(Neuf heures cinquante et une minutes)
M. Jolin-Barrette : Alors,
bonjour à tous. Aujourd'hui, on déplore la position du gouvernement Couillard
sur le rapport en droit de la famille. Vous savez que le Pr Alain Roy de l'Université
de Montréal, avec un comité consultatif, a été chargé, en 2013, par l'ancien
ministre St-Arnaud, de se pencher sur la réforme en droit de la famille, parce
que la Cour suprême a indiqué clairement, dans l'arrêt Éric contre Lola, que le
droit québécois était discriminatoire. Ça a été préservé par la juge McLachlin,
la juge en chef. Cependant, elle disait, bon, en vertu de l'article 1 de la Constitution,
qu'on préserve et on envoie un message clair aux législateurs québécois de se
pencher sur les nouvelles réalités sociales des familles québécoises.
Et ce qu'on constate aujourd'hui, c'est
que la ministre de la Justice n'est pas capable de mettre en oeuvre une réforme
en matière de droit de la famille. Tout ce qu'elle touche, manifestement, il
n'y a rien qui avance au ministère de la Justice. On n'a qu'à penser au rapport
Noreau, on n'a qu'à penser en matière d'adoption. En matière de droit de la
famille, encore une fois, il y a un rapport complet qui a été présenté par le
Pr Roy et manifestement il n'y a rien qui avance au niveau du ministère de la
Justice.
Et c'est fondamental de tenir une
commission parlementaire, et c'est ce qu'on propose aujourd'hui, nous, à la
CAQ. On propose un mandat d'initiative à la Commission des institutions de
façon à ce que les parlementaires puissent étudier le rapport en droit de la
famille et puisse évaluer les suites à donner à ce rapport. Et c'est surtout
important de consulter la population, et c'est pour ça qu'on va saisir la
Commission des institutions avec un mandat d'initiative qu'on a envoyé à Guy
Ouellette, le président de la Commission des institutions, parce qu'il y a
plusieurs enjeux qui touchent le droit de la famille, notamment en matière
d'adoption, en matière de procréation assistée, en matière de mère porteuse
également. Il y a de nombreux jugements présentement que la Cour d'appel rend,
et elle rend ces jugements à cause d'un flou juridique qui existe parce que les
mères porteuses ne sont pas encadrées. Donc, il y a des réalités du XXIe
siècle, la société a évolué, et c'est important d'adapter le droit familial à
la réalité des familles d'aujourd'hui, ce que manifestement la ministre de la
Justice n'est pas capable de faire, parce qu'elle ne fait pas entendre sa voix
au sein du Conseil des ministres et au sein du bureau du premier ministre. Et
c'est tout à fait déplorable, on a besoin d'un ministre de la Justice qui est
capable de faire entendre sa voix, qui est capable de défendre ses dossiers et
qui est surtout capable de faire progresser le droit pour l'adapter à la
réalité des familles québécoises.
Donc, c'est pour ça qu'on demande au
gouvernement Couillard d'appuyer notre demande de mandat d'initiative que nous
allons présenter à la Commission des institutions. C'est fondamental. Il y a un
rapport qui a été fait, hein, de nombreuses pages, des experts qui se sont
penchés sur la question, je pense que nous devons avoir une réflexion
collective sur le sujet.
M. Boivin (Simon) : D'après
vous, c'est ça, ça cause de sérieux problèmes dans l'état actuel du droit?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
entre autres, en matière d'adoption présentement, il y a un projet de loi qui
avait été déposé en 2011 par Jean-Marc Fournier, à l'époque ministre de la
Justice, par M. St-Arnaud . Le rapport en droit de la famille en fait état. Il
y a des gens qui arrivent au crépuscule de leur vie et qui ne peuvent pas
connaître leurs origines encore. Donc, ça, c'est problématique. Le rapport en droit
de la famille s'y adresse.
Également, en matière de mère porteuse, en
matière d'adoption aussi, à partir du moment où une femme accouche d'un
enfant... il y a eu un jugement récemment, en janvier, février de l'année
dernière, où on notait sur le certificat de naissance : mère inconnue.
Donc, c'est quoi, la réalité des enfants? Ils ont une filiation et il faut vraiment
adapter la réalité, encadrer cette réalité-là des mères porteuses. Présentement,
c'est un flou juridique le plus complet aussi. L'autre élément très important
en matière de droit de la famille, c'est la protection de l'intérêt de
l'enfant. Actuellement, notre système de droit est basé sur la conjugalité.
Dans le rapport, on propose de le faire passer vers la parentalité, et c'est toujours
dans un souci de protéger les intérêts des enfants et c'est ce qui est
fondamental, parce que toutes les décisions doivent être prises en fonction de
l'intérêt des enfants, et je pense que c'est important d'adapter notre droit à
la réalité des nouvelles familles monoparentales, homoparentales, les familles
recomposées, et on se retrouve dans une situation où la protection de l'enfant
n'est pas assurée présentement. On discrimine les enfants, en fait. Vous savez,
pour les couples qui sont mariés versus les couples qui sont non mariés,
l'enfant n'est pas considéré égal dans les deux situations, et ce n'est pas
l'enfant qui choisit si ses parents sont mariés ou non.
M. Boivin (Simon) : Pourquoi,
selon vous, le bureau du premier ministre n'est pas d'accord avec le projet de consultations
que Mme Vallée semble vouloir mettre sur place, sur la place publique? Il
semble que le travail soit fait mais que ça bloque au Conseil des ministres.
Pourquoi, selon vous?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
c'est une réforme qui est ambitieuse, puis je pense que, du côté du gouvernement,
on manque d'ambition, surtout lorsque vient le temps de traiter de gros projets
et de projets qui demandent une vision à long terme. Parce qu'on parle
d'orienter la société québécoise en matière de droit de la famille pour les
prochaines années, d'adapter la réalité des familles au droit, et je pense que,
le gouvernement Couillard, c'est trop compliqué pour lui, peut-être qu'il ne
veut pas mettre les efforts nécessaires pour vraiment travailler sur ce
chantier-là.
M. Boivin (Simon) :
...éléments qui sont politiquement délicats?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
je pense que, dans le rapport en droit de la famille, il y a des avenues qui
peuvent être moins intéressantes au niveau politique dans certaines situations.
Mais je pense qu'il faut quand même étudier la question, puis c'est pour ça que
nous, on propose un mandat d'initiative, pour l'étudier avec les
parlementaires, pour entendre la population sur la position, parce que c'est un
rapport d'experts qui fait suite à la décision de la Cour suprême. Mais je
pense que la modernisation du droit de la famille, ça doit se faire avec la
population, puis on doit consulter la population pour savoir qu'est-ce qui fait
consensus, et qu'est-ce qui ne le fait pas, et où les Québécois veulent aller.
Mais, très certainement, il faut faire
l'exercice de réflexion. Il y a déjà un chemin qui a été fait par le biais
d'universitaires, par le biais du rapport qui a été déposé, mais je pense que
maintenant c'est à notre tour, c'est aux parlementaires, c'est au gouvernement
de faire l'étude du projet de loi, de consulter la population puis vraiment de
voir quelles sont les voies de passage et comment fait-on pour moderniser notre
droit de la famille.
Le Modérateur
: Merci.
M. Jolin-Barrette : Merci.
(Fin à 9 h 57)