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Conférence de presse de Mme Raymonde Saint-Germain, protectrice du citoyen

Dépôt du rapport annuel 2015-2016 du Protecteur du citoyen

Version finale

Thursday, September 29, 2016, 11 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Onze heures quatre minutes)

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, bonjour. Le rapport annuel, qui a été déposé ce matin à l'Assemblée nationale, est, entre autres, l'occasion de constater des avancées des services publics dans le règlement de problèmes que le Protecteur du citoyen a dénoncé au cours des dernières années.

Je veux souligner trois de ces avancées plus particulièrement. L'an dernier, je dénonçais certaines méthodes de Revenu Québec, notamment au niveau de la vérification. J'illustrais les conséquences négatives pour les contribuables, en particulier pour des entreprises. En janvier dernier, à la demande du ministre des Finances, Revenu Québec a rendu public un plan d'action qui comprend des mesures concrètes pour améliorer ses relations avec les contribuables et avec les mandataires. Je salue la publication de ce plan et sa mise en oeuvre qui devrait être bénéfique pour les citoyens. Déjà, nous avons constaté, sur le terrain, des changements, des impacts positifs de ces changements.

Je veux saluer aussi les efforts qu'a consentis la Société de l'assurance automobile du Québec pour mettre en oeuvre des recommandations de notre rapport concernant l'adaptation du domicile des personnes accidentées de la route qui sont lourdement handicapées. Les délais les plus récents que nous avons constatés ont également été abrégés. Et nous avons publié un rapport sur les atteintes graves aux droits des personnes incarcérées, des Inuits incarcérés au Nunavik. Une des dimensions était la difficulté de respecter les droits dans les cellules et les quartiers cellulaires du Nunavik. Cette dimension a fait l'objet de considérations très sérieuses de la part du ministère de la Sécurité publique, et, bien que tous les problèmes ne soient pas réglés, nous notons qu'il y a quand même des améliorations, en particulier quant aux conditions sanitaires et aux premiers équipements de secours.

Le rapport annuel met cette année en évidence que les services publics sont généralement efficaces pour répondre aux citoyens dont les besoins correspondent aux normes, mais que la réalité est différente pour ceux qui s'en écartent et pour qui une prise en compte adaptée s'impose. Je pense encore à des personnes qui ont des handicaps, qui sont en perte d'autonomie liée à la maladie, ou à l'âge, ou encore des personnes qui sont analphabètes. Au Québec, ces personnes sont en nombre quand même assez important.

Il y a plus et il y a mieux à faire en ce qui concerne ces citoyens, entre autres des jeunes qui n'ont pas accès à l'école publique parce que leurs parents sont en situation d'immigration précaire. Et je pense aussi aux besoins des enfants et même d'adultes qui ont une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l'autisme et pour qui l'absence de services de réadaptation compromet la réussite des études et leur pleine participation à la société.

Je pense encore aux personnes qui ont des besoins de services en santé mentale, en particulier dans la communauté, et qui méritent un meilleur respect des engagements qui sont pris envers elles. Pour eux comme pour d'autres citoyens qui n'entrent pas dans les normes de l'administration, nous constatons trop souvent encore des manquements à la qualité des services, des manquements qui prennent des formes diverses : longs délais, avec leurs conséquences; nombreux reports dans les faits qui constituent parfois un véritable déni de service; interprétation rigide des lois, des règlements et des programmes qui peut aussi mener à l'exclusion du citoyen au détriment de son bon droit et de la réponse à ses besoins réels.

Et je veux insister sur un contexte. Le contexte des services publics, des agents des services publics qui travaillent au fil des ans avec des compressions qui se cumulent leur rend beaucoup difficile la tâche. Je veux saluer, en général, leur compétence. Plusieurs travaillent avec le coeur à l'ouvrage, et je pense qu'ils n'ont pas le contrôle de situations qui leur sont très souvent imposées et pour lesquelles ils ont à composer avec une réalité qui est très difficile.

Au terme d'une décennie comme Protectrice du citoyen, je me permets de revenir et d'insister sur l'essentiel, justement le service aux citoyens. Au fil des ans, j'en suis arrivée à croire que les compressions budgétaires cumulées, dont je ne conteste pas la pertinence sur le fond, mais plutôt la sous-estimation de leur incidence réelle sur les citoyens, ont malgré tout été moins éprouvantes pour la bureaucratie que pour les personnes vulnérables. En tenant compte des contraintes, notamment économiques et démographiques, qui vont perdurer et qui vont s'accroître, je crois que deux grands défis se posent aux services publics.

Le premier, c'est celui d'intensifier leurs efforts pour réduire la bureaucratie. Je pense ici à des exigences excessives, à des formulaires conçus pour celui qui les administre et non pour celui qui les remplit, à des étapes de supervision et de contrôle exagérés qui grugent indûment les temps des agents dont la priorité doit être les services à la population.

Je déplore aussi le travail en vase clos. Encore trop souvent, et on le déplore depuis des années, des ministères et des organismes publics posent aux citoyens des exigences parfois contradictoires sans bien harmoniser leurs services et leurs actions dans une logique de simplification et de réponse efficace aux besoins.

J'insiste aussi sur l'importance de mettre à profit les nombreuses expertises des services publics en levant les barrières de certains protectionnismes professionnels qui persistent, particulièrement en santé et en services sociaux. Je suis d'avis que le deuxième défi d'importance des services publics, et cela découle, à l'évidence, des constats du Protecteur du citoyen, c'est d'offrir un traitement adapté à la situation de personnes dont les besoins ne correspondent pas à la norme et parmi lesquels plusieurs sont vulnérables, autrement dit, de tout faire pour leur donner accès aux services en interprétant les normes en tenant compte de leurs besoins, de leur vulnérabilité et de leurs intérêts avant tout. Cette approche de service inclusive permettrait non seulement de prévenir la judiciarisation outrancière des différends, mais elle susciterait aussi la confiance des citoyens à l'égard des services publics, ce qui contribuerait à contrer le cynisme. Je vous remercie.

M. Laforest (Alain) : Bonjour, Mme Saint-Germain. Si on comprend bien, dans votre rapport, là, vous déplorez la lourdeur bureaucratique des 10 dernières années qui nuit à l'accessibilité des services. Je me trompe? Si vous voulez préciser.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est ce que je déplore dans le contexte où les besoins vont croissant. Au fil des ans, les compressions budgétaires touchent de plus en plus les services directs à la population, et, derrière cela, on a des conséquences comme des longs délais, des avantages ou des indemnités réduits pour les citoyens qui pourraient y avoir droit, des services auxquels... où ils n'ont pas accès avec l'intensité requise, en temps opportun ou pour lesquels ils n'auront tout simplement pas accès parce qu'au moment où les listes d'attente seront rendues à eux certains seront décédés ou auront... Si on pense aux services, notamment, de soutien à domicile ou encore pour certains enfants autistes, ils n'auront pas eu, en temps opportun, accès aux services d'orthophonie qui les aident, avant l'entrée à l'école, à mieux réussir sur le plan scolaire. Alors, c'est ce que je déplore.

M. Laforest (Alain) : Donc, l'austérité a fait mal. C'est ce que vous nous dites, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : L'austérité a fait mal. Je ne conteste pas la nécessité d'avoir redressé les finances publiques, mais certains choix, il faut le reconnaître, en termes de services et d'impacts sur les citoyens, ont été au détriment de ces personnes-là, et j'invite... Je pense que la solution, c'est de redresser maintenant et de prendre beaucoup l'intérêt, mesurer l'impact pour les personnes vulnérables, donc, avant de faire des compressions, bien mesurer leurs impacts réels sur les personnes.

M. Laforest (Alain) : Si on regarde dans le réseau de la santé, il y a un gros pan de votre rapport où vous êtes quand même assez dure, là, si on prend le cas de cette fameuse dame qui souffre de sclérose en plaques, qui doit dormir dans son fauteuil roulant plutôt que dormir dans son lit en raison de coupures de services. Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que maintenant, selon ce que vous avez observé, la réforme Barrette échoue?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Vous avez dit : Vous êtes assez dure. Le Protecteur du citoyen n'est pas dur, il est juste. Et ce qui est dur et difficile, c'est l'impact de certaines décisions administratives sur les citoyens. Cet exemple-là en est un.

Sur la réforme de la gouvernance du réseau de santé, il est bien sûr trop tôt pour en faire l'appréciation, mais ce que nous constatons dans les résultats de nos plaintes et l'impact direct pour les citoyens, c'est qu'on a eu tendance, dans les regroupements d'établissements, en raison des ressources limitées et des besoins qui vont croissants, à retenir l'offre de services la moins généreuse parmi ceux des établissements fusionnés.

L'exemple concret : les services de soutien à domicile. Alors, dans certaines régions, par exemple, on avait des pratiques qui disaient : Si la demande est de moins de quatre heures de services par semaine, on ne retient pas ces personnes-là ou on les met en dernier sur la liste d'attente, alors que ce quatre heures-là, pour plusieurs autres établissements, il était donné. Alors, on a nivellé par le bas pour mieux répondre à la demande. Alors, vous voyez le défi, l'enjeu des services publics. Et ce qu'il faut voir, derrière des compressions comme celles-là, c'est le résultat concret : moins de services en temps opportun pour des personnes qui en ont besoin maintenant.

La Modératrice : Jocelyne Richer, LaPresse canadienne.

Mme Richer (Jocelyne) : Bonjour, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bonjour.

Mme Richer (Jocelyne) : Vous faites un constat sur une relation de cause à effet entre le cumul des compressions budgétaires ces deux dernières années et une détérioration des services publics à la population.

J'aimerais savoir, dans une plus large perspective, si vous concluez à une espèce de bris du contrat moral entre le gouvernement et la population quant à la garantie d'offrir et de recevoir des services de qualité.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : En fait, encore une fois, je ne prête de mauvaises intentions à personne et surtout je considère que les travailleurs des services publics travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles. Ce que je considère et le signal d'alarme que je veux lancer, c'est qu'il faut faire un changement de cap et dorénavant regarder davantage l'impact des décisions administratives sur les services qui sont rendus, dans un contexte où, d'une part, les besoins de la population en services publics vont augmenter, notamment en raison du vieillissement de la population, mais aussi, la conjoncture économique et sociale, elle va demeurer très exigeante pour les services publics. La situation économique, on sent qu'il y aura encore des difficultés.

Sur le plan social, il y a des enjeux contemporains importants qu'on sous-estime trop. Par exemple, avec l'immigration, les enjeux des personnes sans statut, des enfants en situation d'immigration précaire, pour lesquels le Québec est encore la seule province qui ne leur donne pas systématiquement un accès gratuit à l'école publique, c'est un enjeu important. Les enjeux qui sont liés aux besoins de la santé mentale, le meilleur accompagnement dans la société, c'est nécessaire non seulement de faire des plans d'action qui sont très bien sur papier, mais de s'assurer que ce qu'on promet, ce à quoi on s'engage sera livré. Et, en matière de santé mentale, il y a encore un écart beaucoup trop grand entre un plan d'action et les besoins dans la communauté par suite de la désinstitutionnalisation. On le constate, et c'est autant dans l'intérêt des personnes qui ont besoin de ces services-là que de leurs proches.

Alors, non, il n'y a pas un bris de contrat social. Je pense qu'il y a beaucoup de bonne volonté, mais, signal d'alarme, il faut que les services publics soient vraiment axés sur le service et que l'essentiel soit fait pour réduire la bureaucratie et les amener à préserver toutes les ressources dans le service direct à la population.

Mme Richer (Jocelyne) : Est-ce que la situation, selon vous, a atteint un point critique?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : La situation a atteint un point critique, oui, dans le sens où, de plus en plus de citoyens sont en liste d'attente pour recevoir des soins de santé, pensons à des chirurgies, de plus en plus de citoyens sont en liste d'attente pour des services de réadaptation, que ça soit par suite d'accident de travail, par suite d'accident de la route, des besoins qui sont liés à une condition personnelle comme l'autisme, on en parlait, la déficience intellectuelle. Et la conséquence directe de ça, c'est que leur réussite dans la société, leur réussite scolaire, leur contribution à l'emploi, leur capacité d'être autonome économiquement, elle est menacée.

Alors, on a atteint le redressement des finances publiques d'une manière satisfaisante. Il faut demeurer, bien sûr, conscient de la bonne gestion. Je ne suis pas du tout, au contraire, opposée à ce qu'on soit très rigoureux. Il faut être rigoureux dans la gestion des fonds publics, mais, en même temps, il faut s'ouvrir les yeux sur l'impact réel sur non seulement, dans certains cas, l'attente envers des services qui arrivent trop tard ou en intensité insuffisante, mais envers, dans certains cas, l'absence de services pour répondre à des besoins qui doivent être impérativement satisfaits.

Mme Richer (Jocelyne) : Une dernière question, si vous permettez, plus personnelle. Je crois que votre mandat est terminé.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui.

Mme Richer (Jocelyne) : J'aimerais savoir si le gouvernement vous a proposé de le renouveler. Quelle est la situation?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : J'ai eu l'occasion d'accepter un troisième mandat, mais je ne souhaite pas avoir un troisième mandat. Et donc il appartiendra à l'Assemblée nationale, sur la proposition du premier ministre, de désigner un prochain Protecteur du citoyen. Ce que la loi prévoit, c'est que le protecteur en exercice demeure en poste jusqu'à ce que l'Assemblée nationale lui nomme un ou une successeur.

La Modératrice : Charles Lecavalier, Le Journal de Québec.

M. Lecavalier (Charles) : Bonjour. Je voulais savoir, est-ce que la réforme du ministre Barrette a eu des impacts positifs sur l'accès aux soins à votre avis? Parce que je vois que vous avez trouvé des problèmes. Je me demandais, sur un plan plus général, est-ce qu'il y a eu des impacts positifs ou ils sont seulement négatifs?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Un impact positif que nous avons constaté au niveau de la santé physique, c'est que certains protocoles, certains protocoles de prise en charge ont été mis… qui étaient supérieurs dans certaines régions par rapport à d'autres, ont été mis au bénéfice des autres régions.

Un autre élément qui est positif, c'est que le guichet d'accès aux médecins de famille dorénavant est géré avec une plus grande supervision de la Régie de l'assurance maladie du Québec, et ça entraîne plus d'équité dans les ordres de préséance. Ça permet aussi d'éliminer ce qu'on peut appeler les fausses listes d'attente, c'est-à-dire des gens qui vont être sur plus d'une liste d'attente. Alors, ça, c'est un impact qui est positif.

Pour l'instant, sur les autres enjeux liés à l'accès, c'est vraiment prématuré de porter un constat, je dirais, plus général. Mais, à court terme, on a quand même constaté que les délais d'accès, en raison de la hausse de la demande et du fait que les moyens ou les ressources financières ne sont pas au rendez-vous, les délais d'accès ne diminuent pas et, dans certains cas, augmentent substantiellement.

M. Lecavalier (Charles) : Le ministre Barrette a dû faire plusieurs coupures en santé depuis deux ans. Chaque fois, il a dit qu'il n'allait pas y avoir d'impact sur les services. Bien là, je comprends que, finalement, les coupures ont eu des impacts sur les services. C'est bien ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est certain que soit les coupures ou l'incapacité d'injecter plus de fonds dans certains cas ont un impact sur des services parce que la demande est croissante. Les besoins sont de plus en plus grands en raison notamment du vieillissement de la population qui fait en sorte que les citoyens plus âgés ont des besoins accrus de soutien à domicile, souvent de services de réadaptation, d'hébergement public. Alors, au moment où il y a ces coupures-là, il y a cette hausse de la demande.

Alors, les efforts pour compenser avec tout ça, financiers notamment, n'ont pas permis d'améliorer la situation. Est-ce qu'avec les temps, c'est une question qui se pose, tout ça fera en sorte qu'il y aura eu des économies dans la gestion, dans l'administration, des simplifications de procédure et qu'on pourra injecter plus dans les services publics? La question se pose. Et, bien sûr, moi, je souhaite que ce soit oui et je pense que c'est aussi le souhait du gouvernement.

La Modératrice : Tommy Chouinard, La Presse.

M. Chouinard (Tommy) : Le gouvernement ne parle pas de compressions, il parle de mesures d'optimisation. Il dit que ces mesures-là ciblent essentiellement l'appareil administratif, bureaucratique. Vous avez dit dans votre déclaration d'ouverture qu'au fil de votre mandat vous avez constaté que les compressions n'ont pas tant touché l'appareil administratif et bureaucratique, mais bien davantage les usagers, en particulier les personnes vulnérables. Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer une telle chose quand même assez significative?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est les constats de nos plaintes fondées, parce que les travailleurs des services publics, dans un contexte comme celui-là, ils ont à prendre des décisions qui vont dans le sens du respect des budgets qui sont les leurs. Ils sont jugés sur ça, et un travailleur qui prendrait des décisions qui feraient en sorte qu'on va défoncer un budget va être mal évalué. Donc, ça vient d'orienter l'angle de service.

Alors, ça veut dire quoi dans les faits? Une interprétation plus stricte, plus rigide de la loi, voire, dans certains cas, des interprétations illégales, comme on a pu le voir notamment à la Commission des normes, d'équité, de la santé et sécurité du travail pour une travailleuse enceinte qui était entrepreneure et qu'on excluait dans le sens contraire à la loi. Ça veut dire qu'on va tout faire pour exclure un citoyen s'il veut dire un risque de dépasser les budgets plutôt que de l'inclure dans un programme. Ça veut dire une interprétation rigide de la loi. Ça veut dire : Je n'ai pas suffisamment d'argent en services à domicile pour vous donner les 12 heures que nos professionnels ont évaluées, mais je vais vous donner quatre heures, et ça vient peut-être de compromettre le soutien à domicile de cette personne-là.

M. Chouinard (Tommy) : ...un peu plus, c'est que vous laissez entendre que c'est comme si on faisait porter le poids des compressions non pas à l'appareil administratif, mais qu'on veut déplacer ça vers les services, vers la population, comme si la commande de compressions, qui se voulait sur le plan administratif, on disait : Ah non! allons-y en coupant dans les services plutôt que de faire l'effort nous-mêmes à l'interne.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non. Encore une fois, je ne prête pas de mauvaise intention, mais le résultat de réduire les services directs à la population ou même, dans certains cas, de les reporter, les longs délais d'attente, ils sont inévitables parce que, dans les faits, plusieurs éléments sont incompressibles : les immobilisations, les coûts de services, les salaires des employés des secteurs publics.

Mais ce qu'il faut voir aussi, je dis : La bureaucratie — je ne parle pas des personnes, je parle des approches, des manifestations bureaucratiques — en a moins souffert malgré tout que la personne vulnérable, parce qu'on constate encore trop de formulaires très lourds, complexes à remplir, qui occasionnent des erreurs chez les citoyens. S'ils étaient plus simples, s'ils étaient mieux harmonisés... trop de formulaires, on demande encore trop de diagnostics à trop de médecins pour le même programme, le même citoyen. On prend encore des interprétations trop rigides des lois, qui mènent à des contestations devant les tribunaux, dont les délais sont très longs.

Tout ça, pour moi, ce sont des manifestations de la bureaucratie auxquelles on devrait s'attaquer pour pouvoir, à la fois, rendre un meilleur service, avoir plus de ressources pour les programmes au citoyen et faire en sorte que la finalité première des services publics, ce soit vraiment de servir le bien-être et de répondre, en temps opportun, aux besoins des citoyens.

M. Chouinard (Tommy) : Une dernière question, un peu le bilan sur votre mandat. Année après année, on a l'impression de... bien, en fait, on relit les mêmes constats, en particulier en matière de la santé et services sociaux. On a l'impression que les recommandations sont faites, mais que, puis d'ailleurs vous vous en inquiétez, qu'il n'y a pas véritablement de suivi sérieux, qu'on a l'impression que c'est toujours la même chose, le soutien à domicile puis les déficiences, puis comment ça se fait que ça ne change pas, puis ça revient tout le temps.

Est-ce que vous considérez que le gouvernement, en matière de santé et services sociaux en particulier, prend au sérieux les recommandations du protecteur?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui. Je dois vous dire, c'est la partie moins visible, mais, quand on dit 98 % du suivi des recommandations a effet individuel ou collectif, ça, c'est pour des citoyens dans l'ombre, qui ne seront jamais nulle part, que vous ne verrez pas dans les médias, pour qui leurs dossiers, aujourd'hui, c'est réglé.

Des situations ou des comportements, des problèmes de système importants se règlent aussi. Ce n'est pas rien, le changement de culture qui s'opère présentement à Revenu Québec. Vous direz : C'est au fil des ans, mais ce n'est quand même pas rien. En santé et services sociaux, il y a quand même eu des réinjections de fonds. C'est plus complexe, effectivement, c'est plus lourd, mais il y en a eu aussi des situations qui se sont quand même améliorées, des enjeux de respect des droits. Il faut quand même reconnaître, notamment avec les personnes qui ont des problèmes en santé mentale, le respect des droits est quand même mieux assuré partout.

Les frais accessoires, je ne veux pas attribuer au seul Protecteur du citoyen le changement de cap parce que ce serait vraiment prétentieux et injuste, mais il reste que les pressions qui ont été faites par le Protecteur du citoyen, les démonstrations de l'illégalité de ces frais-là ont amené aussi, dans certaines situations, des correctifs. On vient d'obtenir des correctifs sur des frais de stationnement des hôpitaux qui étaient excessifs, notamment au CUSM, à Montréal. Il y a des situations vraiment comme celles-là, là, qui se règlent. Pour les enfants autistes, plus de services aussi depuis 10 ans, encore pas suffisamment, encore des enjeux de manque d'harmonisation, mais quand même plus de services. Alors, non, je pense que le Protecteur du citoyen est une institution qui est reconnue et respectée par le gouvernement et par l'Assemblée nationale.

La Modératrice : Simon Boivin, Le Soleil.

M. Boivin (Simon) : Un peu dans la même veine que la première question de mon collègue, j'ai accroché sur le fait que vous avez dit qu'il y avait eu peut-être moins d'impact dans la fonction publique que dans les services aux citoyens, et je me demandais... Je comprends qu'il y a des dépenses incompressibles et tout ça, mais est-ce que vous voyez là-dedans une espèce de réflexe de machine administrive aussi, où c'est plus simple de couper dans le service que de s'attaquer, disons, à des emplois de collègues autour ou à de la bureaucratie qui, quand même, crée des emplois dans son environnement de travail immédiat? Est-ce qu'il y a un réflexe de machine là-dedans qui mériterait d'être mieux encadré par le pouvoir politique?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense que ce n'est pas le premier réflexe, mais il ne faut pas nier que ce réflexe-là, il existe. Et je pense aussi que le travail en silo, hein, on le dit souvent, le travail en vase clos, c'est qu'il faut prendre du recul puis regarder davantage, en fonction du citoyen, ce qu'une multitude de ministères ou d'organismes peuvent faire puis essayer de focusser à ce niveau-là.

On dit qu'il y a de l'incompressible, c'est vrai, mais plusieurs manifestations que l'on a constatées au Protecteur du citoyen, notamment la judiciarisation outrancière, la non-reconnaissance de ses erreurs, le fait que, dans certains cas, on multiplie les formulaires administratifs, ça a des coûts, tout ça. Ça a des coûts en termes de temps, ça a des coûts en termes administratifs, en termes informatique. Et ultimement il est vrai que, si on en avait moins, probablement que ça permettrait d'embaucher plus de personnes en services directs à la population et moins en services d'arrière-plan, bien que ces services soient aussi importants.

M. Boivin (Simon) : Et je me demandais... Donc, vous terminez votre deuxième mandat de cinq ans, donc ça fait 10 ans que vous portez un regard assez sévère de l'impact des coupures, au cours des dernières années, sur les services publics. Est-ce que, parmi les 10 ans pour lesquels vous avez été Protectrice du citoyen, vous avez l'impression que les services publics sont au plus mal de ces 10 années là que vous avez passées?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je ne dirais pas que les services publics sont au plus mal en termes de la qualité des services qui sont offerts et de la compétence des fonctionnaires. Là où je trouve qu'il y a une détérioration, et c'est pourquoi j'en appelle à vraiment mieux répondre aux besoins des citoyens dans des délais raisonnables, c'est que la demande augmente. Il y a des nouveaux phénomènes, des nouveaux enjeux, liés notamment au vieillissement de la population et à des besoins de clientèles vulnérables, qui ne sont pas suffisamment prévus, pour lesquels les services ne sont pas suffisamment adaptés et qu'on tarde trop à mettre en place.

Alors, moi, j'aimerais qu'on interpelle davantage et on appuie davantage les agents des services publics pour les aider à composer avec ces situations-là que de leur demander des contrôles excessifs, des redditions de comptes toujours sur des aspects administratifs, certes importants — je souscris pleinement à la bonne gestion des fonds publics — mais qui prennent une importance démesurée par rapport aux services directs qu'on doit rendre à la population.

M. Boivin (Simon) : Mais justement vous sentez le besoin de sonner l'alarme aujourd'hui. Vous avez utilisé ces mots-là. Est-ce que, pendant les 10 ans au cours desquels vous avez été là, cet accès à des soins là a déjà été mieux? Est-ce que la situation est pire qu'au cours de la dernière décennie?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Au fil des compressions cumulées d'une année à l'autre, c'est sûr qu'on le voit, les listes d'attente s'accroissent, les délais sont plus grands. Moi, je mesure... au Protecteur du citoyen, c'est l'impact sur le citoyen, les délais des gens qui attendent des chirurgies, les délais des gens qui attendent une indemnité par suite d'un accident de travail, qui attendent des services d'orthophonie pour leur enfant qui a trois ans. Il y a encore trois ans de délais d'attente, mais, dans deux ans, il est supposé commencer l'école. Alors, la réponse à votre question, c'est effectivement.

La Modératrice : Je m'excuse, j'ai un trou de mémoire, mais monsieur du 93.

M. Bernard (Jonathan) : Bonjour, Mme Saint-Germain.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bonjour.

M. Bernard (Jonathan) : Est-ce que vous iriez jusqu'à parler d'une déshumanisation des services offerts en raison du cadre qui est plus strict?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : La pression qui est mise sur les agents des services publics les amène à devoir à composer avec beaucoup de stress puis à travailler dans une grande intensité. On a vu, dans certains cas, que ça a eu un impact sur le traitement humain, sur le traitement adapté. Je ne veux pas généraliser, je ne veux pas dire que les employés des services publics sont déshumanisés. Au contraire, on le dit souvent, plusieurs travaillent avec beaucoup de coeur et de compétence, mais effectivement on voit des situations où ce contexte plus difficile amène des comportements, sur le plan interpersonnel, qui ne sont pas acceptables. On l'a vu, entre autres, avec des personnes en résidence privée pour personnes âgées ou dans certains CHSLD.

La Modératrice : Mathieu Dion, Radio-Canada.

M. Dion (Mathieu) : Gaétan Barrette a annoncé 150 millions sur cinq ans pour les soins à domicile, 22 millions en août. À la lumière de ce que vous voyez, des données, est-ce que c'est assez, dans le fond, quand vous regardez tout ça? C'est parce que je veux vous entendre sur les soins à domicile particulièrement, là.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Oui. D'abord, c'est un pas dans la bonne direction. Il faut savoir que, de ce 22 millions, il y en a 14 millions qui vont aller à la formation du personnel d'organismes communautaires qui vont dorénavant, pour plusieurs, donner des soins à domicile, soit l'aide à la vie quotidienne ou à la vie domestique. Pour l'instant, ça ne crée pas de place, ça ne crée pas de besoin. Je pense que c'est un pas dans la bonne direction, bien évidemment, et je ne crois pas que le ministre ait prétendu que ça va répondre à tous les besoins, mais, bien évidemment, les besoins étant croissants et déjà insuffisamment satisfaits, il va falloir faire d'autres injections de fonds.

Je veux aussi ajouter une préoccupation que nous avons pour les soins à domicile. C'est qu'il va être important, dans cette approche d'habiliter les organismes communautaires pour donner des soins à domicile, que le gouvernement ne se déresponsabilise pas et que l'on s'assure bien que ces services — ce sont des services de proximité pour des personnes vulnérables, souvent seules à la maison — ils sont rendus dans le respect des droits des personnes et avec un contrôle de la qualité. Dans ce cas-là, ce ne serait pas un contrôle excessif en ce qui me concerne.

La Modératrice : Une petite dernière en français, Alain Laforest.

M. Laforest (Alain) : Je ne veux pas dépasser le droit acquis de Tommy, là. C'est une blague.

Mme Saint-Germain, on note actuellement une augmentation majeure des salaires des omnipraticiens, et vous notez, dans votre rapport, que les accès ne sont pas là. Qu'est-ce que ça vous dit, ça, alors qu'on voit les salaires exploser, la rémunération pour les médecins, les spécialistes, exploser, mais qu'il n'y a pas plus de services aux patients? L'avez-vous constaté, ça?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Moi, je vais le prendre sous l'angle qui est le nôtre, c'est-à-dire, effectivement, notre constat qu'en raison des difficultés d'accès à un médecin des citoyens ne reçoivent pas les soins requis en temps opportun, n'ont pas les indemnités requises en temps opportun. Je pense évidemment à la CSST et à l'assurance automobile pour ne nommer que ceux-là.

Ce que ça me dit surtout, c'est qu'il faut briser les corporatismes. On fait encore appel à des médecins dans des situations où les infirmières cliniciennes très qualifiées, toujours présentes sur le plancher dans les hôpitaux pourraient vraiment agir, sauver du temps, améliorer la situation des personnes. Encore trop de psychologues et de travailleurs sociaux sont mis à l'écart. Leur expertise est vraiment importante et requise. Les infirmières auxiliaires aussi sont vraiment des personnes qui pourraient faire plus, sans compter les pharmaciens. Je trouve que c'est encore trop peu.

C'est un début, je veux le saluer, cette interdisciplinarité d'évolution de certaines tâches de la part des médecins aux pharmaciens et aux infirmières cliniciennes, mais, à mon avis, ça fait partie de la solution que de conserver le recours aux médecins pour les seules situations où c'est le recours qui est adéquat et ça fera en sorte qu'il le sera peut-être plus en temps opportun.

M. Laforest (Alain) : Mais ça ne vous inquiète pas le fait qu'il y ait une augmentation quand même assez marquée des salaires, mais moins de services ou pas plus de services?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est un constat, effectivement, mathématique.

La Modératrice : Est-ce que tu as besoin de l'anglais? O.K. Raquel Fletcher, Global.

Mme Fletcher (Raquel) : Madame, est-ce que vous parlez anglais?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : I'll try to do my best.

Mme Fletcher (Raquel) : OK. What would you say is the top or the top two worst examples that you found of delays in the public service?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : I would say, one that is very detrimental to a little child is the fact that he has autism syndrome disorder. He was on a waiting list, he was supposed to have physical therapy services in two years and, when his mother came with him, two years after, these services were no more available for him and he had to wait for three more years. And this same year, he was going to begin his first year at school. So that's very detrimental for this little child because it compromises his chances of success at school, and this is very important in life.

We have many other examples. It is difficult to stress on a few ones, but I would say that, generally, people that need medical or social services that are very important to them in order to cope with their work, to cope with school, to cope with inclusion in society, these persons are vulnerable and even more when they do not receive the public services on due time. So that's my answer.

Mme Fletcher (Raquel) : OK. How does Québec compare with other provinces in Canada?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, my report doesn't constitute a comparison with the other provinces, but on some, I would say, social and contemporary issues, Québec has to take example on some other provinces. I would say, for instance, children whose parents are not coping with all the legal issues related to immigration. In Québec, their children, they do not, for the time being, have access to free public school. In all the other provinces, these children have such an access, and it is very important because they are at the beginning of their life. We are compromising their chances of success in life, in society and we are contributing to exclude them of society.

So I believe that we should take example on all the other provinces and we should also abide by the international agreements that were signed by Canada and to which the province of Québec declared it was in agreement with.

Mme Fletcher (Raquel) : If there's one recommendation that you would want the Government to implement immediately, what would that be?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, it would be take care of too much administrative control, bureaucratic attitudes and please focus more and more on the reality of the citizens and on the impact of the long delays in providing them with public services.

Mme Plante (Caroline) : Maybe, if I may… I'm Caroline from The Gazette. What are your thoughts now that you're ending two mandates, spanning a decade, what are your thoughts and why do you need, sort of in more general terms, why do you feel the need to sound the alarm?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Well, I think that, in Québec, we have very performant public services when it is the time to serve citizens that cope with the criterias of the administration, but it is much more difficult to adapt these services to the citizens that have special needs, for instance, people with intellectual or mental disabilities. And I believe that we have to take much more care for their citizens, much more care to satisfy their needs in due time and to do our best to reduce the bureaucracy for them and to preserve the public fundings for the direct services they really need everyday in order to success and to be citizens «de plein droit».

Mme Plante (Caroline) : You mentioned the phenomenon of the aging of the population. Is it realistic to think that things will get better?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : We have to think that, and I'm sure we are able to act in a way that the seniors will be taken in care in due time with adapted services. There are solutions. There are solutions. For sure, it will be a big challenge, but I believe that we have, in Québec, the expertise, many resources, and, with the good will of everybody and, I would say, the priority that we should give to better deserve our seniors, I think we will improve the situation.

Mme Plante (Caroline) : Thank you very much. Merci.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : You're welcome.

(Fin à 11 h 42)

Participants

  • Saint-Germain, Raymonde

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