(Onze heures dix-sept minutes)
M. Legault
: Oui. Bonjour,
tout le monde. Hier, on a appris, donc, que le service de police de Montréal
avait espionné Patrick Lagacé pendant des mois. Ce matin, on apprend que
d'autres journalistes auraient également été sous surveillance. Ça fait suite, évidemment,
là, à la perquisition de l'ordinateur d'un journaliste du Journal de
Montréal il y a quelques semaines. Donc, ça fait plusieurs cas et ça
devient très inquiétant. Dans chacun des cas, les raisons qui ont été invoquées
ne justifient en aucune façon pareille intrusion dans la liberté de presse, et
je rappelle que cette liberté de presse, c'est un des fondements des démocraties
modernes. S'attaquer à la liberté de presse, c'est s'attaquer à la démocratie.
J'espère donc que le premier ministre, M.
Couillard, va prendre très au sérieux ces atteintes graves à notre système
démocratique et je demande au premier ministre d'instituer très rapidement une
enquête publique sur l'espionnage des journalistes par les services policiers.
Cette enquête devrait permettre d'abord d'examiner chacun des cas que je viens
de vous mentionner et les autres qui viendront à notre connaissance au cours
des prochains jours. Cette enquête permettrait aussi de revoir les lois et les
règles provinciales et fédérales qui permettent à un juge de donner un mandat
de surveillance à la police au sujet du travail d'un journaliste et cette
enquête devrait permettre aussi d'assurer la liberté de presse et la protection
des sources. Il en va de la confiance du public à l'égard de nos institutions
et de nos services policiers.
Donc, encore une fois, j'espère que M.
Couillard prend très au sérieux ces problèmes qu'on a vécus au cours des derniers
jours, des dernières heures, et j'avoue que j'ai été très déçu de sa réaction
tantôt à Laval. Il avait l'air d'un chef de l'opposition et il nous a dit, là,
qu'il dénonçait ce qui était arrivé en termes d'espionnage avec M. Lagacé, mais
il n'a proposé aucune action. Moi, j'aimerais savoir si M. Couillard a toujours
confiance à M. Pichet, le directeur du SPVM. Je rappelle que le chef de la
police de Montréal est recommandé par le maire de Montréal, mais nommé par le
Conseil des ministres, et le ministre de la Sécurité publique peut démettre le
chef du SPVM.
Donc, je répète ma question. M. Couillard
doit faire preuve de leadership. Il doit nous dire comment il trouve le
comportement de M. Pichet. J'ai écouté le point de presse de M. Pichet hier, et
il ne semblait pas avoir pris la pleine mesure des allégations qui sont portées
contre son service policier. Ce sont des allégations qui sont très graves, et
je crois que M. Pichet devrait réfléchir sérieusement à donner sa démission.
La Modératrice
: Merci.
On va prendre les questions, commencer par Martin Croteau, LaPresse.
M. Croteau (Martin) : Bonjour
à tous. Bonjour, M. Legault. Pourquoi dire : Il devrait réfléchir à,
plutôt que tout simplement réclamer sa démission?
M. Legault
: Bien, pour
l'instant, là, de façon évidente, il a pris à la légère la situation. Hier, on
l'écoutait, là, il semblait dire que tout est parfait. Maintenant, bon, on
demande une enquête publique. Le ministre de la Sécurité publique nous a dit
hier qu'il voulait avoir des vérifications. C'était avant le point de presse de
M. Pichet. J'aimerais savoir ce que M. Couillard pense du point de presse de
M. Pichet. Moi, je pense qu'actuellement la confiance de la population à
son égard est ébranlée.
M. Croteau (Martin) : Quel
est le degré de responsabilité des différents acteurs dans ça? Il y a M.
Pichet, il y a M. Coderre qui a recommandé sa nomination, il y a le
gouvernement qui l'a autorisée, cette nomination. Donc, qui est responsable
ultimement de ce qui s'est passé?
M. Legault
: Bien, il y
a plusieurs acteurs, effectivement. M. Pichet, qui l'a autorisé?
M. Couillard qui est le... M. Coderre qui est le patron de
M. Pichet, le Conseil des ministres qui a accepté la nomination de
M. Pichet, le ministre de la Sécurité publique qui a le pouvoir de
démettre M. Pichet. Qu'est-ce que la juge de paix aussi a fait? Quelles
sont les procédures qui ont été ou non suivies? Quelles sont les lois qu'on
doit peut-être changer au provincial, au fédéral?
Donc, il y a plusieurs intervenants, mais,
de toute évidence, là, M. Pichet a pris le dossier beaucoup trop à la
légère. C'est très grave d'attaquer le droit des journalistes à avoir des
sources puis à protéger ces sources.
M. Croteau (Martin) : Qu'en
est-il de la juge de la paix qui a autorisé la police à espionner
M. Lagacé? Que feriez-vous de cette juge et considérez-vous qu'elle a pris
la bonne décision?
M. Legault
: Bien, en
tout cas, ça pose beaucoup de questions. Évidemment, si on avait... Puis moi,
je demande rapidement à M. Couillard d'instituer une enquête publique. Ça
nous permettrait de voir quel est le processus qui a été suivi par cette juge
de paix. Bon, on a vu la Cour du Québec émettre rapidement un communiqué de
presse hier en disant qu'essentiellement la formation était à la fine pointe.
Donc, j'aimerais savoir qu'est-ce qui a
été présenté par les policiers exactement? Donc, moi, je pense que ça prend une
enquête publique pour comprendre les problèmes qu'on a vécus, autant du côté de
la direction de la police que du côté des juges. Puis je veux en profiter aussi
pour dire, là, moi, j'ai très confiance dans les policiers sur le terrain, là,
mais là il semble y avoir un problème à la direction.
M. Croteau (Martin) : Mais
peut-être juste pour être clair, est-ce que vous considérez que la juge de paix
a erré en accordant ce mandat au SPVM?
M. Legault
: On n'a pas
assez d'information pour le savoir.
M. Croteau (Martin) : Mais vous
avez une préoccupation à cet égard.
M. Legault
: J'ai une
préoccupation. C'est pour ça qu'on demande une enquête publique.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Marc-André Gagnon, Le Journal de Montréal, de Québec, comme tu
veux.
M. Gagnon (Marc-André) :
Bonjour, M. Legault. Donc, vous ajoutez votre voix à ceux qui demandent une
enquête publique, mais j'aimerais vous entendre sur la façon avec laquelle vous
imaginez la composition de cette commission d'enquête. Qui on devrait y
entendre? Qui pourrait diriger ce genre d'enquête là?
M. Jolin-Barrette : Bien,
en fait, nous, dans notre perspective de l'enquête publique, on voudrait un
expert du monde journalistique, du monde des médias et un expert du monde
juridique pour éventuellement avoir des conclusions de cette enquête publique
là et des recommandations qui pourraient faire en sorte qu'on pourrait
moderniser nos lois, notamment relativement à l'obtention des mandats de
perquisition à la fois au provincial pour la sphère qui nous occupe, mais à la
fois également pour la sphère fédérale. Je pense que c'est important d'avoir un
expert du monde médiatique et un expert du monde juridique, une co-commission,
deux coprésidents qui pourraient présider cette commission-là pour donner de la
crédibilité à cette enquête-là et que, dans le fond, l'ensemble des
intervenants dans le dossier puissent être impliqués.
M. Gagnon (Marc-André) :
M. Legault, vous vous dites déçu, donc, de la réaction préliminaire, là,
pour l'instant, de Philippe Couillard, parce qu'il nous a dit qu'il allait nous
en reparler un peu plus tard. Est-ce que vous croyez que M. Couillard, le
premier ministre, donc devrait lui aussi demander à M. Pichet de
démissionner et peut-être de faire la même chose à l'endroit de la juge qui a
émis les mandats? C'est un peu délicat.
M. Legault
:
Écoutez, c'est toujours la même chose avec M. Couillard, hein? Manque de
leadership, c'est un peu comme s'il était un observateur. Il a l'air d'un chef
de l'opposition qui dénonce un problème, alors que c'est lui le premier
ministre. Donc, qu'est-ce qu'il pense de M. Pichet? Est-ce qu'il
entrevoit... Est-ce qu'il pense que c'est nécessaire de revoir nos lois, nos
règles? Pour l'instant, on ne sait rien, là. Tout ce qu'il nous dit, c'est qu'il
trouve ça bien effrayant puis il dénonce, mais, pour l'instant, il n'a rien,
rien proposé, jamais d'action avec M. Couillard. On dirait que c'est comme
un touriste, un observateur.
La Modératrice
: Alain
Laforest, TVA.
M. Laforest (Alain) :
Madame, messieurs. M. Legault, on va remonter un petit peu dans le passé,
là. On sait qu'à Montréal il y a eu énormément de problèmes, entre autres sous
Gérald Tremblay, où il y avait des fuites, où ça a conduit à ce qui s'est passé
à Montréal. Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a quelqu'un qui a
commandé ça pour éviter de se retrouver dans la même situation?
M. Legault
:
Écoutez, c'est troublant. C'est très troublant. Moi, je n'en reviens pas de la
réaction de M. Pichet hier. Bon, M. Pichet, son patron s'appelle
Denis Coderre, et puis sa nomination vient du Conseil des ministres, et puis il
peut être démis par le ministre de la Sécurité publique. Donc, moi, je pense
que les questions, il faut d'abord les poser à M. Coderre puis à
M. Couillard. Qu'est-ce qu'ils pensent, eux autres, de M. Pichet?
Mais moi, a priori, là, j'ai un problème avec la façon dont il a réagi hier, comme
s'il prenait ça à la légère puis qu'il trouvait que tout a été géré
correctement.
M. Laforest (Alain) :
Est-ce qu'il y avait une commande politique selon vous, d'agir de la sorte,
selon vous, là, avec ce qui s'est passé dans le passé?
M. Legault
: Je
n'ai pas assez d'informations pour le savoir, mais la question se pose et puis
il faut la poser à M. Coderre, il faut la poser à M. Couillard. Il y
a deux grands responsables, là, au-dessus de la tête de M. Pichet.
M. Laforest (Alain) :
Dans un autre dossier, très, très rapidement, là, Pétrolia, hier, a déposé un
recours judiciaire où on dit qu'il y a de l'hostilité et de l'ingérence de la
part du premier ministre dans le dossier du pétrole d'Anticosti, de
l'exploration du pétrole d'Anticosti. Quelle est l'analyse que vous en faites
de ce dossier à ce stade-ci, là?
M. Legault
: Écoutez,
M. Couillard est devenu la risée de tout le monde des affaires actuellement.
Les gens parlent continuellement de ce dossier-là. Ça fait longtemps qu'on n'a
pas vu un gouvernement ne pas respecter un contrat qui a été signé par le
gouvernement. On a l'air d'une république de bananes. On envoie un très mauvais
message non seulement à Pétrolia, mais à tous les investisseurs potentiels au
Québec. Moi, je ne comprends pas que M. Couillard, là, depuis qu'il est allé à
Paris, qu'il est devenu l'homme vert qui est contre tout projet. Il a peur de
découvrir du pétrole en explorant Anticosti, alors qu'on importe
10 milliards de pétrole par année. Quelle hypocrisie!
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Alexandre Robillard, LaPresse canadienne.
M. Robillard (Alexandre) :
Allo, M. Legault. Qu'est-ce qui vous fait penser que la surveillance de
journaliste, c'est un phénomène qui a peut-être plus d'ampleur que ce qu'on a
constaté dans les cas qui ont été rapportés dernièrement?
M. Legault
: Bon, d'abord,
il y a trois cas différents... bien, trois cas, on nous dit qu'il y a d'autres
journalistes. Il y a M. Nguyen, il y a M. Lagacé. S'il y en avait juste un cas,
ce serait inquiétant, puis ce qui est surtout inquiétant, c'est la réaction de
M. Pichet hier, qui semblait banaliser cette situation puis qui ne s'était pas
informé, hein? Les journalistes lui demandent : Est-ce qu'il y a d'autres
cas? Je ne le sais pas. Il me semble qu'avant d'aller faire le point de presse,
je me serais informé, est-ce qu'il y a d'autres cas, puis d'avoir fait le tour
de la question, mais non, on dirait qu'on prend ça à la légère, puis il essaie
de défendre l'intervention.
M. Robillard (Alexandre) :
Hier, on entendait la réaction de M. Goodale à Ottawa, qui semblait quand même
assez clair sur quelles sont les attentes du gouvernement fédéral en la
matière. Est-ce que vous craignez qu'il y ait une culture de la surveillance
des médias au Québec qui soit à l'oeuvre?
M. Legault
: Bien,
déjà, la réaction de M. Goodale est peut-être un peu plus en action que celle
de M. Couillard ce matin. M. Goodale a dit qu'il n'excluait pas de revoir les
lois. Bien, c'est ça, là, il faut commencer à se pencher, est-ce que le
problème, ce sont les acteurs ou ce sont les lois et les règles. Mais, je
pense, M. Couillard, là, a une responsabilité de rassurer la population,
rassurer les journalistes. Il ne peut pas juste agir en observateur, comme il
fait actuellement.
M. Robillard (Alexandre) :
Mais êtes-vous en mesure de dire si, d'après vous, il y a une culture de ce
type-là?
M. Legault
: On voit
quelques cas qui sont déjà inquiétants. Est-ce qu'il y en a d'autres? Je n'ai
pas plus d'information que vous.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. Dernière question en français, Mathieu Dion, Radio-Canada.
M. Dion (Mathieu) : Oui,
rapidement. Pensez-vous que ça peut être aussi large qu'avec la Sûreté du
Québec? Dans une commission d'enquête, est-ce qu'on parlerait seulement du SPVM
ou on élargirait même à la Sûreté du Québec?
M. Jolin-Barrette : Oui, bien,
je pense que c'est important de viser tous les corps de police, dans le fond,
qui ont accès à demander un mandat de perquisition. Donc, l'enquête ne doit pas
se limiter uniquement au SPVM, mais, dans le fond, sur les sources
journalistiques parce que ce n'est pas uniquement l'apanage du Service de
police de la ville de Montréal, mais c'est également le cas d'un policier qui
peut aller faire une dénonciation devant un juge de paix magistrat. Ça couvre, dans
le fond, tous les corps de police, tous les individus qui ont accès à ce type
de mandat de surveillance là. Donc, oui, ça pourrait couvrir la Sûreté du
Québec également.
La Modératrice
: Merci
beaucoup. On va passer aux questions en anglais. Maya Johnson,
CTV.
Mme Johnson (Maya) : Good morning, Mr. Legault. What kind of action can elected
officials take to deal with the protection of journalistic sources?
M. Legault
:
I think, first, we have to admit that it's an important problem. And, second, I
would have expected that Mr. Couillard would have proposed already some
action.
What we propose right now
is a public inquiry. We think it's important that we look at the rules, the
laws that are applicable, but we have to protect journalistic sources. So right
now, clearly, Mr. Pichet, chief of the SPVM, has not taken the matter
seriously enough, and I would like to know if Mr. Couillard has still all
confidence in Mr. Pichet.
Mme Johnson (Maya) : And you suggested earlier that he should consider stepping down as
police chief in light of these revelations?
M. Legault
:
Yes. I think that, right now, Mr. Pichet, yesterday, instead of… yesterday,
requesting that maybe rules be reviewed, he said that all rules were followed
and he didn't see any problem with what happened to Mr. Lagacé. So, I
think, right now, there is a breech of confidence and I think, right now,
Mr. Pichet must think about resigning.
Mme Johnson (Maya) : And, when you talk about a public inquiry, that would be to look
into how or why the police obtained these search warrants to get into
Mr. Lagacé's phone?
M. Legault
:
Yes. We have to look at what happened and what is suggested also by experts,
journalists and juridical people. They have to make proposals maybe about
changing laws, changing rules, but it's unacceptable, what happened.
Mme Johnson (Maya) : Can you talk a little bit about the role of investigative
journalism, and how important that is in our society, and what this kind of
situation could do to deter sources from going to journalists with important
stories?
M. Jolin-Barrette : I think it's really important in our democracy because, you know, it's the… the work of the
journalist is the fourth power, and that's really important that we let the journalists do their job, and we have to put some
regulations, and the fact that the judge will apply that regulation to protect
the work of the journalists, also the source of the journalists, because, if
the journalists can not work free as they want, we will not have all the information, and all the scandals will not
go over the light, and that's really important that journalists can do their job without any boundary.
Des voix
:
Merci.
(Fin à 11 h 34)