(Quinze heures quarante-cinq minutes)
Le Modérateur : ...David
Heurtel, sur le projet de loi n° 102, soit la Loi modifiant la Loi sur la
qualité de l'environnement. Alors, M. le ministre, à vous la parole.
M. Heurtel : Merci, M.
Croteau. Bonjour. Alors, je suis accompagné, à ma droite, par Mme Christyne
Tremblay, qui est sous-ministre au ministère du Développement durable, de
l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, et, à ma
gauche, Mme Marie-Josée Lizotte, qui est sous-ministre adjointe aux évaluations
et autorisations environnementales.
Alors, je viens de présenter aux membres
de l'Assemblée nationale un projet de loi d'envergure, soit le projet de
modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime
d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives
notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert. La Loi sur la qualité de
l'environnement a été adoptée en 1972. Il n'y a eu aucune modernisation majeure
depuis bientôt 44 ans. Depuis deux ans, j'ai sillonné le Québec. Partout,
on m'a demandé de rendre la Loi sur la qualité de l'environnement plus efficace
et plus prévisible, de simplifier les processus et de réduire les délais. Le
maintien des plus hautes exigences en matière de protection de l'environnement
et une plus grande transparence favorisant l'acceptabilité sociale font
également consensus au Québec.
Notre vision est sans équivoque :
nous voulons doter le Québec d'un régime d'autorisation environnementale
moderne, clair, prévisible, optimisé et conforme aux plus hauts standards en
matière de protection de l'environnement. Le 11 juin 2015, j'ai déposé un livre
vert. Il y a eu des auditions publiques devant la Commission des transports et
de l'environnement en août et en septembre 2015. Le projet de loi présenté
aujourd'hui permettrait de relever ce défi.
La modernisation du régime d'autorisation
se ferait sur trois fronts : législatif, le présent projet de loi;
réglementaire, il y aurait des modifications à plusieurs règlements, et, dès
son adoption, le projet prévoit des mesures transitoires; et administratif, une
importante réorganisation est déjà amorcée et un changement de culture
d'entreprise est en cours.
Le projet de loi propose d'accroître la
modulation du régime d'autorisation en fonction du risque pour l'environnement.
Les projets seraient classés selon quatre niveaux de risque qui nécessiteraient
quatre types d'encadrement différents : les risques élevés, qui
nécessiteraient une procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement; risques modérés, une autorisation ministérielle; risques
faibles, une déclaration de conformité, ce qui est nouveau; et risques
négligeables, exemption. Ceci éliminerait environ 1 500 autorisations
ministérielles.
Le projet de loi propose de simplifier les
autorisations et accroître la prévisibilité des processus d'analyse. Un seul
type d'autorisation remplacerait la grande majorité des certificats,
autorisations, attestations, approbations, permis et permissions auparavant
requis par la loi. Le régime serait simplifié pour les projets pilotes à des
fins de recherche et d'expérimentation. La réduction des délais serait
significative pour de nombreuses activités, jusqu'à 20 % pour les projets
soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.
Le projet de loi vise à mieux équilibrer
les responsabilités entre le ministère et les initiateurs de projets. Une
demande incomplète ne serait plus recevable. Il y aurait des rencontres de
démarrage et cela permettrait d'éliminer les allers-retours de
questions-réponses qui peuvent durer parfois des mois, voire même des années.
Le ministère reçoit en moyenne
12 000 demandes d'accès à l'information par année. La population veut
plus d'information et plus tôt dans les processus. Pour les projets à risques
élevés, il y aurait un registre des évaluations environnementales avec une
information complète, livrée tôt dans le processus et au fur et à mesure de
celui-ci. Il y aurait aussi la possibilité pour le public de faire part de ses
observations sur les enjeux que l'étude d'impact devrait aborder. Il y aurait
aussi un registre des autorisations ministérielles qui donnera le contenu
complet des documents, pas seulement des références à des lettres comme
présentement.
Le projet de loi propose l'introduction
d'un test climat. Cela permettrait d'intervenir en amont. Hein, c'est une
mesure de prévention. Il y aurait un seuil d'émission de GES fixé par
règlement, et l'initiateur de projet serait tenu de justifier ses choix
technologiques, ses procédés ou ses sources d'énergie ou fournir un plan de
réduction de GES, le cas échéant. Le gouvernement pourrait également assujettir
à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement les
projets qui ne le seraient pas et qui comporteraient des enjeux majeurs en
matière de changements climatiques.
Le projet de loi propose également de
modifier la loi constitutive du ministère pour créer le Conseil de gestion du
Fonds vert. Il serait composé de neuf membres nommés par le gouvernement et
majoritairement issus de la société civile. Il aurait notamment comme mandat :
de conseiller le ministre sur les programmes, les projets ou les activités
financés par le Fonds vert; d'évaluer la performance des programmes, des
projets ou des activités financés par le Fonds vert et de recommander au
ministre les ajustements requis pour favoriser une meilleure performance; et
d'assurer la supervision et le suivi des activités de trésorerie du Fonds vert;
et collaborer avec le ministre à la préparation des prévisions du Fonds vert
pour chaque exercice financier.
Ce projet de loi se veut au bénéfice de la
population, avec plus de transparence, plus de participation citoyenne et
l'environnement qui est toujours aussi bien protégé. Au bénéfice des
entreprises, qui pourraient bénéficier d'un régime d'autorisation simplifié,
prévisible, clair et optimisé, d'une réduction du nombre d'autorisations et
d'une réduction des délais. Au bénéfice du agricole également, qui est un
moteur économique important et qui verrait notamment les seuils de production
rehaussés avant de devoir faire une demande d'autorisation. Au bénéfice du
monde municipal, car la majorité des prolongements de réseau d'aqueduc ou
d'égout seraient considérés comme des activités à risque faible. Ils pourraient
comme débuter des travaux 30 jours après le dépôt de leur déclaration de
conformité. Aujourd'hui, la moyenne de traitement de ces demandes est de 200
jours. Les travaux d'urgence nécessaires dans le cas d'un sinistre ou d'un
sinistre appréhendé seraient facilités et le ministre pourrait exempter de l'obligation
d'obtenir une autorisation pour la totalité ou une partie des travaux à réaliser.
Les employés municipaux auraient les mêmes pouvoirs que ceux du ministère
lorsqu'ils sont tenus d'appliquer un règlement pris en vertu de la LQE.
En conclusion, ce projet de loi se veut au
bénéfice de toutes les Québécoises et tous les Québécois. Merci beaucoup.
Le Modérateur
: Merci, M.
le ministre. On va commencer la période des questions avec Charles Lecavalier.
M. Lecavalier (Charles) :
Bonjour, M. le ministre.
M. Heurtel : Bonjour, M.
Lecavalier.
M. Lecavalier (Charles) :
Premier petit commentaire. C'est quand même un projet de loi assez technique,
assez volumineux. Je pense qu'un briefing technique avant, ça aurait pu nous
aider à mieux comprendre tous les détails du projet de loi, là. Mais, bon,
première question, je me demandais, le Conseil de gestion du Fonds vert, le
rapport qu'il va rendre au ministre, est-ce qu'il sera public?
M. Heurtel : Oui.
M. Lecavalier (Charles) :
Oui, donc il va être public.
M. Heurtel : Oui, c'est comme
je vous l'avais dit à l'origine, oui, oui. Il va y avoir un rapport annuel et
ce rapport annuel là sera rendu public.
M. Lecavalier (Charles) :
Parfait. Est-ce que tous les projets seront dorénavant évalués en fonction de
leur impact sur la production de gaz à effet de serre au Québec.
M. Heurtel : Alors, il va y
avoir, oui... Bien, déjà, c'est le cas. Je veux dire dans le sens qu'il y a déjà
une intention qu'on voit dans l'évaluation des projets qui sont soumis au
régime d'autorisation de la LQE, d'évaluer les GES. Là, maintenant, ce qu'on va
faire, c'est placer — et c'est ça le test climat — cette évaluation
en amont, au départ du processus d'autorisation.
Alors, quand on parle des projets qui sont
soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement,
donc les projets à risque élevé, automatiquement, il va y avoir une évaluation
des GES. Mais là il va y avoir un seuil, parce que, quand même, là, on ne parle
pas de projets à risque faible ou négligeable, là, où on parle, là, de
quantités minimes. Mais, quand on parle, là, de projets majeurs, il va y avoir
une évaluation de GES en amont qui va être faite.
M. Lecavalier (Charles) :
Est-ce sera le cas, par exemple, pour des travaux routiers comme
l'élargissement d'une autoroute?
M. Heurtel : Une autoroute, ça
va justement... Oui. Alors, ça, c'est un exemple. Alors, quand on va regarder
une autoroute, un projet d'autoroute, bien là il va y avoir justement une
évaluation des GES reliés à ce projet-là, oui.
M. Lecavalier (Charles) :
Dernière petite question. Pardonnez-moi, je cherche dans mes notes, là. Mais
comment est-ce que le ministère va déterminer si un projet est à risque élevé
ou minime, par exemple?
M. Heurtel : Alors, on va
faire un peu comme... c'est un peu la mécanique qui existe déjà. Comme vous le
savez peut-être, les projets qui sont soumis à la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement sont déterminés, la liste est
déterminée par règlement, hein? Il y a un règlement, qui est adopté en vertu de
la LQE, où il y a une longue liste de types de projet qui sont soumis ou non à
la procédure. Alors, on va utiliser le même genre de système, alors par voie
réglementaire, et ça, ça va permettre une consultation aussi. Quand il y a un
règlement, il y a une prépublication, il y a des mémoires qui sont soumis, on
va pouvoir échanger. Et on va justement commencer par déterminer et classifier
les différents types de risque de cette façon-là.
Mais, en plus de ça, je fais référence
aussi quand justement il y a... Et ça, c'est une des innovations de la loi, s'il
n'y a pas un type de projet ou un projet particulier, à cause de ses
composantes, qui ne se retrouve pas nécessairement dans la liste des projets à
risque élevé, bien le ministre va quand même avoir le pouvoir, en vertu de la
loi, de décréter qu'il y ait quand même une évaluation selon les projets à
risque élevé. Merci.
Le Modérateur
: Marco
Bélair-Cirino.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui. Bonjour, M. le ministre.
M. Heurtel : Bonjour.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous avez mentionné que vous ajoutez, dans le fond, un type d'encadrement pour
les projets qui présentent un risque faible — donc, j'ai bien compris — puis
que vous allez préciser par la suite, par voie réglementaire, les différents
critères qui font en sorte qu'un projet s'insère dans un ou un autre cadre
d'encadrement. Est-ce que votre volonté est grosso modo de reprendre les
critères actuels ou on peut penser qu'il va y avoir beaucoup moins de projets
qui vont présenter à vos yeux un risque élevé? Est-ce que vous souhaitez qu'il
y ait moins de... c'est ça, que les projets se classifient grosso modo entre
risque négligeable et risque modéré? On peut penser que...
M. Heurtel : Le souhait
véritable de ce projet de loi là, à ce niveau-là, — il y a plusieurs
objectifs, là, mais si on parle du tronc commun qu'on veut
créer — c'est que, là, présentement, aujourd'hui, on se retrouve, après
près de 44 ans, avec une approche mur à mur qui est mal adaptée à
l'ensemble des types de projet. Dans bien des cas, on arrive et on applique le
même genre d'autorisation. Alors, dans certains cas, on a des très petits
projets à faible risque qui se retrouvent avec une procédure d'évaluation qui
n'est complètement pas adaptée à un projet qui véritablement a peu ou pas de
risque, là. Puis il y en a beaucoup, là, au Québec, là, des projets. Tu sais,
quand on parle, dans certains cas, tu sais, d'un prolongement d'un égout ou
d'un réseau d'aqueduc sur un kilomètre, mettons, ou un prolongement d'une route
qui ne cause pas de problème...
Mais, en même temps, je vous dis ça, puis,
en vous disant ça, il peut y avoir des cas où un projet qui, objectivement
parlant, peut avoir l'air anodin, à cause de son contexte, pourrait avoir un
risque élevé. Alors, dans ce cas-là, justement, l'idée, ce n'est pas d'avoir
plus ou moins de projets qui sont soumis à tel type ou tel type d'autorisation
environnementale, mais c'est d'avoir la flexibilité que, justement, lorsqu'il y
a un besoin d'aller plus loin, d'évaluer davantage, d'aller plus en profondeur
parce qu'il y a des risques plus élevés liés à un projet, bien que la loi nous
permette de le faire.
Je vais vous donner un exemple bien
concret, le déversement à Montréal l'automne dernier. En vertu de la loi et de
son cadre réglementaire actuel, il y avait un certificat d'autorisation à
émettre en vertu d'une partie du projet. Ça, c'est un exemple bien concret que,
là, avec ce qu'on a comme projet de loi, on pourrait se retrouver avec les
pouvoirs pour justement poser beaucoup plus de questions puis aller plus loin.
Parce que là on parle d'un niveau de risque beaucoup plus grand, qui a des
impacts beaucoup plus grands que simplement un certificat d'autorisation pour
une chute de neige.
Alors, ça, c'est le type d'exemple,
justement, où on pourrait dire, on pourrait regarder : Bien, à sa face
même, objectivement parlant, c'est un projet qui est à faible risque, mais,
dans les circonstances, nécessite une étude approfondie.
Alors, au contraire, ce que va nous
donner, ça va nous donner la flexibilité d'aller plus loin lorsque nous devons
aller plus loin, mais en même temps ne pas alourdir inutilement lorsque ce
n'est pas le cas.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Puis
c'est un fonctionnaire du ministère qui va déterminer quel projet fait l'objet
de quel...
M. Heurtel : Non, non. Bien
non. Ça va être déterminé par règlement.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui,
mais qui applique le règlement?
M. Heurtel : Bien, c'est le
gouvernement qui applique le règlement.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Si
une municipalité... O.K., c'est ça, si une municipalité propose par exemple un
projet d'égout, de construction d'égout, alors ce projet-là va être assujetti à
quel mécanisme d'évaluation?
M. Heurtel : Bien, ça dépend.
Ça dépend. Il va y avoir des listes. Alors, comme c'est le cas présentement,
c'est un peu...
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui,
mais vous dites qu'il y a eu des projets...
M. Heurtel : Si je peux juste
terminer, s'il vous plaît.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui,
pardon.
M. Heurtel : Présentement,
c'est déjà une mécanique qui existe dans certains types d'autorisation. Alors,
la procédure d'évaluation d'examen des impacts sur l'environnement est régie
comme ça. C'est-à-dire que la loi renvoie au règlement, puis c'est l'article 2
du règlement. Et là il y a une longue liste, dans ce règlement-là, dans cet
article-là, qui décrit tous les projets qui sont soumis à la procédure, alors plus
généralement connue, la procédure du BAPE. Bon.
Alors, nous, ce qu'on propose de faire,
c'est, un, pour chaque type d'autorisation requise, il va y avoir des listes.
Ces listes-là, ça va être approuvé par règlement. Ça, ce n'est pas un
fonctionnaire qui va décider quel projet oui ou non. Ça va faire l'objet d'une
adoption de règlement qui va être prépublié, qui va faire l'objet de
consultations, comme c'est le cas, là, dépôt de mémoire. Puis c'est un
règlement qui peut évoluer, qui est évolutif, tout comme le règlement actuel
sur la procédure d'évaluation d'examen des impacts. Mais, encore une fois,
justement, il peut y avoir des cas justement... Et c'est ça que la loi nous
permet de faire, ça donne un pouvoir au ministre de déterminer peut-être qu'il
y a des types de projet qui sont classés à risque faible, mais, à cause de la
nature d'un projet spécifique, ça va plus loin. Bien, le ministre va avoir le
pouvoir d'obliger ce projet-là à se soumettre... pas le projet, pardon, les
promoteurs du projet, donc une municipalité ou une entreprise, à se soumettre à
une procédure beaucoup plus détaillée, beaucoup plus importante, beaucoup plus
exigeante.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Qu'est-ce
qui attend le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement?
M. Heurtel : Qu'est-ce qui
attend... Excusez-moi, je ne comprends pas.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui.
Est-ce que son mandat sera revu, est-ce que le processus de désignation des
commissaires sera également revu?
M. Heurtel : Le mandat, non.
Ce n'est pas une question de revoir le mandat, c'est plutôt une question de
moderniser un peu son fonctionnement dans le sens de pouvoir être plus actif
aussi, utiliser les nouvelles technologies. Pour la nomination, on parle d'un
comité de sélection avec un profil de compétence. Alors, on veut être capables
d'aller chercher les bonnes personnes et les bonnes expertises requises pour
que le BAPE puisse exécuter son mandat. Alors, c'est plus une question de
moderniser, puis c'est quelque chose entre autres qui est venu, entre autres,
d'un comité de travail avec le BAPE. Le ministère et le BAPE ont travaillé
ensemble sur des pistes de solution, comment moderniser le BAPE, l'améliorer,
mais ce n'est pas de toucher à son mandat, là, à sa nature même, non. Le BAPE
va continuer son travail, mais il va être mieux encadré.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Une
dernière question très technique. Charles a évoqué un peu plus tôt le test
climat. Dans le document d'information que nous avons depuis quelques minutes,
c'est mentionné que «le gouvernement pourrait, de façon exceptionnelle,
assujettir à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement les projets qui ne le seraient pas normalement». Vous avez
mentionné tantôt que des projets à risque élevé pourraient faire l'objet de ce
test-là en amont...
M. Heurtel : Voilà.
M. Bélair-Cirino (Marco) :...mais
est-ce qu'il y a des projets qui ne sont pas dans les quatre catégories
énumérées plus tôt qui pourraient faire quand même l'objet d'un test climat?
M. Heurtel : Oui.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Comme
quoi?
M. Heurtel : Bien là, on ne va
pas rentrer nécessairement dans les hypothèses, mais il est possible, par
exemple... Je vais vous donner un exemple. Il pourrait y avoir un projet qui,
en soi, ne nécessite pas un niveau d'autorisation élevé, mais que, parce qu'il
est sujet, peut-être, à émettre un nombre important de GES ou que son impact
cumulatif, avec d'autres projets existants, pourrait faire en sorte que, là, un
instant, il faut peut-être se poser une question par rapport à nos cibles, par
rapport à la politique énergétique, par rapport aux autres instruments que nous
avons pour lutter contre les changements climatiques... Alors, c'est l'idée de
bien analyser en amont, comme je le disais. Mais il est possible qu'un projet,
à sa face même, puisse paraître à tout autre aspect comme présentant des
risques faibles, négligeables, mais que, lorsqu'on considère le test climat,
bien là, un instant, peut-être qu'il faut regarder ça plus en profondeur, et
donc le ministre aurait le pouvoir de forcer une évaluation plus exigeante.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Merci.
Journaliste : Dans la même
veine, M. le ministre, justement, sur ce test climat, est-ce que la réussite ou
l'échec de ce test, finalement, donne un levier pour le ministre de bloquer ou
d'approuver un projet? C'est-à-dire, quel est le poids du test climat dans l'évaluation
globale qu'on va faire d'une demande?
M. Heurtel : Bien, j'hésite à
employer les termes que vous employez. Ce n'est pas une question de bloquer ou
pas un projet. La question, c'est, lorsqu'il y a un projet qui est déposé, de
s'assurer de travailler avec le promoteur du projet le plus en amont possible
pour déterminer puis faire l'analyse complète des impacts au niveau des GES à
la lumière de ce que nous avons maintenant. Regardez, par exemple, il y a deux
ans, on n'avait pas une cible de 37,5 % de réduction pour 2030. On n'avait
pas non plus signé l'Under 2 MOU, qui nous engage à une réduction de
80 % à 95 % pour 2050. Il n'y avait pas eu le traité de Paris. Il
faut considérer ça aussi à la lumière de la politique énergétique, le plan
d'action sur l'électrification des transports, notre stratégie gouvernementale
sur le développement durable. Alors, tous ces éléments-là, puis il y en a
d'autres, là, il faut être capable de regarder un projet à travers le prisme de
ces divers éléments là et se poser la question dès le départ : Est-ce que
ce projet-là s'inscrit dans une démarche qui respecte tous ces éléments que je
viens de vous donner et possiblement d'autres?
Et là c'est de demander au promoteur du
projet, de dire : Bon, bien, avez-vous regardé d'autres types de
technologie? Est-ce qu'il y a d'autres façons de faire qui sont peut-être moins
polluantes et sont moins émettrices de GES? Est-ce qu'il y a d'autres façons de
regarder ça? Puis comme je vous disais, encore une fois, un des problèmes qu'on
a vus, puis c'est des projets dont nous avons discuté au cours des deux
dernières années, entre autres, à bien des égards, si on avait eu ces
pouvoirs-là et cette façon de faire là, peut-être qu'on regarderait des projets
plus tôt plutôt qu'après un processus puis là dire : Aïe!, revenir à
reculons, bien, on aurait peut-être dû... est-ce qu'on a considéré... Non,
c'est de commencer dès le départ, de mettre sur la table la question des GES.
Journaliste : Et
permettez-moi de vous poser la question très précisément : Est-ce que le
ministre de l'Environnement ou le ministère de l'Environnement aura le pouvoir
de bloquer un projet qui ne satisfera pas les exigences du test climat?
M. Heurtel : Bien, le test
climat n'est pas conçu pour bloquer. Le test climat est conçu comme étant une
composante de l'analyse globale du projet. Alors, ça va faire partie... Alors,
si l'autorisation n'est pas donnée par le ministère de l'Environnement pour un
projet — parce que c'est ça, le ministère de l'Environnement, il
autorise ou il n'autorise pas des projets — alors si le projet n'est
pas autorisé — ça, il faut regarder ça cas par cas — est-ce
que la composante GES sera prédéterminante? Possiblement que oui. Mais ça va
être un élément qui va faire partie de l'évaluation maintenant, davantage en
amont que ce que c'est maintenant.
Journaliste : Un des
objectifs du projet de loi, et vous l'avez dit d'entrée de jeu, c'est
d'élaguer, de simplifier et d'accélérer le processus, là, pour les promoteurs
qui souhaitent faire approuver un projet. Mais, en imposant un test climat…
Spontanément, je peux penser à plusieurs situations, par exemple la
construction d'un quartier dans une ville de banlieue, où, finalement, un projet
en apparence un peu anodin a des incidences potentiellement importantes sur le
climat. Donc, en imposant ce test climat, ne craignez-vous pas que ça ait pour
effet de multiplier le nombre d'évaluations environnementales au ministère?
M. Heurtel : Je comprends
votre question, puis ce point-là a été soulevé d'ailleurs en commission
parlementaire. Quand on a fait la commission parlementaire sur le livre vert,
on a parlé du test climat, puis cette préoccupation-là a été soulevée. Notre
objectif ici, ce n'est pas d'alourdir, c'est de commencer la réflexion le plus
tôt possible et de l'intégrer au projet. Et, si on regarde ça, puis si vous
avez regardé, si vous êtes familiers, familières avec les processus
d'autorisation environnementale, là où le plus de temps se perd, c'est dans un
va-et-vient perpétuel de questions-réponses, questions-réponses suite au dépôt
du projet. Ou, par exemple, des questions qui sont soulevées plus tard, une
fois que le projet est presque cristallisé. Prenez Port-Daniel, par exemple,
où, là, la question des gaz à effet de serre a éclaté après l'analyse qui a été
faite par le ministère de l'Environnement.
Imaginez, si on a, justement, un test
climat au départ, on peut regarder les alternatives, on peut tout de suite
poser ces questions-là au point de départ puis peut-être perdre beaucoup moins
de temps que normalement on en perdrait si, justement, on y va au
compte-gouttes à travers toute la durée de l'évaluation environnementale ou du
processus d'autorisation environnementale.
Journaliste
: Mais le
test climat ne permettrait pas de bloquer un projet, de toute façon…
M. Heurtel : Mais ça peut être
une composante. C'est parce que… Je comprends ce que vous essayez de me faire
dire, mais je ne peux pas répondre à votre question parce que, ça, c'est un
élément qu'on ajoute à l'évaluation globale d'un projet.
Journaliste
: Et
d'analyse au complet.
M. Heurtel : Alors, c'est une
grille d'analyse. Alors, ce n'est pas de dire : Il y a un test climat. Si
vous le passez, vous avez votre CA; si vous ne le passez pas, vous coulez, vous
ne l'avez pas. Ce n'est pas ça. C'est de dire, dès le départ… c'est d'intégrer
cette analyse-là, une grille d'analyse beaucoup plus détaillée pour justement
qu'on n'ait pas à soulever ces questions-là plus tard. Et ça permet justement à
un promoteur de savoir à quoi s'en tenir dès le départ et de peut-être trouver
des solutions plus tôt, plus rapidement.
Journaliste
:
Pardonnez-moi, je vais profiter grossièrement du fait qu'on est seulement trois
journalistes, ça fait que je vais peut-être vous poser une autre question, si
vous permettez.
M. Heurtel : Ça ne vous arrête
pas, même s'il n'y a pas beaucoup de journalistes.
Journaliste
: Est-ce
que...
M. Heurtel : Ça ne vous a
jamais arrêté auparavant.
Journaliste
: Peut-être
pas, mais maintenant j'ai un bon prétexte. Est-ce que... comment dire... Je
reviens à ma question précédente, c'est-à-dire : Ne convenez-vous pas que
plusieurs projets qui ne faisaient pas l'objet d'une évaluation
environnementale vont peut-être devoir le faire, maintenant qu'il y a un
projet, un test climat...
M. Heurtel : Non, parce que
tous ces...
Journaliste
: ...et, si
oui, combien exactement?
M. Heurtel : Non, tous ces
projets-là faisaient l'objet d'une évaluation environnementale. Je veux dire,
il n'y a pas un projet qui n'était pas soumis à un processus d'évaluation
environnementale qui là, tout à coup, va le devenir.
Journaliste
: D'accord.
D'accord.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...question. Le ministère pourrait refuser de donner son feu vert à un projet
en mentionnant qu'il a échoué le test climat?
M. Heurtel : L'évaluation des
GES va faire partie des composantes d'analyse d'une demande d'autorisation
environnementale.
M. Lecavalier (Charles) : Moi
aussi, j'ai une précision. Vous dites qu'un projet qui a un risque négligeable,
le ministre aura le pouvoir d'en faire l'analyse comme s'il y avait un risque
élevé, s'il considère que le contexte le demande.
M. Heurtel : ...
M. Lecavalier (Charles) : Est-ce
que l'inverse peut être vrai? Est-ce qu'un projet qui rentre dans la catégorie à
risque élevé, le ministre aura le pouvoir de déterminer qu'il n'y aura pas
d'analyse?
M. Heurtel : Non. Non. Il n'y
a pas ce... Ce n'est que vers le haut que ça va, pas vers le bas. L'ascenseur
ne va que vers le haut.
Le Modérateur
: Pas de
question ici? Merci beaucoup à tous.
M. Heurtel : Merci beaucoup,
messieurs.
Le Modérateur
: Merci,
mesdames.
M. Heurtel : Mesdames, merci.
(Fin à 16 h 20)