(Onze heures vingt minutes)
M.
Caire
:
Alors, bonjour. Évidemment, aujourd'hui, on voulait revenir sur les révélations
qui ont été faites par l'entremise de Louis Lacroix concernant des allégations
très graves au ministère des Transports, beaucoup de choses qui ont été dites,
mais aujourd'hui, compte tenu du contexte, on veut aussi surtout se concentrer
sur le rôle de Dominique Savoie.
Peut-être rappeler des éléments de
contexte. On se souvient tous qu'il n'y a pas si longtemps, c'est la même
Mme Savoie qui avait, par une directive, une note interne, imposé l'omerta
au ministère des Transports concernant les enquêtes de l'UPAC. Aujourd'hui, et
je pense que ce n'est pas anodin de le resignaler, l'ex-ministre Poëti écrit
ceci : «Des dizaines de ces ententes de gré à gré...» Parce qu'il faut
bien comprendre que M. Poëti parle de contrats qui ont été fractionnés
pour passer sous la barre du radar... qui permet d'aller de gré à gré. Donc :
«Des dizaines de ces ententes de gré à gré ont ainsi été conclues par la
sous-ministre Dominique Savoie. Dans bien des cas, il s'agissait de "contrats
de nature confidentielle et protégée". Il est donc difficile d'en donner
les détails.»
Alors, on comprend, là, que
Mme Savoie est directement impliquée, selon M. Poëti, directement
impliquée dans la signature de contrats, le fractionnement de contrats et la
signature de contrats de gré à gré. Il faut rappeler aussi que Mme Savoie
est arrivée en poste sous Sam Hamad, que c'est à ce moment-là qu'on a procédé à
une certaine réorganisation au ministère des Transports. Le résultat : on
voit des vérificateurs subordonnés aux gens qu'ils doivent enquêter qui disent
être menacés, qui disent être intimidés. Et, pour conclure, c'est cette même
Mme Savoie qui, aux dires de Robert Poëti, a refusé, en se traînant les
pieds, de répondre aux questions que cet ex-policier posait, questions
pertinentes sur ce qui se passait à son ministère. Et, comme par hasard, c'est M. Poëti
qui a perdu son emploi et non pas Mme Savoie.
Donc, aujourd'hui, là, de penser que
Mme Savoie, qui a refusé de répondre à son ministre, qui n'a subi aucune
conséquence pour ne pas avoir répondu aux questions de son ministère, de dire
que cette personne-là va venir à la Commission de l'administration publique et
va être un livre ouvert, vous me permettrez d'être sceptique. En conséquence,
on a demandé au premier ministre s'il avait toujours confiance en
Mme Savoie, et vous avez entendu comme moi la réponse alambiquée du
premier ministre. Là-dessus, j'attends vos questions.
M. Lacroix (Louis) : Vous
allez poser des questions à Mme Savoie. Quelle va être votre ligne
d'attaque? Sur quoi voulez-vous vous attarder? Qu'est-ce qui est le plus
inquiétant, à votre avis, dans sa gestion?
M.
Caire
: De
savoir jusqu'à quel point elle savait ce qui se passait dans son ministère,
jusqu'à quel point elle a ou non laissé faire et jusqu'à quel point elle est ou
non impliquée dans ce qui se passait dans le ministère. Comment peut-elle
expliquer le fractionnement des contrats, la signature de contrats de gré à
gré? Comment peut-elle nous expliquer qu'elle a ignoré — ignoré, dans
le sens qu'elle n'était pas au courant parce que j'imagine que c'est ce qu'elle
va nous dire — que des vérificateurs se sont dits menacés, intimidés
par leurs patrons pour ne pas faire leur travail? Comment peut-elle ne pas être
au courant qu'il y avait cinq bases de données pour être capables d'avoir cette
comptabilité créative qui permettait de dissimuler le véritable montant des extras?
Comment savoir qu'elle ne connaissait pas ça? Comment croire qu'elle ne
connaissait pas ça? Comment peut-elle l'expliquer, puisqu'elle est la
sous-ministre et qu'elle a cette responsabilité? Et, comme le disait Robert
Poëti lui-même dans la lettre, elle était imputable de ces choses-là. Comment
se fait-il qu'elle n'en réponde pas aujourd'hui?
M. Lecavalier (Charles) : Et
est-ce que vous croyez le premier ministre quand il dit qu'il a appris toutes
ces histoires en mangeant ses céréales ce matin?
M.
Caire
: Écoutez,
d'abord, j'imagine qu'il a avalé de travers, là. Mais, oui, moi, je crois, là,
je prends la parole du premier ministre. Par contre, la question que ça soulève :
Comment se fait-il que Jacques Daoust ait été informé de ça il y a plusieurs
semaines, qu'il ait, de son propre aveu tout à l'heure, transmis une clé USB remplie
de documents à l'UPAC? Écoutez, là, le ministre des Transports prend
connaissance de l'ensemble des allégations qu'on constate ici, il trouve
matière à envoyer ces informations-là à l'UPAC, donc, pour lui, il y a un
questionnement sur la nature, criminelle ou non, des allégations et il
n'informe pas le premier ministre de sa démarche? Il garde le premier ministre
dans l'ignorance? Compte tenu de tout le contexte qu'on vient de vivre depuis
deux ans, là, il n'a pas jugé bon d'informer son chef? Est-ce que le premier
ministre va nous dire? Qu'est-ce qu'il pense de ce comportement-là? Puis est-ce
que M. Daoust peut nous expliquer pourquoi, pourquoi il n'a pas informé le
premier ministre de quelque chose d'aussi vital? On parle quand même de l'intégrité
du gouvernement de M. Couillard, là.
M. Boivin (Simon) : Dans
l'article, on dit aussi que l'information a été transmise à l'UPAC, mais que
l'UPAC préférerait ne pas enquêter sur le MTQ, qu'elle considère comme un
partenaire plus que comme une cible. Est-ce que c'est inquiétant pour vous?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, c'est inquiétant. Par contre, jusqu'à preuve du contraire, moi, je
fais confiance au commissaire Lafrenière. Par contre, vous comprendrez que
Mme Savoie vient en commission, à la CAP, tout à l'heure, et ça fera
partie des questions qu'on pourra lui poser. Parce que, je le rappelle, là, c'est
quand même cette même Mme Savoie qui a demandé à ses fonctionnaires de ne
pas répondre à l'UPAC et qui a menacé ses fonctionnaires de sanctions s'il y a
des gens qui parlaient à l'UPAC, là. Donc...
M. Boivin (Simon) : L'article,
en citant les mêmes sources, ou en tout cas, dit bien que ce serait M. Lafrenière
lui-même qui préférerait ne pas enquêter sur le ministère des Transports.
M.
Caire
: Oui,
non, j'ai compris ça aussi. Par contre, compte tenu des circonstances, moi, ce
que je voudrais faire aujourd'hui, c'est — puis compte tenu que
Mme Savoie s'en vient à la CAP tout à l'heure, là, vous comprendrez,
là — je pense que... une étape à la fois. On va commencer par
investiguer ce qui concerne Mme Savoie. Ce que... J'ai lu la même chose
que vous, j'ai compris la même chose que vous, mais une étape à la fois. On va
commencer par Mme Savoie parce que je pense que... d'abord, elle est là
puis les allégations qui la touchent sont quand même assez importantes, merci.
M. Lacroix (Louis) : Est-ce
que vous pensez qu'il devrait y avoir une vérification particulière faite sur
les méthodes au ministère des Transports? Moi, on me dit que les façons de faire
au ministère des Transports sont extrêmement difficiles à changer. Quand on
veut amener des changements administratifs, par exemple, il y a beaucoup, comment
dire, de retenue dans la machine, la machine ne veut pas suivre nécessairement,
c'est très difficile. Est-ce que vous pensez qu'on devrait arriver avec une vérification
particulière de ce qui se passe au MTQ?
M.
Caire
: Moi,
je vous dirais, avec le rapport Duchesneau, avec le rapport de la commission
Charbonneau, avec les différents rapports des vérificateurs généraux, je ne
pense pas qu'on ait besoin d'une nouvelle vérification, d'un nouveau rapport.
Ce que ça prend, c'est du leadership. Puis, jusqu'à preuve du contraire, le
premier ministre n'a démontré aucun leadership.
Il y avait en place quelqu'un qui voulait
faire le ménage. Le résultat, c'est qu'il l'a tassé. Puis aujourd'hui on voit
M. Daoust, qui est beaucoup moins ferme, de toute évidence, dans ses
intentions d'aller au bout des choses.
Alors, ce que ça prend, c'est du
leadership, d'une part, du premier ministre, une volonté de faire et de
fer — vous pouvez l'écrire «f-a-i-r-e», mais vous pouvez l'écrire «f-e-r»
aussi — et ça, on ne retrouve ni l'un ni l'autre chez le premier
ministre, donc ça se traduit dans tout son Conseil des ministres. Et, s'il n'y
a pas de volonté du gouvernement, vous ne la changerez pas, la machine, vous ne
la changerez pas.
M. Lacroix (Louis) : J'ai un
questionnement sur... parce qu'aujourd'hui on a déposé des documents en
Chambre. On a entre autres déposé un document qui traite des PCP, qui date de
décembre 2014, si je ne m'abuse.
M.
Caire
: Oui,
absolument.
M. Lacroix (Louis) : Ce n'est
pas le rapport que M. Poëti attendait, ça. Ce n'est pas celui-là.
M.
Caire
: Tout
à fait.
M. Lacroix (Louis) : Alors,
est-ce que vous exigez qu'on dépose ce rapport-là?
M.
Caire
:
Absolument. On continue à exiger que l'ensemble des rapports soient déposés. On
continue à exiger que les rapports soient déposés de façon intégrale aussi.
Parce que, tu sais, c'est bien beau se servir, là, des informations nominatives
pour retirer des pages au complet, mais habituellement ce qu'on va faire, c'est...
on va caviarder les informations nominatives. On ne retire pas des pages d'un
rapport. Ce n'est pas comme ça qu'on fait. Ce n'est pas la première fois qu'on
reçoit des documents puis qu'il y a des informations qui doivent rester
confidentielles. On va caviarder l'information, on ne va pas retirer les pages.
Donc, d'avoir retiré des pages du rapport, c'est très inquiétant. Et
effectivement on veut l'ensemble des rapports, notamment le rapport sur les
vérificateurs qui auraient été victimes d'intimidation. Donc, c'est de la
semi-transparence. Encore une fois, là, ce que le premier ministre essaie de
faire, c'est mettre le couvert sur la marmite puis essayer de passer à d'autre
chose le plus vite possible, mais on ne lui permettra pas de faire ça.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
comment est-ce possible que le rapport de vérification qui vient d'être déposé date
de décembre 2014 et que M. Poëti soutienne qu'il n'a jamais eu accès à ce
rapport-là alors qu'il était en poste jusqu'à il n'y a pas si longtemps?
M.
Caire
: Oui,
écoutez, ce que j'en comprends, c'est qu'effectivement ce n'est pas de ce
rapport-là dont il est question dans la lettre. Je vais juste peut-être vous
lire l'extrait qui en parle. Bien, il dit, en parlant des rapports sur les
vérificateurs, qui n'a pas été déposé, il dit : Je n'ai aucun doute que ce
rapport existe... Je m'excuse, là, je ne veux pas vous retarder indûment, mais,
dans la lettre, il dit : Je n'ai aucun doute que le rapport existe et qu'il
nous aurait informés sur les changements de structure auxquels on devrait procéder.
Mais ce rapport-là, M. Poëti dit qu'il n'y a pas eu accès. Le rapport qui
a été déposé, c'est un autre rapport.
C'est pour ça que je vous dis, là, il y a
un beau jeu qui s'est fait ce matin, là, avec le premier ministre, qui dit :
Bon, bien, je vais déposer les rapports. Mais c'est parce que ce n'est pas… C'est
le rapport que tu n'as pas déposé. Celui que tout le monde veut voir, là, lui,
tu le gardes bien, bien, bien en main. Et Robert Poëti nous dit : Je n'ai
aucun doute qu'il existe, ce rapport-là. Merci.
(Fin à 11 h 31)