(Neuf heures quarante et une minute)
M. Cloutier : Alors, une des
grandes réalisations qui a été faite sous le gouvernement de Mme Marois, c'est
certainement l'établissement des maternelles quatre ans en ciblant d'abord les
quartiers défavorisés, un déploiement qui s'est fait de façon intelligente, de
façon pragmatique, où on a pris le temps de déployer un réseau en prenant la
mesure du milieu, en le faisant de manière orchestrée et organisée.
La raison pour laquelle le Parti québécois
québécois croyait en l'établissement des maternelles quatre ans dans les
quartiers défavorisés, c'était pour compléter le réseau des CPE et offrir aux
parents, qui, pour toutes sortes de raisons, n'avaient pas la chance d'envoyer
leurs enfants dans un CPE, pouvaient avoir accès à un programme de formation à
l'intérieur des maternelles quatre ans. On ne peut que constater
l'improvisation du gouvernement actuel dans le même dossier, un ministre qui,
non seulement n'a aucune idée où est-ce qu'il s'en va en éducation, mais pire, improvise
des nouvelles orientations.
Alors, je veux simplement faire un petit
retour en arrière. On avait le premier ministre de l'Éducation, là,
Yves Bolduc, qui avait dit qu'il ferait des structures une de ses grandes
priorités en voulant abolir les commissions scolaires. Il a mis ça de côté. Est
arrivé M. Blais, le deuxième ministre de l'Éducation, puis lui nous a dit :
On va aller au bout du processus sur les structures, on va faire une commission
parlementaire. Le projet de loi devait être déposé à l'automne, finalement a
été déposé à la fin du mois de décembre. Il y a un nouveau ministre qui est
arrivé, le ministre actuel, on a fait des auditions et, pendant tout ce
temps-là, on n'a pas arrêté de dire que nous n'étions pas sur les bons enjeux, c'est-à-dire
la réussite de nos jeunes.
Finalement, le ministre de l'Éducation fait
à nouveau volte-face, reconnaît que c'était une erreur de mobiliser tout le
milieu pour discuter de structures, et là on a un premier ministre qui, après
avoir improvisé pendant des mois, nous dit : Je veux qu'on se souvienne de
moi comme étant un bon premier ministre pour l'éducation du Québec. Mais c'est
ce même premier ministre là qui vient de couper des centaines de millions,
dans les dernières années, en éducation.
Alors, voyant qu'ils font tout faux, ils
tiennent leur conseil national et là ils nous disent : Non, là on va se
concentrer davantage sur la réussite scolaire en établissant des maternelles
quatre ans sur l'ensemble du territoire et en imposant l'école obligatoire jusqu'à
18 ans. Mais ils ont oublié deux choses : c'est que ce n'est nulle part,
nulle part dans le budget qu'ils ont déposé, et non seulement ce n'est pas
financé, il n'y a pas eu de discussion avec le Conseil du trésor, même le
réseau n'est pas dans le coup. Pire, non seulement ils sont incapables
d'étendre la maternelle quatre ans à l'ensemble du territoire pour tout le
monde, même le déploiement des maternelles quatre ans dans les quartiers
défavorisés, même sur cet enjeu plus restreint, le gouvernement libéral
improvise.
On est rendu à la fin du mois de mai et
les commissions scolaires n'ont eu aucune information sur le déploiement à
venir. Comment voulez-vous qu'ils embauchent, qu'ils puissent faire la
planification nécessaire, qu'ils se questionnent sur le programme d'éducation
s'ils ne savent même pas quelles seront les sommes qui seront au rendez-vous, à
quel endroit on va pouvoir mettre en oeuvre ces maternelles quatre ans?
Alors, c'est de l'improvisation sur toute
la ligne. Non seulement ils sont à des années-lumière d'étendre la maternelle
quatre ans à tout le réseau, mais, même les maternelles quatre ans dans les
quartiers défavorisés, ils sont complètement à côté. Puis je veux aussi vous
rappeler que le comité-conseil avec Mme Ruel et plusieurs autres, dont je pense
que la doyenne de la Faculté d'éducation à l'UQAM fait également partie, ce
comité-conseil qui a pour objectif, justement, d'accompagner le ministre de
l'Éducation dans l'établissement des maternelles quatre ans, ne s'est pas
réuni, ne s'est pas réuni depuis le printemps dernier, alors que la
responsabilité du comité-conseil, c'est justement de suivre le ministre et de
s'assurer que le déploiement se fasse dans les règles de l'art. Puis, si vous
avez bien lu les propos tenus par Mme Brunelle, il y a même un questionnement
sur le programme de formation qui n'a pas été encore tranché par le ministre de
l'Éducation pour la maternelle quatre ans. Alors, si tout ça n'est pas de l'improvisation,
là, je ne sais pas ce que c'est.
Mme Marin (Stéphanie) : Au
niveau de l'implantation des 70 autres maternelles en milieux défavorisés, vous
croyez qu'il est trop tard, à ce point-ci, pour que ça soit en branle pour
l'automne?
M. Cloutier : Mais ça exprime
une absence de vision, un problème évident de gestion des ressources. On tient
un discours, sur la place publique, en disant que les Québécois auraient accès
à un réseau étendu pour l'ensemble des Québécois sur le territoire, puis, quand
ils arrivent avec ce qui a été annoncé, bien, ils ne sont même pas capables de
respecter leur échéancier, alors que là on arrive à la fin mai et on a un
réseau scolaire...
Il faut juste comprendre aussi, là, on va
demander à un réseau scolaire, à la dernière minute, de mettre en branle les
maternelles quatre ans, et, il y a à peine trois mois, le réseau scolaire
pensait qu'il serait démantelé. Ces gens-là, là, ils n'avaient aucune espèce d'idée
s'ils auraient encore leurs postes. Les gens aux commissions scolaires, les
directions aux finances, la grande majorité n'avait aucune espèce d'idée de ce
qui allait arriver sur le fond des choses. De sorte que tout le réseau a été
tenu dans une incertitude permanente, et cette incertitude permanente a fait en
sorte qu'on a paralysé, ni plus ni moins, le réseau, c'est-à-dire qu'on a
continué à travailler, mais il n'en demeure pas moins qu'ils ont mis énormément
d'efforts pour les travaux en commission parlementaire. Puis là on arrive à la
fin de l'année, à la dernière minute, puis on leur dit : Bien là, on vous
donnera de l'information incessamment sous peu.
Bien, quel manque de vision, quelle
improvisation. Et malheureusement ça s'explique aussi par le fait qu'on passe
d'un ministre à l'autre, et ça a été annoncé à l'automne dernier. Ce n'est pas
le ministre Proulx qui l'a annoncé, c'est le ministre Blais, mais là le ministre
Blais a perdu sa job. Ça a été le ministre Proulx qui a pris ça en charge,
mais, de toute évidence, il y a de la tergiversation, il y a un problème réel d'organisation.
Mme Marin (Stéphanie) : Mais,
selon vous, est-ce qu'il est trop tard pour la rentrée scolaire? Est-ce qu'on
peut encore laisser aux parents espérer que ça va être possible?
M. Cloutier : Bien, je le
souhaite au plus profond de mon coeur que les parents puissent avoir davantage
de services. Mais ce que je trouve extrêmement malheureux, c'est de voir qu'on
ne sait pas plus que ça où on s'en va. Mais le pire, c'est le double discours
sur la place publique, parce que, la semaine dernière, on a dit aux Québécois qu'il
y aurait un réseau étendu puis on n'est même pas capable de faire le premier
pas qui est celui de l'établir dans les quartiers défavorisés comme notre
formation politique avions décidé.
Je veux juste rappeler que c'était
consensuel, à l'époque, hein? C'est un projet de loi qui avait été adopté à l'unanimité.
M. Poinlane (Pascal) :
Qu'est-ce que vous feriez, en ce moment, si vous étiez ministre de l'Éducation?
M. Cloutier : Si j'étais
ministre de l'Éducation, je n'aurais pas perdu les deux années du Parti libéral,
comme ils l'ont fait, à passer d'une priorité à l'autre. J'aurais certainement
d'abord mis l'accent sur une politique de la réussite scolaire. J'aurais
demandé au milieu l'opinion du réseau, pris en considération l'avis des
experts, mais j'aurais convié les gens à réfléchir à ce qui compte vraiment :
la réussite de nos jeunes. Là, on fait exactement l'inverse, encore une fois.
En commission parlementaire,
souvenez-vous, les intervenants nous ont tous dit : On veut être entendus.
Il y a à peu près la moitié des intervenants, ils ont dit : Ça prend des
états généraux au Québec en éducation. Allez lire les mémoires, là, ils
terminent presque tous... Ça fait que, là, le ministre nous avait dit : On
a appris, on vous a bien entendu, on ne fera pas la même erreur, cette fois-là,
on va vous écouter pour la suite des choses.
Or, ce n'est pas pour rien que la CSQ, la
FAE, je ne sais pas quel autre groupe qui est sorti puis j'en ai vu d'autres,
ont dit au ministre : Non, mais vous êtes en train de refaire la même
erreur. Vous nous annoncez des mesures sans même avoir pris la peine de nous
consulter.
M. Poinlane (Pascal) : Si
vous étiez ministre de l'Éducation, est-ce que vous annuleriez le programme de
maternelle quatre ans l'an prochain, voyant que ça va être trop tard, là, ou
bien c'est mal ficelé?
M. Cloutier : Non, non. Bien,
en fait, justement, j'aurais fait les choses correctement, on l'aurait ficelé
correctement. Il n'y aurait pas eu 25 ministres de l'Éducation qui se sont
succédé, puis on aurait eu une vision de l'éducation. C'est de l'improvisation
mur à mur en éducation. La tergiversation actuelle s'explique beaucoup par le
fait qu'on passe d'un ministre à l'autre puis que là, la vision, c'était la structure.
Allez relire ce que Blais disait ou Bolduc sur la réforme des institutions
scolaires. Ils présentaient ça comme la septième merveille. Aujourd'hui, ils
sont obligés de dire que ce n'est peut-être pas la meilleure idée du siècle
qu'ils ont eue.
Mme Marin (Stéphanie) : Mais,
à ce moment-ci, qu'est-ce que vous demandez au gouvernement de faire? De mettre
ça de côté jusqu'à ce que ce soit ficelé comme il faut ou de redoubler d'efforts?
M. Cloutier : Non, non.
D'abord de travailler avec le milieu, de consulter ceux et celles qui ont
l'expertise et, oui, de redoubler d'efforts puis d'arrêter d'improviser en
éducation. Merci.
(Fin à 9 h 50)