(Treize heures trente et une minutes)
Mme Lamarre : Bonjour. Je suis
aujourd'hui en compagnie d'Amir Khadir et également de M. Lacharité, vice-président
de la CSN, Mme Mélissa Gaouette, vice-présidente de la FSSS-CSN, et de Mme
Nancy Corriveau, vice-présidente, FP-CSN.
Ce qui nous amène et ce qui nous réunit aujourd'hui,
c'est la grande préoccupation qu'on a par rapport au transfert des
professionnels des CLSC vers les GMF. On en a déjà parlé, mais là ça devient
une réalité : 1er juin. On se réjouit, au moins, de voir que certains
P.D.G. de CISSS et de CIUSSS ont réussi à faire entendre leur voix et à
exprimer ce qui était indispensable pour la protection des citoyens. On salue
donc les P.D.G. de l'Outaouais, Montérégie qui ont reporté à l'automne, Nord-de-l'Île-de-Montréal
qui a reporté d'un an, Québec—Chaudière-Appalaches et Estrie qui disent qu'ils
vont le faire dès que possible, mais pas au 1er juin.
Alors, c'est une précipitation volontaire
qui créé énormément d'ambiguïtés, de remous dans le système. Mais le précédent
dans cette mesure, c'est que, directement, cette mesure-là amène un bris de
services, une diminution d'accès à des citoyens qui en avaient déjà auprès de
travailleurs sociaux, de psychologues qui les suivaient dans des CLSC. Alors,
dans les CLSC, on a des gens actuellement, des milliers de personnes qui sont
suivies par un travailleur social et un psychologue et le ministre dit :
Écoutez, vous, là, vous déménagez, j'ai besoin de vous dans les GMF. On n'est
pas contre avoir des travailleurs sociaux, des psychologues dans les GMF, mais
pas au détriment des services essentiels qui sont offerts actuellement à des
citoyens qui en ont besoin, à des usagers qui en ont besoin et à des patients
qui en ont besoin.
Alors, ce précédent du ministre est très
préoccupant. Moi, je crois que c'est vraiment une mesure qui mérite d'être
surveillée de très près. De plus, on l'a dit, mais les services psychosociaux
ne sont pas nécessairement toujours des services de santé. Alors, pourquoi
forcer ces gens-là à passer à travers le processus médical du GMF, alors que,
dans certains cas, les besoins des gens ne sont pas du tout reliés à des
problèmes de santé, mais sont strictement reliés à des problèmes sociaux? Je
prends comme exemple, dans ma circonscription, il y a eu un incendie, Terrasse
Turgeon, il y a trois semaines. Les gens ont vraiment besoin d'un travailleur
social pour se réorganiser, mais pas nécessairement de voir un médecin dans un
GMF.
Alors, pourquoi forcer ce déplacement de
personnel? Pourquoi surtout favoriser un modèle dans lequel, on le sait, il y a
de l'argent supplémentaire qui est donné avec le transfert de ces professionnels-là?
Alors, c'est une forme de transfert d'argent du public vers le privé. Donc, je
pense qu'il y a vraiment à surveiller énormément. Je veux également attirer
l'attention sur le fait que, dans cette portée de privatisation, là, le projet
de loi du ministre, sur les trois cliniques privées, qui a été publié dans la Gazette
officielle, dans les échanges qu'on avait avec le ministre, il avait prévu
une marge de crédit... une marge de profit, pardon, une marge de profit pour
les cliniques privées, et, en discutant, il avait dit : Ah, ce sera un
maximum de 10 %. Eh bien, la lecture attentive de la publication dans la Gazette
officielle nous montre que le ministre n'a pas précisé un maximum pour la
marge de profit, et donc il va permettre des marges de profit, actuellement
très, très questionnables, sur ces trois cliniques privées là. Alors, il a
refusé d'inclure un maximum dans son projet de loi.
Alors, ça traduit encore une forme de
privatisation, mais vraiment toujours appelée sous d'autres vocables. Alors, je
laisse la parole à Amir.
M. Khadir
: Je n'ai
d'autre mot à dire que d'affirmer que le ministre actuel de la Santé du Québec,
M. Gaétan Barrette, avec la complicité du premier ministre du Québec, Philippe
Couillard, de manière vicieuse et sournoise et malhonnête, sont en train de
privatiser le système de santé public. L'ordre donné par Gaétan Barrette à des
établissements publics de détourner des ressources qui appartiennent au réseau
public pour les mettre au service de GMF, dont les plus importantes au
Québec... Je rappelle les GMF, là, les plus importantes sont de propriété de
grands fonds d'investissement privés. Un de ces fonds-là, c'est Medisys, que le
premier ministre actuel du Québec, Philippe Couillard, a déjà servi comme
conseiller lorsqu'il a quitté la politique. Ce gouvernement, son premier
ministre et le ministre actuel de la Santé sont en conflit d'intérêts dans ces
décisions qu'ils prennent, qui ni plus ni moins consistent à dépouiller le
réseau public pour donner des ressources, qui appartiennent au réseau public de
la santé, entre les mains d'investisseurs ou de certains médecins qui sont plus
des hommes d'affaires que des médecins au service de la santé de la population,
qui veulent faire du profit sur le dos de notre réseau public et de
l'accessibilité de nos gens à des services de santé.
J'en appelle à tous les administrateurs du
réseau, à l'exemple de certains qui se sont manifestés depuis une semaine, j'en
appelle à ces administrateurs à courageusement résister devant ce diktat venant
de Gaétan Barrette. On a besoin du courage de nos personnels, de nos
administrateurs pour empêcher que Philippe Couillard et Gaétan Barrette
réussissent leur opération de privatisation du système de santé du Québec.
M. Lacharité (Jean) : Merci.
Alors, bonjour, tout le monde. Jean Lacharité, je suis vice-président de la CSN.
On représente des centaines pour ne pas dire des milliers de travailleuses et
de travailleurs dans ce secteur-là. Alors, ça a été dit autant par Mme Lamarre
que par M. Khadir, on assiste actuellement véritablement à une opération de
privatisation du réseau de la santé et des services sociaux, et l'exemple du
transfert des travailleuses et des travailleurs sociaux des CLSC vers le GMF,
et des psychologues, et après ça, ce sera d'autres professionnels qui seront
transférés, ce que ça a pour effet, c'est de vider la substance des services à
l'intérieur des établissements publics que sont les CLSC, qui sont un fleuron
de la première ligne de services au Québec, pour les transférer vers des
groupes privés de médecine familiale dont les cliniques ne sont pas toujours
possédées par des médecins, hein, parfois ce sont des fonds d'investissement
privé, des hommes d'affaires qui se rendent propriétaires de ces cliniques-là. Et
l'effet direct, c'est... Le ministre a beau dire que le financement reste
public. Oui, le financement reste public, mais ce que M. Barrette est en train
de faire, avec l'accord de M. Couillard, premier ministre, c'est de privatiser
l'organisation et la dispensation des services avec un financement public.
Donc, c'est une forme de subvention, à partir de deniers publics, à des
intérêts privés. C'est ça qu'il est en train de faire dans le réseau.
Et que va-t-il arriver aux clientèles
vulnérables qui ont accès aux travailleurs sociaux, aux psychologues pour
l'aide psychosociale, pour le secours psychosocial dans les CLSC? Parce qu'on
nous dit, et le ministre l'a affirmé à maintes reprises : Il n'y aura pas
de remplacement de ces travailleuses et travailleurs là, qui seront transférés.
Ils vont se retrouver à vide, sans service, parce que ce sont des gens qui, de
façon très générale, n'ont pas accès aux groupes de médecine familiale, ce sont
des gens qui vivent des problèmes de toxicomanie, de santé psychologique, des
personnes âgées qui ont des problèmes cognitifs. Alors, ils vont se retrouver
le bec à l'eau, sans service, c'est ça qui va arriver. Et ça, ça va entraîner
des coûts sociaux énormes, parce qu'on le sait, hein, quand on n'a pas accès à
un service suffisamment rapidement quand on est un citoyen vulnérable, bien on
va se retrouver à l'urgence éventuellement puis on va se retrouver dans le
milieu hospitalier. Alors, ça n'a aucun sens.
L'autre élément que je veux mentionner
très rapidement, c'est que c'est une attaque fondamentale à l'autonomie
professionnelle de ces professionnels, parce qu'actuellement ils ont pleine
autonomie professionnelle à l'intérieur du CLSC, ils peuvent recevoir
directement un usager ou une usagère qui a des problèmes sociaux sans que cette
personne-là soit obligée de passer par un médecin de famille. Mais là ils vont
être sous la direction des médecins dans le GMF, donc c'est une atteinte à leur
autonomie professionnelle.
Je conclurais en disant que M. Barrette n'est
pas un ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Barrette est un
ministre des médecins, pour les médecins au Québec, et des médecins profiteurs
qui profitent du régime, et qu'il est en train de subventionner carrément, avec
les deniers publics, des organisations privées. Alors, voilà, je vous remercie.
Mme Corriveau (Nancy) : Nancy
Corriveau, de la Fédération des professionnèles. Beaucoup de choses ont été
dites. Moi, ce que je veux vous dire, c'est que la responsabilité du ministre
de la Santé et des Services sociaux, c'est de répondre aux besoins de la population.
Les CLSC sont une formule qui fonctionne, éprouvée. Les travailleurs sociaux
ont déjà la possibilité de référer aux médecins. Toute la gamme de services est
présente. Ils sont près des gens, c'est près de leur milieu, il y a une grande
couverture des CLSC partout à travers la province. Alors, de déplacer les
ressources, pour nous, ça ne fait aucun sens. Et, à la CSN, pour nous, c'est important
de se faire la voix de ces personnes-là les plus démunies, parce qu'on parle de
gens qui ne peuvent pas aller au privé, qui sont inondés de problématiques et
qui n'ont pas nécessairement la possibilité de se mobiliser. Alors, c'est pour
ça que nous, à la CSN, avec le Parti québécois, on a décidé de lancer une
pétition, puis c'est l'appel, je vais terminer avec cet appel-là, j'appelle...
Je remercie aussi la sagesse des P.D.G. qui ont reporté, j'appelle les autres à
également faire preuve de sagesse et, particulièrement, j'en appelle au
ministre de la Santé, Gaétan Barrette, de tenir compte des besoins de la
population et non pas d'avoir une logique financière. Alors, nous, on va
continuer de faire nos représentations tant et aussi longtemps que le moratoire
ne sera pas chose faite partout.
Mme Gaouette (Mélissa) :
Donc, Mélissa Gaouette. Je voulais saluer le courage des travailleurs sociaux,
actuellement, qui sont très actifs sur le terrain, qui ont fait signer
activement la pétition demandant le moratoire. Pourquoi ils font ça? C'est
qu'ils vivent quotidiennement les impacts de ces décisions-là du ministre.
J'ai rencontré des gens hier de la région
de Montréal, du CSSS Lucille-Teasdale, qui racontaient qu'il va y avoir des
transferts qui risquent de s'opérer à partir du 20 juin, et l'employeur ne sait
pas encore quels vont être les impacts sur les services, mais ils annonçaient
qu'il pourrait y avoir des coupures de service de garde, des services
psychosociaux le soir dans ce CLSC-là, ce qui impliquerait que les gens qui se
présentent, qui sont en crise, qui viennent de perdre un proche, quelqu'un
désorganisé, bien peut-être qu'il va falloir appeler les policiers pour
intervenir, alors qu'il pourrait y avoir un service psychosocial de mis en
place.
Les employeurs, ils ont eu le courage
politique de demander un certain délai pour voir l'impact. Je demande au
ministre d'avoir le même courage politique de mettre en place le moratoire, de
prendre ce courage-là, au lieu de délaisser cette décision-là aux employeurs
des différents CIUSSS. Prenons le temps d'évaluer vraiment l'impact de cette
décision-là, qui est assez majeure. Il y a eu beaucoup de signataires de
pétition en très peu de temps. Il va y avoir un impact majeur. Il peut y avoir
des décès, il y a des gens suicidaires qui vont être livrés à eux-mêmes. Il
faut absolument qu'il y ait un moratoire de mis en place le temps de prendre
une décision éclairée dans ce dossier-là. Merci.
M. Caron (Régys) : Une
question. À vous entendre, c'est une mauvaise décision. Pourquoi demander un
moratoire et non pas l'arrêt complet des procédures dans cette affaire-là?
Mme Lamarre : En fait, on
n'est pas contre le fait que, dans certains GMF, dans certains secteurs, il y
ait une pertinence d'avoir un travailleur social. Ça se peut dans certains
endroits. Ce qui est dénoncé, c'est le transfert massif, sans évaluation
d'impact entre ce qu'on fait perdre aux CLSC, des travailleurs sociaux qui ont
déjà des patients à leur charge, pas de plan de transition.
Une application drastique en date du 1er
juin, c'est complètement déconnecté des besoins de la population. C'est
vraiment, vraiment complètement déconnecté. Et la proportion qui quitte les
CLSC pour s'en aller dans les GMF, ce n'est pas l'esprit dans lequel ça avait
été fait. Ce qui a été fait, moi, j'ai participé au tout début des travaux des
GMF au début des années 2000, 2003, là, et ce qui était convenu, c'est qu'il y
aurait éventuellement des travailleurs sociaux dans les GMF, mais pas
nécessairement déshabiller les CLSC, priver des citoyens qui ont déjà des
besoins actuellement pour les déplacer, et surtout pas non plus créer un modèle
avec une cascade d'autorité qui n'est pas le modèle d'une vraie
interdisciplinarité. Parce que c'est ça qu'on a entendu, là. C'est que c'est le
médecin qui va assigner les patients que le travailleur social va voir
dorénavant dans le GMF. Donc, le travailleur social perd son autonomie, comme
le disait M. Lacharité, au niveau de la possibilité d'accueillir directement
des patients et des citoyens.
M. Caron (Régys) : Vous avez
dit, Mme Lamarre, que là il y a des gens qui vont dans les CLSC, qui sont rencontrés
puis ils n'ont pas besoin de voir un médecin...
Mme Lamarre : Oui.
M. Caron (Régys) : ...et là
ils vont devoir rencontrer un médecin pour voir un travailleur social?
M. Khadir
: Bien sûr.
La vaccination, il y a une foule... En fait, là...
M. Caron (Régys) : Donc, ça
va coûter... Donc, ça va coûter plus cher, là, il y aura des actes...
Mme Lamarre : Oui, ça va
coûter plus cher.
M. Khadir
: C'est déjà
en action depuis de nombreuses années malheureusement.
M. Caron (Régys) : Comment vous
dites, M. Khadir?
M. Khadir
: C'est le
genre de choses qui se produit. Donc, c'est ce qui distingue un peu une variété
d'opinions ici. Pour nous, le modèle des GMF est un modèle défaillant, c'est un
modèle qui représente tous les désavantages d'un système privé en donnant à
ceux qui en profitent tous les avantages du système public, c'est-à-dire
drainer des fonds publics, gérer ça comme privé, au détriment des fonds
publics.
Un exemple. Le mode de fonctionnement de
ces GMF donne tout le pouvoir aux actionnaires, aux détenteurs. Donc, il y a
des médecins qui ont même été tassés et remerciés de leurs services, virés,
dans certains GMF dont le contrôle a été pris par des fonds d'investissement,
parce qu'ils refusaient, par exemple, d'accepter la ligne de conduite qui
consistait à dire que le deuxième élément de consultation, il fallait que la
personne revienne pour charger une autre visite. Comme médecin responsable,
moi, si quelqu'un vient dans mon bureau et a un problème d'infection aux pieds
puis qu'en même temps il a un rhume, je ne lui dirai pas : Bien, reviens
pour ton rhume parce que je veux te facturer une deuxième fois, là. Mais,
malheureusement, il y a des GMF qui procèdent comme ça.
Les GMF, c'est la porte ouverte aux frais
accessoires. Les GMF, c'est la porte ouverte à toutes les dérives qu'on a
connues au cours des dernières années dans la privatisation du système de
santé. Alors, pour nous, vous avez raison, en fait, une demande que fait la CSN
raisonnablement, c'est un moratoire, mais c'est sûr que, si on examine les
conséquences de l'implantation des GMF au Québec, maintenant, là, qu'on a un
recul depuis près de 15 ans, depuis 2002 que ça a été introduit, bien on
se rend compte que c'est une grave erreur qui a préparé le terrain à ce genre
de manoeuvres malhonnêtes, vicieuses de la part du gouvernement Couillard et
Barrette, de privatiser le système de santé au service de ceux pour qui
travaillait M. Couillard auparavant, des Medisys de ce monde.
M. Caron (Régys) : Alors,
vous avez utilisé des mots très durs, là, «malhonnêtes», «vicieuses»,
M. Lacharité...
M. Khadir
: Bien,
c'est malhonnête parce que ça ne se dit pas...
M. Caron (Régys) : ...parlait
de médecins profiteurs. On est vraiment devant une arnaque? C'est ça qu'on
entend, M. Lacharité?
M. Lacharité (Jean) : Absolument.
Moi, je pense qu'il y a... Ce n'est pas tous les médecins, là, je ne veux pas
généraliser, mais il y a un certain nombre de médecins qui profitent énormément
du régime. Vous avez vu la facture gonfler, là, des paiements à l'acte
dernièrement? Et je rappelle qu'à la création du régime d'assurance maladie il
y avait 500 codes de facturation. Savez-vous à combien de codes on est
rendus? 11 000 actuellement. Alors, il y a un certain nombre de médecins
qui profitent énormément du régime. Et un des problèmes, c'est la rémunération
à l'acte, mais qui ne génère que du volume. Ça encourage les médecins à faire
du volume, la rémunération à l'acte. Alors, ils ont tous les outils entre les
mains pour gonfler leur rémunération.
Moi, je veux une... On demande un
moratoire parce qu'on veut une évaluation notamment sur trois aspects :
sur la question d'autonomie professionnelle de ces professionnels visés par les
transferts; sur la question des services à la population pour les citoyennes et
citoyens vulnérables dans les CLSC, hein, sur la qualité des services ou la
perte de services; et une évaluation des coûts également. Parce qu'en plus, le
ministre, il subventionne les GMF pour recevoir les travailleuses sociales ou
les psychologues jusqu'à un montant pouvant aller jusqu'à 22 000 $
par année pour les installer dans les locaux. Donc, il prend des deniers
publics pour subventionner directement le GMF, en plus de la rémunération à
l'acte que les médecins vont charger. Alors, ça n'a pas de maudit bon sens.
Donc, il faut qu'il y ait une évaluation
de l'ensemble de ces impacts-là, puis on verra aux conclusions. Moi, je pense
qu'on va se retrouver avec une décision très malavisée en vidant les CLSC des
professionnels.
M. Caron (Régys) : Il y a
combien de signatures sur votre pétition?
M. Lacharité (Jean) : On a
près de 10 000 signatures, qu'on a recueillies en quelques…
M. Caron (Régys) : Est-ce que
c'est des usagers, des employés ou…
M. Lacharité (Jean) : Ah!
c'est des usagers, des employés. Et moi, je vous signale également, là, qu'il y
a des ordres de profession, l'ordre des travailleurs sociaux notamment, qui se
sont prononcés très clairement contre cette mesure-là. Il y a des chercheurs
qui se prononcent contre cette mesure-là. Il y a des citoyens et des
citoyennes, des usagers, des usagères. Il y a toute sorte de monde qui a signé.
M. Caron (Régys) : Qu'est-ce
qui vous fait dire, là, que des usagers vulnérables, comme vous avez évoqué,
n'iront pas frapper aux portes des GMF, qu'ils vont rester le bec à l'eau?
M. Lacharité (Jean) : Bien,
c'est parce que, bon, ce sont des citoyens qui sont souvent plutôt
désorganisés. Alors, pour avoir accès au GMF, il faut que tu sois inscrit au
GMF, il faut que tu aies accès à un médecin de famille. Ces gens-là, je ne
pense pas qu'ils vont faire cette démarche-là, là.
M. Caron (Régys) : Ils ne
sont pas qualifiés pour ça?
M. Lacharité (Jean) : Bien,
c'est des gens qui ont des problèmes de toxicomanie graves, des gens qui ont
des problèmes de santé psychologique graves, des personnes âgées, là, qui sont
laissées à domicile sans soins à domicile suffisants, qui ont des problèmes
cognitifs. Comment pensez-vous qu'ils vont aller s'inscrire dans un GMF?
M. Khadir
: Bien, en
fait, je mets au défi le ministre de me montrer un GMF qui s'occupe de ces
patients-là, de cette — entre guillemets — clientèle
toxicomane, aux multiples comorbidités. Et les seuls GMF qui le font, vous
savez c'est lesquels? C'est les GMF qui sont devenus GMF par la force des
choses, parce que c'était des CLSC, et les médecins, pas fous, se sont aperçus
que le CLSC ne recevait pas les fonds nécessaires. Ils se sont transformés en
GMF pour avoir droit à certains fonds pour mieux fonctionner. C'est les seuls
qui s'occupent des clientèles vulnérables de cette nature, que vient de dire M. Lacharité.
Il n'y en a aucun. Je mets au défi le ministre de nous en nommer juste un, un
seul au Québec qui s'occupe de clientèles qu'on appelle dans le réseau
«multipoquées».
Mme Gaouette (Mélissa) :
Parce qu'à ce moment-là… À l'accueil psychosocial, c'est un service sans
rendez-vous, les gens se présentent pour différentes raisons, et on les réfère
vers le médecin quand il y a des besoins. Mais je vous dirais, là, c'est à peu
près 20 % des gens qui ont besoin de consulter un médecin. Donc, je
transfère des ressources vers le médecin, où la personne va devoir consulter le
médecin, alors qu'elle se présentait sans rendez-vous. Et il faut qu'elle ait
accès au médecin parce que, quand elle consultait à l'accueil psychosocial,
parfois il n'y avait pas de médecin, et on installait un système de suivi pour
pallier en attendant. Donc, c'est un service…
M. Caron (Régys) : ... 20 %
de la clientèle des CLSC...
Mme Gaouette (Mélissa) :
C'est ça qu'il faut étudier, mais, quand j'ai travaillé à l'accueil
psychosocial, c'était deux clients, deux personnes qui consultaient sur 10 qui
avaient besoin de consulter un médecin. Le restant, je pouvais référer vers une
infirmière, en suivi psychosocial, vers une ressource communautaire. Donc,
c'est une minorité. Et je ne transfère pas en fonction des besoins de cette
minorité-là, je transfère en fonction des besoins du GMF.
M. Caron (Régys) : Donc, on
va ajouter à la charge des médecins, c'est ça que vous me dites?
Mme Gaouette (Mélissa) :
Bien, c'est qu'on transfère... il y avait un service sans rendez-vous, les gens
se présentent, consultent, mais là ils vont devoir consulter un médecin...
M. Khadir
: Je
m'excuse, là. C'est complètement l'inverse. La charge que doivent prendre les
GMF, ce n'est pas de s'occuper des 80 % que vient de décrire madame,
d'accord? Donc, pour les 20 % qu'eux doivent s'occuper, on leur transfère
l'essentiel des ressources qu'il y a dans les CLSC. Vous comprenez? Donc, on
allège leur poids, on alourdit donc forcément le travail des CLSC. On donne
toutes les ressources au GMF qui n'ont pas besoin de voir ces patients-là, là, d'accord?
Et tout ce qui peut arriver, c'est que quelques-uns de ces patients-là aillent
pour rencontrer la travailleuse sociale ou l'intervenante, vont devoir passer
par un médecin qui va facturer l'État, puis ensuite le travail va être refait
par l'autre professionnel. Donc, ça va coûter plus cher, ça va alourdir le
système, ça va diminuer l'accessibilité, ça va alléger le travail de ces
médecins et remplir les poches des investisseurs profiteurs qui ont la propriété
de ces cliniques pour certains desquels a travaillé le premier ministre du
Québec. Je parle de Medisys. M. le premier ministre du Québec aujourd'hui est
en conflit d'intérêts avec ses décisions. Les décisions sont prises au profit
de ceux qui ont payé le premier ministre du Québec il y a moins de 10 ans.
Mme Corriveau (Nancy) :
Peut-être juste un petit complément sur la question des CLSC. Il faut juste
rappeler que les CLSC sont déployés partout dans les régions, donc chaque
personne, chaque citoyen en a un à proximité. Puis c'est souvent, les CLSC, un
service où les gens vont aller pour les vaccins, donc en passant vont voir une
intervenante, peut-être il y aura la possibilité ensuite d'aller à l'accueil
psychosocial. Ça fait que tous les services multidisciplinaires sont déjà
disponibles en CLSC, alors que, dans les GMF, on va choisir des professionnels,
on va les enlever au réseau alors que le CLSC, c'est la Cadillac pour les
services psychosociaux. On ne comprend vraiment pas qu'est-ce qu'il y a derrière
ces transferts-là, en tout cas ce n'est assurément pas une logique pour
répondre aux besoins et aux vulnérabilités des citoyens et des citoyennes.
Mme Lamarre : Parce que la
localisation des CLSC est souvent aussi dans des secteurs qui sont moins
favorisés. Il n'y a que 270 GMF sur tout le territoire du Québec. Mais je vous
dirais...
Une voix
:...
M. Khadir
: 284 points
de service pour à peu près 170 CLSC.
Mme Lamarre : Des CLSC. Mais,
je vous dirais plus que ça. En termes d'accès, non seulement ça ne facilite pas
l'accès, mais ça crée un niveau d'obstacles supplémentaire. Alors, on n'a pas
les moyens d'ajouter des obstacles quand on a un accès qui est déjà laborieux
pour un grand nombre de citoyens. Permettons... Pourquoi il faut toujours que
ce soit le médecin qui soit la seule porte d'entrée dans notre système? C'est
plus difficile, on en manque déjà et ça coûte plus cher.
Des voix
: Merci.
(Fin à 13 h 54)