pour le faire? Il me semble que de poser ces questions-là, les
réponses sont évidentes. Mais, malgré le fait qu'on sait que ça existe, qu'on a
un rapport complet d'écoles où on a plein d'exemples, où il y a toutes sortes
de non-respect... Il y a des cas plus graves, là, comme le cas de l'école où il
n'y a carrément pas de permis, que je viens de vous nommer, mais il y a d'autres
écoles où on a renouvelé un permis, et le permis qui a été renouvelé a été fait
contre l'avis de la commission, et le ministre a quand même décidé de le
renouveler, c'est pour le moins surprenant.
M. Dutrisac (Robert) : Mais
n'est-ce pas un problème récurrent auquel même les gouvernements péquistes ont
été confrontés dans le passé, donc un problème difficile à régler?
M. Cloutier : C'est exact. C'est
un problème récurrent, qui date — mais évidemment, bon, vous savez
que, dans les 15 dernières années, le Parti québécois a été là de façon plutôt
temporaire, c'est le moins qu'on puisse dire — et qui est un problème
réel et néanmoins récurrent, c'est tout à fait exact, mais qui doit être réglé.
Et, à un moment donné, on ne peut pas avoir un ministre qui fait des déclarations
comme Yves Bolduc l'avait fait, c'est terminé, c'est inacceptable, on le fait
dans l'intérêt de nos jeunes, puis que finalement le temps passe, les années
passent, puis que finalement il ne se passe strictement rien. Mais même
l'attitude, tout à l'heure, du ministre, ça a été de laisser entendre finalement
qu'il n'y en avait plus, d'écoles illégales au Québec.
Mme Lajoie (Geneviève) : Peut-être
sur un autre sujet pour terminer, pourquoi le PQ a refusé d'augmenter le
salaire minimum à 15 $? C'était une motion de Québec solidaire.
M. Cloutier : Très honnêtement
avec vous, je n'ai pas les... je ne peux pas répondre en détail à votre
question. Ce que je sais, par contre, c'est que le Parti québécois a toujours
augmenté le salaire minimum. On a toujours été en faveur de le faire de façon
progressive. On l'a fait lorsque nous étions au gouvernement. On est encore
favorables à une augmentation qui est progressive.
Mme Lajoie (Geneviève) : Mais
là vous avez refusé une motion qui augmenterait à 15 $ le salaire minimum
comme certaines études le recommandent.
M. Cloutier : Oui, mais
probablement que c'est simplement le caractère progressif de la motion qui
probablement faisait défaut, là. Je n'ai pas vu sur quel délai ils souhaitaient
le faire. Mais ce qui est certain, le principe de base, c'est que le Parti
québécois a toujours été favorable à une augmentation du salaire minimum. On
l'a fait d'ailleurs quand on était au gouvernement et on a appuyé les
gouvernements précédents qui l'ont fait.
M. Dutrisac (Robert) : Sur la
question de l'âge scolaire, du 18 ans, là, vous vous êtes ligués avec le
gouvernement. Est-ce que ce n'est pas une position un peu...
M. Cloutier : Bien, il faut
faire attention. Il faut faire attention.
M. Dutrisac (Robert) : Bien,
vous vous êtes retrouvés dans le même camp, là, que le gouvernement.
M. Cloutier : Bien, c'est-à-dire
qu'on a toujours démontré de l'ouverture à participer au débat pour élargir
l'école jusqu'à 18 ans. Là où on a un sérieux problème, c'est qu'ils sont
arrivés avec le bâton en disant : Ceux qui n'iront pas à l'école, ils ne
pourront pas travailler. C'est ce bout-là qu'on a dénoncé. Je n'ai même pas
utilisé le mot «18 ans» dans aucun point de presse, à part maintenant avec
vous. On a toujours démontré de l'ouverture, mais, en même temps, quand on
regarde ce qui se fait ailleurs, de 16 à 18 ans, même en Ontario, qu'est-ce qui
arrive si un jeune décroche, vous pensez? On envoie la police chez lui? On l'envoie
à la DPJ? On l'envoie en prison? On l'empêche de travailler? Il n'y a rien de
tout ça qui arrive. Pourquoi? Parce que, bon, d'abord, c'est complexe, il n'y a
pas d'approche punitive, on essaie d'accompagner ces jeunes-là qui ont décroché
pour les inviter, de toutes sortes de manières, avec des travailleurs sociaux,
avec des psychologues... Les jeunes sont identifiés, ceux qui ont décroché,
mais l'approche punitive, elle, elle est complètement rejetée.
Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : On
est bien ouverts à discuter pour élargir, mais l'approche du bâton, elle, elle
arrive de nulle part, aucune étude. J'ai demandé à François Legault, je lui ai
dit : Sur quelle étude basez-vous... les études d'Égide Royer, des
facultés de sciences, peu importe? C'est basé sur rien. Alors...
M. Dutrisac (Robert) : Vous
êtes ouvert à étudier la possibilité d'augmenter l'âge à 18 ans, mais en
éloignant ou en évitant d'appliquer des mesures punitives qui sont inefficaces.
M. Cloutier : Tout à fait,
absolument, sans approche coercitive. On ne pense pas que l'approche du
bâton... Puis, de toute façon, c'est complètement irresponsable de penser que,
du jour au lendemain, on va demander à nos employeurs... parce que, dans la
vraie vie, c'est ça. Si vous voulez les interdire de travailler, qui va avoir
la responsabilité de vérifier s'ils sont à l'école ou pas? C'est les
propriétaires d'épicerie? Les Couche-Tard? Alors, ça nous apparaît être même
inapplicable.
Puis, sur ce qui est de la maternelle
quatre ans, bien, encore une fois, c'est nous qui avons adopté la loi, mais
allons-y de façon intelligente et progressive avant de prendre l'engagement
pour l'ensemble du Québec. Assurons-nous d'abord que les résultats sont
atteints et que nos premiers objectifs se font respecter. Au moment où on se
parle, on a voulu établir les maternelles quatre ans dans les quartiers
défavorisés. Y a-tu quelqu'un qui pense, au Québec, qu'on a fini de faire ça?
Pas une minute et quart. On est en retard. Alors, on verra bien pour la suite
des choses. On est ouvert, éventuellement, mais pas à ce stade-ci. Ça serait
prématuré de le faire.
Merci, tout le monde.
(Fin à 11 h 49)