(Neuf heures vingt et une minutes)
M. Paradis (Lévis) : Bien,
merci à vous tous d'être ici. Vous le savez, dans le cadre de l'interpellation
du ministre de la Santé, on va s'attarder à une chose bien précise, c'est-à-dire
de rappeler, de rappeler encore une fois au ministre de la Santé les effets
désastreux du fait de ne pas tenir ses promesses électorales. Et je parle de
promesses électorales dans le cadre de celle qui avait été faite, en mars 2014,
d'offrir aux Québécois et aux Québécoises l'accès gratuit aux examens
d'échographie, résonance magnétique, scans gratuits dans les cliniques privées
du Québec. Alors, ça fait deux ans que ça a été promis, il n'y a rien qui a été
fait à ce chapitre-là. Je vais vous rappeler quelques données puis de nouvelles
données, de nouvelles données qui devraient à notre avis mettre de la pression
sur le ministre pour comprendre l'importance de concrétiser ces promesses-là.
Il y a une dizaine de jours, on vous
présentait les chiffres concernant les échographies au Québec. 112 000
patients présentement, 112 000 patients à travers le Québec, attendent
pour une échographie, échographie mammaire, échographie cardiaque, autres types
d'échographie : 26 000 pour les échographies cardiaques, 8 000
pour les échographies mammaires, 77 500 pour les autres types
d'échographie. Puis, à travers ça, plus dérangeant encore, les délais non
respectés, c'est-à-dire les cibles du gouvernement, celle de faire en sorte que
les patients puissent être traités dans une fourchette d'en bas de trois mois,
pas respectée. 69 % des gens qui attendent pour une échographie dans les
Laurentides sont traités hors délai; 73 % en Estrie; 63 % en
Montérégie; 63 % en Chaudière-Appalaches. Je pense qu'à un moment donné
ces pourcentages-là parlent, puis, à travers ceux-ci, chaque fois qu'on donne
un pourcentage, une statistique ou un chiffre, il y a des gens qui sont en
attente et qui s'inquiètent. Je vous le rappelle, une échographie, un examen de
résonance magnétique, un scan, ce ne sont pas des examens anodins, ce sont des
examens cruciaux et importants. Alors, on doit agir rapidement pour faire en
sorte de réussir à découvrir ce qui ne va pas et ce qu'on devra traiter mais,
au-delà de ça, de rassurer le patient qui sait devoir passer à travers un examen
important.
Voilà maintenant les nouvelles données, parce
que les échos, on vous l'avait dit. Bien, on se rend compte, dans des chiffres
publiés par le ministère de la Santé et compilés ligne par ligne... Encore une
fois, là, on a fait un travail pour compiler ligne par ligne la problématique en
ce qui concerne les deux autres examens que le gouvernement s'était promis de
rembourser depuis mars 2014, situation tout aussi inquiétante et préoccupante
pour les IRM et pour les scans. IRM : 70 000 patients attendent au
moment où on se parle, attendent présentement pour un examen de résonance
magnétique, 70 000, 25 000 de plus qu'en mars 2012. On ne va pas vers
le mieux, là. Il y en a 25 000 de plus. C'est 55 % d'augmentation.
Depuis mars 2012, les listes d'attente ont augmenté dans 12 régions sur 15 au
Québec. Ça fait qu'il y a 12 régions au Québec, là, où ça ne va pas mieux, les
listes d'attente augmentent. Et là il y a des chiffres qui font frémir : à
Québec, 692 % d'augmentation; en Montérégie, 391 %; en Estrie,
172 %; au Saguenay, 161 %, pour ne nommer que celles-là. Les attentes
sont dramatiques en région.
On parle d'IRM. Allons pour les scans. On
a fait le même exercice. À travers les données du ministère, on a compilé ligne
par ligne. Pour les scans, c'est aussi pénible : 39 000 patients
attendent présentement pour un examen, une tomodensitométrie, un scan, c'est
850 de plus qu'en mars 2012. Puis là l'augmentation des listes d'attente...
bien, elles sont significatives dans sept régions sur 15 au Québec. La moitié
des régions du Québec, il y a des listes d'attente qui ont grimpé de façon
monumentale, et ce chiffre-là est, à toutes fins utiles, quasi inconcevable. En
Estrie, l'augmentation est de 1 218 %; 329 % d'augmentation en
Montérégie; 233 % en Abitibi; 152 % à Québec. Le ministre n'a pas
livré la marchandise.
Mars 2014, on promet quelque chose, on ne
l'a pas encore. Il y a une dizaine de jours, il nous promet que les écographies
seront remboursées dans les cliniques privées pour les Québécois et les
Québécoises, pour les patients du Québec; on ne l'a pas encore. Il avait promis
début 2016, on ne l'a pas encore. On se rend compte que ses cibles ne sont pas
atteintes, on attend le respect d'une partie de sa promesse électorale deux ans
en retard. Et là je dis une partie parce que la première, la promesse
électorale, c'était IRM, scans puis écographies. Alors, la première, on l'aura
potentiellement à un moment donné, mais, en même temps, ça sera le tiers de la
promesse qu'il a faite aux Québécois et aux Québécoises. Et, pendant ce
temps-là, la situation, elle s'empire.
Et là, à travers des chiffres comme
ceux-là, moi, ce que je veux que le ministre comprenne, c'est qu'on a
identifié, pour lui faciliter la tâche... on lui donne des chiffres qu'il n'a
pas là. On lui montre, on lui met le portrait de la situation puis on dit au
ministre : Il y a des foyers, là, il y a des foyers d'incendie. Ici, là,
ça brûle plus fort; ici, ça brûle plus fort, là. Appelez-les des foyers
d'incendie, des foyers d'infection, trouvons les termes de santé, mais il y a
des endroits où il y a un bobo, là, qui est manifestement apparent. Les
chiffres le prouvent. Les chiffres sont têtus. Les chiffres sont là, ils sont
sur papier, ce sont des données du ministère, on les compile.
Alors, moi, je m'attends à ce que le
ministre dise : Si ça va mal là, sachons pourquoi. Si on est à
1 218 % à Sherbrooke, en Estrie, sachons pourquoi. Attaquons-nous aux
endroits où la situation est la plus dramatique.
Tous ceux, à travers des données comme
celles-là, qui nous écoutent aujourd'hui comprendront — puis ils sont
nombreux et nombreuses à la maison — ce qui se passe. Je suis un
patient à qui on a demandé d'aller passer un examen aussi important qu'un scan,
qu'un IRM, qu'une échographie. Moi, j'ai des gens qui l'ont vécu. Je sais
personnellement ce que c'est également. Puis il ne faudrait pas penser que,
derrière des statistiques dans des données comme celles-là, on puisse les
prendre à la légère parce que la problématique psychologique, le stress et
l'anxiété provoqués en attente d'un résultat qu'on imagine toujours le pire
quand on est celui qui attend, ce n'est pas pour rassurer nos citoyens, nos
Québécois et nos Québécoises, les patients et les patientes puis ce n'est pas
non plus pour les mener rapidement vers la voie de la guérison.
Alors, je demande au ministre de respecter
sa promesse. Et, lorsqu'il annoncera, j'espère bientôt, le remboursement des
échographies au Québec, qu'il fasse de même, au même moment, pour ce qu'il
avait promis, les examens de résonnance magnétique et les scans pour l'ensemble
des Québécois et Québécoises, remboursement à travers les cliniques privées du
Québec.
M. Bergeron (Patrice) : Mais,
M. Paradis, puisque vous avez fait des recherches pour compiler toutes ces
statistiques, qu'est-ce qui, selon vous, explique l'accumulation des retards
dans le système actuellement dans le réseau? Parce que passer de 1 200 %
à... ou 694 %, il y a certainement des explications plausibles à donner.
M. Paradis (Lévis) : Ce qui
va être intéressant puis ce que le ministre devrait faire... Puis ces
chiffres-là vont lui donner l'occasion, j'ose espérer, en tout cas, de se poser
la question que vous me posez : Pourquoi ça grimpe à ce moment-là? Le but
de l'exercice puis ce qu'on souhaite, c'est que les listes d'attente diminuent.
Puis il a proposé des solutions pour faire en sorte qu'on puisse avoir
davantage d'examens, ce qui ne se fait pas jusqu'à maintenant.
Au-delà de ça, pourquoi il y a des
endroits où ça explose? Il y a mille et une possibilités. Est-ce qu'on
surdiagnostique? Ça, ça a déjà été adressé. Alors, il faut questionner aussi
l'utilisation de ces examens-là, mais il ne faut pas prétendre qu'ils ne sont
pas importants. Il faut y aller avec parcimonie puis il faut être très, très
prudent.
Moi, lorsque j'ai eu à passer un examen
important de ce type-là, dans ma tête à moi, il n'y avait pas de surdiagnostic
possible, là. Je veux dire, quand tu es un patient et qu'un spécialiste te
dirige vers un examen comme celui-là, pertinemment, comme patient, tu saisis le
sens et l'importance d'un examen comme celui-là. On ne parle pas d'examens
réguliers, là.
M. Bergeron (Patrice) : Avez-vous
des informations de la part du réseau? Vous avez des antennes dans le réseau ou
est-ce que vous avez des informations qui vous permettraient d'expliquer une
partie de ce qui se passe actuellement?
M. Paradis (Lévis) : Bien,
tout est dit à travers le réseau, mais tout est dit de façon voilée. Est-ce que
les équipements servent à pleine capacité? Est-ce que les équipements sont bien
situés? Est-ce qu'il faut revoir la couverture? Est-ce qu'on surdiagnostique?
Bon, est-ce qu'on a suffisamment de personnel pour faire en sorte d'opérer ces
appareils-là? Tout autant de questionnements qui sont lancés par des gens qui
constatent des chiffres comme ceux-là.
Mais là, à travers ça, je pense que, pour
trouver le vrai noeud du problème, il faut carrément, systématiquement aller
poser des questions. Puis, si on veut offrir aux Québécois et aux Québécoises
une couverture égale... Parce que, là, le drame à travers ces chiffres-là, vous
comprendrez que, dans ma tête, à moi, il vaut mieux avoir un traitement proposé
en Mauricie pour un scan, une IRM ou une écho qu'en Montérégie. Il vaut mieux
être traité ailleurs qu'à un autre endroit. Ce n'est pas drôle, là. Quand on se
dit que, régionalement, là, on aura des traitements qui seront plus longs par
rapport à une autre région où ça va bien, bien, regardons où ça va bien,
regardons à quel rythme les machines fonctionnent, quel est le ratio de
personnel, pourquoi ça va bien puis pourquoi une autre, bien, ça décroche.
Moi, ces disparités-là ne font pas sens.
Et, dans une intervention — puis je fais une analogie à un feu parce
qu'à un moment donné ça devient une urgence — les pompiers, la
première chose qu'ils font, ils cherchent le foyer d'incendie, le foyer principal.
Quand ils s'attaquent à ça, ils finissent par circonscrire les flammes. Bien,
c'est la même affaire. Quand tu as des poches puis des endroits où ça va
vraiment mal, va poser des questions. Pourquoi ça ne marche pas là? Qu'est-ce
qui ne va pas? Puis commençons à travailler là.
M. Bergeron (Patrice) : Mais
l'aggravation, donc, de ces problèmes de listes d'attente, est-ce que ça
traduit, donc, le fait que le gouvernement du Québec ou que le ministre ne
s'est pas assez attardé à régler le problème des listes d'attente? Il s'est
attardé à régler les problèmes de structure. Comment vous expliquez ça, là?
M. Paradis (Lévis) : Bien les
premières interventions du ministre... Puis on tente encore de s'en sortir.
Allez voir l'état du réseau par l'oeil de ceux qui y travaillent. Le projet de
loi n° 10, la loi n° 10, là, de la gouvernance puis la gestion a fait
en sorte qu'on s'est adressés aux structures. Je l'ai toujours dit, le système
de santé du Québec passe d'abord et avant tout par les yeux des patients. Les
patients se disent être déconnectés avec cette gouvernance-là qu'on a imposée,
cette façon de faire, cette gestion-là. Il y a des gens du réseau qui me disent :
On ne sait plus à qui s'adresser, on ne sait plus à qui parler, on ne sait plus,
même, quoi faire dans notre travail au quotidien parce que tout a été déplacé,
tout a été bousculé. Bien, c'est bien évident que, pendant que tu fais ça, bien,
peut-être que tu es moins attentif à une autre problématique qui, celle-là, est
directement reliée aux patients.
Au-delà de ça, ce qui est inquiétant,
c'est que le plus souvent, et plus souvent qu'autrement, puis encore récemment,
on se rend compte que le gouvernement n'arrive pas à avoir des chiffres puis
une vision, un portrait global de ce qui se passe dans son réseau. La
Vérificatrice générale l'a dit pas plus tard qu'une ou deux semaines concernant
les frais accessoires où elle a dit dans son rapport déposé : Le
gouvernement ne sait pas à qui il a donné, pourquoi il a donné puis combien il
a donné. Elle s'étonnait de dire : Comment le gouvernement peut-il... Dans
les soins à domicile, on a vécu la même chose. On dit : Le gouvernement, à
travers les rapports du Protecteur du citoyen, de la Vérificatrice générale, on
a eu... même chose. Le gouvernement ne sait pas ce qu'est l'offre puis la
demande. Comment tu veux investir correctement quand tu ne sais même pas qu'il
y a des gens qui, encore aujourd'hui, attendent des soins à domicile, un
premier service, qu'ils ne l'ont pas? Tu n'as pas les données, comment veux-tu
intervenir?
Alors, fais-toi une grande carte, là, puis
regarde où ça va très mal, puis dis : Allons là, allons là, trouvons
pourquoi puis appliquons la solution. Mais là on a déjà deux ans de retard,
puis la promesse, elle était celle-là en 2014. Puis on attend encore celle des
échos, qui devait être début 2016, puis là ça devrait être bientôt.
Je vais vous dire un des mots qui était
répété le plus souvent quand j'étais arrivé à l'Assemblée nationale, puis, honnêtement,
là, ça me faisait un peu sourire. Je pense que je n'ai jamais entendu autant de
«bientôt» de la part du gouvernement libéral. C'était le mot par excellence. Ce
sera quand? Bientôt. On va faire ça quand? Bientôt. Vous allez répondre aux
gens quand? Bientôt. Bien, bientôt, c'est maintenant.
Mme Fletcher (Raquel) : Le Commissaire
à la santé et au bien-être, qui va être aboli bientôt, ils sont en train de
publier un rapport au sujet des urgences au Québec. Avez-vous les mêmes
inquiétudes pour les attentes aux urgences?
M. Paradis (Lévis) : Moi,
j'ai des inquiétudes à travers les chiffres qu'on a évalués, qu'on a sortis.
J'ai des inquiétudes aussi partout. Je vais vous donner un exemple au niveau
des attentes dans les urgences. Récemment, le gouvernement disait : Vous
savez, on a fait du chemin, on a diminué le temps moyen d'attente sur civière
aux urgences d'une heure. Là, on dit : Regarde, on est sur la bonne voie,
là. La cible du gouvernement est à 12 heures depuis 2003. Ils se sont donné une
cible, 12 heures, en 2003. Ça fait 13 ans. Là, on a gagné une heure. Ça fait 13
ans.
Et, si on regarde ce qui se passe à l'Hôpital
de Granby précisément, même façon de faire, une carte, puis on regarde ce qui
se passe partout, là... On peut bien se réjouir qu'il y a une heure de moins,
j'en suis. Moins les gens vont attendre, plus les gens auront de l'accès, plus
je serai heureux. À Granby, c'est 21 h 30 min d'attente. C'est
six heures de plus que la moyenne provinciale à l'Hôpital de Granby. Comment se
fait-il?
Alors, soyons conscients, là, de l'état de
la situation partout à travers la province, faisons un portrait efficace et
réel de ce qui se passe, identifions les endroits où ça va mal puis
adressons-nous aux problèmes parce que, manifestement, il y a des disparités
dans le cas des IRM, des scans, des échos, des attentes, des chirurgies qui ne
se font pas, des cibles qui ne sont pas respectées, des disparités régionales
qui, pour les citoyens — puis je parle pour les citoyens — demeurent
incompréhensibles et particulièrement stressantes.
Le Modérateur
:
D'autres questions? Merci beaucoup.
M. Paradis (Lévis) : Merci.
(Fin à 9 h 36)