(Onze heures trente minutes)
M. Khadir
: Je pense
que les faits et la période de questions parlent d'eux-mêmes, c'est-à-dire une
tentative de la part du premier ministre du Québec de se décharger de ses responsabilités,
de se retrancher derrière la culture du secret et la culture du contrôle de
l'information, d'intimidation installée au ministère des Transports, comme si
cette culture-là était le fruit du hasard, comme s'il n'y avait pas une
motivation derrière, comme si en soi ça pouvait disculper le gouvernement, le
décharger de ses responsabilités. Et moi, je trouve désolant pour le Québec qu'encore
une fois un premier ministre libéral essaie de rejeter la faute et d'accabler
un ministère ou des subalternes plutôt que de prendre les responsabilités pour
un gouvernement qui a quand même été au pouvoir, si on commence à calculer
depuis 2013, pour plus de 11 ans durant cette période.
M. Caron (Régys) : M. Khadir,
on parle de culture du secret, d'opacité. Ça a été dit aussi par Mme Boily et
Mme Trudel hier, repris par le premier ministre ce matin. Est-ce que c'est
suffisant pour qualifier la situation au ministère des Transports?
M. Khadir
: C'était
justement mon propos. D'abord, rappelons-nous, Mme Trudel est rentrée en 2014
pour examiner une situation. Qu'est-ce qu'elle constate? Elle
constate — et c'est ce qu'elle nous a dit — une culture
d'opacité et de secret. Ensuite, si on se rappelle, moi, j'ai posé la question,
vous n'étiez peut-être pas là à ce moment-là, minute 90 à peu près de
l'audience, j'ai posé la question : Vous avez parlé d'une culture de
secret, mais est-ce qu'avant la nomination de Mme Savoie vous aviez les mêmes
problèmes? Et elle a clairement stipulé qu'avant elle faisait son travail et
elle avait de l'écoute, elle avait constitué une équipe, elle s'apprêtait à déployer
cette équipe-là et à faire le travail pour lequel elle avait senti le besoin de
même donner une formation juridique particulière pour examiner les contrats
après signature. D'accord? Et c'est là qu'intervient Mme Savoie. C'est là que
Mme Savoie, en fait, obstrue et désorganise cette machine d'enquête et en plus
installe cette culture d'intimidation, de secret, de contrôle de l'information
et qui finit par saboter le travail de Mme Boily.
Donc, oui, il y a une culture de secret et
d'intimidation, mais cette culture-là a une date, une date de resserrement qui
a complètement changé la nature du travail de Mme Boily, et ça a commencé en
2011 lorsque M. Charest a nommé Dominique Savoie sous-ministre.
M. Bellerose (Patrick) : Sur M. Hamad,
est-ce que vous avez l'impression que le rapport du Commissaire à l'éthique
vient blanchir M. Hamad aujourd'hui?
M. Khadir
: Est-ce que
c'est terminé pour ce qui est de…
M. Bellerose (Patrick) :
Avez-vous l'impression que le rapport blanchit M. Hamad?
M. Khadir
: Pas du tout.
D'ailleurs, je viens de lire encore qu'il y a un manquement à l'éthique, hein,
dans la conclusion, on parle clairement d'un manquement à l'éthique. Mais,
au-delà de ça, je pense que le jugement de la population ne repose pas sur des
actions précises de M. Hamad, de M. Couillard, de M. Jean-Marc Fournier,
de Nathalie Normandeau ou de Jean Charest. C'est un tableau d'ensemble pour
lequel, je pense, je dirais, le plan général est assez clair aujourd'hui.
D'ailleurs, aujourd'hui même, Catania, on
apprend que le président de Catania mentionne les centaines de milliers de
dollars qui lui étaient presque extorqués par Marc Bibeau, principal collecteur
de fonds de Jean Charest, notamment pour des arrangements dans les contrats
publics au ministère des Transports du Québec. Donc, c'est un tableau
d'ensemble. Aucune de ces personnes-là n'est individuellement responsable de
tout, M. Hamad comme d'autres, c'est la culture des ministres à
100 000 $ et du trafic d'influence occasionné par ce financement
accordé par des firmes de génie-conseil, des entreprises de construction, des
firmes d'avocats, des firmes d'architectes, des firmes de comptables, et j'en
passe.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais est-ce que le rapport du Commissaire à l'éthique et à la déontologie,
auquel on pourrait ajouter le rapport de la Vérificatrice générale, disqualifie
M. Hamad d'un poste au Conseil des ministres selon vous?
M. Khadir
: Moi, je
pense que M. Hamad a été disqualifié de toute compétence, même comme député,
au moment où on a appris les révélations sur les échanges qu'il a eus avec
Marc-Yvan Côté et ce que le Commissaire à l'éthique, dans son rapport,
accrédite. Le Commissaire à l'éthique mentionne très bien que tous ces
documents fournis sont véridiques et fiables.
Maintenant, si le Commissaire à l'éthique,
par prudence... Une prudence que je déplore, on n'en est plus là, au Québec, et
je l'ai mentionné au commissaire moi-même, et je ne me gêne pas de le dire, le
Québec étouffe par la trop grande prudence exercée par certains. Et
heureusement qu'on a des Mme Boily, heureusement qu'on a des Mme Trudel
qui prennent des risques pour dire la vérité, pour aller le plus loin que
les... que leur conscience leur dicte d'aller.
Et, malgré tout, donc, ce que j'allais
dire, la réalité, c'est qu'on sait, on sait que M. Hamad a joué en faveur
d'une entreprise sur demande d'un ami alors qu'il était ministre. Non seulement
c'est inacceptable pour un ministre, c'est inacceptable également pour un
député. Et, à mon avis, il aurait dû donner sa démission.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais comment expliquez-vous que M. Couillard se soit présenté aujourd'hui,
à la sortie du caucus libéral, au côté de M. Hamad comme il l'avait fait
lors de la journée de la publication du rapport de la Vérificatrice générale?
Est-ce qu'il y a un effort de réhabilitation de M. Hamad par le premier
ministre?
M. Khadir
: Le
gouvernement libéral est très mal pris. Il s'accroche à n'importe quoi dans des
tentatives désespérées. Apparaître avec M. Hamad, je pense, c'est vraiment
une tentative pitoyable d'essayer de sauver la mise pour M. Hamad, mais je
pense que ça ne réglera pas le problème, ni pour M. Hamad ni pour
M. Couillard, d'ailleurs, en fait, qui, se faisant, se coule davantage,
s'associe à des personnes comme Hamad et démontre que, dans le fond, ses
prétentions, il y a deux ans, que la page a été tournée sur l'époque Charest,
que c'est le gouvernement de l'intégrité, ce n'étaient que de pures paroles et
aucune action réelle, volonté réelle de changer les choses n'était associée.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous étiez présent lors de la séance de travail de la CAP hier soir...
M. Khadir
: Oui.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous avez l'impression que les députés libéraux, qui ont fait bloc
pour empêcher la comparution de Mme Cantin, de Mme Noël, de M. Massé et
empêcher également que revienne Mme Trudel et Mme Boily, subissaient une
pression de l'extérieur de la commission ou peut-être du bureau du premier
ministre?
M. Khadir
: Je ne le
sais pas. C'est sûr qu'à l'heure des tablettes, et des BlackBerry, et des
iPhone, c'est une communication permanente. Moi, je n'ai pas vu le premier
ministre ou Jean-Marc Fournier rentrer dans la salle. Maintenant, qu'est-ce
qu'ils se sont dit dans ces courriels? Mais, peu importe, ils sont responsables.
Que la pression vienne du bureau du premier ministre ou que la pression vienne
parce qu'ils veulent sauver la face du Parti libéral, ça revient au même. Ils
ont fait obstruction à ce qui était nécessaire.
Des voix
: Merci.
M. Khadir
: Merci
beaucoup.
(Fin à 11 h 37)