(Treize heures quinze minutes)
M. Paradis (Lévis) :
Merci, tout le monde, d'être là. Je pense que, ce matin, vous avez eu une
présentation du ministre de la Santé concernant le taux d'inscription et les
taux d'assiduité. Eh bien, je pense que le constat est très clair, hein? C'est
un échec annoncé, et le ministre le montre très bien, graphiques à l'appui, au
niveau du taux d'inscription. On a de sérieux problèmes à ce chapitre-là, il le
démontre, la cible intermédiaire le prouve et la tendance n'est pas joyeuse.
Évidemment, on parle du taux d'assiduité,
mais là il y a une réalité, parce que le taux d'assiduité, ça ne veut pas dire
l'efficacité du système. Et comprenons bien qu'au moment où l'on se parle un
citoyen qui a besoin d'un rendez-vous avec son médecin omnipraticien, son
médecin de famille aura du temps à attendre. Moi, j'ai des gens qui m'appellent
et qui me disent : À partir du moment où on prend un rendez-vous, on peut
attendre trois, quatre, six, huit semaines. Alors, l'efficacité, c'est-à-dire
la rapidité pour voir son médecin de famille, pour l'instant, bien, elle n'est
pas non plus au rendez-vous. Cependant, lorsque le médecin aura vu ce
patient-là, le taux d'assiduité est à 100 %. Alors, ce n'est pas le
portrait et ce n'est pas la réalité terrain que ce taux-là.
Cependant, on voit fort bien qu'au
chapitre de l'inscription on a des problèmes, des problèmes majeurs, et je
pense que le ministre devra faire en sorte aussi maintenant de comprendre le
message et de prendre part à la rectification des choses, si rectification est
possible. On est bien en dessous de la cible fixée par le ministère.
Vous savez, il y a des façons de mieux
faire également. Et je la rappelle, celle-là, je vous l'ai déjà dit, mais on
l'a proposé aussi, et d'ailleurs c'était aussi, à travers l'épopée du ministre
de la Santé en 2012, une de ses visions, celle de revoir le mode de
rémunération des médecins également. On est encore à un mode de rémunération à
l'acte, 70 %-30 % à peu près dans les statistiques. Nous continuons à
penser qu'on doit avoir le courage de modifier le mode de rémunération des
médecins pour arriver à un équilibre permettant une meilleure prise en charge,
ce qui n'est pas le cas présentement. Alors, plus ça va, plus ça nous coûte
cher. Plus les médecins posent des actes, plus ça coûte cher aux contribuables
québécois. Et, au chapitre des dépenses et de l'argent dépensé, bien, vous
savez déjà ce que ça donne.
Alors, écoutez, c'est très simple, sinon
que de dire : Il y a un constat là qui est inquiétant pour la population
et, au-delà de ça, il y a une réalité patients qui ne se définit pas et qui ne
se retrouve pas dans la notion d'assiduité lorsqu'on dit qu'on atteint les
objectifs, notamment du fait que, pour des milliers et des milliers de
patients, on a encore la tendance puis on va encore à l'urgence en journée, on
va encore dans des cliniques sans rendez-vous tôt le matin ou sinon on attend
plusieurs semaines avant d'avoir notre rendez-vous. Alors, au moment où l'on se
parle, où nous sommes rendus, c'est aujourd'hui, pour le citoyen, un constat
d'échec.
M. Chouinard (Tommy) : M. Paradis,
pour bien vous suivre, vous dites : Avant de frapper le mur, dans le fond,
la mesure à prendre, c'est de changer le mode de rémunération des médecins. C'est
ça qui va donner des résultats.
M. Paradis (Lévis) : Ça
va être un élément qui va nous permettre de faire en sorte qu'on puisse avoir
et de l'accessibilité puis une qualité de soins accrue. Et cette même proposition
là, dans cette redistribution-là, entre le paiement à l'acte et la prise en
charge, était aussi une proposition faite par l'actuel ministre lui-même en
2012, noir sur blanc et de façon très concrète. Et je pense que ça prend aussi
ce courage-là, de faire en sorte qu'on révise ces mesures-là pour arriver,
encore une fois, avec l'objectif ultime de mieux traiter, de mieux soigner, de
faire en sorte que les patients du Québec puissent avoir un accès facile, un
accès rapide également à ces médecins, ce qu'on ne vit pas actuellement.
Moi, c'est drôle, parce que j'écoutais le ministre
dire : Taux d'assiduité, ça va, on est dans les normes, l'inscription, on
a des problèmes. Mais il y en a, des problèmes, là. La multidisciplinarité, dont
on parle depuis tellement longtemps, on en a parlé tout le temps, là, c'est un
mot qui revient — on s'est tous pratiqués à bien le dire parce qu'on
peut s'enfarger dedans, mais on l'a tellement pratiqué — alors, la
multidisciplinarité, aujourd'hui, on a des difficultés, là.
Les infirmières, qu'on souhaite plus
présentes, on a appris il y a quelques semaines qu'on avait des problématiques
à faire en sorte qu'elles puissent avoir davantage de pouvoirs, trouver leur
place. Et pourtant les infirmières que je rencontre sont prêtes à faire
davantage. Ça fait partie d'un paquet de trucs à faire qui ne sont pas faits
présentement.
Et, je vous dirais, quand on dit que
l'assiduité, ça donne l'impression que tout est beau parce que le médecin voit
son patient, bien, encore ce matin, je m'informais à des gens autour et je
disais : Bon, ça a pris combien de temps pour avoir ton rendez-vous chez
l'omnipraticien, qui mènera peut-être avec un médecin spécialiste? Huit
semaines. Huit semaines, c'est long. Huit semaines, c'est énorme.
M. Caron (Régys) : Mais,
M. Paradis, comment pouvez-vous demander à des médecins de travailler plus
en les payant moins? Vous voulez changer le mode de rémunération, ils vont
forcément, c'est ce qu'évoque le ministre, être payés moins, et vous leur
demandez de travailler plus.
M. Paradis (Lévis) :
C'est-à-dire que le médecin va travailler différemment. Actuellement, le
médecin est rémunéré à l'acte et il y a un paiement en fonction du nombre
d'actes posés. On pourrait être ensemble dans un cabinet, puis, si j'en pose
10, je serai facturé sur 10 actes différents. Si je vois 15 patients dans
ma journée, j'aurai pu charger 150 actes à la RAMQ, ce qui fait que la facture
augmente. Si on rééquilibre la notion de rémunération en fonction de la prise
en charge de son patient versus le nombre d'actes, on ne va pas moins bien
soigner, on va simplement moins payer puis on va s'attarder davantage au
patient qui est devant soi.
M. Chouinard (Tommy) :
Donc, valoriser davantage la prise en charge des patients dans un délai...
M. Paradis (Lévis) : Absolument.
Ça fait partie...
M. Chouinard (Tommy) :
Mais pourquoi cette donnée-là... Demandez-vous à ce qu'elle soit calculée,
cette donnée, au moment de la prise de rendez-vous — et là je me
demande la faisabilité de ça, là — le coup de fil passé au cabinet
puis le moment de la visite médicale? Parce que, là, vous évoquez des cas, c'est
des cas vécus, mais on n'a pas de données tangibles, là, par rapport à ça.
M. Paradis (Lévis) :
Bien, regardez, le mode de rémunération, à la base, là, ça va faire en sorte de
créer un équilibre qui n'existe pas, O.K., ça va requestionner le système,
combien ça nous coûte aujourd'hui puis pourquoi la facture est toujours aussi
importante pour les contribuables. Ça, c'est une base. Au-delà de tout ce qui
se fait, je pense que c'est une mesure qui va nous permettre d'avoir une
qualité de soins, une quantité de soins puis permettre également aux médecins
comme aux patients d'avoir un meilleur service. Oui, ça demande un certain
courage, oui, ça demande une modification, oui, ça demande de rééquilibrer le
pourcentage d'actes par rapport aux paiements pour la prise en charge. C'est
une chose.
Au-delà de ça, dans les donnés du ministre,
actuellement, le taux d'inscription qui n'est pas au rendez-vous. La tendance
qui se maintient, ça augure mal pour les deux prochaines années, ça, même le
ministre l'a dit aussi, là. Puis le taux d'assiduité, quand on dit : Bien,
voyez-vous, là, on est rendus, moi, tout ce que je dis, c'est que ça ne reflète
pas la réalité du patient sur le terrain au moment où l'on se parle parce que
le patient qui, aujourd'hui, pour demain, demande un rendez-vous avec son
médecin, là, il ne l'a pas rapidement. Pour plusieurs d'entre eux, ce n'est
pas...
M. Chouinard (Tommy) :
Oui, le point est intéressant parce que le taux d'assiduité, là, on s'est
aperçu que, dès la signature de l'entente... Dans le fond, on avait
manifestement surestimé le problème d'assiduité, puisque la cible, au moment de
la signature de l'entente, elle est 10 points de pourcentage inférieure à
la réalité. Donc, on était déjà au-dessus et largement de la cible qui était
fixée.
M. Paradis (Lévis) : Le
médecin voit son patient.
M. Chouinard (Tommy) :
C'est ça.
M. Paradis (Lévis) :
C'est sûr. À partir du moment où il est vu, là, vous avez 100 % dans le
cahier, O.K.? J'ai vu mon patient puis j'ai 100 %.
M. Chouinard (Tommy) :
C'est le délai, le problème.
M. Paradis (Lévis) : Le
problème, c'est le délai, c'est le délai. Combien de personnes vont dire :
À partir du moment où j'attends huit semaines, ils vont décider, au-delà de ça,
plutôt que de rester à la maison dans une condition qui demande à être traitée,
hein... Si tu prends un rendez-vous, là, au-delà de savoir si ta pression est
bonne.... Alors, si je décide de ne pas attendre ce huit semaines là, qui sont
des cas réels, là, si je décide de ne pas attendre, je fais quoi? Je vais à
l'urgence, je vais dans une clinique sans rendez-vous.
M. Chouinard (Tommy) :
Ce qui va jouer dans le taux d'assiduité, par ailleurs.
M. Paradis (Lévis) :
Oui, parce qu'il n'ira pas, mais là les gens attendent, ils vont voir leur
médecin, il y a un délai d'attente qui, pour le citoyen, est difficilement
supportable. Et, dès qu'on l'aura vu une fois, bien, on est à 100 % du
taux d'assiduité. Mais attaquons-nous à l'efficacité du système. Ça prend
combien de temps aujourd'hui pour avoir un rendez-vous avec son médecin
omnipraticien? Combien de semaines qu'il faudra attendre? Il est là, le
véritable objectif, il est là, là. Pour parler d'efficacité, c'est là qu'il
faut aller.
M. Chouinard (Tommy) :
Mais est-ce qu'il y a des patients qui sont lésés à cause de ça ou est-ce ne
s'opère pas une priorisation des cas, là?
M. Paradis (Lévis) :
Écoutez, moi, je pense que le patient qui attend plusieurs semaines... Puis
j'ai des cas en mémoire, là, puis, comme je vous dis, ce que je vous dis est
fréquent puis facilement vérifiable, bon, les patients le racontent. Je pense
qu'à partir du moment où tu dois attendre plusieurs semaines pour rencontrer
ton médecin omnipraticien parce que tu juges que cette rencontre-là est
importante, que, dans ton histoire de santé, c'est une rencontre importante
puis que tu as un délai d'attente qui atteint ces semaines-là supplémentaires,
je pense que le patient n'est pas bien servi.
M. Caron (Régys) : On va
revenir à la rémunération des médecins. Est-ce que les médecins gagnent
tellement d'argent qu'ils travaillent moins pour avoir le même niveau de vie ou
encore faut-il qu'ils changent leur culture de travail, comme l'évoque le ministre?
Il a même parlé des Gaulois de la médecine qui refusent de changer leur
pratique. Ce n'est pas méprisant, ça?
M. Paradis (Lévis) :
Oui, les médecins ont un travail à faire, assurément, les médecins ont un
travail à faire, là. Bien, c'est-à-dire que, pour certains d'entre eux, on
devra revoir la pratique. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on pourrait le faire
différemment. C'est-à-dire que tu fais de l'argent à poser des actes. Puis on
pense que, s'il y avait une rémunération adéquate et équilibrée sur la prise en
charge, tu n'aurais pas besoin de faire en sorte de ne faire que de l'acte et
d'aller chercher davantage d'argent au-delà de ça, au-delà de ça. Mais, bon, le
médecin devra revoir sa façon de faire pour arriver à ne serait-ce que de faire
tomber l'attente dont on parle ensemble aujourd'hui.
Mais le ministre, il a aussi une
responsabilité là-dedans, là. C'est son plan de match, là. Tu sais, c'est le
coach sur le bord de la ligne qui présente le plan de match. Ah! lui, il a une
responsabilité de ce que l'on vit aujourd'hui, c'est-à-dire de se rendre compte
qu'au niveau de l'inscription on a une problématique, puis on s'en va vers un
échec, puis ça va être dur à rééquilibrer s'il n'y a pas de quoi qui est fait
tout de suite. Puis, au niveau de l'assiduité, bien, je vous l'ai dit, c'est le
fun de dire que ça fonctionne, mais ce n'est pas le portrait réel sur le
terrain de l'attente des citoyens qui souhaitent avoir un rendez-vous avec leur
médecin de famille.
M. Caron (Régys) : Mais
l'échéance ultime de ça, c'est des sanctions financières prévues dans la loi
n° 20. Pensez-vous que ça va régler le problème? Parce que, dans le fond,
c'est ce que le ministre brandit, là. Ultimement, s'ils ne livrent pas, on va
les pénaliser financièrement. Une fois que ça va arriver, ça, pensez-vous que
ça va régler le problème?
M. Paradis (Lévis) :
Bien, écoutez, moi, je vais vous dire une chose, c'est que — et puis
le ministre utilise cette façon de faire là — dans ma tête à moi, il
y a là un élément de confrontation, un élément de coercition, puis, dans ma
tête, encore une fois, à moi, ce n'est pas la façon idéale de faire avancer les
choses. Je pense qu'il y a moyen, et je l'ai toujours dit, de travailler
davantage en collaboration que d'imposer. Il y a moyen d'avoir davantage de
cohésion et d'objectifs à atteindre quand on travaille tous puis qu'on pousse
tous de la même façon que d'avoir soudainement la crainte d'avoir un effet
négatif sur une rémunération ou ce que vous voudrez.
Mais on est encore au moment où on dit :
Là, si vous ne faites pas l'affaire, là, on va vous taper dessus. Je ne pense
pas que, dans une famille, par exemple, tu fasses avancer beaucoup ton enfant
en ayant des mesures coercitives. Je pense qu'en faisant comprendre le
bien-être de la population dans un dossier comme celui-là, il y a moyen de
travailler en collaboration. Encore faut-il que le ton le permette. Je ne suis
pas sûr que le ton du ministre permet toujours ça.
M. Caron (Régys) : Le
ministre se plaint des transferts fédéraux. Est-ce qu'Ottawa devrait dire à M. Barrette :
Donnez moins d'argent aux médecins puis mettez-le plutôt dans les services aux
citoyens?
M. Paradis (Lévis) :
Bien, je pense que le gouvernement, puis je pense que M. Barrette... Puis
on en est, hein, les transferts de santé fédéraux doivent être, à nos yeux,
maintenus à 6 %, et non pas diminués à 3 %. Au-delà de ça, l'argent
qui est donné au gouvernement du Québec, de quelle façon le gouvernement en
disposera, je pense que l'histoire fait en sorte qu'on est capables de prendre
de bonnes décisions, ce qu'on souhaiterait faire, nous, également. Mais, à ce
niveau-là, je ne pense pas qu'il y ait une directive du gouvernement fédéral
qui oblige le gouvernement à faire une action ou une autre. Merci.
(Fin à 13 h 27)