(Quinze heures vingt-huit minutes)
M. Marceau : Alors, enfin, on
voulait simplement venir clarifier ce qui s'est passé quant à la motion du premier
ministre sur l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union
européenne. Le gouvernement a proposé, donc, une motion — je vais
vous la lire, là, pour que tout le monde l'entende — qui dit :
«Que l'Assemblée nationale apporte son
appui à l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union
européenne, l'AECG, dont le Québec a été l'instigateur et pour lequel il s'est
investi sans relâche aux côtés du gouvernement fédéral;
«Qu'elle souligne l'importance de cet
accord pour les travailleurs, les entreprises, les consommateurs et la
prospérité économique tant au Canada que dans les pays membres de l'Union
européenne;
«Qu'enfin, elle exprime son souhait que
tous les États membres de l'Union européenne donnent leur accord pour la
signature de l'AECG lors du sommet Canada-Union européenne.»
Maintenant, de notre côté, au Parti
québécois, nous estimions qu'il manquait un ingrédient fondamental à cette
motion, et c'est cette compensation qui a été promise par le gouvernement
fédéral à l'époque pour les producteurs laitiers et fromagers. À l'époque,
lorsque l'entente de principe avait été signée, il avait été convenu et nous
avions décidé en tant que gouvernement que nous n'accepterions pas d'aller de
l'avant avec l'accord tant et aussi longtemps qu'une compensation adéquate ne
serait pas versée à nos producteurs laitiers et fromagers. Si bien que ce matin
nous avons proposé un amendement au gouvernement, l'amendement, donc, c'est le
quatrième et le cinquième paragraphe de ce que je vous ai remis, je vais les
lire :
«Que l'Assemblée nationale s'engage à ne
ratifier l'accord que si la compensation de l'industrie laitière et fromagère
par Ottawa est jugée adéquate;
«Que l'Assemblée nationale indique qu'elle
est favorable à l'abandon des recours investisseur-État si cela peut conduire à
lever les derniers obstacles.»
Sur ce dernier point, simplement vous dire
qu'à l'époque ça faisait partie de l'accord. Ce n'était pas une demande du
Québec, c'était une demande du Canada et de l'Union européenne. Nous étions prêts
à vivre avec ça, mais nous sommes prêts aussi à vivre sans ça. Et ce que nous
disons aujourd'hui, ce que nous voulions dire par ce cinquième paragraphe,
c'est que, si c'était un moyen de permettre l'adoption de l'accord, alors on
était ouverts à cette possibilité.
M. Dutrisac (Robert) : C'est
quoi, ces clauses-là, au fait?
M. Marceau
: Ce sont
des clauses qui permettent à des entreprises qui voient les circonstances dans
lesquelles elles évoluent changer, qui peuvent, grâce à ça, intenter un recours
contre l'État. Alors, par exemple, une entreprise pourrait avoir investi dans
un marché et…
M. Dutrisac (Robert) :
Maurel & Prom.
M. Marceau
: Ça
pourrait être Maurel & Prom, ça pourrait être Pétrolia, si vous
voulez, ça pourrait être une entreprise… Par exemple, on change la
réglementation puis on interdit une activité qui, auparavant, était permise, et
là l'entreprise qui voit ses droits, évidemment, violés peut avoir des recours.
Ces recours-là font l'objet de grands débats partout sur la planète,
évidemment, et en Europe il y a une opposition assez importante. Cela étant, je
le réitère : Nous n'en faisions pas, nous, une condition à l'époque.
C'était là, et on était prêts à vivre avec le fait que ce soit là. Maintenant,
le fait que ce soit retiré n'est pas quelque chose qui nous indispose.
Alors, toujours est-il que nous avons
proposé ces amendements et en particulier le quatrième paragraphe, qui nous
apparaît incontournable. Il n'était pas question pour nous de donner notre
accord de quelque manière que ce soit sans qu'on ait vu, sans qu'on ait pu
analyser la compensation qui va être versée à l'industrie laitière et
fromagère. Et c'est la raison pour laquelle, de notre côté, on a refusé de
consentir au dépôt de cette motion.
Je vais laisser à…
M. Villeneuve
: Bien,
essentiellement, je pense que Nicolas a bien résumé la chose. Et on comprend
que le Parti libéral ne veut pas du tout assurer, finalement, la protection de
nos producteurs laitiers et fromagers du Québec. Et, en ce sens-là, je pense
que Nicolas a bien résumé le tout.
M. Dutrisac (Robert) : Mais
la motion, est-ce qu'elle avait été discutée auparavant avec le leader?
M. Marceau
: Oui, oui,
il y a des discussions entre leaders, comme il y en a toujours. Et en fait le
gouvernement a donc refusé l'intégration de la compensation dans la motion.
Mais ce n'est pas la première fois, je veux que vous sachiez, puis André
peut-être pourrait vous en parler plus, là, il a les textes avec lui, mais on a
déjà déposé des motions, depuis 2014, depuis le changement de gouvernement, qui
disaient, dans le fond : O.K. à l'accord si la compensation est versée à
nos producteurs, et le gouvernement a refusé ces motions que nous avions
déposées.
Alors, je répète, là, moi : De notre
côté, c'était très clair à l'époque. Puis M. Fast, le ministre du Commerce
extérieur de l'époque, nous avait envoyé une lettre, au gouvernement du Québec,
qui disait très clairement qu'une telle compensation serait versée au Québec,
aux entreprises du Québec. À ce jour, on n'a rien vu. Ça commence à faire un
bout, là. On n'a rien vu. Et évidemment des milliers de tonnes de fromage qui
entrent sur le territoire québécois, des milliers de tonnes de produits
laitiers qui entrent sur le territoire québécois, ça va avoir des impacts réels
sur les producteurs laitiers et fromagers du Québec. Alors, nous, c'est une
condition sine qua non.
M. Lecavalier (Charles) : Sur
un autre sujet, M. Marceau, sur le régime immobilier, là, sur les modifications
pour acheter des maisons. Quel effet prévoyez-vous que ces modifications-là
pourraient avoir dans le marché immobilier du Québec? Est-ce vous que croyez à
une baisse des prix généralisée?
M. Marceau : Là, écoutez,
il y a beaucoup de choses qui peuvent se produire. La première, évidemment, c'est
qu'il va y avoir moins d'achats par nos familles, puis en particulier les
jeunes familles.
Deuxièmement, la construction de maisons
neuves va ralentir. L'APCHQ parle de 18 % de moins que cette année.
Troisièmement, de façon plus générale, le
taux de propriétaires, là, le taux d'accès à la propriété au Québec, il est le
plus faible des 10 provinces canadiennes, le plus faible, on est à
61 % selon les données de 2011. Toutes les autres provinces, c'est plus
élevé. Ça, c'est les données de Statistique Canada basées sur le recensement.
Donc, ce qu'on peut prévoir, là, c'est que l'écart qu'il y a ne va pas... enfin,
nos jeunes familles vont continuer à avoir de la misère, et puis on va
continuer à être pénalisés pour des phénomènes qui ont cours ailleurs.
Et puis, juste pour qu'on s'entende sur
les phénomènes, parce que M. Leitão, dans le fond, il s'est dit d'accord
avec les resserrements hypothécaires, là, c'est ce qu'il a dit tout à l'heure,
M. Leitão, il a dit : Je suis d'accord, deux choses à dire. Premièrement,
la surchauffe dans le marché immobilier, c'est un phénomène de l'Ouest puis
ontarien, Toronto, Alberta — moins récemment, mais c'était un
phénomène albertain — puis un phénomène de la Colombie-Britannique.
Premièrement, surchauffe, j'ai donné les chiffres à la période de questions, je
ne vais pas les répéter.
Deuxièmement, ça existe au Québec,
évidemment, des ménages qui sont surendettés, puis il faut être prudents.
Maintenant, le problème du surendettement puis le problème de la vulnérabilité
au surendettement c'est aussi un problème qui est lié au prix des maisons puis
c'est aussi un phénomène qu'on retrouve en Ontario, en Alberta puis en Colombie-Britannique.
Et là j'ai les chiffres... j'avais sorti
les chiffres, je vous les donnerai, si vous voulez, après ma... mais j'ai les
chiffres de la Banque du Canada, qui regarde les vulnérabilités du système
financier canadien, donc, dans un numéro de décembre 2015, et les chiffres
sont assez éloquents : il y a trois fois plus de ménages très vulnérables
en Colombie-Britannique qu'au Québec. Alors, c'est quand même des chiffres importants.
Donc, encore une fois, là, les Québécois vont payer pour des phénomènes qui ont
cours ailleurs. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas être prudents, ce qui
ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir des règles prudentielles pour nos
acheteurs québécois, mais on va très, très loin puis on pénalise le Québec et
les jeunes familles du Québec pour des phénomènes qui sont à l'oeuvre ailleurs.
Merci à vous.
(Fin à 16 h 36)