(Treize heures cinq minutes)
M. Khadir
: Alors,
bien, bonjour. Merci. On a appris dans les dernières minutes que le ministre
Daoust s'apprête à reculer, et je pense que c'est tout à fait inadmissible, sur
Uber, le projet de loi qu'on attend depuis plus d'un an et demi sur le taxi,
pour lequel il y a eu trois consultations. Enfin, avec ce qui s'en vient, je
pense que, là, il y a quelque chose d'intolérable de voir ce gouvernement
tergiverser de manière aussi, je dirais... Je ne veux pas utiliser de gros
mots, mais c'est vraiment minable pour l'image que ça donne du gouvernement du
Québec d'être aussi perméable aux lobbys qui viennent des multinationales. En
plus, on parle d'une entreprise qui repose sur la fraude. Uber repose sur la
fraude et l'évasion fiscale, et le gouvernement est en train de changer le résultat
d'une longue réflexion, à de multiples reprises renouvelée, dans laquelle on a
dit : Il faut qu'Uber fasse comme tout le monde et obéisse aux lois.
Si le gouvernement cherche des projets
pilotes, l'industrie du taxi en a plusieurs pour intégrer de manière moderne
l'ensemble des services de transport et de mobilité durable entre taxis, entre
Communauto, covoiturage et transport public. Il y a déjà un projet en
gestation, sur lequel je pourrai vous revenir plus tard. En tout cas, pour
nous, c'est intolérable. Le gouvernement ne devrait pas plier comme ça, et ce
n'est pas le temps de changer les choses. Moi, je pense que, si le gouvernement
veut s'acheter du trouble dans les prochaines semaines, c'est la meilleure
chose à faire, c'est de donner encore à Uber la chance de faire une concurrence
déloyale à des gens, les artisans du taxi, qui respectent la loi.
Deuxième chose, le rapport de la
Vérificatrice générale, la semaine passée, on y a accordé peu d'attention parce
que notre attention était tournée vers le ministère des Transports, mais la
Vérificatrice générale a attiré notre attention sur le fait... à quel point nos
subventions sont mal évaluées, on évalue mal les retombées économiques. Quand
il s'agit de donner notre appui, d'aider des milliardaires, le gouvernement,
très rapidement, agit et, en fait, fait n'importe quoi avec l'argent des
contribuables, alors qu'il dit en même temps qu'il n'a pas d'argent pour donner
deux ou trois bains à nos personnes âgées ou à nos malades dans les CHSLD. Et
je pense que la formule 1, c'est la meilleure illustration de la mauvaise
utilisation des fonds publics par le gouvernement pour aider les milliardaires
et les grandes compagnies. On apprend que c'est moitié moins de ce que ça avait
été miroité, qu'on avait fait miroiter.
Alors, nous, on demande, aujourd'hui même,
par motion à l'Assemblée nationale que le gouvernement aille recouvrir les
subventions accordées en trop à M. Ecclestone, un milliardaire, pour un
événement qui, d'ailleurs, sur le plan social, est très questionnable.
M. Gentile (Davide) : Donc,
vous pensez, en fait, que les retombées de la formule 1 ne valent pas la peine
ou vous pensez qu'on n'en a pas pour notre argent, compte tenu de ce que l'on
verse directement et indirectement?
M. Khadir
: Il y a déjà
cinq ans, Québec solidaire, on a dit : La formule 1, là, vraiment, c'est
un événement d'un autre siècle. On a besoin de quelque chose de moderne. À
quand un événement alentour, par exemple, de la voiture électrique pour
encourager des moyens de transport modernes? En plus, la formule 1, vous savez
que c'est une véritable foire à l'exploitation sexuelle, comme on l'a appris au
cours des derniers mois. Donc, ce n'est pas exactement le genre d'événement que
nous, nous souhaitons favoriser. Mais, pour un gouvernement qui ne regarde pas
ces affaires-là et qui ne pense qu'à des retombées économiques quels que soient
les événements, au moins, le gouvernement devrait regarder qui est-ce qu'il
aide puis à quelle hauteur. Et je pense que ça ne mérite certainement pas,
devant un Bernie Ecclestone arrogant, devant un Bernie Ecclestone qui fait du
chantage non seulement au Québec, mais partout dans le monde pour obtenir ce
qu'il veut... Moi, je pense que ça suffit, il faut qu'on se respecte un peu.
C'est un peu le même topo qu'avec Uber,
hein? Nos gouvernements montrent une faiblesse. Vraiment, c'est pitoyable, la
manière dont les gouvernements se comportent devant des grandes entreprises,
des grandes corporations, les hommes riches et puissants. Et, nous, ce qu'on
dit, c'est que ça ne vaut certainement pas la peine, même dans la logique
défaillante du gouvernement qui ne pense qu'à des retombées économiques. Très clairement,
si les retombées économiques ont été de moitié, ça veut dire que, si on
respecte les mêmes barèmes que le gouvernement, on a donné deux fois trop.
M. Gentile (Davide) : On donne
à peu près, il me semble, 10, 15 millions, là, de mémoire. Donc, vous
pensez...
M. Khadir
: C'est 10,
15 millions, ça veut dire... c'est deux fois trop. De toute façon, comme
je vous dis, nous, on ne souhaite pas favoriser ce genre d'événement. Moi,
j'aimerais mieux que cet argent soit utilisé pour soutenir les événements
culturels : notre théâtre, la musique, le sport amateur. Mais, comme c'est
le gouvernement libéral et ce n'est pas Québec solidaire, au moins, le gouvernement
libéral devrait agir avec un minimum de rigueur. Quand il s'agit de
subventionner des régions et des services publics, le gouvernement parle de
rigueur, mais on apprend que, quand il s'agit des milliardaires, il n'y a
aucune rigueur. En fait, on jette par la fenêtre l'argent des Québécois.
M. Gentile (Davide) :
Pensez-vous que Montréal pourrait se passer du Grand Prix de formule 1?
M. Khadir
: Montréal? Bien
sûr que Montréal... S'il y a une ville en Amérique, dans le monde, qui peut se
passer de formule 1, à mon avis, c'est Montréal. Nous avons une expertise dans l'organisation
d'événements culturels de toutes sortes. Moi, je pense que cet argent investi
dans le privé pourrait avoir des retombées beaucoup plus importantes si on le
donne à plusieurs événements qui sont localement enracinés.
Maintenant, s'il y a des riches qui ne
savent pas quoi faire de leur argent, si Bernie Ecclestone, un milliardaire, a
de quoi convaincre des organisateurs d'un événement à Montréal, bien, qu'ils le
fassent mais à leurs frais. Pourquoi est-ce qu'on gaspille l'argent des Québécois,
alors qu'on n'a même pas d'argent pour payer pour trois bains par semaine dans
nos CHSLD?
M. Gentile (Davide) : Dernière
question puisque... Voilà, on a peut-être un peu de temps. Quand vous dites, par
rapport à Uber : Le gouvernement plie, qu'est-ce qui vous amène... Je ne
sais pas si vous pouvez préciser un peu votre pensée là-dessus.
M. Khadir
: Bien, il
est clair qu'Uber dispose d'un pouvoir de persuasion. C'est une entreprise qui
repose sur une fraude milliardaire. C'est des milliards de dollars d'argent
qu'on siphonne. Bon, ça lui donne énormément de moyens et du lobby, du pouvoir
de persuasion. La CAQ agit comme lobby, mais il y a aussi les jeunes libéraux,
qu'on n'a pas entendus, hein? Rappelons-le, ça fait cinq ans, six ans qu'on
parle de la corruption dans l'octroi de contrats publics, on n'a jamais entendu
les jeunes libéraux s'émouvoir, faire quelque chose, dans leur parti, pour que
les choses changent. Mais tout d'un coup, quand il s'agit d'Uber, une
entreprise frauduleuse qui déclare ses profits ailleurs qu'au Québec, là les jeunes
libéraux ont réussi, à cause de la faiblesse du ministre Daoust, de convaincre
probablement le premier ministre de reculer. Et nous, on dit : Les chauffeurs
de taxi, ce n'est pas leur faute. Le prix de la faiblesse du ministre Daoust ne
doit pas être payé par les artisans du taxi de Montréal et de Québec. Voilà.
Merci.
(Fin à 13 h 12)