(Quinze heures six minutes)
Mme Maltais : Bonjour, tout le
monde. Je viens, encore une fois, de poser une question au ministre Lessard sur
ces relations troubles qui existent entre Yvon Nadeau, son ex-employé, et les
différentes compagnies avec lesquelles M. Nadeau et M. Lessard
faisaient affaire.
La dernière information qui est rentrée date
d'hier et elle vient spécifiquement, précisément de l'entreprise elle-même,
Innoltek. Innoltek nous apprend, par communiqué, hier, que M. Nadeau a été
directeur général de novembre 2013 à novembre 2014. M. Nadeau a
été embauché à son bureau de circonscription pour une deuxième fois par M. Lessard
en mai 2014. Ça veut donc dire que, pendant six mois, en plus d'être à la
recherche de subventions parce qu'il était P.D.G. de Pyrobiom, en plus de louer
des chalets et de garder l'argent dans ses poches, il occupait une fonction de
directeur général d'une autre entreprise, Innoltek, dont en plus il possédait
16 % des actions. C'est ce qu'on a appris grâce à Cogeco aujourd'hui.
Donc, ce qui est troublant là-dedans, c'est
que, plus on lève le voile sur le dossier puis plus les gens veulent rétablir
les faits, plus c'est sombre, ce qu'il y a là-dessous. Et ce matin le ministre
a continué à évacuer les questions que je lui pose, puis ça, ça commence à être
troublant. Je lui ai demandé : Est-ce qu'il savait que son employé était
aussi directeur général de l'entreprise Innoltek? Il n'a pas répondu. Et, systématiquement,
il parle du programme qui touche Pyrobiom, mais ne me parle jamais d'Innoltek.
À l'Assemblée nationale, jamais il n'a parlé d'Innoltek, il ne veut pas. Et, la
question importante, je lui ai demandé : Est-ce que vous avez demandé un
avis au Commissaire à l'éthique sachant que votre employé était directeur
général d'une entreprise, Innoltek, en plus d'être actionnaire? Et, à cette
question-là, toute simple, il refuse de répondre. Il refuse même d'aborder la
moindre réponse.
C'est troublant. Ça signifie, à mon sens,
qu'il le savait et qu'il n'est pas allé devant le Commissaire à l'éthique,
qu'il n'avait pas d'avis. C'est ce que je comprends, sinon il le dirait, il
dirait oui. Alors, je pense que M. Lessard a de sérieux problèmes sur les
bras et qu'il va falloir un jour qu'il nous aide à avoir une meilleure
compréhension de cette histoire. C'est troublant. Et il semble, je vous le dis,
là, c'est ce que j'ai dit au Commissaire à l'éthique la semaine dernière, qu'il
a favorisé de manière abusive, à notre avis, un employé de son bureau de comté.
M. Lacroix (Louis) :
Mais, juste pour démêler les choses, Innoltek n'a jamais reçu de subvention
directement. C'est Oleotek qui avait les subventions et Innoltek vendait la
technologie développée.
Mme
Maltais
:
Innoltek a... une modification à des règles d'entreprises. Mais pourquoi est-ce
qu'il faut tirer les vers du nez à tout le monde pour réussir à savoir ce que
traficotait Yvon Nadeau pendant qu'il était employé du bureau d'un ministre, du
ministre des Forêts? C'est ça qui est problématique. Dès qu'il y a eu Pyrobiom,
pourquoi est-ce que le ministre Nadeau... le ministre Lessard — je
viens de faire un lapsus amusant — pourquoi est-ce que le ministre
Lessard n'a pas immédiatement dit ce qui se passait avec Yvon Nadeau? Pourquoi
est-ce qu'il n'a pas sorti : Écoutez, oui, il avait plusieurs emplois,
j'ai parlé au Commissaire à l'éthique. Non, il faut constamment tirer les vers
du nez pour comprendre. C'est sûr que, moi, si j'avais un employé qui louait
des chalets qui ne lui appartenaient pas puis qu'il mettait l'argent dans ses
poches, en vertu de bris de contrat je commencerais à être un peu gênée d'en
parler. Mais là il y a des problèmes. Il faut que M. Lessard, à un moment
donné, soit extrêmement transparent. Il n'a pas besoin d'attendre le rapport du
Commissaire à l'éthique pour répondre à nos questions. Ce sont des questions de
base toutes simples.
M. Lacroix (Louis) : Vous
avez déjà été ministre, Mme Maltais. Vous avez des employés à votre bureau
de comté également. Est-ce qu'à votre avis ça se fait, travailler, en fait,
dans un bureau comme attaché politique, là, comme M. Nadeau, à temps
partiel ou est-ce que c'est une job à temps plein, à votre avis?
Mme
Maltais
:
Attaché politique dans un cabinet, c'est du 60, 80 heures-semaine. Attaché
politique dans un bureau de circonscription, dans des circonscriptions grandes
comme celle de M. Lessard ou dans des circonscriptions lourdes de
problèmes sociaux comme la mienne, je peux vous dire que c'est du travail,
c'est du 60 heures par semaine.
Une autre question qui me reste, c'est :
Combien d'heures M. Nadeau travaillait-il au bureau de circonscription?
Comment il faisait son travail? Quelle était la priorité? Il avait quatre
emplois en même temps, là. M. Lessard ne peut pas cautionner ça. Ce n'est
pas pour rien qu'il ne veut pas ouvrir la bouche. Il sait qu'il ne peut pas
cautionner ça, mais il l'a cautionné.
M. Bovet (Sébastien) :
Avez-vous déjà eu, vous, comme employé, que ce soit à votre cabinet ou dans
votre bureau de circonscription, un employé, un conseiller qui avait, en plus
de sa job de conseiller, un autre emploi à l'extérieur de votre bureau?
Mme
Maltais
:
Jamais, jamais, et je ne connais pas ce genre de cas là.
M. Bovet (Sébastien) :
Selon le gouvernement, ça fait partie des règles acceptables qu'un employé soit
à la fois conseiller politique et qu'il ait, à l'extérieur du bureau de
circonscription ou du cabinet, un autre emploi. Le gouvernement se réfugie,
donc, derrière cette règle pour justifier le fait que M. Nadeau avait
plusieurs emplois en même temps. N'est-ce pas une défense valable?
Mme
Maltais
: Ce
n'est pas une défense valable. On peut comprendre parfois qu'on a un autre
emploi à temps partiel. Il y a M. Khadir, je pense qu'il fait une demi-journée
par deux semaines pour conserver son droit de pratique de médecin. Mais un employé
d'un ministre qui a quatre, trois emplois différents en même temps, ça, c'est
exceptionnel. Ce n'est pas un emploi à temps partiel, là. Puis ce n'est pas des
emplois sans impact, P.D.G. d'une entreprise qui cherche 30 millions, locateur
de chalets qui ne lui appartiennent pas et dont il met tout l'argent dans ses
poches et directeur général et actionnaire d'une autre entreprise en même
temps. Je vais vous dire, moi, un tel employé ne mettrait jamais les pieds dans
mon bureau, jamais, jamais, jamais, ni comme ministre ni comme députée. Et je
ne connais pas quelqu'un qui avaliserait ce genre d'affaire là. Il y a une
différence entre avoir un emploi peut-être à temps partiel pour aider et
pratiquement cumuler les postes, là. Le cumul de fonctions, là, il y a une
limite.
M. Gagnon (Marc-André) :
L'information à l'effet que M. Nadeau, donc, aurait été le directeur
général d'Innoltek de novembre 2013 à novembre 2014 diffère de son profil
LinkedIn, là, de son CV sur Internet?
Mme
Maltais
:
Totalement, totalement.
M. Gagnon (Marc-André) :
Lorsque vous vous êtes rendu compte, donc, que ça ne concordait pas, le
LinkedIn et l'information dans le communiqué, est-ce que vous avez essayé
d'entrer en contact avec les gens d'Innoltek pour vérifier si ce n'était pas
eux, finalement, qui s'étaient trompés sur les faits en voulant les rétablir?
Mme Maltais : Je me fie à
Innoltek, qui dit : Nous voulons rétablir les faits, nous faisons le point
sur les allégations. J'ai cru l'entreprise.
M. Gagnon (Marc-André) :
Donc, vous n'avez pas entré en contact plus que ça.
Mme Maltais : Je n'ai pas eu
le temps, j'ai eu ça dans les mains, je vais vous dire, personnellement, là, vers
11 h 30, midi. Mais j'ai cru l'entreprise. De toute façon, ça
correspond exactement à la manière dont on avait lu différentes informations
qu'on avait recoupées sur M. Nadeau, son profil LinkedIn, son CV, tout ça.
Nous, on considérait qu'il était probablement à l'emploi de l'entreprise.
M. Gagnon (Marc-André) :
O.K. M. Lessard, donc, vous déplorez le fait qu'il refuse de répondre aux questions
portant sur Innoltek. Aussi, en même temps, bien là il s'accroche, parce que
les partis de l'opposition demandent depuis des semaines à ce qu'il se retire
temporairement du Conseil des ministres. Là, il ne le fait pas, il s'accroche.
Mme Maltais : Il s'accroche,
puis ce que je trouve curieux, c'est que Sam Hamad, pendant ce temps-là, dit
qu'il est prêt à revenir comme ministre des Transports. Je pense que, pendant
qu'il s'accroche, il y en a d'autres qui commencent à saliver. Ce n'est pas moi
qui le dis, c'est Sam Hamad.
M. Lacroix (Louis) :
Qu'est-ce que vous pensez de ça, vous, M. Hamad qui se dit prêt à revenir
au Conseil des ministres? À votre avis, est-ce que c'est quelque chose qui
serait acceptable, qui est possible?
Mme Maltais : Je ne veux pas
d'un ministre, autour de la table du Conseil des ministres, qui a contrevenu
aux valeurs de l'Assemblée nationale. Il n'a pas juste contrevenu à une petite
règle, il a contrevenu aux valeurs de l'Assemblée nationale. Il est allé
rencontrer, dans un petit déjeuner, Marc-Yvan Côté, Marc-Yvan Côté, qui s'est déjà
promené avec des valises d'argent, selon lui-même, Marc-Yvan Côté, au Québec,
un homme scabreux comme ça, qui avait été retiré du Parti libéral du Canada. Il
est allé petit-déjeuner avec lui en tête-à-tête — ce qui se fait
rarement quand on est ministre — et puis tout de suite après la subvention
a augmenté de 1 million. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Même
le Commissaire à l'éthique a dit que c'était à l'encontre des valeurs de l'Assemblée
nationale. Il ne faut plus qu'il se rassoie autour de la table du Conseil des
ministres, il a perdu la confiance du public.
M. Bovet (Sébastien) :
Vous étiez prête à accepter un premier ministre qui avait été l'objet d'une
enquête du Commissaire à l'éthique sur un éventuel conflit d'intérêts dans les
Studio Mel's, par ailleurs.
Mme Maltais : La seule chose
qui est arrivée de M. Péladeau, c'est ce que le Commissaire à l'éthique a
dit lui-même qu'il a manqué au code mais que c'était comme une erreur de
jeunesse, de la même façon que la députée de la CAQ, qui était en agriculture,
avait fait une erreur, un petit manquement. On n'est pas dans les valeurs de l'Assemblée
nationale. Excusez-moi, là, on n'est pas dans les valeurs de l'Assemblée
nationale. Merci.
M. Bovet (Sébastien) :
Erreur de jeunesse?
Mme Maltais : Bien, c'est un
peu comme ça que ça avait été pris, c'est-à-dire que c'était un débutant puis
il avait mal assumé le code. D'ailleurs, on a tous dit après qu'il fallait qu'il
y ait des meilleures formations sur le code pour les nouveaux députés de l'Assemblée
nationale, ce serait important.
Mais ça commence à être lourd, le dossier
Lessard, c'est tout autre chose. Merci.
(Fin à 15 h 15)