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Point de presse de M. Simon Jolin-Barrette, porte-parole du deuxième groupe d’opposition en matière de justice

Version finale

Tuesday, October 18, 2016, 15 h 06

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures sept minutes)

M. Jolin-Barrette : Alors, bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, je voudrais faire le point sur le dossier de Mme Éloïse Dupuis. J'ai posé la question en Chambre au premier ministre, à savoir est-ce qu'il était prêt à mettre en place une procédure formelle, un processus formel pour s'assurer que, lorsqu'il y a un cas comme celui de Mme Dupuis, qu'on puisse valider le consentement libre et éclairé, le consentement volontaire de la personne à refuser des soins, de refuser une transfusion sanguine lorsque... Dans ce cas-ci, il y avait un accouchement qui s'est mal déroulé. Il faut s'assurer que les individus qui ne souhaitent pas avoir de soins soient... que leur consentement soit complètement libre, complètement éclairé.

Et nous, notre proposition qu'on a faite au premier ministre, c'est le fait qu'un juge puisse valider le consentement de la personne, c'est primordial, parce que, dans le cas de Mme Dupuis, les médias ont rapporté que l'entourage bloquait l'accès aux non-membres de sa communauté religieuse, donc qu'il n'y avait pas une libre circulation. Le consentement de Mme Dupuis, est-ce qu'il était libre et éclairé? C'est ce que nous demandons au premier ministre : Est-il en accord, oui ou non, avec le fait qu'un juge puisse valider le consentement de la personne de refuser des soins?

Parce qu'aujourd'hui on se retrouve avec un jeune enfant qui est privé de sa mère pour des motifs religieux, et ça soulève de nombreuses questions, de nombreuses préoccupations, et il faut adresser cette problématique-là rapidement. Et j'aurais souhaité que le premier ministre puisse répondre à la question. La ministre Charlebois n'a pas répondu concrètement à notre question. Elle a dit : Le système de justice est comme ça, puis c'est la fatalité, c'est simplement la fatalité, et ça, c'est inacceptable dans notre société.

Les lois doivent être modernisées, l'encadrement doit être modernisé. On ne peut pas accepter qu'une femme qui donne naissance à un enfant se retrouve dans une situation peut-être de vulnérabilité et qu'elle ne puisse pas exprimer un consentement libre et volontaire. Je pense que c'est le rôle de la société québécoise, c'est le rôle de l'État, de mettre des balises, des mécanismes en place pour qu'un juge puisse évaluer est-ce que le consentement était libre et éclairé. Et surtout, le point le plus important, c'est qu'on nous dit : On ne commentera pas l'affaire parce qu'un coroner présentement est saisi du dossier. Mais, vous savez, le coroner ne serait pas saisi du dossier s'il y avait eu un mécanisme en place pour valider le consentement. On aurait pu savoir tout de suite est-ce que le consentement de madame était libre et éclairé.

M. Vigneault (Nicolas) : Vous parlez d'une organisation. Comment vous voyez ça? À même l'hôpital, une organisation externe? Comme vous le voyez, ce mécanisme-là? Parce qu'actuellement les règles sont claires, quelqu'un a le droit de consentir à ne pas recevoir des soins.

M. Jolin-Barrette : Oui. Bien, écoutez, il existe déjà, dans le système de santé, avec la Cour supérieure, un mécanisme pour garder soin. Donc, à tous les jours, à la Cour supérieure, présentement, là, vous avez un juge qui évalue la garde des individus qui sont retenus. Supposons que vous êtes en matière psychiatrique, donc les individus qui ne veulent pas nécessairement avoir des soins, mais qui représentent un danger pour eux-mêmes ou pour autrui, il y a des requêtes, à tous les jours, qui sont plaidées dans les palais de justice, des requêtes d'urgence pour conserver la garde d'un individu afin de le protéger contre lui-même.

Nous, ce qu'on propose, c'est une formule où ultimement, là, ce n'est pas au personnel médical à évaluer concrètement les questions juridiques. On devrait avoir un tiers, un juge, là, qui puisse évaluer est-ce que, oui ou non, le consentement est libre et éclairé. Parce que la situation de Mme Dupuis, ce que ça soulève, là, c'est le fait que sa famille et ses amis qui n'étaient pas membres des Témoins de Jéhovah n'avaient pas accès à elle, n'avaient pas accès à sa chambre d'hôpital. Semblerait-il qu'on bloquait l'accès.

Donc, est-ce qu'elle a pu être influencée? Est-ce qu'elle a pu donner son consentement aux soins jusqu'à la dernière minute? Est-ce qu'elle avait la liberté de le faire? Ça soulève des questions. Et nous, on pense que, pour améliorer le processus, on pourrait mettre ça dans les mains d'un juge ultimement. L'hôpital pourrait saisir le tribunal pour s'assurer, pour des questions, pour des motifs religieux, qu'il y ait un tiers indépendant, un juge qui puisse évaluer le consentement.

M. Gagnon (Marc-André) : Le but d'un hôpital, c'est de prendre soin des patients, de prendre soin des gens. L'hôpital en question a une direction des services juridiques. Donc, ce que vous dites, c'est que cette direction-là des services juridiques de l'hôpital aurait dû se saisir du dossier et intervenir, toujours dans le but de prendre soin du patient... de la patiente dans ce cas-ci?

M. Jolin-Barrette : Nous, ce qu'on soumet... Il existe de la jurisprudence, il existe une façon de fonctionner présentement, mais tous les Québécois aujourd'hui sont préoccupés par le résultat.

M. Gagnon (Marc-André) : Non, ce n'est pas ça ma question. Est-ce que...

M. Jolin-Barrette : Oui, mais j'y viens à votre question. J'y viens, à votre question. Les médecins et la direction des services juridiques travaillent ensemble, mais, ceci étant dit, ce n'est pas nécessairement porté automatiquement devant le juge lorsqu'il est question de motifs religieux. Là, on se retrouve face à une situation où il y a un enfant qui n'a plus de mère. La mère n'a pas pu voir grandir son enfant. Est-ce que son consentement était libre et éclairé? Il y a déjà des comités dans les hôpitaux. Nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait un tiers indépendant qui va vraiment s'occuper de ça, que ça passe par un juge.

M. Gagnon (Marc-André) : Et ultimement est-ce que c'est... on se retrouve toujours dans la réflexion ou le débat à savoir est-ce que ce n'est pas la Charte des droits et libertés qui n'a pas préséance sur le reste même dans un cas aussi malheureux que celui-là?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, la charte est présente pour donner des droits aux individus, mais les droits ne sont pas illimités non plus. La Cour suprême a déjà eu l'occasion se prononcer, dans certaines circonstances, là-dessus, mais je pense qu'en tant que législateurs, notre devoir, c'est de toujours se questionner et de voir comment on peut améliorer le système. Manifestement, dans le cas d'Éloïse Dupuis, là, il y a un manquement. Les Québécois sont bouleversés par cette situation-là, une femme de 26 ans qui accouche et qui décède. On est en 2016, là, il y a des soins qui auraient pu être donnés. Il y a un mécanisme qui aurait pu être en place pour valider le consentement de madame. Et c'est ça la question fondamentale avec Mme Dupuis : Est-ce qu'elle avait un consentement libre et éclairé?

M. Vigneault (Nicolas) : Vous en doutez? Parce que, là, c'est comme si vous alliez au-devant de l'enquête du coroner, par exemple.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, nous, ce qu'on dit, c'est que, pour ne pas que ce genre de situation là se reproduise, là, s'il y avait eu un tiers dans le dossier, si ça avait passé devant le juge, il aurait pu évaluer. Ce qui est rapporté présentement, c'est que ses coreligionnaires, là, faisaient de l'obstruction puis qu'au bout de six jours, là, elle s'est vidée de son sang puis qu'elle n'a pas pu... elle était affaiblie. C'est ce qui ressort. On ne connaît pas le dossier de façon plus approfondie. Mais les Québécois, aujourd'hui, sont préoccupés par cette question-là, puis je pense que c'est le rôle du législateur, c'est le rôle du gouvernement d'amener un mécanisme, une solution et de ne pas tomber dans la fatalité de dire : C'est épouvantable, mais on ne fera rien. C'est la responsabilité du gouvernement d'agir.

M. Gagnon (Marc-André) : Est-ce que ce n'est pas la prudence minimale pour le gouvernement, avant de dire on va amener telle, telle solution, d'attendre le rapport du coroner qui, lui... justement, le travail du coroner, c'est d'émettre des recommandations. Ce n'est pas la prudence minimale que d'agir comme ça?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, ça dépend, si le rapport du coroner, là, va être... Généralement, un rapport du coroner, ça prend plusieurs mois. Si une autre situation du même type se reproduit, si un cas similaire se reproduit, du même type, est-ce que vous allez être à l'aise que le gouvernement n'ait pas mis de balises? Moi, je pense que le gouvernement devrait mettre des balises à tout le moins temporaires pour s'assurer que, dans des cas similaires où un motif religieux est invoqué, on puisse passer devant le juge puis qu'il y ait un contrôle de la décision.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais, M. Jolin-Barrette, il n'y a pas quelque chose de troublant? Je comprends que vous avez souligné à gros traits le cadre légal, constitutionnel dans lequel, vous, comme législateur, vous évoluez. Mais qu'en 2016 des personnes peuvent mourir pour des considérations religieuses, qu'on accepte aujourd'hui de ne pas donner des soins à des personnes qui le demandent sur une base religieuse, il n'y a pas quelque chose de troublant là-dedans?

M. Jolin-Barrette : Bien, c'est le sens de notre propos, où on dit : Bien, écoutez, il faut valider le consentement volontaire, libre et éclairé de la personne qui refuse des soins. Mais, pour ce faire, là, bien, il faut qu'il y ait un tiers indépendant. Nous, on propose que ça se passe devant le juge lorsqu'il y a des cas similaires qui sont soulevés.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais pourquoi accepter les demandes sur des bases religieuses? Est-ce qu'on ne devrait pas tout simplement, si une personne, là, il lui faut une transfusion sanguine, lui donner la transfusion sanguine pour la garder en vie?

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, ça, c'est un débat juridique. Ça a déjà monté jusqu'à la Cour suprême.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Où vous vous situez dans ce débat-là, oui?

M. Jolin-Barrette : Oui, nous, ce qu'on dit, c'est que, dans le cas de Mme Dupuis, c'est qu'un coreligionnaire aurait pu avoir de l'influence. C'est difficile de mesurer son consentement. L'enquête du coroner pourra nous le dire, mais le problème, c'est qu'on le prend à l'envers. S'il y avait déjà eu un mécanisme en place, on ne serait peut-être pas dans cette situation-là. Donc, pour la protection des Québécois, pour l'intérêt des Québécois, le fait d'invoquer des motifs religieux, c'est couvert par la charte, mais nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut aller au-delà des coups puis ce n'est pas acceptable qu'une femme de 26 ans qui vient de donner naissance à un enfant soit morte et qu'elle ne puisse pas voir et grandir son enfant.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais ça aurait été normal si elle avait manifesté son consentement clair avant de décéder. C'est ça que vous me dites, là.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, la jurisprudence et le droit actuel, c'est ce que ça dit.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Puis, vous, vous êtes d'accord avec ça?

M. Jolin-Barrette : Nous, ce qu'on vous dit, c'est que ça prend un mécanisme, avec un tiers, un juge qui va pouvoir évaluer la nature du consentement, et, dans ce cas-ci, c'est vraiment ce qui est spécifique et c'est ce qui nous préoccupe.

Des voix : Merci.      

(Fin à 15 h 17)

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