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Conférence de presse de M. Jean Chartier, président de la Commission d'accès à l'information du Québec

Dévoilement du rapport quinquennal 2016 intitulé Rétablir l’équilibre

Version finale

Monday, October 3, 2016, 14 h

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Quatorze heures)

M. Chartier (Jean) : Merci. Alors, mon nom est Jean Chartier, je suis le président de la Commission d'accès à l'information et je suis accompagné de Me Diane Poitras, qui est la vice-présidente de la commission.

C'est avec fierté que je suis devant vous aujourd'hui pour vous présenter le rapport quinquennal 2016 de la commission d'accès, qui est intitulé Rétablir l'équilibre. Ce titre a été choisi avec soin, parce qu'il veut mettre en lumière le travail à accomplir et les cibles à atteindre pour offrir à nos concitoyens un vrai droit d'accès à l'information et une meilleure protection des renseignements personnels en regard notamment des avancées technologiques des dernières années.

Pour atteindre ces cibles, une chose est certaine en ce qui nous concerne, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé doivent être revues en profondeur car elles ne l'ont jamais été depuis leur adoption. La Loi sur l'accès a plus de 35 ans aujourd'hui, et celle s'appliquant aux entreprises privées plus de 20 ans. Or, depuis ce temps, bien des choses ont changé. La société a évolué, de nouveaux besoins ont émergé, de nouvelles technologies ont fait leur apparition, et tout cela a eu pour effet de rendre caduques plusieurs dispositions de ces deux lois. De plus, au fil du temps, le caractère prépondérant de la Loi sur l'accès a été affaibli par un nombre important de dispositions d'autres lois qui sont venues restreindre l'accès aux documents ou diminuer la protection des renseignements personnels des citoyens.

Tout cela préoccupe la commission au regard de ces enjeux d'importance dans la société d'aujourd'hui. Dans son rapport, déposé le 29 septembre dernier à l'Assemblée nationale par la ministre responsable, la commission a formulé 67 recommandations. Je vous en présenterai quelques-unes aujourd'hui, réparties autour des thèmes de la transparence, de la protection des renseignements personnels et des données ouvertes.

On peut clairement énoncer aujourd'hui que la transparence de l'État constitue une des valeurs-phares de la société québécoise. À ce sujet, la commission recommande notamment que la Loi sur l'accès s'applique dorénavant à un plus grand nombre d'organismes publics. Il est indispensable que la Loi sur l'accès s'applique à toute entité substantiellement financée par l'État ou exerçant une fonction de nature publique, de même qu'à leurs filiales qui lui sont rattachées directement ou indirectement. De plus, la commission souhaite que les exceptions qui permettent de ne pas donner accès à certains documents soient revues en entier. C'est d'ailleurs sur ce point que le Québec est le plus en retard face aux législations des autres provinces et des standards modernes internationaux. Le Québec occupe, selon un organisme sans but lucratif chargé d'analyser les lois en matière d'accès, le 10e rang sur 14 au Canada. Il est primordial qu'un coup de barre soit donné afin de corriger cette situation qui constitue un frein à la transparence de l'État.

La commission recommande que les motifs de refus soient dorénavant plus précis et qu'ils soient limités dans le temps, qu'il ne soit plus possible pour les organismes publics de refuser de donner accès à des documents, à moins de démonter un risque réel de préjudice qui résulterait de la divulgation, et ce, en ajoutant également que l'intérêt public pourrait, dans certaines circonstances, avoir la priorité. En conclusion, en matière de transparence, la commission formule plusieurs recommandations qui visent à favoriser un plus grand accès à l'information des organismes publics.

Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels, la commission constate que, tous les jours, nous sommes, tout comme vous, sollicités par les médias sociaux, les sites d'achat en ligne, les programmes de fidélisation, les applications mobiles, mais aussi par des employeurs, des assureurs, des entreprises avec lesquelles on fait affaire. Nos renseignements personnels constituent alors la monnaie d'échange que nous offrons aux autorités publiques et aux entreprises privées sans trop savoir malheureusement ce qu'elles en feront. Les lois doivent être modifiées pour affirmer la responsabilité des entreprises et apporter des réponses aux questions préoccupantes et urgentes qui entourent la collecte, l'utilisation, la sécurité et l'exportation de nos renseignements personnels.

Parmi tous ces renseignements personnels, l'utilisation des renseignements génétiques est de plus en plus répandue dans notre société. Ce type de renseignement est extrêmement sensible car il révèle notamment des caractéristiques médicales et personnelles qui peuvent permettre d'identifier chacun des individus. Ces renseignements peuvent servir à discriminer des personnes, par exemple, dans les domaines de l'emploi et de l'assurance. La commission propose que ces renseignements servent dorénavant uniquement à des fins médicales, scientifiques ou judiciaires et que toute autre forme d'utilisation soit interdite.

Par ailleurs, les systèmes de mesure biométrique, par exemple, la saisie d'empreintes digitales, la reconnaissance oculaire, sont utilisés de plus en plus par les entreprises privées et les organismes publics. Ces derniers doivent être conscients de leur responsabilité face à ces renseignements, autant sur le plan de l'atteinte à la vie privée qu'ils sous-entendent que sur celui du stockage et de la conservation de l'ensemble de toutes ces données. La commission recommande que la création de tout système biométrique soit dorénavant précédée d'une analyse des risques et des impacts sur la vie privée avant sa mise en place.

Par ailleurs, devant le nombre croissant des fraudes d'identité, la commission réitère que les organismes publics et les entreprises privées qui sont victimes d'un incident de sécurité impliquant des renseignements sur des citoyens soient dorénavant obligés de lui déclarer de tels incidents. De plus, la commission souhaite, tout comme le gouvernement, que ces mêmes acteurs soient contraints d'aviser les personnes dont la confidentialité des renseignements personnels a été compromise par de tels incidents. Ainsi, en matière de protection des renseignements personnels, la commission formule également plusieurs recommandations qui visent, encore une fois, à rétablir l'équilibre et à redonner aux citoyens la propriété de leurs renseignements personnels.

Abordons, en dernier lieu, la question des données ouvertes. Les données ouvertes sont des données accessibles à tous, que l'on peut utiliser librement en tout temps et en tout lieu. D'ailleurs, des organismes publics diffusent déjà de telles données et de tels ensembles de données sur le site Internet Web Données Québec. La commission est d'avis qu'il faut aller plus loin dans cette voie en adoptant le principe d'ouverture par défaut des données détenues par les organismes publics. Bien que ces données constituent un plus pour la participation des citoyens à l'exercice de la démocratie, elles comportent également une part d'ombre en matière de vie privée. En effet, la diffusion de tels jeux de données ne devrait certainement pas porter atteinte à la vie privée des citoyens.

Ainsi, si le gouvernement souhaite permettre la diffusion de jeux de données contenant des renseignements anonymisés au sujet des individus, la commission recommande d'adopter un encadrement clair et de prévoir des limites à l'utilisation et à la circulation de ces données. L'enjeu ici est évidemment d'éviter que les individus soient identifiés en croisant leurs données, même anonymisées, avec d'autres données disponibles. Il ne suffit pas seulement de retirer le nom d'une personne pour qu'on ne puisse pas l'identifier. Ce qui est primordial dans la diffusion des données en format ouvert, c'est qu'elle ne doit pas se faire au détriment de la protection des renseignements personnels. Là encore, le point d'équilibre est fragile et en constante évolution.

Tel que je vous l'ai déjà mentionné, la commission a mis sur la table 67 recommandations pour adapter ces deux lois aux enjeux contemporains et les faire entrer dans le XXIe siècle. Si on parlait entre nous en termes de rénovations, nous pourrions affirmer que les fondations sont solides, mais que la plomberie, et l'électricité, et peut-être même la toiture devraient être refaits à neuf. Nous espérons évidemment que le gouvernement et l'Assemblée nationale sentiront eux aussi l'importance d'agir.

En tant que président de la commission, je suis fier de porter et de présenter ce rapport quinquennal. C'est tout un travail, croyez-moi, qui a été accompli pour le rédiger au cours des 18 derniers mois, et, en ce sens, je remercie sincèrement chacun des employés de la commission qui nous permettent d'être ici devant vous aujourd'hui. Je vous invite à prendre connaissance du rapport complet sur notre site Web. Vous pourrez constater que tous les aspects des deux lois ont été scrutés, pesés, analysés dans le but de les hisser toujours plus haut vers leur finalité, soit l'accès à l'information de l'État et la protection des renseignements personnels. Je vous remercie de votre attention.

La Modératrice : Merci beaucoup. On va passer à la période des questions. Alors, j'ai Tommy Chouinard de La Presse.

M. Chouinard (Tommy) : Bonjour. D'abord, j'aimerais savoir, si vous aviez à me résumer les obstacles que vous chercher à lever quant aux... les obstacles que vous voulez, en quelque sorte, éliminer lorsque vient le temps de répondre aux demandes qui sont faites, là... Vous invoquez, là, les... Il y a des refus, là, qui sont faits en utilisant, en fait, des dispositions qui sont, si je comprends bien, assez floues, mais suffisamment claires pour, par ailleurs, interdire l'accès à un bon nombre de documents. Est-ce que vous avez des exemples à donner à ce sujet-là puis du... Pouvez-vous me dire à quel point c'est un problème aussi?

M. Chartier (Jean) : Oui. Effectivement, vous allez constater, en regardant de façon plus attentive notre rapport, qu'au niveau des motifs qui sont actuellement permis aux organismes publics pour refuser l'accès à des documents, nous avons des propositions qui nous semblent progressistes et qui semblent... et qui, nous l'espérons, pourraient, si elles étaient appliquées, améliorer l'accès aux documents.

Alors, vous m'avez demandé des exemples, je vous donne l'exemple actuel d'un demandeur d'accès qui voudrait obtenir un rapport contenant des avis ou des recommandations qui ont été faits par un organisme public ou par ses fonctionnaires à un ministre ou à un organisme public. L'article 37 actuel prévoit que ce rapport ou ces recommandations-là peuvent être refusés par l'organisme dans la mesure où, je crois que c'est cinq ans...

Mme Poitras (Diane) : 10 ans.

M. Chartier (Jean) : ....dans la mesure où il a été fait depuis moins de 10 ans, et la disposition ne prévoit rien d'autre. Ça veut donc dire qu'à partir du moment où le rapport date de moins de 10 ans, le responsable du document au sein de l'organisme public peut tout simplement refuser, sans émettre aucun autre motif.

Ce que nous proposons, c'est que dorénavant, d'une part, ces délais, qui datent de 35 ans, soient raccourcis. Alors, par exemple, en matière d'avis et de recommandation, la commission propose que le rapport contenant l'avis ou la recommandation puisse être disponible dès après que la décision a été prise, par exemple, et que l'organisme public, s'il veut refuser la communication, ait à démontrer qu'un préjudice va être subi si la divulgation du document était faite, alors qu'à l'heure actuelle il n'y a aucune espèce de démonstration. Vous allez recevoir une lettre vous disant : Nous avons bien reçu votre demande concernant tel avis ou telle recommandation, or, cet avis a déjà été livré au ministère, ou au ministre, ou à l'organisme dans un délai de moins de 10 ans, et, en conséquence, il n'est pas accessible. Et, à l'heure actuelle, il n'y a à peu près rien à faire pour contrer ce refus.

Nous, on dit : Il faut absolument que l'État augmente sa visibilité, augmente la transparence de ses institutions et des informations qu'il détient et devra démontrer, parce que ça, jusqu'à un certain point, on est sensible à ça, devra démontrer, dans la plupart des restrictions qu'il invoque, le préjudice qu'il subirait si le document était divulgué.

M. Chouinard (Tommy) : O.K. Donc, si je comprends bien, c'est comme si on voulait changer un peu le fardeau de la preuve ou la façon de présenter les choses, c'est-à-dire que... Oui, allez-y.

M. Chartier (Jean) : Absolument. Vous avez tout à fait raison.

M. Chouinard (Tommy) : O.K. Quant aux organismes publics que vous voulez voir assujettir à la Loi sur l'accès, j'aimerais que vous me donniez des exemples précis. À quoi on pense exactement?

M. Chartier (Jean) : Vous voulez dire...

M. Chouinard (Tommy) : Les organismes supplémentaires...

M. Chartier (Jean) : ...quant au nombre, quand on mentionne qu'on devrait assujettir plus d'organismes publics?

M. Chouinard (Tommy) : Oui, oui. On parle de quels organismes exactement?

M. Chartier (Jean) : Ah mon Dieu! Écoutez, c'est difficile de... je pourrai, un petit peu plus tard dans ma réponse, vous donnez des exemples qu'on a rencontrés dans le passé. Mais ce que nous prétendons, c'est que tous les organismes publics au sein desquels des élus apparaissent ou au sein desquels des membres des organismes publics, du personnel des organismes publics apparaissent et dont le financement est assuré, en tout ou en partie, par l'État, par une municipalité, par un organisme de santé, bref, tout organisme public qui... en fait, je ne peux pas les appeler organismes publics parce qu'à l'heure actuelle ils n'en sont pas, mais toute structure organisationnelle créée par l'État qui reçoit une partie de son financement devrait, selon nous, être assujettie à la Loi sur l'accès. Il s'agit... leur financement dépend des deniers des citoyens, il s'agit d'argent public, et, selon nous, la transparence milite en faveur du fait que nous sachions, vous, moi et le citoyen de la rue, comment cet argent-là est dépensé, pourquoi, de quelle façon, par qui, et qu'une reddition de comptes soit imposée.

De quelle manière? Est-ce qu'elle devrait être aussi étendue que pour les organismes publics qui, par exemple, pour lesquels il n'est pas contesté? Prenez un ministère, une organisation particulière déjà mentionnée dans la loi, est-ce que, par exemple, nos recommandations devraient aller jusqu'à... à partir d'un certain plancher de financement? Nous croyons qu'il faut absolument en discuter parce que d'imposer, par exemple, un seuil minimal de 50 % de financement, ça pourrait être la solution retenue à ce niveau-là. Nous croyons qu'il faut absolument que l'État, que le gouvernement enclenche un débat sur cette question.

M. Chouinard (Tommy) : Des exemples, est-ce que vous allez quand même en donner?

M. Chartier (Jean) : Oui, des exemples, par exemple, que je puis vous donner, fondés sur la jurisprudence des dernières années de la commission, la Société du 400e anniversaire de Québec, par exemple, a fait l'objet de demandes d'accès par certains de vos collègues au cours des années qui ont suivi les festivités. Or, la commission n'avait d'autre réponse à donner que la société du 400e n'était pas assujettie, en fonction des critères développés dans la loi, n'était pas assujettie à la loi. La Société de la Vallée de l'aluminium, la Société Parc-auto du Québec, la cité de la biotechnologie alimentaire, ce sont des exemples de sociétés créées par le législateur sur des conditions qui les écartaient de l'assujettissement à la loi et pour lesquelles pourtant la commission a pu voir, dans les audiences qu'elle a tenues, des indices de financement ou des indices de contrôle qui faisaient en sorte que, pour nous, il n'y avait pas de raison que ces organismes-là soient, autrement que par la façon dont ils avaient été constitués, écartés de l'application de la loi, et c'est la raison pour laquelle on fait cette recommandation-là aujourd'hui.

M. Chouinard (Tommy) : J'ai une dernière question. Est-ce que... Je comprends qu'il y a des recommandations qui se sont déjà retrouvées dans d'autres rapports quinquennaux, vous dites que ce n'est quand même pas la première fois que des modifications à la loi sont demandées, et ça n'arrive pas. Est-ce que vous avez l'impression de... et vous avez dit que, bon, je pense qu'il y avait des insatisfactions par rapport aux orientations ministérielles émises l'année dernière. Avez-vous l'impression de prêcher dans le désert?

M. Chartier (Jean) : Prêcher dans le désert, non, mais je vous dirais... j'utiliserais un proverbe qui dit : 100 fois sur le métier, remettez votre ouvrage. Alors, je vous dirais que, dans la fonction que j'occupe, il faut savoir faire des petits pas et je vous dirais qu'effectivement depuis 2011 j'ai aussi... j'occupais la même fonction en 2011, lorsque le dernier rapport quinquennal de la commission a été publié.

De façon officielle, il n'y a pas de suite aujourd'hui, en 2016, à ce rapport. Par contre, je puis... quand je vous parle de la théorie des petits pas, je prends assise sur le fait qu'en février 2015 le ministre responsable de la Commission d'accès, qui a précédé Mme de Santis, c'est-à-dire M. Fournier, a présenté des orientations gouvernementales en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Un travail, je dirais, assez important a été effectué à ce moment-là.

En septembre 2015, la commission a déposé un mémoire devant la commission parlementaire orchestrée par le ministre Fournier pour donner suite à ces orientations gouvernementales. Nous y avons déposé un mémoire. Nous savons que le gouvernement a pris bonne note de l'ensemble de nos recommandations. Ce qui est aujourd'hui dans le rapport quinquennal constitue en grande partie de nouvelles propositions pour aller encore plus loin que les orientations gouvernementales. Et je sais qu'aujourd'hui, au moment où je m'adresse à vous, la ministre de Santis a évoqué publiquement son engagement à déposer un projet de loi dans lequel elle, espérons-le, donnera écho aux différentes, je dirais, préoccupations de la commission, mais, au-delà de ça, aux orientations gouvernementales qui elles-mêmes faisaient écho, et je vous le rappelle, au discours, je crois, d'assermentation de son gouvernement par le premier ministre Couillard lorsqu'il a demandé à son gouvernement d'être le fer de lance de la transparence, et ce à quoi d'ailleurs le ministre Fournier faisait référence lui-même lorsqu'il a présenté des orientations gouvernementales.

Alors, je vous dirais, c'est la théorie des petits pas. Espérons que le rapport quinquennal nous permettra d'en franchir un important dans l'ensemble de cette démarche qui, espérons-le, 35 ans plus tard, connaîtra un heureux dénouement en matière de droit des citoyens à l'accès et à la protection de leurs renseignements personnels.

La Modératrice : Merci. Philippe-Vincent Foisy, Cogeco.

M. Foisy (Philippe-Vincent) : Oui. J'ai une question. Bien, en fait, j'ai une question à deux volets. D'abord, dans le dossier de la vie privée comme dans le dossier de la transparence, est-ce que vous observez des tendances inquiétantes?

M. Chartier (Jean) : Je vous dirais qu'en matière de tendances inquiétantes, tel que je l'ai mentionné dans mon allocution, en matière d'accès à l'information, la tendance inquiétante, elle est de voir l'ensemble des juridictions qui nous entourent nous dépasser et de constater, lorsque moi et ma vice-présidente, par exemple, prenons part à des colloques ou à des rencontres avec nos collègues des autres provinces du Canada et qu'ils viennent nous... j'allais utiliser le mot «narguer», le mot est peut-être un peu fort, mais qui viennent nous vanter leurs avancées en matière de mise à jour de leurs législations... Tel que je vous le disais tout à l'heure, la loi québécoise a été cotée récemment par le Centre for Law and Democracy, qui est un analyste très critique des différentes dispositions en matière de transparence gouvernementale, la loi québécoise a été cotée la 10e sur 14 au Canada et, tel que me le répète toujours ma vice-présidente, deux points seulement avant la 14e place. Alors, évidemment, ça en dit beaucoup. Alors, oui, en matière de transparence, je vous dirais que c'est de se voir dépassé et de voir qu'alors qu'en 1982 notre loi était précurseure et une des premières au Canada, aujourd'hui elle est dans le peloton de queue, excusez l'expression, et elle est à la traîne.

En matière de protection des renseignements personnels, c'est un peu la même chose, mais, il faut bien le dire, là, ce n'est pas de l'inaction gouvernementale qui en est la cause, c'est l'avancée des technologies. Alors, tels que les exemples que je donnais, on a tous l'impression plus ou moins grande que l'ensemble de nos renseignements personnels qui sont détenus par les organismes publics sont relativement bien conservés.

En est-il de même pour les entreprises privées? Tel que je le mentionne dans mon allocution, lorsqu'on fait un achat en ligne, lorsqu'on va sur Facebook, lorsque l'on... simplement lorsque l'on magasine sur Internet, l'ensemble de nos clics est enregistré. L'ensemble de nos clics est enregistré, l'ensemble de nos préférences sont enregistrées, et tout cela constitue, selon nous, des renseignements personnels qu'une entreprise quelque part est en train de colliger sur l'utilisateur que vous êtes. Il n'y a, à l'heure actuelle, aucune espèce... il y a un minimum d'encadrement pour un véritable dossier que vous auriez, par exemple, avec votre émetteur de carte de crédit. Celui-là, il y a probablement un véritable dossier sur vous avec vos comptes, votre solde, etc., et la liste de vos achats.

En matière de collecte d'identifiants sur Internet à mesure que nous faisons de plus en plus l'ensemble de nos gestes, que ce soit, par exemple, de mettre à jour nos adresses, nos inscriptions, nos cartes de crédit, etc., l'ensemble de toutes ces préférences-là sont enregistrées, et, pour le moment, la Loi sur la protection des renseignements personnels est complètement dépassée vis-à-vis ces façons de faire et c'est ce sur quoi nous interpelons le gouvernement.

M. Foisy (Philippe-Vincent) : Et est-ce que c'est simplement une question législative ou le consommateur, en termes de vie privée, a son rôle à jouer aussi, il y a de l'éducation, ou c'est vraiment le gouvernement doit le faire. Et, s'il ne le fait pas, pourquoi? C'est parce qu'il ne comprend pas l'enjeu ou parce que ça le dépasse?

M. Chartier (Jean) : Je vous dirais que le consommateur a évidemment un rôle à jouer. Mais, si je vous disais : Écoutez, votre rôle à jouer, là, c'est notamment d'être conscient que, quand vous entrez sur un site de commerce en ligne, il faut que vous lisiez l'ensemble de la politique de confidentialité, que vous l'acceptiez, alors qu'elle a quelque chose comme 50 à 100 paragraphes. Évidemment, c'est peut-être lourd et ce sur quoi nous essayons de centrer nos recommandations. Il faut que le législateur trouve un moyen de responsabiliser les entreprises pour que l'ensemble de ses données soit sécurisé, qu'elles soient... que les citoyens soient informés de ce que l'entreprise en fait, dès le moment où le citoyen commence à faire affaire avec les entreprises.

Alors, nous, on dit : déplaçons le fardeau, là. Plutôt que de dire aux citoyens : Faites attention quand vous êtes sur Facebook, faites attention quand vous achetez en ligne. Oui, ces messages-là demeureront toujours nécessaires, mais les entreprises, elles, qui font leur pain quotidien de l'ensemble de ces renseignements-là doivent être responsabilisées, et c'est tout un fardeau que l'on veut déplacer par nos recommandations.

M. Foisy (Philippe-Vincent) : Puis est-ce que le gouvernement a de l'appétit pour réglementer ou augmenter ce fardeau-là chez les entreprises? Sentez-vous une oreille attentive, tant ici qu'à Ottawa?

M. Chartier (Jean) : Je vous dirais que je préférerais que vous posiez la question au gouvernement lui-même et à...

M. Foisy (Philippe-Vincent) : ...lui parler?

M. Chartier (Jean) : Bien, écoutez, moi, mon rôle, c'est, en vertu de la loi, de faire la promotion de la protection des renseignements personnels. Dans le rapport de 2011, je puis vous dire, et c'est peut-être ce à quoi vous faites référence, de façon sous-entendue, dans votre question, dans notre rapport de 2011, il y avait déjà des recommandations au gouvernement sur le commerce en ligne, sur la protection des renseignements personnels, mais plus particulièrement dans le secteur privé. Pour le moment, il n'y a pas eu de suite concrète.

Par contre, je puis, je crois, sans commettre un impair, vous dire que tant le ministre auteur des orientations gouvernementales, c'est-à-dire M. Fournier, que la ministre responsable actuelle ont sollicité la commission de façon très précise en matière de Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé de façon à ce que notre rapport quinquennal ait des recommandations, contienne des recommandations au gouvernement sur cet aspect. Alors, je vous dirais que je crois que, cette fois-ci, nous aurons une écoute attentive.

Mme Poitras (Diane) : Je veux juste amener une précision. Cette volonté de vouloir responsabiliser les entreprises, ça existe déjà dans la loi fédérale, ça existe déjà dans des lois d'autres provinces, notamment en Colombie-Britannique, je pense. Alors, il n'y a rien qui empêche le législateur d'aller dans la même voie ici.

M. Foisy (Philippe-Vincent) : Autre que de la volonté politique, là, c'est tout ce qui l'empêche?

Mme Poitras (Diane) : Mais ça, je ne pourrais pas vous dire, là, mais...

M. Foisy (Philippe-Vincent) : Bien, vous connaissez ça mieux que nous. En même temps, si vous regardez, c'est le seul bâton dans les roues qu'ils ont. Sinon, ils pourraient aller de l'avant, là. Il n'y a pas des enjeux légaux importants qui les bloquent à réformer cette loi-là, là.

M. Chartier (Jean) : Écoutez, comme ma collègue l'a mentionné, le fédéral a déjà fait des avancées, le fédéral, mais... parce que le fédéral possède aussi sa Loi sur la protection des renseignements personnels et a déjà fait des avancées, mais, même au fédéral, il semble que le gouvernement hésite.

Quelle est la véritable motivation de cette hésitation-là? Effectivement, il semble que nos gouvernements soient plus enclins ou que ce soit peut-être plus facile de légiférer lorsqu'il s'agit de légiférer en ce qui concerne les organismes publics parce que ce sont ses propres créatures. Lorsqu'il s'agit de légiférer en matière de renseignements personnels dans le secteur privé, on parle, à ce moment-là, de l'ensemble des entreprises privées sur le territoire qui font affaire sur le territoire, donc, évidemment, on parle aussi de l'ensemble des entreprises privées qui viennent de l'extérieur, mais qui font affaire, sur notre écran d'ordinateur, avec l'ensemble de nos concitoyens, il y a évidemment là une difficulté particulière.

Mais si je prends exemple sur, par exemple, ce que la Communauté européenne a commencé à faire en matière de protection des renseignements personnels dans le secteur privé, ils sont déjà plus avancés et il y aurait là des pistes de solution que l'on pourrait très bien importer ou imiter. Et, en ce sens-là, c'est la raison pour laquelle nous y avons consacré cette fois-ci, je dirais, une bonne moitié du rapport quinquennal.

Mme Plante (Caroline) :And, if I may, I have a couple of questions in English. You can keep looking at the camera, if you don't mind, and I'll just ask my questions.

I would like to hear you on the fact that two years after Premier Couillard's Throne Speech, promising to give Quebec its most open and transparent government in history, that you point to many shortcomings in the law and growing skepticism in the population. Why do you think that Quebeckers are still skeptical that they will get proper information?

M. Chartier (Jean) : Probably because today, in 2016, we still have an… when I say «we», I should say «citizens» still have difficulties in obtaining all the information that they are looking for, and, you know, as an administrative judge, as a president of the commission, and probably my colleague would say the same, we daily hear citizens asking us to release information according to the law, and the problem we have is that the law is too strict, the law is too severe. The conditions in the law are too wide and easily permit to the responsible of access in each of the public bodies to refuse the documents without saying any... or without giving any reason for the refusal that they are giving to the citizens.

And more and more citizens are expressing in front of us the frustration of a citizen that is paying taxes, a citizen who is giving his vote for these people and a citizen who doesn't get the information valuable for... to give an answer to their own preoccupations.

Mme Plante (Caroline) : And you emphasize that Québec is the 10th least transparent province in Canada. We feel, when we read your report... I haven't gotten through the entire report, but, when we read it, we feel a certain degree of exasperation. Do you feel that this is a real… access to information is a real priority for the Government?

M. Chartier (Jean) : I heard probably like you a lot of declarations coming from the Prime Minister himself, coming from Mme de Santis, the minister responsible for the law. I heard that many months ago from Mr. Jean-Marc Fournier, ex-minister responsible for the law. I heard from them the commitment in saying that this law needs to be improved. This law needs to give to the citizens the informations they are looking for. And Mr. Couillard himself expressed that he would like his Government to become «le gouvernement de la transparence». So I hope that the commitment of these three persons who are still acting in the present Government will come into results in next future.

Mme Plante (Caroline) : This is the commission's sixth report, I believe. Can you name something that… a recommendation that's crucially important, that hasn't been implemented yet, that you would like to see implemented, that really… something that's crucially very important?

M. Chartier (Jean) : I would say that it's quite difficult to identify one recommendation which would be more crucial than another. I would say generally speaking more access to information that citizens are right to obtain. And I would say, on the other side, to modify the law in order to give to citizens more confidence in our public bodies and enterprises when they are looking to obtain our personal information.

Mme Plante (Caroline) : Can you give us a concrete example of something that's been very often refused?

M. Chartier (Jean) : Oh! well, I would say all the documents containing information that are developing reasons or motive for which elected people are taking decisions. I would say that most of the time the information which is reached by citizens is the information that has been probably available for the elected persons, I'm speaking about MNAs or elected in municipalities, and all these information that permit to our MNAs, our ministers, our mayors in the municipalities to tell us as citizens : That is why I took this decision. Citizens are saying : «Can we see the documents on which you are tabling in order to take these decisions»? And that is, in most of the cases, the exact information that our public bodies refuse too often.

Mme Plante (Caroline) : And, in the spirit of offering greater access to information to citizens, do you think that MNAs expenses should be made public?

M. Chartier (Jean) : Well, you are probably referring to a newspaper release of this day. What I can tell you is that the section of the law on which is based the… I cannot say the refusal of the MNAs, but the… I'm looking for the right word in English, but…

Mme Plante (Caroline) : Lack of justification.

M. Chartier (Jean) : …the lack of justification that express the answer that the journalist got concerning this request, I would say that the commission expressed already and many times before the difficulties that we have with this section which has been used in the law in order to refuse the communication, and I'm speaking about section 34, section 34 which is just saying the MNAs just has to express the desire not to give the information if he doesn't want to give the information.

If I refer to a previous question that I had, is just to express an opinion that I would prefer not this information be communicated to the citizens or to the person who was asking this information, we believe that this is a too broad restriction which merits to be precise in the future.

Mme Plante (Caroline) : Because it's not very open and transparent, is it?

M. Chartier (Jean) : Excuse me.

Mme Plante (Caroline) : It's not very open and transparent, is it…

M. Chartier (Jean) : It is sure that we are speaking here about money that is given to the MNAs in order to… if we believe the newspaper release, which is given to the MNAs in order to establish an office… no, excuse me, not to establish an office, but to have a residence in the city of

Québec, in order to do their job of MNA in the city of Québec.

So again, and I repeat that, it's still the money of the taxpayers which is given to the MNAs in order to permit them to do their job. Up to which level should we know what they do with this money? It's another question. But should we know at least the complete amount which is given to all the MNAs in order to permit them to live in Québec? I think that only asking the question is giving the answer.

La Modératrice : Thank you very much. Vous avez été très généreux. Merci.

M. Chartier (Jean) : Merci.

La Modératrice : En anglais surtout. Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à la période de questions. Il n'y a pas d'autres journalistes? Merci beaucoup.

(Fin à 14 h 41)


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