(Onze heures sept minutes)
M.
Caire
:
Alors, bonjour. Aujourd'hui, on voulait réagir sur l'ensemble de l'oeuvre, dans
le fond, du ministre des Transports, M. Daoust.
D'abord, dans un premier temps, sur le
dossier des allégations qui secouent le MTQ, à mon avis, le ministre des
Transports vient de commettre un impair absolument majeur aujourd'hui. Il faut
bien comprendre, là, que, du moment où les allégations ont été révélées, on a
tenté, à la Commission de l'administration publique, d'avoir accès à l'ensemble
des documents, dont la fameuse clé USB de Mme Trudel. Le commissaire à
l'UPAC a demandé au MTQ de ne rien transmettre, aucun document aux
parlementaires, sous prétexte que ces documents-là pouvaient faire l'objet
d'une enquête criminelle et donc pour ne pas interférer dans les enquêtes.
Nous avons eu des discussions à la
Commission de l'administration publique pour entendre le commissaire Lafrenière
et pour avoir quand même, même à huis clos, accès à ces documents, et ça nous a
été refusé tellement c'était jugé sensible. Hier soir, le ministre des
Transports a rendu publics des documents et n'a même pas vérifié si ces
documents-là étaient sur la clé USB, et on peut présumer qu'ils y étaient.
Alors, moi, ce manquement-là, il est extrêmement grave envers la Commission de
l'administration publique et envers l'Assemblée nationale. C'est un manque de
jugement majeur de la part du ministre des Transports. Là-dessus, je vais céder
la parole à mon collègue.
M.
Bonnardel
:
Merci, Éric. Les conclusions de la Vérificatrice générale qui nous éclairent
sur la vente des actions de RONA par Investissement Québec sont extrêmement
préoccupantes, extrêmement graves. Je vous répète un extrait que la
Vérificatrice générale écrit dans son rapport ce matin, elle dit : «...les
membres du conseil d'administration d'Investissement Québec ne considéraient
pas avoir toute la latitude pour autoriser la vente [des actions de RONA] sans
avoir consulté le gouvernement.» Et ce qu'elle dit : «D'ailleurs, selon
les procès verbaux du conseil d'administration, ils ont obtenu en décembre 2014
l'accord du ministre [...] de vendre la totalité des actions.»
Pourtant, le ministre a dit aux
journalistes, pas plus loin que le 3 février 2016, à 14 heures, et Antoine
Robitaille posait la question : «Donc, vous avez été au courant de la
vente des actions qu'Investissement Québec avait? Non?» Il a répondu : «Non,
non, non. C'est ça que je vous dis. Ça, ce sont les fonds propres
d'Investissement Québec. Alors, c'est le conseil d'administration qui juge
pertinent de le faire de cette façon-là.» Même question de la part de Robert
Dutrisac.
Ce ministre a menti aux journalistes, a
menti aux parlementaires, a menti aux Québécois. C'est extrêmement grave, ce
qu'il a fait. Il n'a pas osé, ce matin, se lever et démentir les conclusions de
la Vérificatrice générale, qui confirme elle-même que ça prenait l'autorisation
du ministre pour vendre ces actions. La seule chose qu'il lui reste à faire, à
M. Daoust aujourd'hui, c'est de démissionner.
M. Caron (Régys) : M.
Bonnardel, Investissement Québec a déjà indiqué que la vente des actions
qu'elle détenait dans RONA avait commencé en décembre 2013.
Comment se fait-il que l'autorisation ait
été demandée un an plus tard?
M.
Bonnardel
:
Écoutez, selon la Vérificatrice générale, là, elle dit que, de novembre 2013 à
novembre 2014, le conseil autorise la vente de blocs d'actions, et
l'autorisation du conseil d'administration pour la vente s'est faite en
totalité en décembre 2014.
M. Caron (Régys) :
Investissement Québec a déjà expliqué que la vente des actions s'est faite en
10 blocs...
M.
Bonnardel
:
Oui.
M. Caron (Régys) : ...entre
décembre 2013 et janvier 2015. Ça, c'est des explications qui ont été fournies
en février par Investissement Québec.
Est-ce qu'il y a là... est-ce que la VG
vient contredire ce qu'Investissement Québec a déjà dit?
M.
Bonnardel
:
Bien, écoutez, la Vérificatrice générale confirme, elle, une chose, c'est que
ça prenait l'autorisation du ministre, que le C.A. comme tel n'avait pas toute
la latitude pour prendre cette décision, ce qui était une décision extrêmement
importante, on sait très bien que Lowe's voulait acheter RONA juste avant.
Donc, Investissement Québec avait ce pouvoir d'obtenir ces actions et de
contrer cette vente possible. Ça, vous le savez très, très bien. Moi, ce que je
vous dis ce matin, c'est ce que la VG confirme, c'est que le ministre a
confirmé donner l'autorisation de vendre ces actions, ce qui est extrêmement
grave, parce que le ministre vous a dit à vous, les journalistes, le contraire.
M. Boivin (Simon) : Est-ce
que vous demandez la tête de M. Daoust sur la base de ses déclarations sur
RONA, ou sur la base du dossier du MTQ, ou sur l'ensemble de l'oeuvre?
M.
Bonnardel
:
Sur la base des déclarations de la vérificatrice, des conclusions sur RONA.
M. Boivin (Simon) : Est-ce
que... Par ailleurs, dans le rapport de la vérificatrice, aujourd'hui,
l'opposition demandait la tête de M. Hamad en lien avec le million
supplémentaire dans le dossier de Premier Tech. Le gouvernement, lui, il lit le
rapport autrement, dit : Les étapes de gestion normales ont été suivies.
Est-ce que vous partagez la vision du Parti québécois quant au rôle de M. Hamad
dans le dossier?
M.
Bonnardel
:
Il y a certainement encore des éclaircissements à donner. Je pense que M. Hamad
n'est pas blanc comme neige là-dessus. Maintenant, on va voir ce que M. Hamad
va affirmer ou déclarer dans les prochaines minutes. Je pense que vos collègues
journalistes sont déjà en train de le questionner là-dessus.
Maintenant, le commissaire... pas le
commissaire, la Vérificatrice générale l'a blanchi, et là on a le Commissaire à
l'éthique aussi, là, le Commissaire au lobbyisme qui va faire son travail dans
les prochains mois. On pourra évaluer, je pense, la situation dans son ensemble
quand on aura tous les éléments.
M. Boivin (Simon) : Donc, la
VG l'a blanchi. Donc, vous ne comprenez pas que le Parti québécois, sur la base
de ce que la VG indique, demande sa tête?
M.
Bonnardel
:
Bien, écoutez, je pense que M. Hamad, on l'a démontré, mon chef l'a démontré,
là, il n'a pas les qualités pour continuer d'être ministre comme tel. Et, pour
nous, là, c'est important qu'on fasse la lumière, qu'on aille au bout des
choses, qu'on ait ce rapport complet au début de l'automne. Et on ne changera
certainement pas d'idée. M. Hamad, pour nous, n'a plus les qualités nécessaires
pour être ministre.
M. Boivin (Simon) : Je
comprends, mais, sur la base du rapport de la VG, ce matin, le PQ demandait la
tête de M. Hamad. Vous ne faites pas la même lecture du rapport de la VG,
puisque vous dites qu'elle le blanchit.
M.
Bonnardel
:
Bien, là, non, écoutez, elle l'a blanchi dans une certaine mesure. Je pense que
les questions que posait mon collègue Bernard Drainville restent quand même
pertinentes, dans une certaine mesure, à savoir : Qu'est-ce qui s'est
passé dans ce fameux déjeuner pour qu'il y ait 1 million additionnel qui
soit octroyé à la firme comme telle? Et là-dessus le ministre, ou même M. Fournier,
n'a certainement pas pu donner les informations qui pouvaient satisfaire
Bernard.
M. Caron (Régys) : J'aurais
une question pour M. Caire au sujet du ministère des Transports. N'est-il pas
urgent que Mme Annie Trudel soit entendue par les députés?
M.
Caire
:
Clairement. Ceci étant dit...
M. Caron (Régys) : Et est-ce
que cette conférence-là devrait avoir lieu à huis clos ou en public?
M.
Caire
:
Écoutez, là-dessus, vous me permettrez de réserver ma réponse. Je vous
explique. Pour moi, il est clair qu'il faut entendre Annie Trudel, Robert
Poëti, qu'on a élégamment envoyé en Australie aujourd'hui, et Louise Boily,
l'ancienne vérificatrice interne. Ça, pour moi, c'est très clair.
Ceci étant dit, vous devez comprendre que
les députés libéraux se sont trouvé une extrême sensibilité pour les respects
des mandats de la CAP et de la non-ingérence dans une enquête policière, que
ne semble pas partager Jacques Daoust puisqu'il a, hier, rendu publics des
documents sans avoir minimalement vérifié s'ils étaient sur la fameuse clé USB
qu'on nous refuse à nous, les parlementaires.
Donc, on a déjà, la CAP, par motion,
convoqué M. Lafrenière. Nous allons questionner M. Lafrenière demain, et soyez
assurés que nous allons questionner M. Lafrenière demain. Et, comme ça a été
dit par mon chef, pas plus tard que ce matin, soyez assurés que ce n'est qu'une
première étape. C'est loin d'être terminé, vous en avez ma parole.
M. Caron (Régys) : ...que
vous évoquez, il est sur le site de la Commission de l'administration publique,
là, le fameux document que Mme Trudel a remis au ministère des Transports.
C'est ça qu'on a reçu hier.
M.
Caire
: Non,
non, non. Les courriels de Mme Trudel n'étaient pas des documents qui ont
été envoyés à l'administration publique, les rapports de Mme Trudel. Je ne
parle pas du suivi qui a été préparé par le MTQ, je parle du rapport de
Mme Trudel. Ce ne sont pas des documents qui ont été donnés à la
Commission de l'administration publique. Pire que ça, quand j'ai posé la
question tantôt à Jacques Daoust, il m'a dit : Bien là, je ne le sais pas,
moi, si c'était sur la clé USB. C'est une réponse au minimum — au
minimum — totalement irresponsable, indigne d'un ministre du
gouvernement du Québec, compte tenu du contexte, hein, parce que là, ça ne
vient pas d'arriver, compte tenu du contexte qu'hier, sachant de par ses
collègues la motion qui avait été adoptée par la CAP, l'orientation qui avait
été adoptée par la CAP, il n'ait pas, un, minimalement vérifié si les documents
émanaient de la clé USB et, deux, transmis ces documents-là à la CAP au lieu de
faire un point de presse. Personnellement, je pense qu'on était dans une
opération pour discréditer Annie Trudel plus que dans une opération pour
rechercher la vérité.
Le Modérateur
: ...
M. Boivin (Simon) : Sur la
même affaire, oui, rapidement. Il vous a dit à trois reprises que son
sous-ministre, dans sa lettre, lui dit qu'il a vérifié avec l'UPAC la
possibilité de transmettre ces documents-là. Ça ne vous suffit pas comme
vérification?
M.
Caire
:
Pantoute, pantoute. Parce que...
Journaliste
: Si lui
dit qu'il n'y a pas de problème à ce que ça soit...
M.
Caire
: Bien
pourquoi l'UPAC dit qu'il n'y a pas de problème à ce que lui transmette les
documents, puis l'UPAC voit un problème à ce que des parlementaires, dont le
privilège est prévu constitutionnellement... Nous avons un pouvoir d'enquête,
nous avons un pouvoir d'exiger des documents, nous avons un pouvoir de
contraindre les gens à témoigner, et la seule raison pour laquelle on ne le
fait pas, c'est parce que les députés libéraux s'y opposent. Ça fait que, pour
nous autres, les députés d'opposition, ce n'est pas acceptable, c'est de
l'ingérence dans l'autorité de l'UPAC. Puis, quand ça vient d'un ministre
libéral, c'est tout à fait correct? Je suis désolé, mais ça ne tient pas la
route, cette réponse-là. Si les documents ne peuvent pas être transmis aux
élus, c'est à tous les élus, pas à certains élus, mais d'autres c'est correct.
Ça ne marche pas de même.
M. Croteau (Martin) :
M. Caire — merci — M. le ministre Blais vient de nous
confirmer qu'à la demande du bureau du premier ministre il a embauché Pierre
Ouellet, l'ancien chef de cabinet de Jacques Daoust. Il n'a pas passé personne
d'autre en entrevue, il répondait à une demande du bureau du premier ministre.
Qu'en pensez-vous?
M.
Caire
: J'en
pense la même affaire que je pourrais penser du fait qu'ils sont en train,
probablement, de chercher une niche pour Dominique Savoie. Je ne serais pas
étonné qu'au mois de juillet on ait, par règlement, par décret ministériel, une
Dominique Savoie qui se fait trouver un poste quelque part pour se faire
oublier. Mais si...
M. Croteau (Martin) : Donc,
ça ne vous dérange pas plus que ça?
M.
Caire
: Bien,
ça me dérange. Ça ne me dérange pas rien qu'à peu près. Malheureusement, vous
comprendrez que les outils qu'on a pour dénoncer ça sont limités. Mais ça me dérange,
parce que ça nous prouve quoi? Qu'au Parti libéral, on est dans une opération
de camouflage et qu'on fait semblant de punir les gens, qu'on fait semblant
d'aller rechercher la vérité, puis on est en train... Là, on n'a plus assez de
mains pour le nombre de couverts qu'on a à mettre sur toutes les marmites qu'il
faut calmer, là.
Une voix
: Qui
chauffent.
M.
Caire
: Qui
chauffent, oui, merci.
M. Caron (Régys) : Avez-vous
rencontré de la résistance, hier, de la part des députés libéraux qui siègent à
la CAP pour entendre Mme Trudel, entendre M. Poëti, entendre M. Ouellet et Mme
Boily?
M.
Caire
:
Résistance? C'est un doux euphémisme, résistance.
M. Caron (Régys) : Alors, ils
refusent catégoriquement.
M.
Caire
: C'est
un blocage total, total.
M. Boivin (Simon) : Par
crainte de nuire à l'enquête, ça, c'est leur argument?
M.
Caire
: Toujours,
toujours, puis même à huis clos, là, ça a l'air que ça va être bien dangereux.
Des fois qu'il y ait un avocat quelque part, là, qui viendrait, par télépathie,
me jouer dans la tête puis me soutirer des informations. C'était totalement
ridicule, les arguments que j'ai entendus.
M. Caron (Régys) : Mais, M.
Caire, ces révélations-là qui vont vous être données par M. Lafrenière,
potentiellement par Mme Trudel et d'autres, si ça reste à huis clos, si ça
reste secret, parce que c'est sous enquête, en quoi l'intérêt public serait-il
servi actuellement?
M.
Caire
: O.K.
L'objectif de la rencontre de demain, c'est de valider ce que les parlementaires
peuvent avoir comme information sans nuire à une enquête policière. Pour moi,
c'est le seul objectif. En aucun temps, en aucun temps l'objectif, demain,
c'est de conclure à l'enquête ou au nécessaire besoin qu'on a d'aller chercher
toute l'information sur les allégations qui secouent le MTQ. Et c'est pour ça
que je vous dis que c'est une première étape, c'est une première étape qui a
pour but surtout, je pense, qui avait pour but surtout de rassurer les
collègues sur l'intention qu'on a de respecter le travail policier, de
respecter les enquêtes, de ne pas faire déraper des enquêtes, mais d'avoir
toute l'information nécessaire à faire notre travail et de concilier les deux.
Ça, c'est l'opération de demain.
Un coup que, cette opération-là, elle va
être terminée, on passe à la prochaine étape qui est de continuer à rechercher
la vérité et d'aller jusqu'au bout, et vous avez ma parole, on va rechercher la
vérité et on va aller jusqu'au bout.
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 11 h 20)