(Onze heures cinquante-quatre minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Merci d'être là.
En fait, je ne sais pas si vous êtes comme
moi, mais ce que je remarque, c'est à partir du moment où une, deux, trois,
quatre personnes osent sortir de l'ombre en matière d'agression sexuelle, ça
ouvre un pan, et là de plus en plus de monde sont en mesure de sortir de l'ombre
et de s'affirmer. J'étais là hier soir et, bien sûr, c'est ce que j'ai vu,
constaté encore une fois.
Comme féministe, c'est sûr que ce n'est
pas la première fois que je vois ce type d'affaires là. Rappelons-nous d'ailleurs,
à #agressionnondénoncée, hein, il y a déjà presque deux ans maintenant, ça a
été le même phénomène.
Alors, ce que je souhaite dire à
l'agresseur... pas à l'agresseur... oui, à l'agresseur, j'aimerais lui dire :
Rends-toi donc à la police, s'il vous plaît, pour qu'on puisse avancer dans ce
dossier-là, pour qu'il y ait des gens blessés qui puissent guérir. Ça, c'est
une chose.
Ce que je veux surtout dire aux victimes de
Laval, mais particulièrement à cette victime qui a pris la parole hier
concernant un député de l'Assemblée nationale, c'est que je t'encourage vraiment
à poursuivre. Même si l'écoute n'a pas toujours été facile, va voir, il existe
des groupes de femmes. Je pense notamment, ici à Québec, à Viol-secours. Va te
faire soutenir et continue ce travail-là, on en a besoin, si c'est possible, si
tu te sens capable. Pour moi, je ne te tordrai jamais le bras parce que je sais
que ce sont des choses qui sont difficiles à faire.
Ceci étant dit, le focus se met, et on se
rend compte que l'enceinte de l'Assemblée nationale n'est peut-être pas
protégée. Bien, pour nous, c'est une évidence. C'est une évidence parce
qu'encore une fois on a dit à une victime : Hi! pas sûr que ce serait une
bonne idée de dénoncer, tu vas briser des carrières. Ce que j'entends depuis
53 ans, c'est : Hum! Pas sûr que c'est une bonne idée de dénoncer, tu
vas briser ta famille, tu vas briser ton couple, ça va déséquilibrer avec les
accusations de ton grand-père. Les agressions sexuelles, ce discours-là de
banalisation, on l'entend. On l'a entendu aussi de la bouche de mon collègue
député de Dubuc, et c'est triste parce que cette banalisation fait en sorte que,
pour les femmes, c'est de plus en plus difficile de dénoncer. Alors, vous
comprendrez pourquoi que cette idée que dénoncer brise des carrières, c'est ne
pas reconnaître que l'abus sexuel brise des vies, et, si vous étiez là hier
soir, vous le savez.
M. Robitaille (Antoine) :
Mais c'est les policiers qui auraient dit ça. Ces policiers-là aujourd'hui sont
chargés de l'enquête. Est-ce qu'il n'y a pas une espèce de conflit d'intérêts
ou de problème de ce côté-là?
Mme Massé : C'est-à-dire que
l'urgence que nous avons, c'est de... Parce que ce constat-là a été fait dans
le cadre du bilan de la politique en matière d'agression sexuelle voilà deux
ans. Nous savons que les policiers manquent de formation, manquent de
sensibilité à qu'est-ce que ça veut dire, ne pas banaliser les violences faites
aux femmes. Je ne dis pas tous les policiers, mais partout où on a été au
Québec, on a entendu ce même discours là. Alors, ce qu'il faut, c'est que ça...
Et là on a vu que l'Assemblée a adopté de façon unanime que la stratégie en
matière de lutte aux agressions sexuelles, aux violences faites aux femmes, aux
violences sexuelles faites aux femmes va être déposée sous peu, ce qu'on attend
depuis un an. Soit. Mais ce qui est le plus important, et je veux revenir à la
situation qui concerne peut-être un de mes collègues ici, à l'Assemblée
nationale, qui concerne un de mes collègues à l'Assemblée nationale, c'est que
ce matin j'ai demandé au président de l'Assemblée nationale de convoquer de
toute urgence les quatre partis pour que nous puissions discuter ensemble de ce
qui se passe parce que nous avons une responsabilité. La police a une
responsabilité d'accueillir les plaintes, d'accompagner les plaignantes, les
victimes. Nous avons une responsabilité d'envoyer un message politique fort.
Le président m'a dit qu'il trouvait cette
idée-là intéressante, et donc je compte sur lui pour que l'ensemble des partis…
et je compte surtout sur la collaboration de mes collègues pour que,
rapidement, on s'assoie. Pour parler de quoi? Pour dire : O.K., on peut-u
arrêter de banaliser, là? Est-ce que nos députés ou le personnel de nos bureaux
manquent de formation à ce que ça veut dire, l'égalité entre les hommes et les
femmes, à ce que ça veut dire, le rapport égalitaire entre les hommes et les
femmes? Donnons-en, de la formation. Et, bien sûr, pour voir qu'est-ce que
notre propre politique, que nous avons adoptée en grande trompe au printemps
dernier… voir où elle en est rendue, cette politique-là.
M. Dutrisac (Robert) :
Maintenant, est-ce que vous, vous avez été témoin ou entendu parler de
harcèlement, de comportements inappropriés de la part de collègues députés?
Mme Massé : Lorsque nous
avons, les quatre partis ensemble, travaillé la politique contre le harcèlement
sexuel à l'Assemblée nationale, bien sûr que nous avons, entre députés, échangé
sur des comportements qu'on veut voir arrêter, notamment la banalisation. Et un
des éléments… Premièrement, on s'est donné cette politique-là pour donner aux
whips de chacun des partis un outil… en fait, non, pour donner aux femmes,
premièrement, victimes de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle un outil,
mais pour donner aux whips un outil pour être en mesure d'intervenir auprès de
leurs collègues, tant députés que personnel de leur…
Alors, oui, je regarde, par exemple, moi,
comme féministe, là, un propos comme M. Simard a tenu, c'est clair que
c'est un propos qui banalise. Banaliser la violence faite aux femmes, la
violence sexuelle, c'est de dire : Bien, dans le fond, vous savez, on
n'est pas obligés de la croire, cette fille-là, puisque la majorité du monde ne
reconnaissent même pas leur maire. C'est ça. Et, dans ce sens-là, ce type de
propos… On a une première responsabilité, comme élus, qui croyons… Parce que je
l'entends régulièrement à tous les jours qu'on veut que ça cesse. Bien, si on
veut que ça cesse, c'est qu'il faut que, premièrement, nous, on arrête de le
faire, et que, lorsqu'on l'entend, on dit à la personne qui l'a dit :
C'est assez, on n'en a plus de ça ici.
M. Dutrisac (Robert) : Vous
parlez de banalisation, mais moi, je vous parle plutôt de gestes ou de
harcèlement véritable et non pas des propos sur quelque chose.
Mme Massé : Au niveau sexuel?
M. Dutrisac (Robert) : Oui.
Mme Massé : Au niveau sexuel,
moi, personnellement, Manon Massé, je n'ai pas vu et entendu ça, là, autour de
moi dans ma formation politique. Par contre, ce que je sais, dans ce comité-là,
c'est que ça a été reconnu que ça existe, que ça existe. Et ce ne serait pas
surprenant, ça existe partout dans la société. Et je vous donne juste un
exemple : hier, pendant qu'ici, à Laval, on était en train d'offrir notre
solidarité aux filles de la résidence, au Chili et en Argentine il y avait des
marches dans la rue de dizaines de milliers de personnes parce que, là-bas
aussi, les agressions sexuelles, c'est quelque chose qui est un fléau et que la
population commence à dire : C'est assez!
M. Lacroix (Louis) :
Qu'est-ce que l'Assemblée nationale doit faire, là? Parce qu'aujourd'hui, là,
potentiellement, au salon bleu, il y a une personne qui est soupçonnée
d'agression sexuelle, qui siégeait en même temps que l'ensemble des députés.
Alors, qu'est-ce qu'on peut faire pour éviter une situation comme celle-là
partir de mardi?
Mme Massé : Bien, écoutez,
moi, je pense, déjà, qu'on en parle, c'est extraordinaire. Moi, je salue le
courage des femmes hier, jeunes et moins jeunes d'ailleurs, qui sont venues
dénoncer ce qu'elles ont vécu comme victimes d'agression sexuelle. Mais moi, je
pense que ce qu'il faut, c'est que, rapidement, le président... Parce que, vous
savez, le président de l'Assemblée nationale est responsable de tous les
députés, et c'est à ce titre que nous l'avons interpellé ce matin, comme
responsable de tous les députés, pour ne pas que ça reste dans un parti, mais
que ce soit une responsabilité vraiment collective, qu'il assoie ensemble les
quatre partis et qu'on discute sincèrement de ces questions-là.
M. Croteau (Martin) :
Qu'est-ce qu'il faut faire de ce député-là? Qu'est-ce que l'Assemblée nationale
doit faire face à ça?
Mme Massé : Écoutez, la loi
est claire, il y a une enquête qui doit être faite, les allégations... Le
processus judiciaire, c'est une chose. Et vous pourrez aller le vérifier, mais,
à ma connaissance, ici, à l'Assemblée nationale, si un député est soupçonné
d'agression sexuelle, à ma connaissance, je vous invite vraiment à le vérifier
avec le secrétaire de l'Assemblée, il perd son poste. Ce n'est pas comme les
gens des mairies, etc., le règlement est différent.
M. Croteau (Martin) :
Pardonnez-moi, je vais juste vous demander d'être précise, là. C'est quoi, le
seuil? C'est le dépôt d'accusation, c'est la confirmation qu'il y a une
enquête...
Mme Massé : Écoutez, en toute
humilité...
M. Croteau (Martin) : ...un
geste questionnable, mais pas nécessairement... Et qu'est-ce qu'il faut faire
et à partir de quoi, finalement?
Mme Massé : O.K. Moi, si vous
me parlez de la situation, parce que, là, on est partis de la situation où il y
a des allégations, où il y a eu une plainte de portée, etc., ça, c'est la
justice, c'est par là que ça doit passer. Il y a des failles, oui, mais il faut
les régler. Si vous me parlez en général, et je termine cette situation-là, je
ne peux pas aller plus vite que le système de justice, O.K.? Alors donc, ça,
c'est mon premier point.
Mon deuxième point, c'est par rapport à qu'est-ce
qu'on fait pour d'autres cas potentiels. Ce que moi, je vous dis, c'est, si
j'ai bien compris, et je vous invite vraiment... parce que j'ai l'humilité de
vous dire que je ne connais pas le règlement de l'Assemblée nationale sur le
bout de mes doigts, mais je sais que le règlement de l'Assemblée nationale en
matière d'agression sexuelle ou de harcèlement sexuel est différent de celui
qui gère les municipalités. Parce qu'on a, entre autres, le cas de ce maire,
sur la Côte-Nord, qui peut continuer d'être maire même s'il a été accusé
formellement d'agression sexuelle. Ici, à l'Assemblée, c'est un petit peu
différent.
Là, je sens l'autre bout de votre
question, c'est : Jusqu'à quand qu'il faut... à quel point ça en est puis
ça n'en est pas? Moi, je vous dis, là, allez voir notre politique sur le
harcèlement sexuel, c'est très clair.
M. Vigneault (Nicolas) : Mais
l'Assemblée nationale, qu'est-ce c'est qu'ils devraient faire, là? Parce que
vous demandez de rencontrer le président. Une fois que la rencontre a eu lieu,
et tout ça, qu'est-ce qu'on fait avec cette situation-là?
Mme Massé : Bien, rappelez-vous,
ici, à l'interne, nous avons une politique. En même temps ça pourrait être
intéressant de faire le bilan après quelques mois d'application : Où
est-ce que c'est rendu? Est-ce qu'il y a eu des plaintes? Est-ce que les
formations qui devaient se donner dans le cadre de cette politique-là ont été
données? Bon, faire un petit peu le point là-dessus, ça ne serait pas
inintéressant et ça relève du BAN de faire ça, et, nous, c'est le BAN qu'on
veut qu'ils s'assoient ensemble.
L'autre élément, c'est qu'on puisse se
parler entre quatre yeux, là. Peu importe le parti, est-ce que les allégations
d'agression sexuelle sont prises au sérieux ou on essaie de cacher ça en
dessous du couvercle?
M. Lacroix (Louis) : Je
comprends, tu sais, ce que vous dites, là, c'est l'ensemble d'une politique,
mais, dans le cas précis qui nous occupe, de ce député qui est soupçonné, en ce
moment, d'agression sexuelle, le président, le BAN devraient faire quoi dans ce
cas précis là? Je comprends, là, toute la question de la politique, là.
Mme Massé : Écoutez, ce que je
réitère : Ça relève de la justice, O.K.? Et moi, moi, là, je ne me mettrai
pas à savoir c'est qui, O.K.? Nous, là, on a un message à envoyer. Nous, notre
rôle, il n'est pas judiciaire et policier, notre rôle, il est politique. On a
des jeunes filles qui ont été agressées dans leur milieu de vie, leurs
résidences. On a un recteur qui a pris un certain temps à dire : Ça n'a
pas de bon sens. Ici, hier soir, on entend qu'il y a une allégation. Quel temps
on va pendre... Je pense qu'aujourd'hui on a tous et toutes dit : Ça n'a
pas de bon sens. Moi, ce que je dis, c'est : Maintenant, il faut qu'on se
donne de réels moyens. Déjà, on en avait dans le passé. Puis, dans le futur, ça
s'appelle remettre... Je vais dire ce que j'ai dit hier soir : Où sont les
cours d'éducation sexuelle?
M. Lacroix (Louis) : Alors,
je vais vous poser la question autrement, là : Mardi prochain, si jamais
ce député-là ne n'est pas avancé lui-même, n'a pas reconnu qu'il était la
personne visée, est-ce que vous allez être à l'aise de siéger en Chambre avec
quelqu'un qui est présumé ou qui est soupçonné d'agression sexuelle? Parce que
c'est à ça que ça va revenir mardi prochain, là.
Mme Massé : Oui. Moi, je
réitère sincèrement, je ne veux pas jouer le rôle de la police. Moi, là, ce que
je souhaite, c'est que plus jamais ça n'arrive, et, pour ça, il faut que l'Assemblée
nationale, d'une seule voix, pas juste en paroles mais concrètement... et ça
commence dans nos partis, avec nos députés, avec nos équipes de travail, il
faut qu'on dise : La violence, l'agression sexuelle, tolérance zéro.
M. Boivin (Simon) : D'un point
de vue peut-être un peu plus philosophique, là, comment on réconcilie, à
l'heure actuelle, la nécessaire crédibilité qu'il faut donner aux témoignages
des gens qui disent être agressés puis le principe de présomption d'innocence,
qui reste fondamental dans le système de justice?
Mme Massé : Oui, je pense que
c'est vrai que c'est un point de vue philosophique, mais, je dirais, c'est un point
de vue très important parce que, dans les faits, comme féministe, ça fait tellement
longtemps... Moi, je vous jure, là, je pense que c'est cette cause-là qui m'a
amenée à prendre conscience des rapports inégaux entre les hommes et les
femmes, c'est les agressions sexuelles. Et donc ça fait plus de 30 ans maintenant
qu'on redit et redit que les victimes, il faut les croire. Alors, philosophiquement,
comment se fait-il que, 30 ans et plus longtemps — il y a des
féministes plus âgées que moi — on ne les croit toujours pas, on met toujours
en doute leur parole? Alors, oui, la présomption d'innocence, dans la mesure où
on avance dans le système, et tout ça. Mais, quand tu te fais répondre, peu
importe par qui : Hi! Ne fais pas ça parce que tu risques de briser une
carrière, tu risques de briser ta famille, on n'est plus dans la présomption
d'innocence, on est dans le fait qu'on ne croit pas la personne qui le vit. Et
ça, à mon sens, on a énormément de travail d'éducation à faire, et c'est
pourquoi je réitère encore aujourd'hui que, si on veut que ça s'améliore dans
cinq, 10, 15 ans, il faut remettre dès aujourd'hui les cours d'éducation
sexuelle et aux saines relations du primaire au secondaire, ça
urge.
Mme Plante (Caroline) : Mrs. Massé, does the National Assembly have enough tools as it is to deal with potential cases of sexual
assault?
Mme Massé :Absolutely. Last
year, we developed here, at the National Assembly, a politic against sexual harassment, and all the parties said that
they agree with this politic. So, we have this tool inside of the Parliament. But what happened now, it's a
little bit different because it's someone outside the Parliament who said : I've been aggressed... assaulted…
Mme Plante (Caroline) :Assaulted.
Mme Massé : …yes, I've been assaulted by a Member of Parliament. But this woman, she's covered by the law because it's criminal in Québec, in Canada to aggress a woman. So, it's a little bit different.
Mme Plante (Caroline) : And so we have a policy, and you've talked about an upcoming
strategy. Can you talk a little bit about that?
Mme Massé : Yes. It's the political strategy against… Oh! I don't know the name
in English. Je vais le dire en français, O.K.? It's «la stratégie contre les agressions sexuelles et les violences
sexuelles envers les femmes». This politic, we wait for it since one year now,
and it's a strategy where the Government of Québec says what he's going to do
to prevent the aggression, the assault. So, we'll wait for it. And this
morning, in the room, all the parties said that now we're ready to receive this
politic. And the Government said : Yes, we'll depose it pretty soon.
Mme Plante (Caroline) : So, right now, for the specific case of this woman who alleges she
was sexually assaulted by an MNA, there's not much the National Assembly and
the Speaker can actually do about the situation, right?
Mme Massé :
You know, it's criminal. So, it's another… it's «judiciaire». But here, what we
can say, and this is our point in Québec solidaire, we asked to the Chairman of
the Assembly…
Mme Plante (Caroline) : The Speaker.
Mme Massé :
… — the Speaker, thank you — we asked to the Speaker of the
Assembly to get together all the four parties because we have to discuss about
it. So we have to send a very strong political message to say : A woman
assault, sexual assault, it's not tolerable.
Mme Plante (Caroline) : Do you expect that this MNA will be expelled, kicked out of the
National Assembly?
Mme Massé : I
mean, if the policemen do their job, I pretend that it could happen because I
think that we have a… I'm not sure of that… that we have… «un règlement» here,
in the National Assembly, which says that, if we are involved in a sexual
assault, we have to stop to be a Member of Parliament. But I'm not sure of that
one. We have to check on it.
Mme Plante (Caroline) : Thank you very much.
Mme Massé : You're welcome.
(Fin à 12 h 12)