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Point de presse de M. Jean-François Lisée, chef de l’opposition officielle, M. Stéphane Bergeron, porte-parole de l’opposition officielle en matière de sécurité publique, et Mme Véronique Hivon, porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice

Version finale

Tuesday, November 1, 2016, 11 h 45

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Onze heures cinquante minutes)

M. Lisée : Bonjour. On était à l'instant à côté de la statue de René Lévesque, dont c'est la commémoration du décès, et on trouvait que c'était un petit peu le destin qui avait coordonné cette date avec le débat qui nous est imposé par des gestes condamnables des membres du service de police de Montréal. René Lévesque avait une très haute opinion à la fois du journalisme, de son rôle, de la nécessité de son indépendance comme rouage essentiel de la démocratie.

Il avait une autre opinion aussi de la nécessité de transparence. C'est lui qui avait fait voter, préparer et voter, la première loi d'accès à l'information pour le Québec. Et donc je pense qu'on est dans sa tradition, on essaie d'être les enfants de René Lévesque en mettant toujours de l'avant les principes les plus étanches possible sur la protection des journalistes, sur la transparence des processus et faire reculer l'hypocrisie et l'arbitraire dans ces cas-là.

Nous sommes devant une dérive très claire lorsqu'un service de police et que le chef de ce service de police autorisent la demande de mandat pour aller chercher dans le téléphone d'un journaliste et le géolocaliser pour avoir des informations qui ne sont pas indispensables à une enquête. On est vraiment dans une culture qui ne valorise pas l'indépendance de la presse.

Je sais qu'il y a des questions qui sont posées, qui sont légitimes sur la facilité avec laquelle les juges de paix signent les mandats, mais il faut aussi se poser la question de la légèreté avec laquelle un service de police et son chef demandent les mandats. À partir des faits que nous connaissons, jamais le chef de police n'aurait dû dire : C'est une bonne idée d'aller chercher de l'information dans le téléphone du journaliste et de savoir ce qu'il y a.

Alors, comment réagir à ça? Nous avons deux propositions à faire aujourd'hui. Je vais laisser mes collègues Stéphane Bergeron, responsable de la Sécurité publique, et Véronique Hivon, porte-parole en Justice, vous expliquer de quoi il en retourne. Stéphane.

M. Bergeron : Merci. Dans un premier temps, nous demandons à ce que le ministre, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, demande au Bureau des enquêtes indépendantes de se pencher sur cette problématique extrêmement troublante. Il y a une disposition, comme je l'évoquais, qui permet effectivement au ministre de demander au Bureau des enquêtes indépendantes de se pencher sur des situations dans lesquelles sont impliqués des policiers.

La situation que nous avions clairement en tête au moment d'introduire cette disposition, c'est l'affaire Davidson, au niveau du SPVM. Étant entendu que, de par les liens avec la Sûreté du Québec, on ne voyait pas vraiment quel corps policier aurait pu s'occuper d'une situation comme celle-là. Alors, je pense qu'on se retrouve dans une situation où il est opportun que ce soit cette unité totalement indépendante qui enquête sur ce qui s'est passé avec Patrick Lagacé.

Maintenant, il y a des dispositions également dans la loi sur le Bureau des enquêtes indépendantes qui prévoient un certain nombre de mesures visant à assurer une certaine transparence dans le processus des enquêtes menées par le Bureau des enquêtes indépendantes, d'abord sur les opérations en général du Bureau des enquêtes indépendantes et une autre disposition qui réfère à un règlement sur la transparence en cours d'enquête. Après analyse de ces trois dispositions, nous en sommes venus à la conclusion qu'il faut que le ministre également nous annonce que le résultat de cette enquête soit rendu public et que, le cas échéant, nous puissions effectivement recevoir en commission parlementaire la directrice du Bureau des enquêtes indépendantes pour examiner le résultat de l'enquête. La raison est fort simple, c'est qu'il y aura vraisemblablement des mesures à prendre sur le plan législatif. Et, sans plus tarder, j'invite ma collègue Véronique Hivon à vous en dire davantage.

Mme Hivon : Bonjour. Alors, comme nous l'avons annoncé hier, nous croyons qu'il est temps que le Québec se dote d'une loi en bonne et due forme sur la protection et le travail journalistiques, la protection des sources journalistiques et du travail journalistique. Nous en sommes là pour s'assurer d'un cadre légal optimal, transparent, prévisible, connu de tous et qui, donc, nous assure le meilleur encadrement possible.

Dans cette optique, nous demandons aujourd'hui à l'ensemble des partis politiques de mettre l'épaule à la roue dans cette démarche, et donc que nous désignions ensemble des experts, quatre experts, pour se doter de ce mandat pour arriver avec la meilleure proposition possible d'encadrement législatif, donc, pour la protection des sources journalistiques. Ce travail, une fois fait — un mandat, nous le proposons de 90 jours — serait soumis à l'Assemblée nationale et étudié en commission parlementaire pour qu'ensuite les parlementaires fassent les recommandations qui s'imposent d'un point de vue législatif.

M. Lisée : Alors, vous voyez, nous voulons avoir une action sur deux plans. Une action rapide qui donnera aux parlementaires, dès la rentrée de février, les éléments nécessaires pour agir sur deux plans. Le Bureau des enquêtes indépendantes fera rapport à la Commission des institutions sur ce qu'ils ont trouvé et les recommandations qu'ils ont faites, et ce panel d'experts... J'ai entendu le premier ministre Couillard, ce matin, dire qu'il fallait agir de façon non partisane. Bien, nous prenons la balle au bond, nous avions aussi réfléchi dans ce sens. Et donc que chacun des quatre partis à l'Assemblée désigne, en consultation, chacun un expert, que ces experts fassent le tour de la problématique, de la législation existante, du projet de loi qui avait été déposé au fédéral par Serge Ménard à l'époque, qui a été repris ce matin par le Bloc québécois, et fassent une recommandation sur quel type de nouvelle législation, au Québec, serait nécessaire, et viennent en discuter aussi à la Commission des institutions, qui nous semble la plus pertinente pour faire ce travail.

Finalement, on pense que, pendant l'enquête du BEI, le directeur actuel du SPVM devrait être suspendu pendant l'enquête, puisque, de toute évidence, il a pris une décision, sur la demande de ces mandats sur M. Lagacé, qui démontre qu'il n'avait pas une conscience suffisamment forte de la nécessité de protéger le travail journalistique. Voilà.

La Modératrice : M. Lisée, M. Bergeron et Mme Hivon vont maintenant prendre vos questions.

M. Vigneault (Nicolas) : Nicolas Vigneault, Radio-Canada. Comment vous allez conjuguer ce que vous demandez, en fait, aussi avec une certaine protection de la magistrature? Parce que, là, il y a les juges, vous savez, qui sont sortis en fin d'après-midi hier pour dire que cette décision-là, bien, elle est, en quelque sorte, justifiée, on l'a défendue et on dit qu'on doit absolument maintenir une indépendance des institutions juridiques et de la magistrature, notamment pour ne pas qu'il y ait d'influence politique.

M. Lisée : Il n'y a pas de doute qu'il faut qu'il y ait une indépendance de la magistrature. Maintenant, la magistrature applique les lois. Alors, si le législateur décide d'encadrer plus fermement les cas rares dans lesquels un mandat peut être émis, les juges vont appliquer la loi.

M. Vigneault (Nicolas) : Maintenant, ce que vous demandez, c'est une nouvelle législation complètement, c'est-à-dire, ne pas insérer quelque chose dans ce qui est présentement en commission parlementaire, par exemple, peut-être?

Mme Hivon : Il y a deux volets, hein, en commission parlementaire, sur le projet de loi n° 87, sur les lanceurs d'alerte. C'est un peu le volet d'une médaille, quitte à dire : Protégeons, à l'intérieur de nos institutions, si vous voulez, les gens qui dénoncent, donc, comment, on va, par exemple, s'assurer que quelqu'un n'est pas démis de ses fonctions parce qu'il a tiré l'alarme, tout ça.

L'autre volet, c'est vraiment de protéger, et c'est là-dessus aujourd'hui qu'on fait une proposition très clairement, le travail, donc, des journalistes en protégeant les sources journalistiques. Il y a, oui, une jurisprudence importante, mais l'idée, c'est justement de se dire : Est-ce qu'on ne peut pas venir donner un cadre beaucoup plus, je dirais, clair, circonscrit, qui fasse en sorte qu'il y ait une beaucoup plus grande prévisibilité, tout en marquant le pas que la règle générale, le principe fondamental, c'est la protection des sources? Il n'y a rien dans notre corps législatif qui le dit clairement, et on pense qu'il est temps de le dire.

Pour ce qui est du projet de loi n° 87, nous aurons des amendements à proposer. C'est notre collègue Nicole Léger qui va le faire. C'est d'ailleurs en étude aujourd'hui, je crois.

La Modératrice : M. Robillard.

M. Robillard (Alexandre) : M. Lisée, vous avez parlé de culture, à la lumière des cas qui ont été rapportés dans les médias, de surveillance policière de journalistes. Pourquoi vous pensez qu'il y a une culture de surveillance policière des journalistes?

M. Lisée : Bien, l'accumulation des cas, au cours des derniers mois, est troublante. Il y a eu le cas de M. Nguyen au Journal de Montréal, qui a été victime d'une perquisition. L'Assemblée nationale, unanime, a réitéré l'importance de la protection des sources, et ça n'a pas empêché qu'on apprend, ces jours-ci, qu'il y a eu 24 mandats demandés et obtenus sur Patrick Lagacé. Il y a le cas de M. Bellavance aussi. Il semble y avoir un genre de réflexe que, bon, bien, ça va aider si on regarde dans les ressources des journalistes. C'est un réflexe qui ne devrait pas exister, c'est le réflexe inverse qui devrait exister. Il devrait exister dès aujourd'hui, et nous disons : Bien, écoutez, d'abord, on va avoir le Bureau des enquêtes indépendantes, que nous avons créé, le gouvernement Marois, et que mon collègue Stéphane Bergeron a fait en sorte d'avancer, et qui a été très bien accueilli comme institution qui manquait comme rouage démocratique, bon, mettons-le à contribution, premièrement.

Deuxièmement, bien, essayons de voir comment on peut faire cette loi de protection des sources et du travailleur journalistique, que nous appelons de nos voeux depuis assez longtemps. Lorsque Serge Ménard a déposé son projet au fédéral, il avait l'appui de la fédération des journalistes du Québec, du Conseil de presse et du Barreau du Québec, ce qui était considérable. Et je pense qu'il est le temps de revoir ce projet. Comment on peut l'appliquer au Québec? Est-ce qu'on peut appeler plus loin? Qu'est-ce qui se fait ailleurs? C'est un débat qui nous appartient, mais qui appartient aussi au reste de l'Occident.

M. Robillard (Alexandre) : Il y a une dimension judiciaire dans les cas qui ont été rapportés, principalement dans le cas de Patrick Lagacé. Est-ce que vous pensez que le BEI a l'autorité ou la marge de manoeuvre pour jeter l'éclairage nécessaire sur la responsabilité judiciaire qui mène au genre de situations que vous dénoncez?

M. Lisée : La division des pouvoirs est très nette entre le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Alors, il appartient à la magistrature, si elle estime qu'il y a des boulons à serrer, de se poser la question et de les resserrer. Il n'appartient pas au législatif autrement que de dire : Voici les lois. On n'est pas contents de la jurisprudence? On change la loi pour demander aux juges de bien appliquer la loi. Mais au-delà de ça, à partir du moment où on a désigné les juges correctement, c'est à eux de gérer leurs processus. Parfois, ils voient qu'il y a des insuffisances. Alors, c'est à eux de se poser ces questions-là.

M. Robillard (Alexandre) : Parce que M. Legault propose une enquête publique. Donc, est-ce que, d'après vous, cette façon de procéder là jetterait un éclairage plus large que seulement le BEI?

M. Lisée : D'abord, le législatif ne peut pas demander une enquête publique sur la magistrature.

M. Robillard (Alexandre) : Mais, disons, l'exécutif?

M. Lisée : Bien, l'exécutif non plus. Ce sont trois branches de gouvernement qui doivent se respecter les unes les autres. La raison pour laquelle on... On s'est posé la question, hein, dans nos discussions avant de faire cette proposition : Est-ce qu'on demande une enquête publique? Et on a vu qu'il y a des juristes qui l'ont demandée ce matin. On s'est dit : Bien, on veut une action rapide et on veut essayer de voir quelle est l'ampleur du problème. Alors, si le BEI, dans 90 jours, nous dit : Écoutez, le problème est très circonscrit, donc quelques mesures de correction suffiront, très bien; s'il nous dit : Écoutez, c'est un problème assez vaste puis on se rend compte que ça dépasse même le SPVM, peut-être nous recommanderont-ils à ce moment-là une enquête publique qui peut durer deux ans. Alors, nous, nous préférons d'abord être efficaces, être rapides, utiliser les outils à notre disposition, créer un nouvel outil, avec ces quatre experts indépendants, pour la législation, pour pouvoir procéder rapidement.

M. Robillard (Alexandre) : Une précision sur votre dossier concernant les élus sous enquête policière. Hier, vous avez affirmé qu'il fallait suspendre les élus qui... les exclure, en fait, là, des caucus quand ils sont sous enquête policière, sauf dans des cas mineurs. Donc, vous semblez tracer une ligne entre des situations qui nécessitent des gestes d'exclusion, de début sous enquête. Donc, j'essaie de comprendre un peu où vous vous situez par rapport à ça.

M. Lisée : Alors, c'est une question de jugement qui nécessite de la clarté. Si le chef du parti ne sait pas que son élu ou son attaché politique est sous enquête, il ne peut rien faire; s'il le sait, il peut juger en fonction de la gravité des faits allégués, qui ne sont qu'allégués.

M. Robillard (Alexandre) : Mais donc ce n'est pas automatique pour vous qu'un élu sous enquête doive être exclu de son aile parlementaire?

M. Lisée : Non, ce n'est pas automatique. Ça dépend de la gravité des faits, ça dépend de la nature de la plainte, ça dépend si ça a un rapport ou non avec l'exercice de ses fonctions. Mais, au moins, le chef de parti a les éléments pour poser son jugement. Et son jugement sera soumis à la discussion publique, hein, vous pourrez dire : Bien, franchement, dans ce cas-là, il aurait dû être suspendu.

M. Robillard (Alexandre) : Mais ce serait quoi, par exemple, quelque chose qui est mineur?

La Modératrice : M. Robillard, je pense qu'on va passer à votre collègue.

M. Lisée : On jugera au cas par cas.

M. Gagnon (Marc-André) : Si je reprends les exemples, les hypothèses que vous avez vous-même soulevées, si on confie l'enquête au BEI et que le BEI, finalement, dise que ça prend une enquête publique, ce serait donc, par le fait même, retarder le déclenchement de l'enquête publique, vous ne croyez pas?

M. Lisée : Bien, ce le serait, mais on aurait les éléments pour le décider. Moi, à ce moment-ci de la situation, d'aller directement au bazooka, ça ne me semble pas la première chose à faire, hein? Allons au microscope, faisons le diagnostic et là voyons l'ampleur de la mesure qu'il faut prendre par la suite.

Moi, je comprends bien que nos amis de la CAQ sont souvent bons pour identifier un problème, mais toujours exagérer dans la réponse qu'ils proposent. Alors, moi, je préfère agir avec des instruments qui sont à notre disposition pour avoir des réponses plus rapidement et pas toujours sauter au bazooka.

M. Gagnon (Marc-André) : Donc, vous trouvez que la FPJQ exagère lorsqu'elle demande, elle aussi, une enquête publique?

M. Lisée : Bien, je pense qu'elle a raison de demander une enquête, et je pense qu'on peut avoir une enquête avec ce nouveau bureau que tout le monde demandait, que nous avons eu le cran de mettre sur pied. Laissons le Bureau d'enquêtes indépendantes travailler. Et, si nous avons, dans trois mois — c'est dans pas grand temps, ça — des éléments qui nous font penser que ça prend une enquête publique, nous le considérerons à ce moment-là.

M. Gagnon (Marc-André) : Parce que le BEI s'intéresse essentiellement au travail des policiers, mais c'est quand même une juge, là, qui, à un moment donné, a approuvé donc ces demandes-là. Est-ce que le BEI peut vraiment venir taper sur les doigts de la juge qui a donné des mandats?

M. Lisée : Non, non. Elle ne peut pas le faire parce que c'est la magistrature.

M. Gagnon (Marc-André) : Alors, il n'y a pas un problème là?

M. Lisée : Mais une enquête publique ne pourra pas le faire non plus. Une enquête publique ne peut pas demander à un juge d'être assis devant. Alors, je ne sais pas si M. Legault pensait ça, il doit se détromper. Il n'y a pas de juges qui vont être dans le box des témoins dans une enquête publique, ça ne se peut pas. Alors, il y a une loi sur la magistrature, il y a des processus internes à la magistrature, et c'est ça, le respect de la division des pouvoirs.

M. Laforest (Alain) : Vous êtes un ancien journaliste. Vous savez ce qui s'est passé à Montréal. Qui a eu intérêt à demander ça?

M. Lisée : Qui a eu intérêt à demander qu'il y ait des mandats? Bien, écoutez, moi, les faits que nous avons devant nous nous portent à penser qu'ils faisaient une enquête sur un de leurs policiers et ils se sont dit : L'important, c'est de savoir ce que ce policier-là a fait. C'était bien de savoir ce que le policier avait fait, mais ils n'ont pas eu la réserve nécessaire de dire : Mais le journaliste, il est hors champ.

M. Laforest (Alain) : Selon vous, ça venait juste de la police, là, il n'y a pas eu un réflexe de protection par rapport à ce qui s'est passé sous Gérald Tremblay?

M. Lisée : Je n'ai pas de raison de le croire, mais l'enquête le déterminera.

M. Laforest (Alain) : Donc, pour vous, c'est une initiative de la police, là.

M. Lisée : Les faits que nous avons devant nous et le témoignage qu'a donné hier le directeur de la police, c'est que c'est monté à son bureau. Il a pris cette décision en fonction de la volonté qu'il avait d'enquêter sur son policier. Maintenant, si vous avez d'autres éléments d'enquête, j'écouterai avec plaisir votre reportage ce soir.

M. Laforest (Alain) : Dans une autre perspective, Pétrolia vient de déposer un recours judiciaire où on accuse le gouvernement Couillard et principalement Philippe Couillard d'ingérence et d'hostilité à l'endroit du projet. Bon, on sait que vous dites non maintenant à Pétrolia, vous reniez le contrat que votre gouvernement a signé. Vous en pensez quoi, actuellement, là, de ces procédures judiciaires?

M. Lisée : Bien, je n'accepte pas la prémisse de votre question, mais, écoutez, c'est clair que le premier ministre s'est mis dans une position extraordinairement vulnérable lorsqu'il a fait des déclarations vraiment totales contre le projet en soi en disant que jamais, lui vivant, on ne mettrait en cause l'intégrité de l'Île d'Anticosti, ce joyau. L'État québécois avait signé une entente. Il y a des façons de se retirer d'une entente dans le respect des partenaires. Ce n'est pas celle-là. Et ensuite, lorsque M. Couillard a dit : Les fonctionnaires feront ce qu'on leur dira, vous comprenez que les avocats de Pétrolia, ils ont la tâche très facile de dire : Le premier ministre a dit que les fonctionnaires feront ce qu'on leur demandera, et les fonctionnaires refusent de donner les autorisations en temps voulu. C'est comme si Philippe Couillard avait écrit la cause pour Pétrolia et a causé un tort considérable à la réputation du Québec comme bon partenaire d'affaires.

Nous, nous disons : Écoutez, un gouvernement a le droit de changer d'avis sur une politique publique et il doit être franc, encore une fois, non à l'hypocrisie et à l'arbitraire, dire : On a changé d'avis, on a décidé qu'on ne veut pas faire Anticosti, on le dit à nos partenaires d'affaires. Y a-t-il des compensations à vous donner? Oui? Merci, bonjour. C'est ça, être un bon partenaire d'affaires. Ce que M. Couillard a fait, c'est de dire : Je suis contre cette entente-là, ce n'est pas une bonne entente, je vais tout faire pour que ça n'arrive pas. Et ensuite, sûrement conseillé par un avocat, il a dit : Nous allons respecter le contrat. Et puis là les gens voient que, bien, le contrat, il a beau être respecté, mais il y a toutes sortes de délais. Peut-être sont-ils justifiés ou non, nous ne le savons pas, mais il a créé un climat dans lequel le doute est permis.

M. Croteau (Martin) : Bonjour. Bonjour à tous. M. Lisée, vous avez décrit l'espionnage de M. Lagacé comme une dérive. Une question là-dessus : Il y a des enquêteurs qui enquêtaient sur le policier qui ont espionné M. Lagacé. Il y a le chef de police qui est leur superviseur, il y a le maire de Montréal, qui a nommé le chef de police et il y a le gouvernement, qui a avalisé la nomination. Donc, à vos yeux, qui est responsable de cette dérive?

M. Lisée : Écoutez, on peut remonter la chaîne, là. Le lieutenant-gouverneur a signé la loi qui permet au gouvernement de permettre la désignation du chef de police, mais je ne pense pas qu'il soit impliqué.

Écoutez, c'est clair que nous avions même commencé à réfléchir, au gouvernement Marois, non seulement à ce que l'Assemblée nationale désigne aux deux tiers le directeur de la Sûreté du Québec, qu'il ait des mandats fixes et donc qu'il puisse survivre à un changement de gouvernement, parce qu'on a été tous très troublés par la décision du gouvernement Couillard de dégommer le directeur de la SQ au moment où il y a des enquêtes sur le Parti libéral, mais aussi nous nous étions posé la question d'une désignation plus indépendante pour d'autres chefs de police, dont un des plus importants au Québec, celui de la police de Montréal. Tous, on avait commencé à réfléchir, à tous. Nous allons continuer à réfléchir là-dessus dans les prochaines semaines, les prochains mois soit pour notre plateforme électorale de 2018 soit pour des propositions que nous pourrions faire dans l'intervalle. Alors, il est certain que cette indépendance policière, elle est indispensable. Et le fait que vous posez la question, qu'on entente des commentateurs se poser des questions sur la proximité entre un maire, son chef de police, quelle est la nature des contacts, etc., je n'accuse personne, mais je me dis : Ça serait plus sain si l'indépendance dans le mode de désignation prêtait moins flanc à la critique.

M. Croteau (Martin) : Mais, pour revenir au cas spécifique de M. Lagacé, considérez-vous que le maire et le gouvernement ont une part de responsabilité dans la dérive que vous dénoncez?

M. Lisée : Je n'irai pas là parce que je n'ai pas de raisons de le croire. Encore une fois, si le BEI fait son enquête et trouve des liens externes à la police, ils nous le diront. Voilà.

M. Croteau (Martin) : Est-ce que vous considérez que le cadre législatif qui balise l'émission des mandats par des juges de paix est adéquat?

M. Lisée : Bien non, c'est pour ça qu'on veut une nouvelle loi, hein? Moi, je ne mets pas en cause l'indépendance de la magistrature. Si eux-mêmes se posent la question : Est-ce que la loi a été appliquée correctement?, c'est à eux de faire leurs interventions. Mais nous, on peut resserrer les lois et les règlements sur lesquels les magistrats se fondent pour faire en sorte que la prochaine fois qu'il y a un chef de police qui veut savoir ce qu'il y a dans le téléphone d'un journaliste, le juge de paix dise : Non, la loi est claire, c'est non. Il y a un test très, très difficile pour approuver un mandat comme celui-là. Il vient d'être renforcé par la loi adoptée par l'Assemblée nationale — lorsque ce sera le cas — et donc je vous dis : Non. Ça, c'est l'impact que le législateur peut avoir sur le travail du magistrat. Ça va?

La Modératrice : Mme Johnson?

Mme Johnson (Maya) : Hello, Mr. Lisée. You mentioned Mr. René Lévesque's legacy as a journalist. You, of course, are also a former journalist. So, is it fair to say that the situation, for you, is personal?

M. Lisée : Well, it's personal as a citizen and as a civil libertarian. I think it's always troublesome when police delve into a reporter's notebook, be it electronic or otherwise. And you have to ask : Why was that done? What was the urgency of the matter? You know, if you tell me : Well, he had the name of the person who planted the bomb. I'd say : Well, OK, we can discuss that. But it's clearly not the case, and the inquiry in question in no way, from the facts that we have now, warranted the warrant. And so, yes, I think it's slippage, clearly. The chief of police of Montréal did not have the right reflex to say : No, we won't go there, we don't need to. And probably the jurisprudence shouldn't lead us to that. And the judge decided to issue the warrant. Did the judge exceed the jurisprudence? That's for the magistrates to discuss. But, for us, clearly, the law should be clearer and protect, with a much stronger test, the issuing of mandates for notebooks of journalists and work of journalists. That's why we propose a non-partisan panel of four experts that would be designated by each party in the National Assembly, who would report within three months to the Assembly on what should be a new shield law for Québec.

Mme Johnson (Maya) : So, a specific piece of legislation related to journalistic sources.

M. Lisée : Exactly, to journalistic sources and journalists' work. The second proposal we make is that the bureau of independent inquiries that was set up by our Government, that is independent from all police forces, do the inquiry about what happened in the Montréal police force for them to be so lackadaisical with these requests. And the bureau, within three months, would report to a parliamentary commission and say : This is what happened. They will make their recommendations if there are accusations to be made, of course, to us about what happened, and then will see if it warrants a greater or bigger inquiry. But, at this point, we say : Let's not go directly to the public inquiry because we want to be faster, more efficient, and have answers as soon as we reconvene in February.

Mme Johnson (Maya) : OK. Because that was actually a question. Just from a technical point of view, those two investigations wouldn't run in a parallel fashion? It would be…

M. Lisée : Yes, they would.

Mme Johnson (Maya) : So, you would start with the bureau of independent investigations that…

M. Lisée : There would be two things. The bureau of independent investigations will investigate the facts of the police department in Montréal and why they're so easygoing with looking at a journalist's work. The four experts will look at shield laws, our legislation as it is, and will propose a new legislation on shield laws. So, those are two different things.

Mme Johnson (Maya) : But, the public inquiry could potentially come later and that would be separate?

M. Lisée : It could come later. If the bureau tells it's a general problem that goes beyond what you already knew and warrants a public inquiry, well, we'll look at this at that time, but it is a two-year process at least and will not give us answers soon. We want to have action as soon as possible.

Mme Fletcher (Raquel) : Good afternoon. There have been some allegations or accusations against the Montréal police force itself. How did we get here? Do you think that there is a real problem with the Montréal police force?

M. Lisée : Well, I think there is a problem, that there is a lack of respect of journalist independence. I mean, they seem to reach for journalists' notebooks as soon as they're looking for something. I know we have good journalists, and there is a lot in their notebooks, but it's their notebooks, be electronic or otherwise. And so, there seems to be a real slippage on the part of the direction of the police in Montréal, thus to look at the reporters' work without being concerned with the independence of the press. We saw, in the case of Mr. Nguyen, in Journal de Montréal, when there was a search for his own research. The National Assembly unanimously condemned this kind of tactic. And even tough we did this, now we have the Patrick Lagacé case. And so, yes, there is a real problem, and we need to address it forcefully and rapidly.

Mme Fletcher (Raquel) : Last night, this story made national headlines across the country. Are you concerned about the reputation of Québec and how this is reflecting on the province of Québec?

M. Lisée : You know, these cases pop up everywhere, and I think we're just part of the world, we have the same debates as others have and we're trying to deal with them as best we can. I think the track record that we have in Québec is that, when we have a problem like corruption, we act on it, and then we bring forward some of the best legislations in the world. And that's how we want to handle this case as well. Thank you.

(Fin à 12 h 19)