(Quinze heures trente-et-une minutes)
M. Khadir
: Les
chauffeurs de taxi, à Québec comme à Montréal, ont procédé à des actions. À Montréal,
la circulation dans le centre-ville a été bloquée. Il faut se rappeler que le gouvernement
de M. Couillard, malheureusement, gouverne par mensonges. On a vu, la semaine
dernière, comment M. Couillard a été rattrapé, dans son mensonge sur
l'austérité, par la Protectrice du citoyen. Mais je pense que, maintenant, le gouvernement
Couillard et M. Couillard en particulier, lui-même, est rattrapé dans ses
promesses non tenues et dans le mensonge, je vous rappelle, de juin dernier,
lorsqu'on a fait passer par bâillon une loi dans laquelle les libéraux ont
promis aux chauffeurs de taxi, ont promis aux communautés immigrantes, dont c'est
une des principales activités économiques dans les grandes zones urbaines,
qu'ils allaient trouver une solution qui serait juste, qui respecterait la
justice élémentaire de ne pas les confiner à une concurrence déloyale.
Or, on constate aujourd'hui, comme les
chauffeurs, que ça a été un mensonge, et je comprends les chauffeurs d'être en
colère. Les moyens que les chauffeurs ont pris pour exprimer cette colère leur
appartiennent, mais aujourd'hui moi, je me vois dans l'obligation morale, dans
l'obligation politique d'être tout à fait solidaire des chauffeurs de taxi, de
leur lutte, de leur demande de justice. Et j'en appelle au sens politique et au
sens de l'État du premier ministre du Québec de rencontrer les chauffeurs de
taxi. Je regrette, je regrette, mais M. Lessard n'a pas ni la connaissance du
dossier ni la crédibilité, actuellement, étant donné tout ce qui est arrivé, et
surtout pas à cause du revirement qu'on a vu dans la journée même, où, toute la
journée, il affirmait à qui voulait entendre qu'il allait y avoir une entente
qui allait respecter le sens, l'esprit de la promesse libérale. Et, le
lendemain, on apprend qu'il a complètement changé de fusil d'épaule et qu'il
s'est fait imposer par M. Couillard l'entente avec Uber. Donc là, cette
décision-là, tout le monde comprend au Québec, relève du premier ministre du Québec,
M. Couillard.
Je rappelle que c'est inadmissible pour
les Québécois que le lobby d'une firme d'avocats où travaille un ancien premier
ministre libéral, que le lobby d'un ancien chef de cabinet politique qui est
passé lobbyiste aient plus de poids que le sort de 22 000 familles du Québec.
Et, quand on constate ça, on est obligés de se rendre compte que quand on est
de couleur, quand on est immigrant, quand on est racisé, quand on s'appelle
Mohammed ou on est Haïtien, on nous traite différemment au Québec, le pouvoir
nous traite différemment. C'est ce que bien des gens appellent racisme
systémique, mais, en langage ordinaire, c'est une discrimination que subissent
les familles immigrantes aux mains du Parti libéral qui, pourtant, leur fait
toujours miroiter le fait qu'il est là pour protéger leurs intérêts, alors que,
malheureusement, le Parti libéral les prend pour acquis et trahit leur
confiance, trahit sa parole et a agi de manière irresponsable avec Uber.
Mme Crête (Mylène) : Êtes-vous
en train de dire que le gouvernement est raciste?
M. Khadir
: Écoutez,
moi, je suis persuadé que M. Philippe Couillard n'est pas raciste par opinion,
que le ministère du Transport n'est pas raciste par choix ou par opinion, mais,
quand on discrimine sans tenir compte... quand on agit sans tenir compte des
conséquences désastreuses sur un groupe de la population qui est racisé et qui,
sur le plan économique, est de revenus plus modestes, qui est plus vulnérable,
c'est les biais du système et du pouvoir, la manière dont le pouvoir est
organisé, qui exercent un racisme systémique. C'est pour ça que le groupe qui
nous demande de nous pencher en commission parlementaire, hein, vous le savez,
vous vous rappelez, on a eu un point de presse ici même pour en parler, insiste
sur le fait que le racisme systémique, ça n'a pas besoin des personnes racistes
pour s'exercer, c'est les biais dans les systèmes. Regardez pour les personnes
qui ont des diplômes de l'étranger, qui sont infirmières, qui sont médecins,
qui arrivent ici, puis là il y a toute une série d'embûches qui est incrustée
dans notre système ou tous les mécanismes d'embauche dans l'administration
publique qui font en sorte qu'après 25 ans d'efforts, entre guillemets,
officiels, on est toujours aux mêmes statistiques, c'est-à-dire un décalage d'à
peu près un pour trois par rapport à notre poids démographique dans les institutions
publiques, dans les postes de pouvoir.
Et là la décision du gouvernement
Couillard de trahir la parole donnée à une industrie qui est le gagne-pain majoritairement,
par exemple, à Montréal, des gens issus de l'immigration, c'est un biais qui
discrimine contre les gens qui sont racisés.
Mme Crête (Mylène) : Les
chauffeurs de taxi ont proposé au ministre Lessard le rachat de 300 permis. Ça
coûte cher. Le gouvernement a fait valoir qu'il n'a pas vraiment les moyens.
M. Khadir
: Bien, le gouvernement
n'a qu'à faire payer Uber. Le gouvernement devrait faire payer Uber pour ces
300 permis. Quant à nos calculs, nos calculs sont un peu moins, disons, je
dirais conservateurs que les calculs qui ont conduit à 300 permis, parce que
les chauffeurs de taxi sont très raisonnables, là. Les 300 permis, ça ne
représente pas la totalité de ce que représentent les 50 000 heures de
travail d'opération promises par le gouvernement libéral à Uber, ça représente
plus proche de 450 permis. Et le calcul, je peux en faire la démonstration, si
vous voulez, mais on ne se chicanera pas là-dessus. Les gens du taxi sont aussi
raisonnables que d'accepter d'être dédommagés pour 300 permis, ce qui est à peu
près 70 % de la valeur des 50 000 heures offertes à Uber. Alors, le
gouvernement n'a rien qu'à demander à Uber de contribuer. Merci.
(Fin à 15 h 38)