(Dix heures quatre minutes)
M. Barrette : Alors, bonjour, tout
le monde. Merci d'avoir pris un moment aujourd'hui pour assister à ce point de
presse, un point de presse qui se veut un suivi sur l'évolution des ententes
que nous avons conclues avec les fédérations médicales.
Peut-être un petit rappel pour commencer.
On sait que nous avons mis, notre gouvernement, en place différentes lois qui
visent à améliorer l'organisation des soins et particulièrement à améliorer
l'accès à différents services, nous avons une entente avec la Fédération des
médecins omnipraticiens du Québec et nous avons une entente avec la Fédération
des médecins spécialistes du Québec. Pourquoi avons-nous mis en place ces projets
de loi là, qui sont maintenant des lois opérationnelles? Et pourquoi avons-nous
des ententes? Évidemment parce que spontanément la situation que toute la population
décrit en termes d'accès ne s'améliorait pas, et il fallait que quelqu'un, à un
moment donné, puisse dire : Voici, on fait un virage. Et c'est ce que nous
avons fait. Le gouvernement précédent ne l'avait pas fait, nous l'avons fait.
Non seulement on l'a fait, mais on a prévu
de faire un suivi. C'est une chose de faire des lois et une entente, c'est une
autre chose de s'assurer que ce que l'on a voulu dans ces lois et ces ententes
s'exerce. C'est une chose de dire qu'on va améliorer l'accès, encore faut-il le
mesurer.
En juin dernier, nous vous avons présenté
une mise à jour sur l'évolution de la même entente avec les médecins
omnipraticiens qui montrait que les choses allaient dans la bonne direction,
qu'il y avait un léger retard mais qu'elles s'en allaient dans la bonne direction.
Et une mise à jour de cette évolution-là sera faite trimestriellement, donc la
prochaine sera fin septembre, début octobre.
Aujourd'hui, nous faisons la mise à jour de
l'entente avec les médecins spécialistes. Rappelons que l'entente avec les
médecins spécialistes était basée sur essentiellement quatre éléments, quatre
éléments qui visaient à faire en sorte que le milieu dans lequel les médecins
spécialistes oeuvrent en majorité, c'est-à-dire l'hôpital, voie sa fluidité
améliorée et, conséquemment, l'accès amélioré. Les quatre éléments étaient les
suivants. D'abord, les médecins s'engageaient à diminuer le temps d'attente de consultation
auprès du médecin spécialiste chez les patients vus à l'urgence. En termes
clairs, un patient qui va à l'urgence, qui est vu par un urgentologue et qui
parfois a besoin de l'opinion d'un médecin spécialiste, au lieu d'attendre au
lendemain, devait… les médecins spécialistes se sont engagés à faire en sorte
que ce délai-là soit le plus court possible, et c'est la raison pour laquelle
les médecins se sont engagés à voir une plus grande proportion de gens en dedans
de deux ou quatre heures, on y reviendra dans quelques instants. Également, compte
tenu du fait que nous voulons qu'il y ait plus de prise en charge par les
médecins de famille, qui vont aussi à l'hôpital, mais une prise en charge à
l'extérieur de l'hôpital, on a demandé aux médecins spécialistes de s'engager à
augmenter la proportion de patients qu'eux, les spécialistes à l'hôpital,
prennent en charge, à la place des médecins de famille qui sortent de l'hôpital
pour prendre des patients en charge. Troisième point, on connaît les délais
d'attente en chirurgie au Québec, on a demandé aux médecins spécialistes de
faire en sorte qu'on diminue la liste d'attente des patients de plus d'un an
dans la durée de l'entente, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2017. Et on
a voulu mettre en place des mesures spécifiques pour améliorer l'accès à la consultation
du médecin spécialiste lorsque la consultation provient d'un médecin de
famille.
Alors, voici les tableaux, qui montrent non
seulement l'évolution à ce jour de ces quatre éléments-là, mais, comme vous le
verrez, de façon similaire à ce qu'on a présenté pour les omnipraticiens, les
cibles projetées jusqu'au 31 décembre 2017. Et on commence ici par la
proportion des demandes de consultation réalisées à l'urgence à l'intérieur de
deux heures. Vous voyez en rouge, la ligne qui est en bas, la cible qui est
visée trimestriellement jusqu'au 31 décembre 2017 et vous voyez que nous
voulons, dans la période visée, passer d'une proportion de 33 % des
patients qui ont leur consultation en dedans de deux heures à 40 %. Il
faut faire attention aux chiffres ici, là. Passer de 33 % à 40 %,
c'est une augmentation d'environ 22 %, ce qui est beaucoup, ça ne se fait
pas simplement. Et on constate ici, la ligne bleue de ce graphique, que les
médecins spécialistes, à date, à ce jour, selon les dernières données, sont
dans les cibles. Ils sont même légèrement en avance, puisqu'ils donnent ces
consultations-là dans une proportion de 34,5 % plutôt que la cible de
33 %.
Maintenant, le même graphique vous est
proposé, maintenant, pour les consultations à l'intérieur de quatre heures de
la demande. Un patient qui arrive à l'urgence voit un urgentologue, et
l'urgentologue demande une consultation auprès du médecin spécialiste, on
comprendra que le délai en question, s'il est trop long, bien ça fait une
attente qui est plus longue à l'urgence, ça fait une durée sur civière qui est
très longue, surtout si ça va au lendemain, et on comprendra évidemment
l'importance d'avoir un délai le plus court possible. Là aussi, en rouge, vous
avez les cibles trimestrielles jusqu'au 31 décembre 2017. Et on a convenu de
passer d'une proportion de 57 % à 75 %, et, là aussi, on constate que
les médecins spécialistes sont dans la cible; légèrement en avance, de 1 %,
mais ils sont dans la cible.
Par contre, vous comprendrez que, lorsque
l'on projette la tendance qui est ici, à un moment donné les courbes pourraient
se croiser. Et là j'invite les médecins spécialistes à redoubler d'efforts,
parce que l'entente veut que cette ligne-ci, qui est en bleu, vienne ici, en
haut, et non qu'elle continue selon sa tendance pour arriver à l'intérieur de
la cible. Alors, actuellement, la progression sur ces paramètres-là est
adéquate, mais la tendance doit se redresser pour qu'au 31 décembre 2017 on
arrive à l'objectif.
Sur le troisième point, qui est celui du
taux de prise en charge par le médecin spécialiste ou les médecins spécialistes
de la clientèle hospitalisée à l'hôpital, même dynamique, vous avez en rouge
les cibles qui sont projetées jusqu'au 31 décembre 2017. La proportion
doit passer de 56,8 % à 65 %. On comprendra que, si cette
progression-là se fait, ça fait d'autant plus d'accès à la médecine de famille
en cabinet qui est offerte à la population. Les médecins spécialistes, sur ce
tableau-ci, sont très, très en avance par rapport à ce qui a été projeté, et,
si la tendance se maintient ici, pour ce critère-là, il est clair que les
médecins spécialistes vont atteindre leur objectif, mais encore là faut-il le
suivre.
L'idée, aujourd'hui, est de vous montrer que
nous suivons de près l'application des ententes pour s'assurer que les résultats
soient au rendez-vous. Et je pense que c'est ça, un gouvernement responsable :
un, mettre des mesures en place pour avoir des résultats et, deux, s'assurer
que les résultats sont livrés.
Finalement, sur le plan de l'accès de la
chirurgie — alors ça, c'est quelque chose qui est important — la
proportion des chirurgiens qui ont des demandes en attente depuis plus d'un an
et qui sont conformes au ratio, grosso modo, je vais vous indiquer quelques
chiffres dans un instant, est-ce que les médecins, maintenant, les médecins
spécialistes qui se sont engagés à baisser les listes d'attente de patients de
plus d'un an livrent la marchandise? La réponse, c'est oui. J'expliquerai tantôt
par quelques exemples plus concrets ce que ça signifie, mais les cibles que
l'on a convenues avec la fédération en question est de faire en sorte qu'à
terme 95 % des chirurgiens soient dans les ratios attendus, pour ce qui
est des chirurgies de plus d'un an, et on constate que, là aussi, les médecins
spécialistes ont été au rendez-vous. Ils étaient en retard au départ, et
aujourd'hui ils sont en avance. Et, si la tendance se maintient, ils seront au
rendez-vous.
Qu'est-ce que ça signifie en termes concrets?
Ça signifie qu'aujourd'hui, par rapport au début de cet exercice, la liste
d'attente de patients… c'est-à-dire la liste d'attente de patients qui
attendent depuis plus d'un an une chirurgie est passée de 7 009 patients à
4 995 en date d'aujourd'hui. Nous voulons éliminer toute attente au-delà
d'un an. Alors, en date de juillet 2016, nous sommes donc passés de 7 009
à 4 995, ce qui est une diminution, évidemment, significative. Le nombre
de chirurgiens qui ont dans leurs listes d'attente des patients qui attendent
depuis plus d'un an est passé de 708 à 498, ce qui signifie que tout ça est un
tout, à savoir que les chirurgiens, maintenant, qui s'étaient engagés à mieux
gérer leurs listes d'attente, le font. Ça se reflète par une diminution du
nombre de patients en attente depuis plus d'un an en date d'aujourd'hui, et ça
va aller vers l'éradication de ces patients-là de la liste d'attente. Et
évidemment le nombre de chirurgiens qui ont des patients en attente depuis plus
d'un an diminue aussi.
Un dernier élément, qui était celui de
l'amélioration de l'accès aux consultations spécialisées, ça, ça demandait de
mettre en place une mécanique, un guichet d'accès à l'image de celui qu'on a
mis en place pour les médecins de famille. Ce guichet d'accès là est en place,
et les premières données numériques disponibles seront rendues publiques à la
prochaine mise à jour, en décembre 2016.
Alors, globalement, je pense que ce que
l'on a à vous annoncer aujourd'hui est une excellente nouvelle. Nous avons agi
pour améliorer l'accès, l'organisation, la fluidité dans l'organisation des
soins dans notre réseau, tant du bord des médecins de famille que de celui des
médecins spécialistes, et nous nous sommes donné les moyens d'en faire un suivi
et d'agir s'il n'y avait pas compliance. Alors, vous voyez aujourd'hui que, un,
les résultats sont au rendez-vous, à date, mais vous voyez aussi — et
je pense que c'est ça qui est le plus important — que nous avons la
ferme intention de suivre ça de près, d'être transparent dans les résultats, de
vous informer, la population, pour que vous puissiez voir que ce que nous faisons
non seulement est dans votre intérêt, mais qu'on tient à ce que l'on ait les
résultats que vous attendez.
Alors, voilà. Merci. Nous allons pouvoir
passer à la période de questions.
M. Chouinard (Tommy) : Donc,
si je vous comprends bien, M. Barrette, les médecins spécialistes sont sur
la bonne voie.
M. Barrette : Tout à fait. Les
médecins de famille aussi sont sur la bonne voie. Alors, quand j'ai fait ma
présentation pour les médecins de famille, j'avais dit : Ils sont sur la
cible avec un léger retard, mais ils étaient parfaitement récupérables. Les
médecins spécialistes, sur la plupart des critères, sont sur la cible et même
en avance, mais sur un des critères, comme je vous l'ai montré, si la tendance
se maintient, ils vont malheureusement rater la cible. Alors, aujourd'hui, des
deux côtés, ça va bien, mais ni d'un côté ni de l'autre on ne doit s'asseoir
sur ses lauriers et penser que tout est terminé, il y a encore beaucoup de
travail à faire.
M. Caron (Régys) : Mais au
sujet des urgences, Dr Barrette, au printemps, à l'occasion de l'étude des
crédits, des documents que vous aviez publiés aux crédits révélaient que le
nombre de personnes qui quittent les urgences sans avoir été soignées était
encore très élevé.
Alors, vous dites que les cibles sont
atteintes, même dépassées. Donc, les cibles, est-ce qu'elles sont assez
élevées? Parce qu'il y a des gens qui quittent encore les hôpitaux sans avoir
été soignés, par milliers.
M. Barrette : Alors, ça, c'est
une bonne question, et la réponse à cette question-là n'est pas du côté des
médecins spécialistes, pour la présentation d'aujourd'hui, parce qu'ici on
parle de patients qui ont besoin d'une consultation chez le médecin spécialiste,
et, par définition, ce type de patient là ne va pas quitter l'urgence. Il est parfaitement
démontré que les patients qui quittent l'urgence sont ce qu'on appelle communément
des P4, P5, des gens avec des problèmes mineurs, pour lesquels les gens
décident qu'ils quittent. Alors, ça, c'est bien démontré qu'il n'y a pas de
conséquence. Les patients qui ont besoin d'avoir une investigation ou encore de
voir un médecin spécialiste, ils ne quittent pas l'hôpital, et c'est ce qu'on
montre aujourd'hui.
Pour les patients qui quittent l'urgence
avec des problèmes mineurs, ça, ce sont des problèmes de première ligne, et les
problèmes de première ligne, ce sont les cibles, les cibles étant
l'inscription, l'assiduité, les activités médicales particulières, les
supercliniques, les accords et l'observance des accords d'heures d'ouverture, par
exemple, de GMF. Tout ça, on suit ça de façon très étroite et on va continuer à
le faire. Alors, ça, ce n'est pas une problématique de médecin spécialiste, c'est
une problématique de première ligne.
Mme Biron (Martine) : Mais il
reste quand même que, même quand votre cible va être atteinte, en décembre 2017,
il va rester 35 % des patients qui ne seront pas pris en charge par un
médecin spécialiste, clientèle hospitalisée, là, si je regarde votre courbe.
M. Barrette : Ah! mais c'est tout
à fait normal parce qu'on ne veut pas que la clientèle hospitalisée soit totalement
prise en charge par les médecins spécialistes. Les hôpitaux, au Québec,
fonctionnent par une combinaison, une conjugaison, une collaboration de médecins
de famille et de médecins spécialistes. La majorité des patients, au Québec, à
l'hôpital est prise en charge par des médecins de famille, et on ne veut pas
que ça, ça tombe à zéro, les médecins de famille eux-mêmes ne veulent pas ça.
Alors, si vous prenez un petit hôpital, un
petit hôpital régional, les médecins spécialistes qui sont dans ces hôpitaux-là
sont en général des médecins consultants, et l'hospitalisation, la prise en
charge légale, elle est faite par les médecins de famille. Or, on demande aux médecins
de famille de faire un peu moins d'hôpital pour faire plus de prise en charge
en cabinet, alors ça, ça veut dire qu'ils doivent hospitaliser un peu moins. Et
on ne va pas fermer les hôpitaux, il faut que quelqu'un prenne ces patients-là
en charge, et on demande aux spécialistes de le faire.
Alors, c'est pour ça que le chiffre n'est
pas 100 %, il y aura toujours des patients à l'hôpital qui sont pris en
charge par les médecins de famille. Ce que l'on vise est qu'il y en ait un peu
moins, d'où la compensation demandée aux spécialistes. Mais on ne veut pas qu'à
l'hôpital ce soit le territoire exclusif des médecins spécialistes, on créerait
un nouveau problème, il n'y aurait pas assez de spécialistes pour faire ça. Et
les médecins de famille, eux, ne le voudraient pas non plus, puis on ne le veut
pas, nous non plus.
Mme Biron (Martine) : Donc, ce
que je comprends du chiffre, c'est que 65 % des patients hospitalisés
nécessitent l'intervention d'un médecin spécialiste.
M. Barrette : Ce n'est pas «nécessitent
l'intervention», c'est que c'est une question de responsabilisation légale.
Dans le jargon médical, le médecin traitant, c'est le médecin qui a la
responsabilité légale du patient, de l'organisation des soins, l'investigation,
le traitement, et ainsi de suite. Ça, c'est le médecin traitant. Actuellement,
les médecins traitants peuvent être soit des médecins de famille soit des
médecins spécialistes. La proportion de médecins spécialistes, on veut qu'elle
augmente pour permettre aux médecins de famille d'en faire un peu moins à
l'hôpital, pour aller en faire un peu plus en cabinet, là où est la
problématique d'accès la plus criante. En faisant ça, on ne change pas le
volume de services rendus à l'hôpital, mais on augmente celui offert dans la
communauté.
Mme Richer (Jocelyne) : M. Barrette,
lors de l'adoption de la loi n° 20, vous avez forcé les médecins
spécialistes à modifier leurs pratiques.
M. Barrette : Tout à fait.
Mme Richer (Jocelyne) : On
sait que ça ne s'est pas fait de gaieté de coeur, pas facilement. Après coup,
les échos que vous avez aujourd'hui, avez-vous l'impression… Est-ce qu'on vous
dit encore que vos demandes, vos objectifs, vos cibles sont trop élevés, ce
n'est pas réaliste, ou si vous observez un changement de culture, un changement
d'attitude de leur part?
M. Barrette : Il y a un
changement de culture et d'attitude. Je peux vous assurer que, si vous faites
un vox pop chez les médecins, on va encore dire que c'est trop, ça, c'est
assuré, mais, sur le terrain… Parce que la question que vous me posez, c'est
sur le terrain, là, qu'est-ce qui se dit. Alors, ce qui se dit, c'est
essentiellement ceci : Il fallait un coup de barre, il le fallait, ce coup
de barre là, que le gouvernement précédent, d'ailleurs, n'avait pas proposé. Et
je rappellerai à tout le monde que les deux oppositions actuelles, là, qui
n'ont pas de programme en santé, se sont opposées à ce coup de barre là, là, hein,
les deux oppositions se sont opposées, et aujourd'hui elles ne s'opposent plus,
mais elles critiquent que ça ne va pas assez vite, ce qui est assez amusant,
hein, parce qu'on s'oppose à une mesure, puis après ça on ne s'oppose plus puis
on dit que ça ne va pas assez vite.
Alors, sur le terrain, vous n'allez pas
trouver de gens très heureux que je sois arrivé, moi, en disant : Ah! bien
là, vous allez adapter vos pratiques aux besoins de la population, alors que c'est
ce qu'on doit faire, hein, mais il n'en reste pas moins qu'il y a un mouvement
actuellement sur le terrain pour aller dans la direction de la prise de
conscience, de responsabilisation du corps médical qu'ils ont effectivement des
services à rendre, et ça, tout comme la dernière présentation que j'ai faite en
juin, montre que tant chez les médecins de famille que les médecins
spécialistes il y a un changement qui s'opère. Est-ce qu'il s'opère à la
vitesse appropriée? La tendance montre que ce n'est pas tant… on va
probablement y arriver, mais on n'a pas la garantie encore. C'est la raison
pour laquelle on continue à suivre ça.
Moi, je vois et j'entends à tous les
jours… Hier, j'avais des gens dans mon bureau, là, des médecins de famille qui
venaient me faire part de certains ajustements que je devrais faire, selon eux,
à l'opérationnalisation des lois n° 10 et n° 20, hein? C'est
exactement ce qu'ils m'ont dit, ils m'ont dit : Ça n'a pas fait notre
affaire, mais, c'est vrai, il faut le faire, puis «by the way», là, peut-être
que vous pourriez… Écoutez, on est même venu me présenter des possibilités de
serrer la vis, parce qu'il y a maintenant des médecins qui font le virage et
qui ne sont pas contents de voir leurs collègues ne pas faire le virage, parce
qu'ils viennent me dire, et j'en ai eu, là, dans mon bureau, là : Moi, je
le fais, là, puis moi, je vois tel, tel, tel, puis ils font tel, tel… ils ont
tel, tel comportement, puis il faudrait leur serrer la vis. Puis savez-vous
quoi? Ils ont bien raison.
Mme Richer (Jocelyne) :
Est-ce que vous avez ciblé certaines poches de résistance? C'est-à-dire est-ce
que c'est selon certaines spécialités, ou selon le nombre d'années
d'expérience, par exemple, ou Montréal versus les régions, ou…
M. Barrette : C'est une bonne
question que vous me posez. Il y a des poches de résistance qui sont à
géométrie variable. Du côté des médecins spécialistes, c'est vrai qu'il y a
certaines spécialités… Puis là je ne veux pas mettre personne au banc des
accusés, qui sont plus réfractaires que d'autres. Il y en a qui au contraire
sont vraiment, vraiment, vraiment embarquées là-dedans, là, il y a des
spécialités, là, qui sont vraiment embarquées dans la gestion des listes
d'attente, ça va bien; il y a des spécialités qui sont un petit peu plus
réfractaires. Du côté de la médecine de famille, c'est la même chose, sauf que,
du côté de la médecine de famille, souvent c'est certaines régions, là, où ils
sont plus réfractaires, parce que les gens se parlent entre eux.
Et moi, je trouve ça un peu malheureux puis
je vais profiter de l'occasion pour envoyer un message à la communauté
médicale, parce qu'il y a une chose qui n'est pas bien comprise, même par vous,
les médias, et ce n'est pas une critique, évidemment, là : La loi n° 20,
si elle est appliquée un jour, là, elle est appliquée par individu, mais le
déclenchement de l'application de la loi n° 20, c'est si l'ensemble
des médecins ne rencontrent pas, dans leurs fédérations respectives,
l'engagement. Je m'explique. Du côté des médecins de famille, là, si l'ensemble
des médecins n'arrivent pas à 85 % de l'inscription et à 80 % du taux
d'assiduité, bien la loi va s'appliquer, mais elle va s'appliquer par individu,
ce qui fait que les médecins qui aujourd'hui prennent le virage et qui se
disent : Bien, ça ne me donne rien de prendre le virage parce que mes
collègues ne le font pas, la loi va s'appliquer, bien c'est le contraire, continuez,
parce que, si vous avez pris le virage puis que vous rentrez dans les
objectifs, bien, quand la loi va s'appliquer, si elle s'applique — et
j'espère qu'elle ne s'appliquera pas — bien vous autres, vous avez
pris le virage, vous ne serez pas touchés, c'est les autres qui vont l'être.
M. Caron (Régys) : Donc, les
médecins ont une chance, au moment où on se parle, d'éviter l'application de la
loi?
M. Barrette : Tous les
médecins qui rencontrent les objectifs vont être corrects, il n'y en a pas, de
problème. Si vous prenez les médecins de famille, un médecin de famille, là,
qui a son taux d'inscription approprié avec les pondérations, qui a son taux
d'assiduité, qui fait ses activités médicales particulières…
M. Caron (Régys) : Êtes-vous en
mesure de dire aujourd'hui, si la loi n° 20 s'appliquait, quelle
proportion de médecins seraient pénalisés?
M. Barrette : Aujourd'hui?
C'est très facile. Aujourd'hui, si la loi n° 20 s'appliquait, environ
70 % des médecins de famille seraient touchés, parce qu'en date
d'aujourd'hui approximativement 30 % des médecins font autant, sinon plus
que ce que je demande. Alors, c'est le 70 %, le problème. Peut-être…
M. Caron (Régys) : Donc, il y
aurait des pénalités financières, là, c'est ça?
M. Barrette : Exactement. Du
côté des médecins spécialistes, ça, c'est un petit peu différent, parce que les
critères ne sont pas similaires, mais aujourd'hui, là, je dirais, grosso modo
c'est un sur deux.
M. Chouinard (Tommy) : …noter,
mais est-ce que l'application de la loi n° 20 va se faire dès qu'il y
a un des objectifs qui n'est pas rencontré?
M. Barrette : Absolument.
M. Chouinard (Tommy) :
D'accord.
M. Barrette : C'est une loi…
Les ententes qu'on a convenu, c'est du tout ou rien.
M. Chouinard (Tommy) :
D'accord. Maintenant, je reviens sur la question de ma collègue. Au bénéfice de
la population, là, si vous aviez… Actuellement, là, quel est le bon élève et
quel est le moins bon élève, là, dans votre… chez les médecins spécialistes?
Parce que vous distinguez les spécialités, et là c'est un peu ambigu pour la
population.
M. Barrette : Oui, là, je
n'embarquerai pas là-dedans, hein, parce que l'objectif ici n'est pas de cibler
ni un individu ni un groupe d'individus. Notre enjeu à nous comme gouvernement,
là — et notre enjeu à nous comme gouvernement, il n'est pas notre
enjeu à moi, Gaétan Barrette, là — notre enjeu, c'est l'enjeu de la
population. La population qui nous écoute, là, elle s'attend à ce qu'un
gouvernement fasse quelque chose parce que spontanément, dans les dernières
années, non seulement ça ne s'est pas réglé, ça s'est détérioré. C'est ce que
l'on fait. Ce que je fais aurait pu être fait par le Parti québécois au dernier
mandat, ils ne l'ont pas fait, et aujourd'hui ils nous critiquent, ce qui
m'amuse beaucoup. Mais, moi, ce qui m'importe, là, c'est ceux et celles qui
nous écoutent. Ceux et celles qui nous écoutent, ils s'attendent à ce qu'on
fasse quelque chose et ils s'attendent à voir un résultat.
Alors, ça progresse, je montre par mes
annonces trimestrielles que ça progresse, mais en même temps j'envoie un
message très clair : Ne pensez pas que la loi n° 20 ne
s'appliquera pas parce que c'est en 2018 puis c'est une année électorale, là, c'est
exactement le contraire. Moi, je ne fais pas ça dans un but électoral, je fais
ça parce que la population qui nous écoute a raison d'exprimer certaines
critiques, et quelqu'un, à un moment donné, doit faire quelque chose. C'est
exactement ça que je fais, c'est pour ça que je suis allé en politique.
M. Chouinard (Tommy) : Mais
est-ce qu'il y a des spécialités pour lesquelles, mettons, par définition, ces
cibles-là sont beaucoup plus difficiles à atteindre, par nature, ou ça…
M. Barrette : Non. Non,
absolument pas. La médecine spécialisée, souvent c'est un domaine où il doit y
avoir une collaboration entre certaines spécialités. Nous, la relation qu'on a
avec la Fédération des médecins spécialistes, elle est très directe, en ce sens
que, bien, s'il y a une spécialité qui ne livre pas la marchandise, on
l'identifie. La Fédération des médecins spécialistes, elle, sait très bien
qu'un de ses sous-groupes, une spécialité pourrait très bien entraîner
l'ensemble, hein, l'ensemble de la fédération dans l'application de la loi n° 20.
Elle a ses pouvoirs de persuasion, et on leur laisse faire leur travail. Même
chose du bord de la FMOQ.
Je peux vous donner un exemple, puis ce
n'est pas des spécialités que je vise d'aucune manière, là, mais au bloc
opératoire, parce qu'on a parlé de chirurgie, bien, si l'anesthésie ne
collaborait pas, le chirurgien ne pourrait pas. Si l'anesthésie collabore puis
le chirurgien ne collabore pas, bien… À un moment donné, un entraîne l'autre.
Alors là, comme organisation, bien, la
tête de l'organisation doit utiliser ses pouvoirs de persuasion. Et, dans les
pouvoirs et outils de persuasion, il y a des moyens, et je leur laisse faire
leur job. J'ai déjà été là, je peux juste dire que ça existe.
M. Caron (Régys) : Dr Barrette,
peut-être avez-vous déjà répondu à cette question-là, là, dans tout le débat
qui a entouré les projets de loi nos 10 et 20, mais je vais vous la poser quand
même.
M. Barrette : Bien, je ne vous
le reprocherais jamais.
M. Caron (Régys) : Comment se
fait-il… Le corps médical a quand même augmenté considérablement depuis 2007,
2006‑2007. Le nombre de patients vus a diminué, c'étaient les chiffres de votre
ministère. Comment expliquer ça, là, qu'on soit aujourd'hui à parler de ça? Je
veux dire, le nombre de médecins augmente, puis on voit moins de patients.
M. Barrette : Bien, écoutez,
vous posez une excellente question, c'est la teneur de la tournée que je fais
dans les facultés de médecine. L'année dernière, rappelez-vous, j'ai fait une
tournée des facultés de médecine pour parler directement aux jeunes médecins,
pour leur dire : Vous arrivez dans un autre monde, là, un monde où vous
allez devoir livrer la marchandise, parce que la population paie suffisamment
pour ça. Et je leur ai montré une diapositive qui montrait exactement ça,
exactement ça : le nombre de médecins augmente, le nombre de patients vus
diminue. Bien là, ça ne prend pas…
M. Caron (Régys) : Qu'est-ce
qui explique ça?
M. Barrette : Bien, ça explique…
C'est une question de choix individuel. La société étant…
M. Caron (Régys) : …vacances,
des semaines réduites?
M. Barrette : La qualité de
vie, c'est la fameuse qualité de vie.
M. Caron (Régys) : Ah!
M. Barrette : Et ça, je ne le
critique pas. Moi, ce que je dis à tout le monde, là, les médecins spécialistes
et les médecins de famille, je dis la même chose aux deux : Aujourd'hui,
on est dans une ère où on veut avoir un équilibre, tout le monde, tout le monde,
le commun des mortels veut avoir une vie équilibrée, et on en est, on est tous
d'accord. Mais, sur la question de l'équilibre c'est toujours la même chose. Le
balancier peut être en équilibre à un endroit, mais on est passé d'un extrême
historiquement, les médecins de l'autre génération qui travaillaient sept jours
sur sept, et là on est allé, le balancier, à l'autre extrême, qui est :
Bien là, c'est ma qualité de vie à tout prix. Il y a un juste milieu.
M. Caron (Régys) : On est
passé d'une semaine de combien d'heures à combien d'heures, là, d'une
génération à l'autre, là, en moyenne?
M. Barrette : Toutes les… Ah!
écoutez, écoutez, on est passé de semaines de plus de 80 heures à des
semaines de 35 heures dans bien des cas. Je vais même aller plus loin, là,
il y a beaucoup, beaucoup de gens à temps partiel. Et ça, c'est démontré, la
démonstration de ça n'est plus à faire, les chiffres le montrent clairement.
M. Caron (Régys) : Est-ce que
ça ne veut pas dire, M. Barrette, que les médecins sont trop payés, puisqu'ils
disent : À temps partiel, j'ai assez d'argent pour vivre, puis le reste,
bien…
M. Barrette : Non. De décider
avec ses revenus de gérer sa vie de telle ou telle manière, ça ne veut pas dire
qu'une personne est trop payée, ça veut juste dire que la personne a fait un
choix.
Ce que je dis, moi, face à ce choix-là,
c'est que, dans le domaine de la médecine, ça ne peut pas s'exercer comme ça,
si librement que ça, il doit y avoir un minimum de contraintes. Pourquoi? À
partir du moment où la société accepte, accepte… Parce que c'est ça que la
société accepte. Tout un chacun va dire : Bien oui, un médecin, ça vaut
plus que certaines autres activités, hein? Il n'y a personne qui va mettre sur
le même pied d'égalité tel métier versus un chirurgien cardiaque, les gens
spontanément vont dire : Bien oui, mais ça, ça vaut plus. O.K., la société
accepte de payer certains services, dont les services médicaux, à une très grande
hauteur, mais en échange de quelque chose. Et l'échange, c'est d'avoir l'accès.
Alors, moi, je dis aux médecins une chose
très simple : Il y a un contrat implicite entre la société et vous, hommes
et femmes. Le contrat implicite, c'est qu'il doit y avoir une organisation qui
donne un niveau de service adéquat en échange d'une rémunération appropriée.
Et ce contrat-là implicite a eu des ratés
dans les dernières années, et ce que l'on fait, c'est parce que spontanément le
balancier ne revient pas au juste équilibre. Je n'ai jamais demandé et je ne
demanderai jamais à transformer la pratique de la médecine d'aujourd'hui à celle
qui existait dans les années 50 et 60, on ne demande pas ça, mais le
balancier est allé beaucoup trop loin dans l'autre direction, et là on se
retrouve dans une situation où il faut mettre en place des leviers pour revenir
à un équilibre satisfaisant pour la société. Je le redis, la population a
raison de critiquer l'accès. Nous avons l'obligation de faire quelque chose,
c'est ce que l'on fait, et on en fait un suivi. Et non seulement on en fait un
suivi, moi, je n'arrêterai pas, là, tant qu'on n'arrivera pas à des cibles
adéquates, et les cibles adéquates, c'est grosso modo ce que vous voyez là, des
heures d'ouverture sept jours sur sept, et ainsi de suite.
Ce n'est pas la fin du monde, ce qu'on
demande, là, hein, ce n'est pas la fin du monde. Et rappelons-nous d'une chose,
là, rappelez-vous d'une chose, toutes les modalisations que l'on fait sont
faites sur une base de 42 semaines, 40, 42 semaines de travail par
année à cinq jours-semaine, cinq jours. Et le cinq jours, ce n'est pas
nécessairement 8 à 4 du lundi au vendredi, là; cinq jours, c'est un groupe qui
s'organise pour avoir un membre qui est là dans les heures étendues la semaine,
la fin de semaine, et ainsi de suite. C'est ça, la normalité, puis c'est ça qui
est la normalité parce que la population est normale, il est normal pour la
population d'exiger un accès. Il n'est pas là spontanément, on met en place des
règles. Et si c'était… Puis je vais le répéter, ça aussi, vous m'avez dit
tantôt que vous aviez déjà posé la question, je vais me permettre de me
répéter : La loi n° 10 puis la loi n° 20, là, surtout
la loi n° 20, elle n'existerait pas, la loi n° 20, si les
choses étaient spontanément au niveau approprié, mais ce ne l'est pas. Non
seulement ce ne l'est pas, mais la tendance était vers la détérioration. Il
fallait que quelqu'un se lève. Ça adonne que ça n'a pas été mon prédécesseur,
c'est moi. Et moi, je suis très confortable debout et j'ai l'intention de le
rester jusqu'à la fin du mandat.
Mme Biron (Martine) : M. Barrette,
les pitbulls à Montréal…
M. Barrette : Alors là, on est
loin de l'annonce des médecins… Mais, vous savez, c'est un sujet qui est
intéressant parce que ça touche les médecins spécialistes quand même.
Mme Biron (Martine) : Ça fait
longtemps que je vous ai vu, alors… Montréal propose d'interdire les nouveaux
pitbulls. Trouvez-vous que c'est une bonne idée?
M. Barrette : Oui, bien,
écoutez, moi, vous connaissez ma position, je suis en faveur de l'interdiction
des pitbulls ou de toute mesure qui va limiter d'une façon très sévère
l'existence des pitbulls. Et là mon biais, il est… et je le dis, là, puis c'est
pour ça que je fais le lien avec les médecins spécialistes, là, mon biais — j'en
ai un, biais, là, hein, et je l'admets — mon biais, là, c'est le
dommage qui est causé par ce type de chien là. C'est connu en médecine, là.
Un animal, là, tout le monde sait ça, là,
ça va mordiller quand on l'achale, là, hein? Vous avez un chat, un chien, là,
puis vous jouez avec, puis vous jouez un petit peu trop raide, là, il va vous
mordiller. Puis vous ne serez pas au sang, là, puis vous n'aurez pas de dommage.
Puis là il se passe autre chose puis vous arrêtez, vous jouez à autre chose
avec votre chien, là, hein? C'est comme ça.
Le pitbull, c'est un animal particulier,
là, c'est un animal qui a été génétiquement sélectionné, et sa caractéristique,
lui, à ce chien-là, c'est que, quand il mord, là, il mord littéralement pour
manger, là, et la lacération — le terme médical, c'est ça, là — la
lacération causée par la mâchoire du pitbull est une lacération… c'est parmi
les pires lacérations qui existent. Si vous me permettez, là, une image, là,
une coupure au couteau, là, chirurgicalement, là, une coupure nette, ça, ça se
répare très bien et ça guérit. La coupure qui vient d'un pitbull, c'est une
déchirure, hein, le chien vous mâche, ça se répare très mal et ça laisse des
dommages.
Le problème de ce chien-là, c'est que,
l'être humain étant ce qu'il est, si vous me permettez un parallèle, là, qui
n'est pas boiteux du tout, là, mais, si on fait un parallèle entre le débat sur
les armes à feu et ce type de chien là, vous savez, une arme à feu, moi, je
suis pour le contrôle des armes à feu et la limitation d'accès à des armes de
type militaire, mais une arme à feu, si on oublie de fermer la porte-patio, là,
l'arme, elle ne va jamais partir puis aller tirer du monde. Le problème du
chien, là, c'est que, quand on… — du pitbull — quand on
oublie de mettre sa laisse puis qu'on oublie de fermer la porte-patio, puis le
chien sort, là, bien là il va y avoir une victime au bout de la ligne. Puis on
en a-tu eu assez, des victimes? Alors, c'est exactement ce qui s'est passé dans
mon comté.
Alors, ce chien-là, là, a un potentiel
dangereux intrinsèque qui est largement au-dessus de toutes les autres races, premièrement.
Et, deuxièmement, c'est un animal qui a une autonomie, là, si on l'oublie.
Alors, moi, pour moi…
Mme Biron (Martine) : Donc,
vous n'êtes pas en mode compromis, là, vous… La solution de Montréal…
M. Barrette : Bien, c'est-à-dire,
ce n'est pas une question de mode compromis. Au contraire, au contraire, la
solution de Montréal, moi, je trouve que c'est une solution qui est très
intéressante, c'est une solution qui est très intéressante, qui va beaucoup
plus loin que le statut actuel des choses.
Et il y aura un débat à l'intérieur du gouvernement.
Je suis, moi, évidemment, plus à un extrême, mais je vis avec, là. Il y aura un
consensus, il y aura d'autres éléments qui seront mis sur la table.
Par contre, je pourrai quand même aujourd'hui
certainement prendre l'occasion pour exprimer ma déception sur la direction que
prend ce débat-là, là. Quand on est rendu à assimiler littéralement les
pitbulls à la Charte des droits et libertés, là… Ça n'a pas été prononcé, mais
c'est quasiment ça, là.
Mme Richer (Jocelyne) : Mais,
si le gouvernement ne va pas dans le sens de l'interdiction, vous allez vous
rallier quand même?
M. Barrette : Oui, oui, je
vais me rallier, parce que, moi, ce qui m'importe, là… Nous, on fait partie
d'un gouvernement où les débats se font, là, et je pense que c'est important
pour la population de voir qu'il y a des voix dans le gouvernement… on est un gouvernement
où les gens s'expriment, là, je m'exprime. Je ne suis pas du tout en opposition
avec mes collègues, parce que le débat n'a pas encore été fait à l'interne; j'exprime
ma position. Puis je pense que c'est important que la population voie que les
politiciens, dans notre parti en tout cas, on peut s'exprimer librement, et
après ça il y aura un débat et un consensus.
Mais je peux vous dire une chose, par
exemple : Notre gouvernement… Ça, je peux affirmer ça, là, sans aucune
retenue : Le statu quo n'est pas acceptable. Ça, là, je peux vous assurer
que, dans notre gouvernement, le statu quo n'est pas acceptable.
Alors, moi, ma position, je vais la
défendre. Est-ce qu'une position que je qualifierais d'intermédiaire comme
celle de la ville de Montréal serait acceptable? Moi, je trouve que la ville de
Montréal va pas mal plus loin que le statu quo actuel, mais, en ce qui me
concerne, ma position par rapport aux pitbulls, vous la connaissez. Le statu
quo, vous le connaissez, pour moi ce serait inacceptable. On a une opportunité
de faire quelque chose là circonstanciellement, politiquement parlant, et notre
gouvernement va faire quelque chose. Et je me suis exprimé puis je pense que
ça, c'est sain. Je pense que, ça aussi, la population s'attend de voir qu'un
tel, là, il s'exprime, et puis sa position est ça, puis il y en a un autre…
Puis moi, je n'ai aucun problème du débat.
Vous savez ma maxime, je vous l'ai déjà dite, je l'ai dite à plusieurs reprises :
Du débat naît soit la vérité soit un compromis raisonnable. Mais il faut
débattre. Et, pour débattre, bien il faut que quelqu'un exprime son opinion, et
c'est ce que je fais.
Mme Biron (Martine) :
Dernière petite question, plus politique : Nathalie Normandeau, si elle
vous demande une entrevue sur sa nouvelle station de radio, vous allez refuser?
M. Barrette : Bien, ce n'est
pas une question de refuser ou d'accepter, c'est une question d'être compliant
avec les ordonnances de la cour. Je ne peux pas, moi, me mettre en position
d'infraction par rapport aux ordonnances de la cour ou de sciemment mettre quelqu'un
dans une position d'infraction par rapport aux ordonnances de la cour. Je ne
connais pas le détail, hein, comprenons-nous bien, je ne connais pas le détail,
ce n'est pas moi qui est dans le procès, mais, dans un…
Mme Biron (Martine) : …si
elle vous pose une question…
M. Barrette : Non, non, mais
c'est ça, justement. Alors là, moi, je me mets dans une situation où je sais très
bien, là — nul ne peut ignorer la loi et nul ne peut ignorer la cour,
là, je ne peux pas ignorer ça, là — je sais très bien que Mme Normandeau,
dans sa situation… je sais très bien qu'elle a des consignes, elle n'a pas le
droit de parler de ou à un certain nombre d'individus — je ne le sais
pas, moi, je n'ai pas la liste-là, là — je sais très bien que ce
sujet-là, il est devant la cour, tout ce qui touche ce genre de chose là.
Alors, écoutez, je ne prendrai pas le risque, tout simplement, de venir
enfreindre d'une quelconque façon le processus en cours. Là, c'est une question
de gestion de risques. Alors, je n'irai pas là, parce que vous savez par
expérience, vous, qu'une entrevue peut nous mener à toutes sortes d'endroits.
Mme Biron (Martine) : Mais,
si elle vous promet que c'est sur un dossier… Supposons qu'elle veut une
entrevue, là, justement sur vos normes, vos cibles, et puis elle vous dit :
Garanti, je ne vais parler que de ça, il s'agit d'informer la population…
M. Barrette : Alors, Mme
Biron, à ce moment-là je vais vous répondre avec humour : Combien de fois
avez-vous vu des journalistes nous inviter à une entrevue en nous disant qu'on
n'aborderait pas tel sujet, puis comme par hasard, à la fin de l'entrevue, il y
a une question…
Mme Biron (Martine) : Mais je
vais vous répondre quand même… Mais ce n'est pas une journaliste, c'est une
ex-politicienne qui fait de l'animation radio, alors…
M. Barrette : Oui, je
comprends votre point, là, mais il n'en reste pas moins que je ne peux pas
faire abstraction de la situation juridique, là. Moi, vous le savez, là, les
entrevues, ça ne me stresse pas, là, j'aime ça faire des entrevues avec vous
autres, vous le savez, là, mais là il y a une situation juridique… C'est un peu
la même chose quand, à la période de questions, on se fait poser une question
sur un sujet qui est devant la cour, puis vous nous voyez toujours répondre :
Bien, on ne peut pas en parler parce que c'est devant la cour. Là, on est dans
une situation un peu similaire, et c'est juste ça, là. Moi, écoutez, je vais
vous dire bien franchement, là…
Mme Biron (Martine) : Mais
vous êtes capable de dire que vous ne voulez pas répondre. Vous l'avez fait tantôt,
là.
M. Barrette : Oui, mais… Vous
avez raison, vous avez raison, mais, encore une fois, ça devient une question
de gestion de risques. Et là c'est un peu une question de respect mutuel et de
respect des instances, des institutions.
Je comprends, là, que ça fasse l'actualité
ce matin, là, mais il n'y a pas de mot d'ordre, il n'y a pas ce genre de chose
là. Mais il y a littéralement une situation juridique qui nous invite, qui nous
recommande implicitement de ne pas prendre le risque d'aller jouer sur ce
terrain-là.
M. Caron (Régys) : Mais quel
risque? De quel risque parlez-vous, là, Dr Barrette?
M. Barrette : Bien, écoutez, il
y a mon risque à moi, il y a son risque à elle, on n'est pas sans… Écoutez, là,
il y a un paquet de sujets qui ne sont pas censés être discutés, là, par
personne, là. Moi, je ne veux pas entrer ce matin dans un débat juridique, là,
mais la question, pour nous autres, là, elle est simplement celle-là. C'est
bon? Merci.
(Fin à 10 h 42)