(Neuf heures trente et une minutes)
Mme Lamarre : Bonjour. Alors,
ce matin, je suis ici pour parler de la réforme. On cherche des indicateurs de
performance pour... le ministre nous a demandé d'attendre jusqu'en janvier
2018, mais, entre-temps, les Québécois cherchent à voir une amélioration sur le
terrain, qu'ils ne retrouvent pas nécessairement.
Deux informations. On sait que la réforme
du ministre est basée sur deux éléments : le taux d'inscription des
patients et le taux d'assiduité. Alors, sur le taux d'inscription, on a un document
qui a été écrit par le président de la FMOQ, M. Godin, le 6 mai
dernier, dans lequel il confirme qu'il reste encore 1 million de Québécois
qui ne sont pas inscrits en plus du 1,2 million qui est considéré comme
normal, puisque la cible, c'est que 85 % des Québécois soient inscrits à
un médecin de famille. Alors, 85 % du 8 millions, ça fait
6,8 millions, mais il reste encore 1 million de plus, donc on est à
5,8 millions, dans le fond, de Québécois qui sont inscrits, actuellement. Donc,
1 million de Québécois doivent être inscrits avant décembre 2017 si le
ministre veut respecter la cible de 85 % des Québécois qui sont inscrits
auprès d'un médecin de famille.
Et là, quand on regarde, même avec le
nombre de résidents qui vont diplômer en médecine familiale, dans le
communiqué, ce qui est indiqué, c'est que, même s'ils réussissent tous à
prendre le maximum de patients, leurs 500 patients, eh bien, il va
vraiment y avoir un manque pour plus de 700 000 Québécois, qui n'auront
toujours pas de médecin de famille. Donc, c'est très préoccupant parce qu'au
niveau de l'inscription on est loin d'avoir les résultats qu'on souhaite
obtenir. Et là on parle juste d'inscriptions, on ne parle pas ensuite d'être
suivi par un médecin quand on va en avoir besoin, alors on parle tout
simplement d'inscriptions.
Deuxième indicateur de performance, c'est le
taux d'assiduité. Alors, ce qui a été prévu, c'est que, dans 80 % des cas,
les patients qui vont avoir été inscrits devraient être capables de voir le
même médecin de famille ou, en tout cas, de voir un médecin de famille, leur
médecin, dans la clinique ou dans le GMF. Alors, 80 %, ça veut dire huit
fois sur 10 ou quatre fois sur cinq, et ça, c'est le taux d'assiduité dans le
projet de loi n° 20. Le ministre a indiqué qu'il devait y
avoir — et dans les ententes qu'il a faites avec la
FMOQ — des rapports trimestriels. Or, on a demandé, dans les
questions particulières en préparation des crédits, d'avoir les données des
rapports trimestriels, on a demandé, pendant l'étude de crédits, à avoir ces
résultats de taux d'assiduité là, et le ministre nous a dit : Ils ne sont
pas disponibles tout de suite, en fait on travaille sur un nouvel outil
informatique, on va vous donner ça à la mi-mai.
Eh bien, là, on a dépassé la mi-mai,
alors... Le ministre ne nous donne pas les taux d'assiduité. Ce sont des taux
trimestriels, je vous rappelle, donc ça veut dire que, depuis un an, il devrait
y en avoir au moins quatre, déjà, qui ont été publiés, qui ont été diffusés, un
par trois mois. Alors, pourquoi ne nous rend-il pas disponibles ces taux
d'assiduité qui nous permettraient d'avoir une autre mesure de la performance
par rapport au réel accès de la population à son médecin de famille?
M. Poinlane (Pascal) : Quand
il explique que c'est pour des raisons de reconfiguration informatique, là, si
je comprends, ça veut dire peut-être une meilleure mesure plus tard? Est-ce
que, là-dessus, il s'est engagé à ce que ce soit plus précis? Est-ce qu'il
va... vous voyez des avantages à ce que le calcul soit mieux fait?
Mme Lamarre : Bien, pendant
l'étude des crédits, il nous a demandé ce sursis de plusieurs semaines, quand
même, et là on est à la mi-mai. On parle de rapports trimestriels, donc il a
certainement un rapport du premier trois mois, du deuxième trois mois et du
troisième trois mois. Si celui du quatrième, on attend l'outil informatique, il
peut toujours attendre, mais les trois premiers trimestres, on devrait les
avoir, il devrait être prêt à nous les donner. S'il est convaincu que ça
fonctionne bien, qu'il a les résultats, il devrait même être fier de nous les
partager, ces résultats-là.
M. Poinlane (Pascal) : Alors,
qu'est-ce que ça cache, selon vous, que vous n'ayez pas encore accès à ces résultats?
Mme Lamarre : Bien, ça cache
ce qu'on constate sur le terrain, c'est-à-dire que les gens ne réussissent pas
encore... sont mis sur le fameux guichet d'accès, là, national, mais qu'ils ne
sont pas rappelés, qu'ils n'ont pas accès à un médecin de famille, qu'ils n'ont
même pas l'inscription à un médecin de famille.
Alors, ça montre que les incitatifs qu'il
met, le pari qu'il a fait... parce qu'il a fait ça sur une base un peu de pari,
sans aucune donnée, sans aucun autre modèle ailleurs au Canada, aux États-Unis
ou en Europe qui travaillent sur ces deux incitatifs-là. Lui, il a choisi ces
deux-là, il s'est dit : Moi, je suis sûr qu'en mettant l'argent là-dessus
je vais avoir le résultat obtenu...
On dit : Bien là, il faut que vous
nous aidiez à croire qu'en 2018 on va y arriver parce que, pour l'instant, on
n'a aucun indicateur qui nous permet de voir que ça s'améliore. Et, sur le
terrain, les gens constatent qu'ils ne sont même pas inscrits, ils ne sont pas
rappelés au niveau du guichet d'accès et ils n'ont pas non plus un meilleur
accès avec... concret, là, parce que ce n'est pas juste l'inscription qui est
l'objectif, c'est d'être vraiment vu et suivi par notre médecin de famille.
M. Poinlane (Pascal) : Sur le
même sujet, mais je dévie un peu, là, on avait parlé, à un moment donné, quand
il avait mis le guichet, que les médecins recevaient des propositions de
patients qui étaient parfois à 40, 50 kilomètres. Est-ce que, ça, vous
avez des indications que c'est réglé et que ça va mieux?
Mme Lamarre : Non, je n'ai pas
d'indication à cet effet-là. J'ai encore des témoignages de médecins qui
m'expliquent... Par exemple, moi, à Longueuil, un médecin a reçu... Parce qu'ils
reçoivent ça par séries de 10 noms. Alors, la médecin qui m'a parlé, elle
avait reçu 10 noms : seulement deux personnes habitaient Longueuil,
les huit autres hors Longueuil, dont une personne habitait à Charlemagne.
Charlemagne, ça voulait dire qu'il fallait que la personne traverse deux ponts
pour venir voir son médecin de famille à Longueuil. Alors, ça crée énormément
d'effets, vous savez, un peu contraires à ce qu'on veut. Ce médecin-là,
qu'est-ce qu'elle a fait? Elle a tout simplement refusé de prendre les
10 patients parce que... et, si elle les refuse, elle ne peut pas en redemander
10 autres tant qu'elle n'a pas pris ces 10 là. Alors, elle, elle s'est dit :
Moi, je n'utiliserai pas le guichet dorénavant, je vais essayer de retrouver,
de recruter des patients dans notre entourage. Alors, il y a des effets très
négatifs à cette stratégie-là. Si le médecin... si le ministre peut apporter
des correctifs, il doit les faire très, très vite, mais, pour l'instant, ça ne
donne pas ça.
Et il y a deux risques, vous savez. Il y a
quand même encore la possibilité de faire une certaine sélection de patients,
et on constate les deux extrêmes dans... Les patients très, très lourds sont
susceptibles d'aller plus souvent à l'urgence et donc de faire baisser le taux
d'assiduité. Le taux d'assiduité, donc, on dit : Quatre fois sur cinq, il
faut voir son médecin de famille. Si j'ai un patient de 75 ans qui a une
maladie respiratoire, il y a plus de chances qu'il ait besoin d'aller à
l'urgence, c'est moins intéressant. L'autre dimension, c'est les patients très
jeunes, qui, eux, risquent d'aller une seule fois dans l'année voir le... avoir
besoin de services de santé, et, s'ils vont à l'urgence de l'hôpital, bien là
ça fait 100 % d'assiduité à l'urgence et zéro au médecin, vous comprenez?
Alors, vraiment, cette façon de mesurer le
taux d'assiduité de cette façon-là... Le ministre a créé un effet très, très,
très compromettant à l'intérieur, et ça met les médecins dans une situation
très, très difficile au niveau de leur clientèle. Ils n'ont pas le contrôle sur
l'endroit où leur patient va, et, même s'ils se rendent disponibles, ils ne
sont pas sûrs que leur taux d'assiduité va être respecté. Alors, c'est une
mesure très... qui ne part pas, dans le fond, du patient. Et, nous, ce qu'on se
dit...
M. Poinlane (Pascal) : Juste,
là, l'histoire que vous avez racontée, ça date... c'est quelle date, là, la
médecin?
Mme Lamarre : C'est à peu près
deux semaines. D'accord?
Et donc ce qu'on dit aussi, c'est qu'il y
en a, des solutions. Les solutions, c'est d'être près des patients. Alors, la
proximité... Le ministre investit tout dans 270 points d'entrées en GMF et
50 supercliniques. Moi, je vous pose la question : Qu'est-ce que c'est,
la différence entre les supercliniques — 50 qui vont être
créées — et les 48 cliniques-réseaux qui existent déjà? Ça
serait intéressant de vérifier ça. Alors donc... mais mettons qu'on y va à
320 points de service. Sur une grande surface comme celle du Québec, ce n'est
pas suffisant. Il faut permettre aux IPS de donner des… de déployer des
services de proximité avec les gens. C'est ça que les gens veulent.
Et l'autre dimension, ce sont les soins à
domicile. Le ministre n'investit pas dans les soins à domicile. Et là je pense
qu'il y a une espèce vent de panique, un peu, qui s'installe du côté des cibles
pour les GMF, donc toute l'énergie, toutes les ressources professionnelles
médicales sont mises vers les GMF.
Mme Marin (Stéphanie) : Donc,
si on parle des solutions — vous venez d'en évoquer deux, les IPS et
les soins à domicile — est-ce qu'il y a d'autres pistes de solution
pour régler le problème que vous dénoncez ce matin?
Mme Lamarre : Bien,
certainement travailler à permettre à d'autres professionnels aussi de
participer beaucoup plus activement, on pense aux psychologues avec, par
exemple, tous les enfants qui ont des troubles de déficit de l'attention. On ne
met pas suffisamment de possibilités pour les gens d'avoir accès facilement à
un psychologue. Nous, on est très préoccupés par la décision du ministre de
transférer les travailleurs sociaux des CLSC vers les GMF parce qu'encore une
fois c'est fait de façon arbitraire. Peut-être que, dans certains GMF, il y a
un intérêt à avoir un travailleur social, mais là il y a des bassins de
travailleurs sociaux qui ont déjà des clientèles dans les CLSC. On va leur faire
perdre cette clientèle-là, on va abandonner une clientèle très, très
vulnérable, des patients très vulnérables et même parfois pas des patients
parce qu'il y a des gens qui peuvent avoir seulement des problèmes sociaux sans
avoir besoin de voir un médecin ou d'avoir un problème de santé. Et donc on va
départir les CLSC de leurs travailleurs sociaux de façon arbitraire encore,
sans avoir vraiment mesuré. On n'a pas les indicateurs sur lesquels le ministre
se base pour dire : Ça va prendre absolument un ou deux travailleurs
sociaux dans tel GMF.
Alors, on n'a pas de plan. On a de
l'improvisation. Et on a un ministre qui a parié, qui a fait un pari sur deux
éléments, un incitatif et un dissuasif, qui sont les inscriptions, les taux
d'assiduité. On se rend compte, là, qu'à un an et demi de l'échéance ni un ni l'autre
ne remplit les attentes qu'il avait prévues. Donc, constat d'échec pour
l'instant.
Mme Marin (Stéphanie) : Au
niveau des rapports dont vous parlez, les rapports trimestriels, est-ce qu'il y
a un moyen procédural pour vous de les obtenir?
Mme Lamarre : On les a
demandés. On les a demandés en question préliminaire. On les a demandés à
l'étude des crédits. Bien, c'est sûr que, là, on arrive à des mesures un peu
plus officielles. C'est sûr qu'on peut essayer, là, de continuer à demander au
ministre de façon plus claire, mais ce genre d'information là, c'est vraiment
le ministère qui l'a. Ce n'est pas... Je ne pense pas que ce soit facile,
actuellement, pour les CISSS et les CIUSSS, de l'avoir de façon individuelle, mais,
s'il faut, on ira par Commission d'accès à l'information.
On a fait un très beau dossier,
d'ailleurs, cette semaine, avec la Commission d'accès à l'information, sur les
primes de départ et on a malheureusement eu un refus de répondre de quatre
CISSS et CIUSSS, ce qui est assez étonnant. Merci.
(Fin à 9 h 43)