To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > News and Press Room > Press Conferences and Scrums > Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Advanced search in the News and Press Room section

Start date must precede end date.

Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Thursday, September 15, 2016, 13 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures sept minutes)

M. Khadir : Bonjour. Voilà un an que nous avons commencé, donc, en commission parlementaire d'examiner la situation très désastreuse occasionnée aux finances publiques par les paradis fiscaux. Vous savez que ça coûte littéralement des milliards de dollars à divers États, à divers gouvernements. Le gouvernement du Québec doit perdre facilement des centaines de millions de dollars par année en évasion fiscale, en évitement fiscal. Chez nous, au Québec, comme au Canada, il y a plusieurs entreprises que je qualifierais soit d'évadés fiscaux ou de fugitifs fiscaux, pour reprendre une analogie avec les bandits, parce que c'est du banditisme économique que l'OCDE, que les États, que le FMI, que les Nations unies même dénoncent, et maintenant il y a une volonté... Moi, je table sur la bonne volonté de mes collègues des autres partis, parce que, vous savez, nous, Québec solidaire, on en parle depuis au moins une dizaine d'années. Je suis content aujourd'hui qu'il y a une unanimité, que même le Parti libéral du Québec s'est rendu compte qu'on ne pouvait pas continuer.

Donc, nous avons entendu, ce matin encore, des témoignages remarquables de Mme Rizqy, Pre Rizqy de l'Université de Sherbrooke, qui est spécialiste en matière de planification financière, mais aussi de M. Lareau et de M. Lanoue : M. Lareau, à titre de fiscaliste; M. Lanoue, à titre de président de l'ATTAC. Les témoignages se recoupaient, insistaient sur le fait que l'État doit donner l'exemple, que l'État ne doit pas gérer avec complaisance, non seulement revoir ses lois, mais appliquer ses propres lois. Notamment, par exemple, il y a une loi canadienne, la loi de l'impôt du Canada, sur laquelle M. Lareau a d'ailleurs insisté, mais il faut l'appliquer. Pour l'appliquer, il faut avoir des moyens, il faut monter des dossiers, et ce qu'on observe depuis de nombreuses années, c'est qu'il n'y a pas vraiment une volonté de poursuivre. Et aussi bien Mme Rizqy que M. Lareau ont mentionné à quel point tant qu'il n'y a pas de sanction grave, par exemple la privation de liberté, la prison, autrement dit, beaucoup de ces dirigeants d'entreprise vont continuer à opérer comme avant.

Je nomme l'exemple d'un fugitif et un évadé fiscal permanent, qui est KPMG, qui est, en fait, une des principales sources de ce méfait international, ces crimes économiques. Ils ont payé 405 millions d'amendes en 2005 aux États-Unis, mais ils continuent toujours à opérer parce qu'il n'y a pas de peine d'emprisonnement qui ont accompagné ça. Pire encore, ils obtiennent des contrats du gouvernement du Québec, ils obtiennent des contrats et ils obtiennent des mandats, ce que nous avons dénoncé.

Donc, je voudrais revenir pour reprendre un peu les propositions qu'on a entendues jusqu'à date, sur les propositions de Québec solidaire pour lutter contre le recours aux paradis fiscaux.

Un, rendre toute aide directe ou indirecte à des entreprises conditionnelle à une attitude irréprochable. Qu'est-ce que ça pourrait bien dire? Un exemple, on ne peut pas accorder de subvention à des individus qui sont, par exemple, sur la liste des Panama Papers. Ça, c'est simple. Les responsables des divers ministères pourraient consulter les Panama Papers, le LuxLeaks et le SwissLeaks, au moins pour vérifier ceux-là. Il y a certainement beaucoup d'autres bases de données.

On ne peut pas donner... On ne peut pas arriver à une entente avec Uber. Uber, c'est un fugitif fiscal. Uber ne se gêne même pas. L'entente que le gouvernement a conclue avec Uber permettra à Uber de sortir 20 % de son activité, là, totalement de toute fiscalité. C'est un cadeau de 20 %, bien, en fait, sur tous les revenus d'Uber au Québec. Autrement dit, on vient de défaire... d'envoyer un très mauvais message. Alors que nous, en commission, on se penche là-dessus, le bureau du premier ministre pousse pour une entente qui permet à un fugitif fiscal de bénéficier d'un cadeau de la part du gouvernement du Québec. Ça, on n'accepte pas ça. Donc, ça, c'est la première mesure.

Deuxièmement, utiliser la Caisse de dépôt. C'est un bras financier énorme, plus de 120 millions... 120 milliards, je m'excuse, de dollars de levier financier. Bien, on a entendu en commission aujourd'hui que M. Sabia se cache derrière, en quelque sorte, le fait qu'il n'y a plus de liste de gouvernements ou de paradis fiscaux. Donc, par définition, la caisse peut investir n'importe où sans investir dans des paradis fiscaux. Or, on sait très bien que ces gouvernements, c'est sous pression politique qu'ils ont été sortis de la liste parce qu'ils ont conclu des ententes avec des gouvernements complaisants comme celui de M. Harper. Ça a été dit en commission tout à l'heure. Mme Rizqy, je crois, ou M. Lanoue ont expliqué comment, dans le fond, pour échapper à la liste, ces gouvernements-là se sont dépêchés à conclure des ententes d'échange d'information avec plusieurs gouvernements complaisants, dont le gouvernement de M. Harper, ce qui ne règle en rien le fait que des pratiques d'évasion fiscale continuent à s'opérer. Donc, la Caisse de dépôt, qui a pour plus de 250 milliards de dollars de capitalisation, pourrait envoyer de très forts messages. C'est un des principaux outils financiers à l'échelle de l'Amérique du Nord.

Troisièmement, une «blacklist» effective dans nos politiques d'achat. Vous savez, à l'Assemblée nationale, là, c'est les tablettes iPad puis c'est les téléphones iPhone que la plupart des députés bénéficient. On vient d'apprendre, hein, la condamnation d'Apple. Pour combien de dollars d'amende? Je pense 15 milliards, corrigez-moi. Apple a été... Non, excusez-moi, ça revient à... avec les intérêts, là, qu'Apple doit payer à l'Irlande, c'est 15 milliards d'euros plus intérêts, ce qui revient à à peu près 25 milliards de dollars qu'Apple a été condamnée à payer par des tribunaux administratifs européens. Apple, donc, est une entreprise fautive. Si le Québec se donne ce droit ou, enfin, envoie le message au gouvernement canadien qu'on devrait avoir des politiques d'achat publiques qui fait en sorte qu'on établit une «blacklist», surtout des grandes corporations qui fraudent l'impôt, qui contournent l'impôt, qui ne paient pas leur juste part, je pense que là on commencerait alors à avoir une politique effective qui pourrait nous permettre de sortir du trou.

Mettre fin aussi à l'approche de divulgation volontaire. Vous savez, une entreprise fautive, là, pourrait venir divulguer volontairement une grande fortune... quelqu'un de très fortuné pourrait venir divulguer de l'impôt non payé puis il s'en tirerait avec un pardon. Nous, on dit : Il faut mettre fin à cette clémence, cette clémence-là ne fonctionne pas. Aux États-Unis, le «diligent track» ou le... enfin, il y a un terme précis pour une disposition qui permet ce genre de chose, mais uniquement pour les petites fautes, pour quelques milliers de dollars, lorsque l'erreur a été commise de bonne foi, par exemple dans un truc de succession, les bénéficiaires d'une succession ne sachant pas que l'argent avait été cachée dans un paradis fiscal, ce genre de chose là. Mais pas pour de grandes fortunes, ou des grandes multinationales, ou des KPMG de ce monde, qui viendraient se mettre à table, puis on passerait l'éponge. C'est juste le très, très mauvais message et c'est une énorme injustice envers le cordonnier, la coiffeuse, le chauffeur de taxi, après qui on envoie les sbires, on envoie les agents de Revenu Québec, avec l'acharnement qu'on leur connaît.

Troisièmement, et ça nous amène à ça, justement, parlant d'acharnement de Revenu Québec contre les petites et moyennes entreprises, contre les individus, bien, déjà ils ont de très maigres ressources, puis ces maigres ressources, avec le contexte d'austérité... vous savez que ça fait des années qu'il n'y a qu'un remplacement... en fait, sur deux emplois perdus, qu'il n'y a qu'un remplacement. Donc, il y a une attrition qui fait que Revenu Québec n'a pas les moyens puis ses faibles ressources sont consacrées à faire la traque aux coiffeuses des sous-sols, alors que ce qu'on a besoin, c'est des compétences.

D'ailleurs, Mme Rizqy l'a mentionné, il faut des compétences et du personnel qualifié à Revenu Québec. Et ça, ça veut dire embauches, une politique d'embauche réelle pour avoir les moyens de vérifier ce qui se passe dans les paradis fiscaux, de vérifier les précédents de ces entreprises, de monter les dossiers pour avoir des condamnations exemplaires comme ça a été recommandé. Donc, tout ce qu'on veut faire nécessite à la base l'embauche de personnel qualifié en nombre suffisant avec une volonté de faire la traque à l'évasion puis à l'évitement fiscal. Merci beaucoup de votre attention.

Mme Crête (Mylène) : Bien, moi, j'avais une question. Parmi les mesures que vous proposez, vous savez que c'est très difficile pour les gouvernements d'aller, justement, chercher cet impôt-là. On l'a vu au fédéral avec KPMG, entre autres. Ce qui est arrivé dans ce cas-là...

M. Khadir : Bien, les experts nous ont dit...

Mme Crête (Mylène) : Le gouvernement avait juste décidé de ne pas poursuivre parce que ça aurait coûté plus cher que d'aller chercher l'argent qu'ils avaient...

M. Khadir : Ce n'est pas le son de cloche qu'on a de la part des experts. Si vous écoutez les audiences d'aujourd'hui, on se rend compte que ce n'est pas tant la difficulté de le faire qu'une absence de volonté, et je peux très bien comprendre. Regardez, nous, on a déjà divulgué comment, au Québec... j'espère que ça n'existe plus parce qu'avec le changement de la loi sur le financement électoral, bien, à 100 $, c'est sûr que les firmes d'avocats ou les firmes d'ingénieurs n'ont pas le poids, mais je vous signale que les dirigeants de ces entreprises au Québec ont contribué pendant des années aux caisses des partis. On peut comprendre pourquoi les partis étaient frileux et étaient gênés de sévir contre eux. Mais au niveau fédéral, malheureusement, ça continue. Alors, c'est une absence de volonté politique. D'ailleurs, M. Lareau, dans sa déposition, a bien mentionné les articles de loi qui permettraient facilement à Revenu Canada de sévir, mais c'est l'absence de volonté qui fait qu'ils ne le font pas, parce qu'il faut y allouer des ressources et monter ses dossiers.

Je vous signale une dernière chose. Monter un dossier criminel pour établir une faute criminelle, par exemple dans un contexte de larcin, d'assassinat, de violence physique, ça peut être très compliqué, c'est des preuves hors de tout doute raisonnable. Mais les moyens à la disposition des agences de revenus canadienne et québécoise en matière d'investigation sur des questions financières sont immenses, même plus grands que la police en matière criminelle. Ils peuvent débarquer n'importe où, n'importe quand, et ils ont une liberté d'investigation qui est hors du commun avec tout le reste.

Donc, il faut simplement appliquer la loi. D'ailleurs, M. Lareau a même brandi l'article de la loi qui permettrait des recours qui condamnent, qui conduisent à des condamnations pour peine de prison, peine d'emprisonnement, mais ce n'est pas appliqué parce que malheureusement le milieu politique en place, les pouvoirs politiques en place sont lourdement influencés par des cabinets d'avocats, des cabinets de comptables. Tous ces gens qui travaillent dans des KPMG puis dans les cabinets, les firmes d'avocats qui organisent cette évasion fiscale, c'est des contributeurs aux partis qui arrivent au pouvoir, et malheureusement ça les empêche d'agir.

Mme Crête (Mylène) : C'est vrai aussi qu'il y a une certaine opacité, par exemple, pour justement aller chercher cette information-là qui permet de mener à des condamnations. Donc...

M. Khadir : Oui et non. Bien, regardez, je vous donne un exemple. Le gouvernement, pour se justifier, parle de cette opacité, mais tout à l'heure on a entendu en commission, que, par exemple, pour ce qui est des opérations du commerce électronique, tout le monde comprend que les banques disposent de toutes les informations, et le gouvernement pourrait demander des informations pour retracer tout ce qui est échangé, dans le commerce électronique, pour imposer adéquatement puis arrêter la concurrence déloyale que, par exemple, plusieurs entreprises canadiennes font à nos PME. Mais c'est l'absence de volonté. C'est que, pour que ça se fasse, il faut des gouvernements, disons, sincèrement engagés dans la lutte à l'évasion fiscale.

Au niveau fédéral, je n'en suis pas sûr, parce que les schémas de fonctionnement de financement des partis électoraux fédéraux ne sont pas différents de ce qui existait au Québec avant qu'on y regarde de près, et malheureusement ça continue à opérer. Et, tant que c'est le cas, je pense que la volonté politique va manquer, malheureusement.

Mme Crête (Mylène) : Et, parmi les mesures que vous avez proposées, là, s'il y avait une priorité là-dedans, là, qui, selon vous, devrait être mise en place...

M. Khadir : Bien, comme je vous l'ai dit, embaucher des personnes compétentes et mener cette bataille-là. Je rappelle, pour ceux qui n'étaient pas là il y a une quinzaine d'années, Yves Séguin, sous le gouvernement Charest, que je respecte beaucoup pour cette volonté qu'il a démontrée, dans son premier budget comme ministre des Finances, entre 2003 et donc 2004, il a alloué un budget de 17 millions de dollars pour la lutte à l'évasion fiscale. 17 millions de dollars nouveaux pour la lutte à l'évasion fiscale, ça a rapporté à l'État 150 millions de dollars. En fait, il voulait continuer à réinvestir ce 150 millions pour vraiment développer la lutte à l'évasion fiscale, mais, dans le second budget, on l'en a empêché et on sait ce qui est arrivé à M. Séguin par la suite parce qu'il voulait démontrer...

Donc, la base de tout, c'est qu'il faut se donner les ressources en compétence et en nombre pour faire la lutte à l'évasion fiscale, donc commencer par embaucher des personnes compétentes, monter un programme solide, pas pour faire la traque aux chauffeurs de taxi, aux cordonniers, à la coiffeuse du petit salon dans le sous-sol, là, ou à nos travailleuses et travailleurs du secteur de la restauration, mais pour faire la traque aux KPMG, aux banques qui permettent tout ça, aux grandes fortunes qui cachent leur argent dans des fiducies, dans des trusts, même des banques privées. Merci de votre attention.

(Fin à 13 h 20)

Participants


Document(s) Related