(Quinze heures quarante-neuf minutes)
M. Khadir
: Bonjour.
Nous avons présenté à l'Assemblée nationale il y a quelques instants une motion
pour demander au gouvernement de suspendre l'entente avec Uber dans le but
d'examiner la nature de cette entente, puisqu'un jugement vient de tomber à la
demande d'injonction qui avait été faite, un jugement qui rejette le caractère
urgent, puisque, très bientôt, dans moins de quatre mois, nous allons entendre
le jugement de la cour sur le fond du dossier d'Uber.
Uber, en fait, c'est un capitalisme
sauvage. Puis ce qu'on vient de comprendre, c'est que le gouvernement actuel
refuse, malgré tous les travaux qui ont été faits depuis deux ans et l'avis de
deux ministres qui ont été remerciés de leurs services... Uber devait en
principe obéir aux lois du Québec, payer ses impôts, non seulement l'impôt de
ses chauffeurs, mais ses propres impôts, et, comme cette entente-là ne respecte
pas l'esprit de ce consensus, nous, nous demandions que ça soit suspendu
justement le temps que tout le monde se prononce sur le fond de cette
entente-là, de la nature de l'entente qui a été conclue de manière secrète entre
un nouveau ministre qui n'avait même pas eu encore le temps de se saisir du
dossier...
Donc, on comprend que le premier ministre du
Québec n'a aucune gêne à trahir la parole donnée aux chauffeurs de taxi, à leurs
familles. Le message qui est lancé non seulement aux familles des chauffeurs de
taxi, qui sont issus, en grande partie, des communautés immigrantes, mais à
l'ensemble des gens qui sont précaires, qui ont de faibles salaires, de faibles
revenus, les gens qui sont des gagne-modestes, que le gouvernement Couillard ne
s'intéresse pas à leur sort, que le gouvernement Couillard obéit à une religion
qui est la religion du marché libre, de la liberté pour les entreprises
capitalistes sauvages de faire tout ce qu'elles veulent avec nos lois, y
compris violer la règle première de vie en société, c'est de payer ses impôts
par n'importe quelle entreprise, ce qu'Uber ne fera pas. 20 % de toute
l'activité économique rattachée à l'activité d'Uber sur le territoire québécois
va être libre d'impôt. Je ne connais pas beaucoup de monde au Québec qui
jouisse de ce privilège-là, je ne connais pas de petits travailleurs à qui on
dit : 20 % de votre salaire, là, vous n'avez pas à payer d'impôt
là-dessus. Ça, c'est une première chose.
Maintenant, pour ce qui est de M. Lessard,
je l'invite à se ressaisir parce que, là, il commence déjà à creuser, je dirais,
sa propre chute. Essayer de se cacher derrière le Commissaire à l'éthique, là,
ça ne sert à rien. Le commissaire à l'éthique, au moment où il a jugé, ne
disposait sans doute pas de tous les faits qu'on connaît maintenant. J'espère
que le gouvernement ne cherchera pas à discréditer une institution comme le Commissaire
à l'éthique en s'appuyant sur le Commissaire à l'éthique pour excuser un
comportement aussi peu digne de tout ministre ou de tout... Écoutez, on a emmené
des gens pour moins que ça devant la commission Charbonneau, là. On a emmené
des gens pour moins que ça, pour moins que ce qu'a fait le chef de cabinet du
ministre Lessard, devant la commission Charbonneau, devant le vindicte
populaire. Et là le gouvernement Couillard, qui prétendait vouloir tourner la
page sur des périodes de corruption, n'est pas capable de reconnaître qu'il y a
problème là-dedans. M. Lessard n'est pas capable de reconnaître... Ça fait
longtemps, là, M. Lessard, ça fait huit ans au moins qu'il est là avec
moi, là. Il a suivi tout ça, il n'a pas encore compris c'est quoi, la notion de
conflit d'intérêts et apparence de conflit d'intérêts? Puis là on apprend, en
plus, ça... c'est un travail que nous n'avons pas encore fait, mais je suis sûr
que les journalistes, comme le public, comme la CAQ, tout le monde aura beaucoup
de facilité à démontrer que probablement il y a des dizaines de milliers de
dollars de contributions à la caisse du Parti libéral qui accompagnent,
malheureusement, le tableau, qui sont en arrière-plan de tout ça. Je pense que
le peuple québécois mérite qu'on respecte son intelligence. Et, M. Lessard,
je le sais un homme capable de s'élever parfois au-dessus de la mêlée, je
l'invite à cesser de se cacher derrière le Commissaire à l'éthique.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, précisément, qu'est-ce qu'il doit faire, là?
M. Khadir
: Il doit
reconnaître qu'il y a eu une grave erreur. Il doit reconnaître qu'il y a eu une
grave erreur et en assumer les conséquences.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
C'est-à-dire?
M. Khadir
: Bien,
c'est-à-dire, bien, déjà, ça, là, déjà, reconnaître ces faits, ça a des
conséquences sur son parti dans la reconnaissance des torts, et le Parti
libéral, pour acquiescer à ça, doit examiner toutes les contributions qui ont
été faites alentour des gens qui entouraient ce projet, d'accord, parce que
c'est hautement suspect maintenant qu'on sait ce qui est arrivé, pour remettre
cet argent-là à l'État. Je rappelle que beaucoup d'argent sale, illégalement
acquis par le Parti libéral du temps de M. Charest alentour de
circonstances et de contrats comme celui accordé par le gouvernement à l'époque
où ce monsieur-là travaillait au cabinet de M. Lessard, qui...
c'est-à-dire, le lobbying qui a accompagné tout ça, beaucoup de cet argent-là
se trouve encore dans le coffre du Parti libéral. C'est avec ça que le Parti
libéral va aller chercher... essayer de chercher quelques comtés encore aux
prochaines élections partielles.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, vous partagez l'observation de votre collègue de la Coalition avenir
Québec Simon Jolin-Barrette, qui dit qu'il y a une odeur de corruption.
M. Khadir
: Il a tout
à fait raison, et c'est ça qui est vraiment dommage, c'est que le gouvernement
Couillard, la journée même où on essaie, comment dit-on, d'honorer la mémoire
de Sylvie Roy... Puis c'est le premier ministre lui-même qui a reconnu
l'importance du geste posé par Sylvie Roy lorsqu'elle a réclamé la tenue d'une
commission d'enquête, des gestes... enfin il ne l'a pas dit dans ces mots-là,
mais de manière indirecte il a reconnu un rôle très important qu'elle avait
joué sur la scène politique, puis je pense que c'est ça, un de ses faits d'armes
les plus remarquables, que le gouvernement soit si incapable, si incompétent à
reconnaître les problèmes d'intégrité. Il y a un problème de jugement grave au
bureau du premier ministre, parce que ça doit venir du bureau du premier
ministre. Je suis sûr que, si le premier ministre prenait deux minutes pour
faire des liens, pour se rappeler ce qu'il a promis, bien, il demanderait à
M. Lessard d'avoir des réponses plus dignes, qu'il n'essaie pas de se
cacher derrière le Commissaire à l'éthique.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Dans un autre dossier, si vous le permettez, celui du ministère des Transports.
Vous êtres membre, sauf erreur, de la Commission de l'administration publique.
Mme Dominique Savoie, qui était la sous-ministre en titre du
ministère des Transports et aujourd'hui dans les limbes de l'État québécois,
elle est rattachée au ministère du Conseil exécutif. Est-ce que, tout d'abord,
elle doit être démise de ses fonctions sans tarder par M. Couillard?
Est-ce qu'elle a le droit à un procès juste et équitable, selon vous?
M. Khadir
: Bien sûr,
elle a le droit...
M. Bélair-Cirino (Marco) : Et
est-ce qu'elle a ce traitement-là présentement?
M. Khadir
: Attendez.
Dans les pays où il y a des problèmes de corruption de longue date, lorsque...
On voit plusieurs gouvernements... Moi, je me rappelle très bien du
gouvernement de Lula, lorsqu'il y a des accusations assez graves contre
quelqu'un, en attendant que ces questions soient réglées, démettait la personne
de ses fonctions, puis disait : Va te défendre devant les cours, tu as le
droit à une défense pleine et entière et tu reviendras si tu démontres ton... Actuellement,
c'est le contraire qui se passe. Le gouvernement protège, protège, protège,
offre même des niches, offre même une espèce de havre de confort et de
récompense probablement pour loyauté démontrée. On ne sait pas ce que
Mme Savoie a exactement fait, mais on comprend très bien qu'au moment où
elle les a faits, ça permettait au gouvernement d'éviter d'embarras. En fait,
le gouvernement a essayé d'éviter l'embarras que ça se sache qu'il y avait
d'énormes problèmes au ministère du Transport pendant tout le règne libéral,
d'accord, donc, offre une protection en retour de la loyauté démontrée par
cette sous-ministre qui, de toute évidence... Moi, je ne crois pas son
hypothèse. Elle a écrit, hein, les journaux en ont parlé. Je ne crois pas ses
affirmations comme quoi elle n'a pas agi de manière malveillante et n'a pas
menti à l'Assemblée. Maintenant, elle va devoir aller convaincre la juge ou le
juge, mais, en attendant, le gouvernement n'a pas à offrir du confort et un
refuge pour ces gens-là. Il y a des accusations très graves. C'est vraiment une
parole qui semble tout à fait non crédible donnée devant les membres de
l'Assemblée nationale. Elle nous doit des excuses. Elle est dans le déni. Bon,
d'accord, elle a droit à un procès, mais, en attendant, nous, sans se
substituer au juge, on n'a pas à offrir un refuge et une protection à ces
gens-là. Qu'on leur dise : Bien, allez vous défendre, vous êtes sous de
graves accusations, et ces accusations sont importantes.
M. Rémillard (David) : Pour
revenir sur M. Lessard, parce que, là, bon, il y a plusieurs ministres des
Transports qui se sont succédé, là, le croyez-vous apte quand même, considérant
toutes les circonstances, à continuer dans ces fonctions-là ou...
M. Khadir
: Bien, c'est-à-dire,
il y a des sérieuses questions à se poser. Je sais que M. Lessard est un
homme d'expérience. Il a exercé plusieurs ministères. Mais là il arrive en plein
moment où lui-même vit d'énormes questionnements sur les comportements éthiques
de son bureau, des gens entourant M. Lessard, à qui il a donné des
emplois. En plus, il y a tout le dossier d'Uber où il se fait tasser
complètement par... Rappelez-vous la fameuse journée du mercredi où il tenait
mordicus à une position du ministère, telle que véhiculée auparavant par
M. Daoust, et là le soir même, après être entré dans le Conseil des
ministres, bien, tout le tableau change et puis c'est autre chose qui prend la
place. Il a été déconsidéré par le premier ministre Couillard par la décision
prise sur Uber, hein, en quelque sorte. On a ignoré toutes ses affirmations
solennelles comme quoi il allait défendre l'industrie du taxi, et maintenant,
ce ministre-là, on lui demande de faire le ménage dans le ministère qui est le
plus problématique, dans lequel on soupçonne depuis des années des pratiques
qui ne sont pas conformes aux standards d'intégrité et de transparence exigés
maintenant après la commission Charbonneau.
Donc, il y a deux ministères qui sont
problématiques, le ministère du Transport et le ministère des Affaires
municipales, et on lui confie le ministère du Transport à un moment fatidique,
à un moment critique. Je pense qu'il y a un problème, il y a un grave problème.
Ça montre à quel point ce gouvernement est fragile dans sa capacité à porter
des jugements sur la situation des ministères et à confier des ministères à des
personnes capables, suffisamment au-dessus des problèmes de soupçons, de scandales,
de controverses pour pouvoir s'occuper de ces ministères. Moi, je trouve que
c'est un grave problème maintenant de voir M. Couillard... un véritable
problème, et ça montre les problèmes profonds de jugement et de capacité de ce
gouvernement à trouver des gens qui n'ont pas quelque chose dans le placard,
surtout tous ces ministres qui ont oeuvré dans le temps de Charest, là. Bien,
c'est sûr que c'était pratique courante. Peut-être que M. Lessard ne
s'imagine même pas qu'il y a... C'était tellement dans la culture, enraciné
dans la culture de corruption du Parti libéral de M. Charest que M. Lessard
ne trouve pas que c'est une anomalie ou un problème, hein? Que ça soit l'histoire
de Lamontagne, de la manière dont les choses se sont déroulées, que son responsable
de comté soit bénéficiaire indirectement de l'aide donnée à une coopérative de
solidarité, ça ne semble pas sonner chez lui quelque chose de très grave, et
c'est ça qui est le problème. Ce gouvernement-là est très pauvre, je dirais, en
connaissance et en intégration des principes d'éthique, de conflits d'intérêts,
d'apparence de conflits d'intérêts.
M. Boivin (Simon) : Sur Uber,
rapidement, sur la décision rendue par le tribunal, est-ce que vous avez déjà
répondu ou...
M. Khadir
: Nous avons
déjà répondu, c'est enregistré.
M. Boivin (Simon) : Vous
l'avez fait déjà? Bon, bien, parfait. Merci.
M. Khadir
: Oui. Merci. Thank you very much.
(Fin à 16 h 1)