(Neuf heures trente-deux minutes)
Mme Léger
: Alors,
bonjour. Je suis accompagnée, dans le fond, avec... le point de presse, on le
fait, Manon Massé avec moi, et on a M. Bolduc, le président du Syndicat
canadien de la fonction publique, qui est aussi avec Manon et moi pour nous
accompagner dans ce point de presse.
Nous aimerions, dans le fond, vous
exprimer notre grande inquiétude quant à l'entêtement du gouvernement sur le projet
de loi n° 87 qui concerne les lanceurs d'alerte, qui est la divulgation
d'actes répréhensibles. D'abord, je tiens à vous rappeler qu'il y aurait
d'autres groupes qui auraient pu être avec nous. Il va y avoir des communiqués probablement
qui vont suivre par après, de d'autres organisations qui voulaient être avec
nous aujourd'hui, mais ce n'est pas toujours possible d'être présent, les
distances, etc.
Alors, je tiens à vous rappeler que les recommandations
de la commission Charbonneau quant à l'adoption d'un régime général de
protection des lanceurs d'alerte, qui reposait sur la protection, l'accompagnement
et le soutien financier des lanceurs d'alerte... plus de 25 % des
recommandations de la commission Charbonneau concernent les municipalités, dont
50 % des irrégularités sont du secteur municipal. Alors, je vous mentionne
qu'on a reçu... Actuellement, le gouvernement travaille par fractionnement. On
reçoit des projets de loi en saucisson : le projet de loi n° 87 sur
les lanceurs d'alerte, le projet de loi n° 108 sur la création de l'Autorité
des marchés publics et peut-être un autre projet de loi sur les municipalités,
qui viendra peut-être plus tard.
Alors, jusqu'à maintenant, Manon et moi
avons apporté plusieurs amendements, dont l'un majeur, qui est principalement
le motif de notre point de presse aujourd'hui, c'est l'importance capitale
d'introduire les municipalités au projet de loi des lanceurs d'alerte. Nous
avons insisté depuis des mois auprès du ministre. Celui-ci nous a reléguées à
son collègue des Affaires municipales qui devrait nous déposer un projet de
loi. Nous attendons toujours ce projet de loi.
Jeudi dernier, à la période de questions,
j'ai demandé au gouvernement de nous confirmer que les employés municipaux
soient protégés, que le secteur municipal soit assujetti au projet de loi
n° 87. Trois ministres m'ont répondu à tour, Carlos Leitão, Jean-Marc
Fournier et Martin Coiteux, pour me dire ensemble que oui, les municipalités
sont incluses au projet de loi n° 87. En fin de journée, je reçois l'appel
du ministre des Affaires municipales pour me dire qu'ils sont désolés, qu'ils
étaient mêlés entre eux, que les municipalités seraient assujetties au projet
de loi n° 108, mais pas au n° 87. Improvisation, éparpillement,
incohérence.
Alors, minimalement, les municipalités
doivent être introduites au projet de loi n° 87, mais les supramunicipaux,
les organismes à but non lucratif et même le privé devrait l'être. Dans
l'intérêt public, il faut protéger les lanceurs d'alerte, peu importe d'où ils
proviennent, mais tout au moins dans les municipalités.
La majorité des groupes se sont prononcés
pour inclure les municipalités, sont venus en commission parlementaire, l'ont
dit, ont déposé des mémoires. D'ailleurs, même la fédération des journalistes
le réclame et demande également le même traitement de protection pour leurs
propres sources. Alors, il faut protéger les gens qui dénoncent. Cela va dans
l'intérêt public. Ce n'est pas normal que les travailleurs ne soient ni
protégés et ni accompagnés et gardent plutôt le silence au cas des représailles,
allant même jusqu'au congédiement pour certains. Alors, l'opposition réclame,
les municipalités, qu'elles soient là, même les OBNL, le privé, un filet social
de fonds d'aide, des ressources supplémentaires à la Protectrice du citoyen. On
aurait une liste. Mais aujourd'hui, notre point, c'est que c'est essentiel que
les municipalités soient incluses au projet de loi n° 87. Alors, je vais
laisser ma collègue Manon.
Mme Massé : Merci, Nicole. Bien,
effectivement, ma surprise était énorme quand j'ai vu en Chambre, la semaine
dernière, les ministres se lever... et, entre autres, la dernière question
était très claire : Est-ce que les municipalités, les lanceurs d'alerte
vont être protégés dans le projet de loi n° 87? La réponse a été oui.
Bon, on pensait qu'on venait de faire une
victoire, premièrement, qu'on avait réussi, par nos arguments, à convaincre les
ministres, le ministre concerné, M. Leitão, de la pertinence et de la nécessité
d'inclure les municipalités au sein du projet de loi n° 87, mais, dans le
fond, ça fait juste nous redire... le coup de téléphone fait juste nous redire
que je pense sincèrement que ce gouvernement-là ne comprend pas ça veut dire
quoi protéger les lanceurs d'alerte, qu'il fait tout en son pouvoir pour
essayer de rendre ça compliqué, comme s'il voulait plus protéger les
institutions que les lanceurs d'alerte comme tels. Et, on le sait, la
commission Charbonneau, mais aussi à travers l'ensemble de la planète, lorsqu'il
est question de protéger les divulgateurs d'actes répréhensibles, il faut que
le système soit simple, il faut que les gens ne se posent pas la question :
Suis-je protégé ou non? Et là, comme on s'en va, on est en train de multiplier
les projets de loi, ce qui fait en sorte que les gens ne sauront plus de quel côté
ils vont pouvoir dénoncer. Et, si c'est compliqué, bien, ils ne le feront pas.
Alors, moi, aujourd'hui, la nécessité...
et c'est pourquoi qu'on est avec des groupes de la société civile qui vont
venir vous dire comment c'est important que les municipalités soient incluses.
D'ailleurs, il y avait 11 groupes sur 20 qui, durant les auditions, ont
nommément dit, dont la Protectrice du citoyen, qui ont dit : Il faut que
les municipalités soient là, c'est majeur. Pourquoi? Bien, la commission Charbonneau
est la réponse, on l'a appris, là, pourquoi c'est important de protéger ces
gens-là.
Alors, oui, le projet a plusieurs défis,
défauts, mais il faut minimalement que les municipalités soient là, et je vais
laisser M. Bolduc vous en exprimer le pourquoi.
M. Bolduc (Denis) : Alors,
merci. Le SCFP, Syndicat canadien de la fonction publique au Québec, c'est
32 000 membres, 32 000 membres dans le monde municipal,
environ 250 municipalités, des petites, des moyennes, des grosses, toutes
grosseurs, et on est allés en commission parlementaire demander finalement au ministre
Sam Hamad, qui était là à ce moment-là, d'inclure les municipalités dans
le projet de loi pour protéger, finalement, nos travailleurs municipaux.
Pourquoi? Parce que les plus gros donneurs
d'ouvrage au Québec, ce sont les municipalités. C'est eux qui donnent les
contrats semaine après semaine, des contrats qui sont donnés par les municipalités,
et nos gens, nos travailleurs municipaux, bien, sont à l'intérieur, donc ils
peuvent avoir connaissance d'actes répréhensibles qui peuvent être commis.
Alors, ils sont les mieux placés pour dénoncer les choses. Et donc on l'avait
souligné à M. Hamad, et il nous avait répondu : Oui, ça va venir
parce qu'il y a beaucoup de monde qui le demande, vous n'êtes pas les premiers,
oui, ça va venir; pour que plus tard, bien, il revienne un peu sur ce qu'il
avait dit, qu'il dise : Bien, ça va être dans un autre projet de loi.
Finalement, l'autre projet de loi, on l'attend encore.
Le 20 mai dernier, dans un communiqué, le
ministre Leitão indique qu'il y a des négociations actuellement entre le
ministère des Affaires municipales... bien, actuellement... au mois de mai,
entre le ministère des Affaires municipales et les municipalités pour inclure
les municipalités, les lanceurs d'alerte dans un projet de loi éventuellement,
et on l'attend encore. On attend encore, puis mon impression à moi, c'est mon
impression, c'est que les maires, je ne suis pas certain qu'ils en veulent, parce
qu'on est devant un gouvernement libéral qui, depuis deux ans, donne aux
municipalités tout ce qu'elles demandent, tout ce qu'elles demandent. On parle
des régimes de retraite, du projet de loi n° 110 sur le cadre de négociation
dans le secteur municipal et transport terrestre. Il leur donne tout ce qu'ils
demandent, mais, sur ça spécifiquement, il n'y a rien qui bouge.
Alors, moi, j'irais demander aux
municipalités : Est-ce que vous êtes d'accord avec ça? Puis, si on avait
un oui de ce côté-là, ça serait drôlement aidant.
M. Vigneault (Nicolas) :
Qu'est-ce qui vous fait dire qu'on doit absolument inclure ça dans ce projet de
loi là? Est-ce que c'est notamment les conclusions de la commission Charbonneau
qui ont levé le voile sur ce qui se passait, finalement, dans le monde
municipal?
Mme Léger
: Bien,
l'important, il faut quand même se le dire, c'est de protéger les lanceurs
d'alerte, donc de vouloir dénoncer et de ne pas avoir les représailles, parce
qu'actuellement, quand ils ne sont pas protégés, ils peuvent avoir des représailles.
Il y en a qui vont même jusqu'à être congédiés. Alors, dans le projet de loi
n° 87, on les protège à ce niveau-là. Le fardeau de la preuve irait vers
l'employeur qui est...
Alors, ça, là, cette protection-là est
importante pour le milieu municipal, parce que tout le secteur municipal, c'est
toutes les municipalités du Québec. On voudrait aussi supramunicipal, dans le
fond, c'est tout... tous les fonds publics, là, du Québec, ceux qui veulent
dénoncer dans l'intérêt public, vouloir avoir des.... dénoncer des actes
répréhensibles, bien, actuellement, ils ne sont pas tous protégés. Alors, c'est
ça le but, que, dans le projet de loi n° 87, on puisse inclure les
municipalités parce que ça permet de protéger tous les lanceurs d'alerte.
M. Vigneault (Nicolas) : Et
c'est un domaine important, c'est un donneur d'ouvrage très important aussi.
Mme Léger
: C'est un
grand donneur d'ouvrage, M. Bolduc vient de le mentionner. Et, dans la
commission Charbonneau, pourquoi qu'on fait le lien? Dans la commission Charbonneau,
25 % des recommandations de la commission Charbonneau étaient sur le
secteur municipal et 50 % des irrégularités sont dans le secteur
municipal. Alors, pour être capable d'avoir de la transparence, il faut
absolument que le secteur municipal soit là pour permettre aux lanceurs
d'alerte d'avoir cette possibilité-là d'être protégés.
Vous savez, quand vous êtes témoin d'une
situation répréhensible, là, et puis là, bien, vous pensez que vous allez être
congédié, vous n'êtes pas sûr, vous gardez... ce n'est pas dans l'intérêt
public que le travailleur ne puisse pas avoir les coudées franches pour l'aider
puis l'accompagner à ce qu'il peut être protégé dans ce cheminement-là, pour
être capable de dénoncer des actes répréhensibles. Alors, le but est vraiment
là, là.
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
qu'est-ce qui serait le problème si on atteint l'objectif dans un autre projet
de loi, plutôt que de l'inclure dans celui-ci?
Mme Léger
: On
l'attend. C'est que là, on est en train d'étudier le 87. Alors, en étudiant le
87, présentement, le municipal n'est pas là. Alors, c'est un chèque en blanc
qu'on nous demande, là. Alors, on dit : Il va y avoir un autre projet de
loi. Le gouvernement nous a dit ça, d'ailleurs, la semaine passée encore. Ça
fait des mois qu'il nous dit ça, mais le projet de loi n'est pas déposé.
Alors là, pour moi, c'est de
l'improvisation, c'est du saucisson. On fractionne les... parce qu'il faut quand
même se dire que ça aurait été bien important qu'il y ait un régime général,
que tout soit conclu, que ce soit ensemble, mais là on se retrouve avec le 87
pas de municipalités; le 108, l'Autorité des marchés publics qui est créée dans
un deuxième projet de loi; puis là on se retrouve avec un troisième pour les municipalités.
Est-ce qu'il va y avoir de l'harmonisation
dans tout ça? Est-ce qu'il y a un régime général dans ça? Y a-tu une cohérence?
Alors, déjà, le 87, les municipalités ne sont pas dedans, et, pour nous, c'est
majeur qu'elles le soient. Mais, s'il dépose un projet de loi, qu'il nous le
dépose là, on attend après, là, s'il dépose, on sera... Je suis en désaccord
que c'est en saucisson, mais qu'il nous donne au moins que les municipalités
vont y être. C'est notre propos aujourd'hui.
Mme Massé : Puis je
rajouterais... si tu permets, je rajouterais, de l'importance... et c'est de ça
qu'on veut convaincre le ministre, l'importance que ce soit intégré à
l'intérieur. C'est parce que, plus tu complexifies pour les citoyens, les héros
qui dénoncent les situations de collusion, de mauvaise utilisation des fonds
publics, etc., si tu complexifies... plus tu complexifies, pardon, plus tu ne
permets pas aux gens de dire : Ah oui, ah oui, ah oui! Ça me concerne,
oui, je vais être protégé.
Alors là, je ne sais pas, moi, je fais le
scénario : vous êtes un employé municipal, vous dites : Ah! il y a un
projet de loi sur la protection des lanceurs d'alerte. Tu t'en vas voir le projet
de loi n° 87, tu regardes ça, tu dis : Ah non! c'est vrai, on n'est
pas concernés là-dedans. Comment tu vas finir par savoir que tu es concerné?
Donc, il faut... Et, quand Mme Léger parle d'un régime général, là, pour le
moment, ce n'est pas ça, le projet de loi n° 87, mais on est prêts à se
battre. Et c'est ce que les gens qui sont venus en commission sont venus nous
dire : On est prêts à se battre pour que ce projet de loi là protège réellement
les gens pour que les gens se sentent... que ce soit simple pour eux autres de
dire : Oui, je suis protégé et donc je vais aller dénoncer ce que je vois
là.
Mme Léger
: Je vais
rajouter, si tu permets, Manon, je vais rajouter qu'actuellement nous sommes à
l'étude, ce qu'on appelle, détaillée du projet de loi. C'est que les consultations
sont terminées, les gens ont déposé leurs mémoires, et, dans le processus de législation,
c'est l'article 1 et 2 du projet de loi où on campe vraiment que les municipalités
soient dedans. On est rendus à la fin de l'article 2, là. On a essayé, par amendement,
de l'introduire là, puis le ministre ne veut pas. Le ministre est têtu, il ne
veut pas rajouter les municipalités, il nous met toujours en attente du projet
de loi.
Alors, pour nous autres, c'est majeur,
c'est qu'on est à l'orée... pas à l'orée, à la fin, dans le fond, d'un processus
qu'on... On lance un cri du coeur, on veut protéger le monde, et le gouvernement,
actuellement, est têtu. Il s'entête à ne pas vouloir intégrer les municipalités
et il nous renvoie à un projet de loi qui viendra plus tard, un autre projet de
loi. Alors, c'est majeur pour le moment dans le... on pourrait dire, à l'heure
actuelle.
Des voix
: Merci.
(Fin à 9 h 45)